Lundi 14 mars 2011, Doris Leuthard, conseillère fédérale à la tête du DETEC, Département de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, publie un communiqué apeuré ici.
Après avoir consulté des représentants de l'Office fédéral de l'énergie et de l'Inspection de la sécurité nucléaire, elle décide en effet "de suspendre les procédures en cours concernant les demandes d'autorisation générale pour les centrales nucléaires de remplacement".
Le samedi 19 mars 2011, devant l'assemblée des femmes de son parti, le Parti démocrate-chrétien, PDC, la ministre souligne cette fois qu'il serait difficile de sortir du nucléaire et met en garde contre "des demandes irréfléchies" ici. Elle a peut-être sur-réagi cinq jours plus tôt à l'accident nucléaire survenu au Japon... Une semaine plus tard, le samedi 26 mars 2011, devant l'assemblée du PDC, elle déclare ici [d'où provient la photo ci-dessus]:
"Les slogans faciles ne suffisent pas. Le problème est extrêmement complexe."
Hier, dimanche 27 mars 2011, Johann Schneider-Ammann, conseiller fédéral à la tête du DFE, Département fédéral de l'économie, déclare dans le Südostschweiz am Sonntag ici :
"Je ne suis pas encore arrivé à la conclusion que nous devrions renoncer à la technologie nucléaire mais je la considère avec des yeux différents."
Les deux ministres ont parfaitement raison.
Les pays qui ont fait le choix politique d'une forte proportion de nucléaire, comme la Suisse, ne l'ont pas fait pour des raisons économiques, sinon peut-être auraient-ils reculé devant les coûts qui sont élevés par rapport aux énergies fossiles pourtant en augmentation de coûts ici, ils l'ont fait, à tort ou à raison (on ne saura jamais comment se serait fait l'arbitrage entre coûts et sécurité dans des économies vraiment libres):
- pour des raisons d'indépendance énergétique (les importations d'électricité en Suisse vont s'avérer plus difficiles parce que tous les pays européens vont se trouver prochainement en déficit d'électricité et que la Suisse ne dispose pas de ressources naturelles autres qu'hydrauliques).
- pour des raisons de sécurité (l'accident exceptionnel qui s'est produit au Japon n'infirme pas ces dernières raisons : il suffit de comparer le nombre de victimes par térawatt-heure produit par l'atome et par les autres sources d'énergie telles que le charbon ou le pétrole pour en être convaincu ici).
Bonus pour les adeptes du réchauffement climatique d'origine anthropique : l'énergie nucléaire est climatiquement correcte, ce qui devrait les enchanter. Ce qui n'a pas l'air d'être le cas ...
La documentation technique publiée en août 2010 par le Forum nucléaire suisse, intitulée De l'énergie nucléaire pour la Suisse, est toujours d'actualité ici, indépendamment de son évident parti-pris pro-nucléaire.
En Suisse l'énergie nucléaire représente près de 40% de la production d'électricité, tandis que l'énergie d'origine hydraulique, qu'il s'agisse des centrales à accumulation ou des centrales au fil de l'eau, représente 55% de cette production et l'énergie d'origine thermique 5%, les énergies renouvelables moins de 1%.
Il est évident dans ces conditions - qu'on le déplore ou non - qu'il est impossible de planifier à court ou même à moyen terme la sortie du nucléaire de la Suisse en l'absence de solutions de remplacement crédibles comme le souhaitent le PS et les Verts, qui n'en sont pas à une démagogie près ici.
Ces politiciens de gauche se gardent bien de nous dire quelles seraient les conséquences sur la vie des citoyens et l'économie du pays. D'autant que les besoins en électricité augmentent chaque année, en dépit des économies d'énergie, et que le déficit d'électricité menace déjà.
Alors il faut raison garder. Il ne faut pas obligatoirement favoriser telle ou telle énergie de remplacement, qu'il s'agisse de l'énergie solaire ou de l'éolienne, qui sont également coûteuses et ne présentent pas les mêmes avantages techniques de régularité de production que le nucléaire.
Il faut, faute de mieux, en attendant que de nouvelles découvertes en matière d'énergie voient le jour, renforcer si besoin est la sécurité des centrales nucléaires qui existent ou projetées, ce qui a certainement un coût, mais moindre que de sortir du nucléaire immédiatement.
Francis Richard
L'internaute peut écouter ici sur le site de Radio Silence mon émission sur le même thème.