La semaine dernière les parlementaires suisses ont décidé que la reconduction de l’accord de libre circulation des personnes et son extension à la Roumanie et à la Bulgarie seraient réunis en un seul objet. Le Conseil national a bien bataillé un peu, mais finalement c’est la position du Conseil des Etats qui l’a emporté.
Pascal Décaillet, dans sa chronique du 13 juin (ici), sur Lausanne FM, estime que l’essentiel n’était pas de réunir ces deux accords de libre circulation des personnes en un seul objet ou de les dissocier en deux objets, mais de poursuivre la voie bilatérale : « Petit pays, la Suisse vit de ses échanges. De l’ouverture économique, elle n’a rien à craindre. Maintes fois, par le passé, elle a su affronter, à son avantage, des situations de concurrence ».
Certes. Il n’en demeure pas moins que les parlementaires suisses, par contagion sans doute, adoptent les méthodes anti-démocratiques de l’Union européenne, qui consistent à ne surtout pas donner la parole aux peuples par crainte du désaveu, et quand désaveu il y a à tenter de ne pas en tenir compte.
Finalement le peuple irlandais, qui était le seul à pouvoir s’exprimer sur le Traité de Lisbonne, a justement infligé, au nom de tous les peuples européens, un désaveu cinglant à l’ensemble des parlements européens qui avaient déjà accepté cet ersatz malhonnête de la Constitution européenne, refusée pourtant par les peuples français et néerlandais en 2005. Il a bien compris qu’il s’agissait d’une duperie et que ses libertés étaient en jeu.
L’Union européenne doit savoir que les peuples ont leur mot à dire et que leur assentiment n’est pas automatique. C’est pourquoi, contrairement à ce que pense Pascal Décaillet, il était essentiel de dissocier les deux objets relatifs à la circulation des personnes. Seul le calendrier a rendu possible que la reconduction et l’extension doivent être approuvées au même moment.
De cette coïncidence de date les parlementaires acquis à l’eurocratie ont profité pour ne pas tenir parole et confondre les objets. Il n’y a que dans les dictatures que l’on demande au peuple de donner une seule réponse à plusieurs questions, même s’il existe un lien entre elles. Quand des démocraties se livrent à de telles manigances et quand la parole est donnée à leurs peuples, ces derniers peuvent encore dire non, par principe.
Hier, les organisations faîtières de l’économie se sont toutes prononcées en faveur de ce paquet à la ficelle trop grosse. Elles ont vite fait de le faire parce qu’elles craignent qu’un refus l’an prochain ne se traduise par une remise en cause de la voie bilatérale choisie par la Suisse. Elles ont tort. L’exemple irlandais a montré que cette crainte est infondée. Il faut voir et entendre les risettes qui sont faites aujourd’hui au peuple irlandais pour l’amadouer, après qu’il a montré les dents et que les tentatives de lui faire peur ont échoué.
L’UDC se prononcera le 5 juillet prochain s’il y a lieu pour elle de lancer le référendum contre cet objet douteux. Si elle le fait, il faudra qu’elle le fasse au nom des libertés, la question de l’extension à la Roumanie et à la Bulgarie étant secondaire. Il s’agira non pas de détruire comme l’insinue fielleusement D.S. Miéville, dans son édito du Temps du 13 juin 2008, mais de montrer que c’est aux peuples d’avoir le dernier mot. L’Union européenne ne comprend que ce langage.
Francis Richard