"Est-ce que la forte participation à ce scrutin, très supérieure à la moyenne pour les votations populaires sur tous les autres sujets, proviendrait de la plus forte mobilisation des femmes?"
Je lui ai répondu qu'il était bien difficile de répondre à une telle question.
Il y a des sites (ici) qui, sur le sujet, n'hésitent pas à répondre implicitement par l'affirmative. Je suis plus réservé, en l'absence de données précises sur le vote réel, et préfère donc me limiter à quelques indications.
Vingt jours avant le vote, Marie-Claude Martin, dans Les Quotidiennes (ici), faisait part d'un sondage du Tages-Anzeiger et du Bund paru un mois plus tôt (ici) :
"Les femmes seraient plus enclines que les hommes à voter oui (39 contre 31%) à l’initiative contre les minarets soutenue par l’UDC. Elles craignent l’installation d’un islam qui leur ferait perdre leurs droits."
Plus loin Marie-Claude Martin, dans le même article, cite le témoignage d'une militante de gauche :
"Je me sens trahie, dit Carla 74 ans qui a milité pour le droit de vote et
l'avortement. Je ne comprends pas cette complaisance face à l'intégrisme et le silence des féministes sur cette question."
Dans Le Temps d'hier
Marie-Hélène Miauton (ici) écrit à propos de
l'intelligentsia politico-médiatique, ce que j'appelle le pays légal [voir mon article Le pays réel
suisse a voté contre les minarets ]:
"Dès dimanche soir, les mêmes qui n’avaient rien vu venir ne se sont pas privés cependant d’en commenter les raisons de façon péremptoire: la peur de l’islam, le
refus de l’autre, le repli identitaire, la xénophobie… Après s’être leurrés sur l’issue du scrutin, ils auraient pu se montrer plus modestes au moment d’en interpréter le sens, aucune étude
sérieuse n’ayant été entreprise pour connaître les motivations profondes des citoyens."
Marie-Hélène Miauton est bien placée pour le dire. Elle dirige un organisme de sondage, M.I.S Trend (ici). Plus loin elle remarque
:
"C’est une manie déplorable de toujours prêter au peuple des intentions médiocres, matérialistes et immédiates, laissant accroire que les élites seules auraient la
capacité de se projeter dans l’avenir, de développer une réflexion altruiste et de comprendre les vrais enjeux."
La veille, sur Commentaires.com,
Marie Zanetti-Abbet (ici) lui répond (ici) comme en écho anticipé :
"Je ne sais pas si "le Suisse a peur", mais la Suissesse, non ! Si l'initiative
anti-minarets a été acceptée, c'est en partie grâce à la mobilisation des femmes, y compris de certaines féministes de gauche, du moins outre-Sarine. Pour beaucoup de femmes - et j'en fais partie
- voter oui à l'initiative était la seule manière de pouvoir faire passer un message: STOP à la domination masculine et à ses symboles, STOP à l'islam politique, STOP aux suppôts des Frères
Musulmans. Et de rappeler à la gauche qu'au lieu de nous bassiner avec des propos lénifiants sur le droit à la différence, elle ferait mieux de s'occuper des droits de la majorité, j'entends par
là des droits des femmes. Y compris de nos soeurs musulmanes".
Si les Suisses se révèlent plus souvent téméraires,
les Suissesses ne sont-elles pas plus souvent courageuses ?
Francis Richard
Nous en sommes au
504e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani, les deux otages suisses en Libye