Il est vrai que le Conseiller fédéral démissionnaire peut inspirer la compassion. Il vient de subir une opération chirurgicale. Il a pris ces derniers mois des coups de tous les côtés. Cet homme rond, au propre comme au figuré, s'est heurté à bien des angles, qui ont fini par percer sa fausse carapace de nounours notarial. Il a fait face, vaille que vaille, et son courage dans les tempêtes - qu'il a lui-même déclenchées - ne peuvent finalement que susciter la sympathie, sinon l'admiration. Sa voix, pleine de trémolos, au moment d'annoncer sa démission, ne pouvait qu'émouvoir dans les chalets. Surtout qu'il a su se donner le beau rôle en disant : "Je démissionne pour le bien de ma santé, de ma famille, de mon pays et de l'armée" (voir l'article de 24 Heures ici ). C'était beau comme l'Antique...
Le moment qu'il a choisi pour faire sa sortie est certainement le bon comme le dit 24 Heures ( ici ). Il s'en va au moment où son programme d'armement est adopté par la Commission de la politique de sécurité du Conseil national, après avoir été rejeté en assemblée plénière, à la fois par la gauche et par l'UDC, en septembre dernier - pour des raisons diamétralement opposées d'ailleurs. Il s'en va avant de se voir infliger le revers de taille, et douloureux, qu'aurait été pour lui de ne pas être élu vice-président en décembre prochain, alors qu'il a assuré la présidence de la Confédération en 2005. Il s'en va au moment où la crise financière accapare un peu moins les esprits, c'est-à-dire au moment où les esprits allaient immanquablement finir par se souvenir de lui.
Christian Levrat, le président du parti socialiste, qui n'en rate pas une, accuse aujourd'hui l'UDC d'avoir acculé Samuel Schmid à la démission à la suite d'une campagne haineuse. C'est avoir la mémoire courte. C'est non seulement oublier que la gauche s'est jointe aux critiques envers le ministre, et au rejet de sa politique d'armement. Mais encore c'est oublier que, le 12 décembre 2007, en étant l'artisan, avec d'autres, de la rupture légale de la démocratie de concordance - la non-réélection de Christoph Blocher - Christian Levrat a mis Samuel Schmid en porte-à-faux avec son propre parti, avec lequel il était déjà en délicatesse, et l'a poussé à la faute de se priver de tout soutien parlementaire et de contribuer à la création d'un parti squelettique et sans avenir, le PBD (Parti bourgeois démocratique).
L'histoire dira, le 10 décembre prochain, si les comploteurs du 12 décembre 2007 n'auront pas finalement fait perdre une année de législature à tout le monde.
Francis Richard