Comment confier à cet homme que c'est à cause de l'arbre? De son arbre.
Son ami, son enfance, son univers.
Son jaracanda.
Stella a été internée, à cause de son arbre. Mais qui est Stella, vingt-et-un ans? Avant de le savoir, le lecteur devra patienter. Milan, le narrateur, le lui apprendra, bien plus tard.
La mère de Milan, Venancia, est arrivée en France en 1973. Elle venait du Rwanda mais elle n'avait jamais rien voulu dire à Milan de sa famille, ni de son enfance dans son pays.
Milan a douze ans, au printemps 1994. Lui, son père Philippe, sa mère, voient des images de massacres là-bas à la télévision, qui leur apparaissent comme une fiction cathodique.
Cet été-là, il fait connaissance avec Claude, un garçon de son âge, dont un pansement recouvre le crâne. Sa mère lui présente comme son neveu. Ils deviennent comme frères.
Un jour, il n'est plus là: Claude est rentré au Rwanda. On a retrouvé des gens de sa famille vivants. Il ne pouvait pas rester avec nous, Milan, lui explique laconiquement sa mère.
En 1998, ses parents divorcent. Sa mère lui annonce qu'elle l'emmène dans son pays. Son grand-père paternel étant malade, il ne peut passer l'été en France chez ses grands-parents.
À Kigali, la capitale, Milan fait la connaissance de sa grand-mère maternelle, Mamie, et retrouve Claude, qui, maintenant, parle un français impeccable, grâce à l'école des Jésuites.
Lors de ce séjour, pendant lequel sa mère s'absente et le laisse chez Mamie, il découvre la ville avec Claude et fait avec lui des rencontres dont il se souviendra quand il reviendra.
Parmi ces rencontres, il y a Sartre, Alfred, Eusébie, une amie de sa mère, Rosalie, la grand-mère de cette amie, et Stella, la fille de celle-ci, née le 4 juillet, l'internée du prologue.
Milan revient en 2005 au Rwanda pour rédiger un mémoire sur la législation autour des génocides. Depuis la convention de 1948 jusqu'aux tribunaux populaires organisés là-bas.
Cinq ans plus tard, en 2010, Milan revient au Rwanda, cette fois après que Rosalie est décédée, pour revoir Claude, Mamie, Stella, qui a décidé de raconter toute la vie de Rosalie...
En 2015, Milan est toujours au Rwanda. Stella lui avait lu le portrait qu'elle avait fait de Rosalie. Maintenant, le 7 avril 1, il entend le récit qu'Eusébie fait dans le stade de Kigali.
En 2020, enfin, Stella est internée et le lecteur comprend pourquoi, comme il comprend pourquoi Venancia a opposé un mur de silence à son fils quand il voulait connaître sa vie...
Stella avait réalisé qu'elle avait tout perdu, y compris le paysage de [son] enfance. Milan n'était pas en quête de ses origines. Il avait cherché à comprendre le silence de sa mère...
Francis Richard
1 - Jour anniversaire du début du génocide de 1994, commis par les Hutus sur les Tutsis.
Jacaranda, Gaël Faye, 288 pages, Grasset