Cet opus de 144 pensées (multiple de 12...) est le dernier des pensées pour une saison:
Il y aura des pensées hors saisons, pour autant que la vie prête vie à l'auteur.
Non. Ce n'est pas une erreur. Il n'a pas écrit pour autant que Dieu prête vie à l'auteur. En effet, Gabriel Bittar ne croit pas en Dieu1.
Gabriel Bittar n'est pas sectaire pour autant. Il écrit ainsi:
Les religions qui s'expriment dans une langue parlée couramment deviennent, plus facilement, agressives et envahissantes. Alors qu'une langue strictement liturgique, de par son étrangeté même, mais apprivoisée et reconnue, polie par le temps, devenue traditionnelle, ouvre moins la porte à une dérive violente...
Pensée 50
De fait, l'auteur est un honnête homme:
Avant d'agir, il faut penser. Avant de penser, il faut étudier.
Pour étudier, il faut savoir raisonner. Pour raisonner, il faut avoir intégré les règles de la grammaire et de la logique. Pour réussir une telle intégration, un bagage étendu de mots et la connaissance des règles de calcul s'avèrent nécessaires.
Pensée 2
Dans ce volume une très grande place est réservée à la biologie évolutive qui est un de ses domaines de compétence. Sans doute l'a-t-il étudiée et enseignée parce qu'enfant, déjà, il vénérait la diversité des choses et des êtres qu'offrait la nature, comme il le raconte dans sa pensée 91, consacrée à La ressemblance et la dissemblance.
Ce sujet, traité dans les pensées 91 à 97, occupe un tiers du volume. Résumer ces pensées serait donc vain. Mais elles ne peuvent que susciter l'intérêt et, pour se faire une opinion, il est nécessaire d'y consacrer plus de temps qu'une simple première lecture.
À défaut d'arguments, s'il n'est pas convaincu, le lecteur ne devra pas tomber dans le travers de l'anathème, devenu obligatoire dans les mass media et au sein des réseaux sociaux:
L'art de tuer sans fatigue, sans coup férir en définitive, s'est élargi, systématisé et institutionnalisé.
Pensée 60
Alors le béotien, que je suis, se contentera de relever ici ce qui, dans ce volume, l'a interpellé, comme on dit maintenant.
Dans La combinatoire du conflit, objet de la pensée 82, l'auteur arrive par le raisonnement aux conclusions suivantes:
Si, d'un côté, les risques de conflit généralisé diminuent quand le nombre d'acteurs augmente [...]... d'un autre côté les chances de paix globale diminuent plus en termes relatifs.
Ce n'est guère encourageant, mais n'est-ce pas la confirmation que l'Histoire n'est pas finie? Comme l'auteur a de l'humour, il cite deux oeuvres de Jean-Jacques Sempé:
Rien n'est simple... et tout se complique!
Ingénieur de formation, cette phrase me parle:
La frontière entre l'ingénierie et la science est assez mouvante, mais dans les grandes lignes l'ingénierie se préoccupe de faire... et la science de comprendre.
Pensée 110
Plus loin, il donne une définition de la science irréfutable:
En épistémologie, une science, pour mériter ce nom, doit se prêter non seulement à la vérification, mais aussi à l'infirmation. C'est clair et net. Une science ne doit pas se montrer apodictique et reposer sur des énoncés impossibles à réfuter, ni être constituée d'une série d'apories, c'est-à-dire des faux problèmes, car formulés de façon à ne présenter aucune ouverture vers aucune solution.
Pensée 110
Dans la pensée 113, Le chaos déterministe et la climatologie prédictive, il démontre que celle-ci ne peut être une science:
Non pas à cause de sombres et dérisoires visées humaines, mais par une double impossibilité structurelle: le hasard et la nécessité gouvernent ensemble les changements climatiques... et la part de la nécessité elle-même reste imprévisible.
En d'autres termes, les systèmes soumis au chaos déterministe sont rapidement imprévisibles... et cette imprévisibilité ne doit pas être imputée au hasard essentiel régnant sur l'univers. Le chaos déterministe s'ajoute au chaos probabiliste.
Dans les dernières pensées, l'auteur fait preuve d'humilité et attire ma sympathie. Exemple:
Ce qui est faux ne doit pas être dit. Ce qui est vrai ne doit pas nécessairement être dit.
Par ailleurs, au-delà du vrai et du faux, certaines évocations, certaines formes de l'esprit sont tuées si on se met à les disséquer.
Il y a donc beaucoup de raisons de se taire.
Pensée 130
D'après mes parents, inquiets, je me suis tu jusqu'à mes quatre ans révolus...
Francis Richard
1 - Par exemple, à partir d'un raisonnement humain, il considère comme Incompatibles omni-présence et omni-potence, divines...
Pensées pour une saison - Automne, Gabriel Bittar, 356 pages, Éditions de l'Aire
Pensées saisonnières précédemment chroniquées:
Pensées pour une saison - Hiver (2019)