Il
semblerait que le fisc français - il n'y a pas de secret bancaire pour lui - ne soit en possession que des noms de personnes qui auraient fait des virements de France vers la Suisse. Ce qui
ne veut pas dire que ce soit des virements illégaux.
Le sinistre ministre français des finances, Eric Woerth [photo ci-dessus provenant de 24 Heures (ici)], en convenait
puisqu'il précisait, dans son entretien au JDD du 30 août dernier (ici), à propos des
3'000 comptes détectés en Suisse :
Une partie correspond très probablement à de l’évasion fiscale.
Ce qui implicitement signifiait que tous n'y correspondent pas.
Dans un article paru dans Le Temps aujourd'hui (ici), et relayé par Le Monde (ici), Sylvain Besson abonde
dans mon sens :
Selon nos informations, deux banques ont livré des informations sous forme de «fichiers» et de «virements», au cours d’un contrôle fiscal. L’article L.96A du «livre des procédures fiscales»
oblige en effet les banques à «communiquer à l’administration, sur sa demande, la date et le montant des sommes transférées à l’étranger […], l’identification de l’auteur du transfert et du
bénéficiaire ainsi que les références des comptes concernés en France et à l’étranger».
Il faut croire que, comme souvent, les découvertes se font partout au même moment. Le Figaro d'aujourd'hui (ici) imagine un scénario similaire, mais encore plus redoutable :
Si elle initie des virements en euro, une banque installée en Suisse doit utiliser les services d'une banque « correspondante » installée dans
la zone euro. En France par exemple. Ainsi lorsque s'effectue un virement en euros d'un compte en Suisse vers le Panama ou même d'un compte en Suisse à un autre compte en Suisse, une banque
installée en France peut être sollicitée pour compenser, en euro, le transfert. Ce qui lui permet de récupérer le nom et l'adresse du donneur d'ordre.
Quelque soit le procédé utilisé pour piéger l'évadé de
la prison fiscale française, force est de constater que les moyens, même immoraux, ne manquent pas à l'inquisition française pour parvenir à ses fins, c'est-à-dire connaître finalement
tout de chaque contribuable, à la manière de Big Brother, qui ne laissait dans le roman d'Orwell, 1984, qu'une place de plus en plus
réduite à la sphère privée de tout un chacun.
Les moyens utlisés pour traquer le fraudeur sont les mêmes que ceux employés pour
traquer les blanchisseurs d'argent ou les terroristes. Il y a même une cellule ad hoc pour ce faire : TRACFIN (ici). Ce qui permet d'amalgamer l'un aux autres. Jacques Garello dans son dernier éditorial, daté du 7 septembre
2009, remarque fort justement (ici) :
Un fraudeur est assimilé à un dealer ou à un fanatique porteur de
bombe. En réalité il protège un patrimoine privé contre le gaspillage des deniers publics.
Mais le pire n’est pas là : c’est que les contribuables qui refusent l’impôt en France ne sont pas tous – et tant s’en faut – des fraudeurs. Un autre amalgame savant consiste à mêler la
fraude, l’évasion et la fuite fiscales. La fraude fiscale est illégale (ce qui ne veut pas dire illégitime, je le rappelle). L’évasion, elle, est tout à fait légale.
En effet comme le rappelle Jacques Garello rien n'empêche un entrepreneur d'installer son entreprise sous des cieux plus cléments que ceux qui se trouvent
au-dessus de la tête des Français. Il en est de même pour un épargnant du fait qu'il n'y a plus de contrôle des changes [pour rester dans la légalité ce dernier doit seulement, en vertu
de l'article L152-1 du Code monétaire et financier déclarer tout transfert à l'étranger supérieur à 10'000 euros et déclarer ses avoirs à l'étranger]. Mais la meilleure défense contre la rapacité
fiscale française est encore de la fuir. Jacques Garello précise - il ne m'en voudra pas de le citer longuement :
Ici, ce n’est pas la « matière fiscale »,
l’assiette de l’impôt, qui part à l’étranger, c’est le contribuable lui-même. Les Français, et notamment les jeunes Français, quittent la France. Ils ne le font pas seulement comme les joueurs de
foot ou de tennis pour échapper à la traque fiscale, ils le font souvent pour des raisons bien plus profondes. Ils ne veulent pas vivre dans un pays où on demandera à leurs enfants d’éponger les
dettes publique et sociale accumulées depuis des décennies. Ils ne veulent pas vivre dans un pays où l’on taxe systématiquement l’initiative, le talent et le travail. Ils ne veulent pas vivre
dans un pays où les citoyens et les familles ont perdu tout droit à une vie privée, parce que l’Etat contrôle
les moindres faits et gestes et utilise toutes les ressources de la technique pour faire des listes, et encore des listes, et toujours des listes.
Contre la fuite fiscale, l'inquisition française ne
peut heureusement rien. A moins de rétablir les frontières, d'édifier de nouveaux murs de Berlin et d'engager des Vopos...
Francis Richard