"L'amour a ses raisons que la raison ne connaît point".
Ce célèbre aphorisme de Blaise Pascal, placé en exergue de la troisième partie du premier roman d'Isabelle Aeschlimann, le résume fort bien. Car ce roman traite de l'amour impossible, déraisonnable, entre un homme et une femme.
Cet amour est impossible pour plusieurs raisons et notamment parce qu'il est plus âgé qu'elle, de quinze ans, qu'il est marié et qu'elle est célibataire, qu'ils ont tous deux des scrupules.
Il y a huit ans Lola est venue de Suisse passer trois mois, comme jeune fille au pair, dans une famille d'une petite ville d'Allemagne, Offenburg.
Markus et Andrea Kaiser sont mariés depuis douze ans. Ils ont trois petits enfants, deux filles et un tout petit garçon. Un été, qui s'avérera de trop pour Lola, ils font appel à elle pour donner un coup de main à Andrea.
Markus et Lola très vite se sentent faits l'un pour l'autre, mais n'osent pas se l'avouer à eux-mêmes, ni même se l'avouer vraiment l'un à l'autre.
Ils se rapprochent, font des choses ensemble, vont même un jour jusqu'à s'embrasser, mais il ne se passe rien de plus entre eux, au cours des trois mois d'été que Lola passe chez Andrea et Markus.
Il faut dire qu'à l'époque elle a dix-sept ans et lui trente-deux et qu'ils savent pertinemment l'un comme l'autre qu'il n'est pas possible de franchir les pas suivants.
Huit ans plus tard, le hasard - mais est-ce un hasard? - les fait se rencontrer à nouveau, de manière improbable. Maintenant, il a quarante ans et elle vingt-cinq.
Markus est envoyé à Berlin pour au moins six mois par l'entreprise qui l'emploie. Il a remporté le concours lancé par Sephora, une entreprise cliente sise dans la capitale allemande.
Emilie Roche se faisait appeler Lola quand elle était adolescente. Elle s'est portée volontaire pour travailler en Allemagne dans l'établissement berlinois de ... Sephora.
Tout au long du livre, chacun de son côté, Markus comme Emilie, pense à l'histoire d'il y a huit ans qui les a unis le temps d'un été. Il semble que, pour Markus comme pour Emilie, quitter, pour l'un Offenburg, pour l'autre la Suisse, facilite cette réminiscence.
Markus laisse derrière lui sa famille, Emilie son pays. Ils larguent en quelque sorte leurs amarres et deviennent libres de
revivre leur histoire, en souvenir du moins.
Car Markus et Emilie ne vont pas se rencontrer facilement dans cette ville de trois millions d'habitants. Certes ils s'aperçoivent un jour dans un aéroport de Berlin alors que l'une retourne en Suisse et l'autre à Offenburg, mais ils se perdent et ne savent pas comment se retrouver.
En attendant que le destin les réunisse, ils vont l'un comme l'autre occuper leur solitude berlinoise avec un partenaire d'occasion, mais sans cesser de penser l'un à l'autre.
Isabelle Aeschlimann raconte l'histoire d'Emilie et de Markus et de ses multiples rebondissements - on ne vagabonde pas
impunément - en faisant connaître au lecteur leurs pensées intimes. L'auteur est à l'aise quand elle prête ces pensées à Markus et à Emilie. Elle se met en effet aussi bien à la place d'un homme
que d'une femme. Ce qui donne de l'authenticité à cette histoire d'un amour.
Cette manière de raconter a l'avantage de rendre Markus et Emilie familiers au lecteur qui se fait compatissant et soucieux de ce qui peut leur arriver. Ils lui deviennent d'autant plus sympathiques qu'ils ne sont justement pas dépourvus de scrupules et, donc, dignes d'intérêt humain.
Jusqu'au bout le lecteur se demande si les amants devront renoncer à leur amour, qui a grandi en maturité, ou s'ils pourront surmonter les obstacles qui ne manquent pas de se dresser sur leur route.
Isabelle Aeschlimann sait sonder les reins et les coeurs, sans tomber dans le pathos. Il n'y a pas une page de trop...
Francis Richard
Un été de trop, Isabelle Aeschlimann, 384 pages, Plaisir de lire
Bande annonce du livre: