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2 novembre 2017 4 02 /11 /novembre /2017 23:55
Camus - Dire Noces, avec Michel Voïta, à l'Oriental-Vevey

Dire Noces, d'Albert Camus, avec Michel Voïta, est un spectacle, soutenu par la Fondation Marcel Regamey et créé les 28 et 29 janvier de cette année au TKM, qui l'a coproduit avec le Théâtre Adélie 2. Ce soir, à 20 heures, le théâtre Oriental-Vevey le redonnait, après l'avoir mis à l'affiche les 25 et 26 février.

 

Michel Voïta est seul sur scène pendant un peu plus d'une heure. Et il dit donc des textes tirés du recueil Noces, écrits en 1936 et 1937 par Albert Camus, édités à petit nombre d'exemplaires en 1938 à Alger, puis un texte de 1940, enfin un autre de 1952, deux textes qui ne font pas partie du recueil mais en prolongent l'esprit et l'actualisent.

 

Le décor est simple: une chaise et une table. Michel Voïta est habillé d'un imperméable beige qu'il met en entrant, qu'il enlève pendant la plus grande part de son monologue et qu'il remet à la fin. Sinon il porte un élégant pantalon gris aux plis impeccables, une cravate de même couleur et une chemise blanche au col déboutonné.

 

Peut-être faut-il dire que Michel Voïta vit ces textes plutôt qu'il ne les dit, parce qu'il donne l'impression qu'Albert Camus ne les aurait pas mieux dits que lui. C'est au fond comme s'il s'identifiait vraiment à l'auteur de L'Homme révolté et faisait sienne sa philosophie de la vie, ce qui, après tout, n'est pas exclu.

 

Michel Voïta vit tellement ce qu'il dit que, par exemple, lorsqu'il parle de la mer dans laquelle Camus plonge à Tipasa, le spectateur le voit comme s'il y était, aidé dans sa visualisation de la scène par les mouvements que Voïta imprime à ses bras, tel un crawleur en train de fendre l'onde, avec bonheur:

 

Il me faut être nu et puis plonger dans la mer, encore tout parfumé des essences de la terre, laver celles-ci dans celle-là, et nouer sur ma peau l'étreinte pour laquelle soupirent lèvres à lèvres depuis si longtemps la terre et la mer. Entré dans l'eau, c'est le saisissement, la montée d'une glu froide et opaque...

 

Le même spectateur le voit tout autant quand il s'attable avec des amis dans la salle pleine d'ombre d'un petit café au bord du port:

 

Le visage mouillé de sueur, mais le corps frais dans la légère toile qui nous habille, nous étalons tous l'heureuse lassitude d'un jour de noces avec le monde.

 

On mange mal dans ce café, mais il y a beaucoup de fruits - surtout des pêches qu'on mange en y mordant, de sorte que le jus en coule sur le menton.

 

Certes les textes de Camus suffiraient amplement au spectateur pour imaginer ce qu'il lui évoque, mais les gestes unis à la parole les renforcent. Il en est ainsi du vent à Djémila, où l'acteur fait tournoyer son bras droit pour en reproduire les effets sur lui:

 

Comme le galet verni par les marées, j'étais poli par le vent, usé jusqu'à l'âme.

 

Parler du vent et du beau temps chez le jeune homme Camus n'est pas fortuit: Ce bain violent de soleil et de vent épuisait toutes mes forces de vie. Et cela se traduit chez lui par quelque chose de profond: Et je n'ai jamais senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde.

 

Le jeune homme Camus, autre exemple, s'étonne de la pauvreté de nos idées sur la mort. Lui, après avoir touché des chiens qu'il a vu mourir, peut dire: Je pense alors: fleurs, désirs de femmes, et je comprends que toute mon horreur de mourir tient dans ma jalousie de vivre.

 

Même si l'on n'adopte pas la philosophie de Camus, on ne peut rester insensible à ce qu'elle révèle de l'homme et de sa passion de vivre. Dans le dernier texte de Noces, Le désert, il éprouve une vérité dans le coeur même de sa révolte.

 

Dans les rues de Florence il a vu, un dimanche matin, des femmes, les seins libres dans des robes légères et les lèvres humides. Dans le cloître d'un couvent de franciscains, à Fiesole, il a vu des petites roses tardives. Dans les cellules des moines, il a vu leurs petites tables garnies d'une tête de mort :

 

Cette splendeur du monde, ces femmes et ces fleurs, il me semblait qu'elle était comme la justification de ces hommes. Je n'étais pas sûr qu'elle ne fût aussi celle de tous les hommes qui savent qu'un point extrême de pauvreté rejoint toujours le luxe et la richesse du monde...

 

Francis Richard

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25 février 2017 6 25 /02 /février /2017 23:55
Coeurs croisés, d'Audrey Natch, au Théâtre du Nord-Ouest, à Paris

Cet après-midi avait lieu la première de Coeurs croisés d'Audrey Natch au Théâtre du Nord-Ouest, à Paris, une pièce  à sept personnages, dont l'un demeure invisible mais qui a une voix de stentor, ce qui le rend peut-être encore plus présent qu'il ne le serait s'il se montrait vraiment sur scène.

 

Nicole (Camille Lockart) cherche un appartement pour elle et son fiancé, Dan (Christophe Hatey). Elle s'adresse à un agent immobilier, Thierry (Frédéric Morel), qui lui propose un trois pièces. Mais cet appartement est trop petit, car Dan - Nicole ne sait pas bien pourquoi - a besoin d'un bureau. Cette exigence est un sujet de dispute entre eux.

 

Dan a été expulsé de l'armée il y a quelque six mois. Une faute lourde a été commise dans son unité et comme il était le plus haut gradé présent, il a servi de fusible. Plutôt que de se mettre à chercher du travail, il passe beaucoup de temps dans un bar d'hôtel, où il discute avec le barman, Lionel (Bertrand Festas), en sirotant des doubles whiskys.

 

Charlotte (Florence Marshall) est la collaboratrice de Thierry. Confite en dévotions, elle regarde assidument une émission de chansons religieuses à la télévision. Comme elle a une âme de prosélyte, elle enregistre une cassette vidéo de cette émission pour la prêter à Thierry, qui n'est pas complètement insensible à ses charmes.

 

Lionel a perdu sa mère. Il a alors accueilli, son père, Arthur, qui les avait abandonnés sa mère et lui, quand il avait huit ans. Pendant qu'il est à son travail, il le confie à une aide à domicile. En général les aides à domicile ne reviennent pas une fois qu'elles ont eu affaire à ce vieillard lubrique, auquel Frédéric Morel prête sa voix.

 

Charlotte a une double vie. Quand elle ne travaille pas à l'agence immobilière, elle est aide à domicile et c'est en cette qualité qu'elle propose ses services à Lionel. Contrairement à toute attente, elle semble s'en sortir très bien et, au retour de son travail, Lionel trouve son père - c'est une première - dormant du sommeil du juste.

 

Gaëlle (Valérie Moinet) est la soeur de Thierry. Elle prétend sortir tous les soirs avec des amies. Un soir, Thierry regarde la cassette prêtée par Charlotte. Il a la surprise de visionner, à la suite de l'émission de chansons religieuses, un film à caractère pornographique. A ce moment-là, Gaëlle rentre. Il a tout juste le temps d'arrêter la cassette.

 

En fait, Gaëlle ne sort pas avec des amies. Inscrite sur un site de rencontres sous le pseudonyme de Sofia, elle rencontre des hommes. C'est ainsi qu'un jour elle fera la connaissance de Martin, le pseudonyme de Dan, qui s'est inscrit sur le site après avoir fait un break avec Nicole, sur les conseils de Lionel.

 

La boucle est bouclée. Il y a dès lors un lien entre tous les personnages, y compris l'invisible Arthur. Ils ont tous quelque chose à cacher, qui pourrait révéler leur misère morale et sexuelle. L'auteur de la pièce dépeint ainsi l'état de décomposition de l'époque, sans porter de jugement sur ses personnages, avec un détachement d'entomologiste.

 

Leurs coeurs à la dérive se croisent sans jamais se rencontrer. Le spectacle de leur détresse, à laquelle ils ne trouvent pas remède, est servi par des comédiens qui ont su trouver le ton juste pour représenter les travers de l'époque exprimés par le texte: ils tendent au spectateur le miroir tragique de l'humaine condition, que ce soit en privé ou en public.

 

Francis Richard

 

Mise en scène: Florence Marshall

Assistant mise en scène: Christophe Hatey

Lumières: Guillaume Tavi

Costumes: Frédéric Morel

 

Prochaines représentations:

Dimanche 26 mars 14:30

Mardi 28 mars 19:00

Mercredi 8 mars 20:45

Dimanche 12 mars 12:30

Jeudi 16 mars 20:45

Samedi 18 mars 20:45

Jeudi 23 mars 20:45

Jeudi 30 mars 20:45

Vendredi 31 mars 20:45

Dimanche 2 avril 14:30

 

Lieu:

Théâtre du Nord-Ouest

13, rue du Faubourg Montmartre

75009 Paris

Métro: Grands-Boulevards

 

Programme et réservation:

http://theatredunordouest.com/

Tél.: 01 47 70 32 75

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29 janvier 2017 7 29 /01 /janvier /2017 13:15
Mahomet, de Jean-Luc Jeener, au Théâtre du Nord-Ouest, à Paris

Le Mahomet de Voltaire est une pièce qui dénonce le fanatisme. Le titre exact est d'ailleurs Le fanatisme ou Mahomet le prophète. Rien de tel avec la pièce de Jean-Luc Jeener. C'est une pièce qui ne dénonce rien, qui expose, qui permet de comprendre, ce qui laisse le spectateur libre de penser ce qu'il veut, en gardant, ou pas, ses préjugés en matière religieuse.

 

Mahomet (Pascal Guignard-Cordelier) reçoit Petrus, un chrétien (Pierre Sourdive). Il retient captive sa femme Théodora (Samantha Sanson), qui est pour lui un butin de guerre. Petrus vient demander à Mahomet de la lui rendre. Mahomet n'accepte qu'à la condition qu'il se convertisse à l'islam. Mais Petrus ne veut pas se convertir: l'islam n'est pas sa religion.

 

Petrus propose de payer une rançon, mais Mahomet tient à ce qu'il se convertisse, parce que, certes, il veut le salut de Petrus, mais aussi parce que sa conversion en entraînerait d'autres. Selon Petrus, elle renforcerait le pouvoir de Mahomet. Selon Mahomet, elle sauverait des âmes de la géhenne. La demande de libération prend donc très vite le tour d'une dispute théologique.

 

Ce que croit l'un est qualifié de fable par l'autre. Ainsi Mahomet croit-il en un Dieu unique. Croire en un Dieu trinitaire, comme Petrus, est un blasphème. Ainsi Petrus ne croit-il pas que le Coran puisse avoir été dicté à Mahomet par Djibril, l'ange Gabriel des chrétiens. Petrus oppose au Dieu d'amour des Évangiles, le Dieu violent du Coran. C'est écritures contre écritures...

 

Pour Petrus le Coran est donc un livre de meurtre et de violence, tandis que pour Mahomet il est un livre à l'image de l'humanité. Au contraire des chrétiens qui considèrent les écritures comme oeuvres humaines, Mahomet considère le Coran comme oeuvre divine. Pour Petrus les Évangiles accomplissent l'Ancien Testament, pour Mahomet le Coran accomplit ces derniers.

 

Les religions de l'un comme de l'autre sont irréconciliables et l'apparition de Théodora, à un peu plus de la moitié de la pièce (qui dure un peu moins de deux heures), n'y change rien, au contraire. Les considérations sont tout autant irréconciliables: au consentement, qui est à la base du mariage chrétien, Mahomet oppose la volonté de Dieu, qui seul sait... et justifie tout.

 

Comment sortir d'une telle situation, qui apparaît bien inextricable? C'est là certainement la force de cette pièce de haute tenue qui ne tombe jamais dans la caricature mais qui met en avant les arguments documentés de deux visions du monde incompatibles: l'épilogue est une sortie par le haut qui permet aux trois protagonistes de demeurer eux-mêmes et de ne pas se compromettre.

 

La langue de Jean-Luc Jeener est superbe. Les acteurs incarnent avec force leurs personnages. Les spectateurs, qui les entourent dans la petite salle, vivent de manière intense leurs différends et comprennent mieux ce qui les sépare. Car il s'agit surtout de comprendre, plutôt que de convaincre ou d'être convaincu, au terme de débats qui sont de sacrés combats...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

samedi 4 février à 20 h 45

dimanche 5 février à 17 h 00

samedi 11 février à 17 h 00

dimanche 12 février à 14 h 30

samedi 18 février à 17 h 00

dimanche 19 février à 19 h 00

samedi 4 mars à 19 h00

dimanche 5 mars à 14 h 30

samedi 11 mars à 17 h 00

dimanche 12 mars à 20 h 45

dimanche 19 mars à 17 h 00

mardi 21 mars à 20 h 45

dimanche 26 mars à 14 h 30

 

Lieu:

Théâtre du Nord-Ouest

13, rue du Faubourg Montmartre

75009 Paris

Métro: Grands-Boulevards

 

Programme et réservation:

http://theatredunordouest.com/

Tél.: 01 47 70 32 75

ou

Magasins FNAC:

Tél.: 08 92 68 36 22

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24 janvier 2017 2 24 /01 /janvier /2017 23:55
La Marina, d'Anne-Frédérique Rochat, au Théâtre 2.21, à Lausanne

Ce soir a lieu la première de La Marina, pièce décapante d'Anne-Frédérique Rochat, qui fait rire pourtant, par moments, bien que le propos en soit plutôt triste et sombre, grâce au rythme du texte et à la mise en scène d'Olivier Périat, qui souligne toute la force comique des travers humains qui y sont grossis à la loupe. 

 

Le titre, comme l'affiche, évoque une résidence sur l'eau avec bateaux amarrés par des cordages à des pontons. Eh bien, la Marina serait peut-être bien plutôt une personne et non pas un piège à toutous. Peut-être. Parce que, si personne il y a, elle n'apparaît jamais, comme l'Arlésienne, mais on parle toujours d'elle.

 

On? Ce sont les quatre membres d'une famille composée de maman (Carine Barbey), de papa (Pierre Spuhler), de soeurette (Anne-Frédérique Rochat) et de frérot (Joël Maillard). L'harmonie semble y régner jusqu'à ce que, par une nuit d'orage, survienne une panne d'électricité, plongeant la maison dans le noir...

 

Dans le noir, papa et maman transportent une personne trempée dans leur chambre à coucher. C'est la Marina, dont tous les membres de la famille, hormis soeurette, vont chercher à s'attirer les bonnes grâces. Car la Marina a un don et c'est quelqu'un: elle est passée à la télévision... C'est dire l'importance qu'elle a.

 

En fait l'intrusion de la Marina dans la famille va en détruire l'harmonie de façade et servir de révélateur: papa voudrait séduire l'intruse, maman voudrait s'en occuper parce que c'est une célébrité, frérot voudrait faire la connaissance d'une femme, au sens biblique, parce qu'il a passé l'âge de faire joujou avec soeurette...

 

Chacun poursuit donc un but différent. Les conventions finissent alors par éclater, comme un vernis, ce qui se traduit par des éclats de voix. Seule soeurette aimerait bien que tout redevienne comme avant et que la Marina ne soit jamais venue chez eux. Mais elle est bien la seule à le penser et à en tirer cette conclusion:

 

Quitte à être seule, autant ne pas faire semblant.

 

La famille se disloque. Les non-dits, jusque-là gardés par devers soi, se disent. Les tempêtes succèdent aux accalmies, qui de toute façon ne sont que de courte durée. La Marina ranime les libidos, favorise la séparation de ceux qui étaient unis. Finalement ne reste que des figurines, minuscules, ridicules... et de l'écume.

 

Et le public comprend mieux dès lors l'accoutrement des personnages: tous sont chaussés de bottes pour patauger, vêtus de caleçons parce que ce qui se passe en-dessous de la ceinture prend le dessus et de sages chemises sous pulls, à l'exception de maman dont la poitrine est libre dans l'échancrure de son corsage...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

Du 25 janvier 2016 au 5 février 2016

Les mardis et vendredi à 20h30

Les mercredis, jeudis et samedis à 19h

Les dimanches à 18h

 

Adresse:

Théâtre 2.21

Rue de l'Industrie 10

1005 Lausanne

 

Réservation:

Tél.: 021 311 65 40

https://www.theatre221.ch/

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21 janvier 2017 6 21 /01 /janvier /2017 23:55
La Starteupe, de Philippe Cohen, au Théâtre Cité-Bleue, à Genève

Philippe Cohen a écrit avec La Starteupe une satire sur les entreprises qui démarrent et dont le patron et les employés parlent un franglais ridicule pour se donner un genre, dynamique. Le titre, avec son orthographe qui aurait plu à un Jacques Perret, lui, donne le ton de cette comédie innovante.

 

Les collaborateurs de Up, La Start-Up, tablettes en main, franchissent plusieurs portes (les comédiens les miment): à codes, à reconnaissance veineuse ou oculaire... Ils viennent, convoqués par leur CEO, Guy (Philippe Cohen), pour lui faire part de leurs innovations mises en oeuvre sous la direction de Lydia (Jade Amstel).

 

Philippe Cohen est accompagné de sa secrétaire, Estelle (Marie-Stéphane Fidanza), qui, inévitable cliché, est sa maîtresse , et dont il a fait sa DRH, illustrant le principe de Peter... Etienne (Gaspard Boesch) et Thibaud (Julien Opoix), vantent leurs produits qui devraient booster les ventes, grâce à une bonne com.

 

Les rapports entre collaborateurs ne sont guère amènes. Thibaud essaie toujours de tirer la couverture à lui sur le dos d'Etienne. Lydia rappelle à tous deux qui est la cheffe. Et Basile (Mirko Verdesca) est l'inévitable stagiaire à qui tout le monde refile la patate chaude en dernier ressort.

 

Chaque semaine cette fine équipe, patron inclus, participe à un séminaire de régression: il s'agit pour eux de retrouver l'enfant qui est en eux. Le gourou du stage (Gaspard Boesch) n'imagine certainement pas dans ses rêves que ce stage puisse réussir aussi bien: Guy retombe en toute petite enfance...

 

A partir de là la starteupe part complètement en vrille. Ce n'est pourtant pas le moment. En effet elle a besoin de cash pour se développer et Guy doit recevoir Miranda (Jade Amstel), qui est à la tête d'un fonds souverain asiatique, pour lui demander d'investir dans les innovations de sa boîte...

 

A ce propos les innovations de la boîte en question sont dignes du concours Lépine: un airbag intégral, un drône d'appartement, du mobilier virtuel (qu'on ne voit pas, mais dans lequel on se cogne...), une poignée de jouvence (qui, en étant tournée, étire les peaux...), un sérum d'immortalité etc.

 

Ce soir, le public rit, mais peut-être pas autant qu'il le devrait. Est-ce parce qu'il vient du froid (heureusement qu'il y a le réchauffement climatique, parce que la météo...)? Parce que le côté pantalonnade l'emporte sur les répliques? Ou parce que cette fiction est trop proche de sa réalité?

 

Dans leurs costumes conçus par Marion Schmid, les comédiens ne sont pas en cause: ils sont performants dans la mise en scène de Philippe Cohen, aidé par Arthur Arbez (qui joue aussi le rôle d'un caricatural laborantin d'Europe de l'Est), sur des musiques de Manuel Cohen et sous des lumières de David Manson.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

Du 25 janvier 2016 au 4 février 2016

Les mercredis et vendredis à 20 heures

Les jeudis et samedis à 19 heures

 

Adresse:

Théâtre Cité-Bleue

46, avenue de Miremont

1206 Genève

 

Réservation:

http://www.theatre-confiture.ch/

Philippe Cohen, Marie-Stéphane Fidanza, Jade Amstel, Julien Opoix, Gaspard Boesch, Arthur Arbez et Mirko Verdesca

Philippe Cohen, Marie-Stéphane Fidanza, Jade Amstel, Julien Opoix, Gaspard Boesch, Arthur Arbez et Mirko Verdesca

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15 janvier 2017 7 15 /01 /janvier /2017 23:55
Femmes amoureuses, de Mélanie Chappuis, au Théâtre Alchimic, à Carouge

Ce soir, a lieu la sixième représentation de Femmes amoureuses, une suite de monologues, écrits par Mélanie Chappuis, mis en scène par José Lillo, où des jeunes femmes, saisies par l'amour, passent par tous les états de leur âme et de leur corps...

 

Ces monologues sont au nombre d'une trentaine. Ils sont interprétés par cinq comédiennes. Dans l'ordre de leur apparition: Patricia Mollet-Mercier, Céline Bolomey, Alexandra TiedemannRachel Gordy et Caroline Cons.

 

Ces monologues parlent d'amour, d'aucuns avec passion, d'autres avec sensualité, ou avec dépit, ou encore avec humour. Il s'agit, par exemples:

 

- de l'amour de celle qui aimerait partir pour mieux revenir, mais qui est en fait celle qui attend

- de l'amour parenthèse de l'amour: j'aime mon enfant, j'aime mon mari, je réponds oui à l'amant

- de l'amour fantasmé de celle qui se fait aussi belle que si elle allait le voir, alors qu'ils n'ont de rendez-vous que dans sa tête

- de l'amour de celle qui est jalouse qu'il regarde une autre et qui prend des résolutions de battante: tu ne me verras plus sans mascara, je ne porterai plus mon pyjama chaud, des nuisettes en soie en veux-tu en voilà, même en hiver

- de l'amour de celle qui se réjouit qu'il soit tombé sur une femme bien: je l'aime elle de savoir le satisfaire aussi bien que moi si j'étais grande, mince, belle, douée

- de l'amour qui glisse: tu étais mon amant, mon homme, mon dieu, aujourd'hui tu es mon mari, mon chéri, mon doudou

- de l'amour qui commence par le désir d'une partie de son corps: peu importe que le propriétaire du cou ait changé au fil des années, c'est toujours ce désir-là, en premier

- de l'amour qui ne rime pas avec toujours: l'amour commence alors que l'on s'achève

- de l'amour de celle qui détend le lien avec son enfant sans le briser, pour revivre l'ivresse de la liberté d'aimer

etc.

 

Un des sommets du spectacle est peut-être quand les cinq comédiennes entonnent à l'unisson le monologue pour se sortir d'un chagrin d'amour, qui commence ainsi:

D'abord il faut le vouloir.

Ça semble idiot de préciser mais vraiment, quand on aime on préfère souffrir d'aimer que de ne plus aimer...

 

Entre chaque monologue sont joués des intermèdes musicaux - le son est de Damien Schmocker -, interrompus, comme par magie, d'un geste de la main par la comédienne du monologue qui va suivre, ce qui a pour vertu d'en mettre davantage encore le texte en valeur.

 

Les spectateurs sont répartis sur un rang dans le sens de la longueur de la salle et sur deux dans celui de la largeur. Ils sont donc quasiment tous au premier rang et ... sur scène, dans la belle tradition du Globe londonien... Et les comédiennes sont assises au milieu d'eux...

 

Dans ces monologues féminins et féministes, il est question, entre autres, de désirs qui s'exacerbent, d'illusions qui s'entretiennent, de temps qui dénoue les liens, de jalousie qui déchire les couples, de tendresse qui se substitue un court moment au désir lors de la mise à nu des corps...

 

Pour conclure, citons l'auteur, dans l'un de ses monologues savoureux, dits avec toute leur chair et tout leur esprit par cinq belles jeunes femmes animées par l'amour (qui occupe tant de place dans l'existence humaine...): après tout, seul compte le mouvement, force de vie, force de mort...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

Du 17 au 29 janvier

Mardi et vendredi à 20h30

Mercredi, jeudi, samedi et dimanche à 19h

 

Lieu:

Théâtre Alchimic

Avenue Industrielle 10

1227 Carouge

 

Réservation:

Tél.: 022 301 68 38

https://www.alchimic.ch/

Alexandra Tiedemann, Rachel Gordy, Patricia Mollet-Mercier, Caroline Cons, Céline Bolomey

Alexandra Tiedemann, Rachel Gordy, Patricia Mollet-Mercier, Caroline Cons, Céline Bolomey

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9 janvier 2017 1 09 /01 /janvier /2017 23:55
J'appelle mes frères, de Jonas Hassen Khemiri, au Poche, à Genève

Ce soir a lieu la première de J'appelle mes frères, au Poche, à Genève. C'est une pièce en onze tableaux, écrite par Jonas Hassen Khemiri, tunisien par son père, suédois par sa mère. Hormis une intro et un épilogue, elle comprend cinq scènes et quatre interludes.

 

Le présent est le temps d'après l'explosion d'une voiture, en plein centre de la ville. Amor (Julien Jacquérioz) était en boîte quand son ami Shavi (François Revaclier) a tenté de le joindre par téléphone pour le lui apprendre, en vain. Ce qui n'a pas laissé de l'inquiéter.

 

Amor appelle ses frères pour leur dire que cela va commencer, qu'il faut qu'ils se préparent à ce qui va s'ensuivre. Et la pièce, au fil des onze tableaux, est le récit de sa vie telle qu'elle était avant l'explosion, telle qu'elle est présentement et telle qu'elle sera dorénavant.

 

Amor et Shavi sont des amis. Ils sont comme des frères, ou presque. Amor était le bon élève, Shavi était celui qui prenait la vie avec légèreté. C'est pourquoi Amor, qui donnait à ses amis des surnoms d'après les éléments, l'avait surnommé Hélium...

 

Amor reçoit aussi un appel de sa cousine Ahlem (Rébecca Balestra), qui le prévient que le temps de l'épreuve approche. Elle appelle depuis leur autre patrie. Ensemble ils se remémorent le temps d'avant, quand elle était la terreur du quartier...

 

Amor se promène dans la rue. Il est suivi par un filateur (Charlotte Dumartheray) qui rapporte tous ses faits et gestes. Le seul fait d'être celui qu'il est le rend déjà suspect. Quoi qu'il fasse. Même si son comportement est tout ce qu'il y a de plus normal.

 

Amor appelle au téléphone Valéria (Céline Niddeger). Il en est toujours amoureux, alors qu'elle n'a que de l'amitié pour lui. Il est capable de tout pour elle et le lui prouve en accomplissant pour elle un acte insensé, ne croyant toujours pas qu'il ne se passera jamais rien entre eux...

 

Les scènes suivantes permettent de mieux connaître encore Amor et les tourments que lui valent d'avoir deux patries, scandinave et arabe. Les interludes, où les autres comédiens font figure de choeur antique, ponctuent l'évolution de ses états d'âme.

 

D'abord il envisage de faire profil bas, puis d'être simplement anonyme (mais pas trop), puis, au contraire, de ne pas se cacher et de défendre le droit des idiots à être des idiots, enfin d'aller jusqu'à revendiquer la voiture, les explosions...

 

En dépit de la gravité du sujet, J'appelle mes frères est une pièce pleine d'humour, où le public rit de bon coeur, à de nombreuses occasions. C'est ce qui permet subtilement de faire mieux comprendre les souffrances de l'autre, stigmatisé pour ce qu'il est et non pour ce qu'il fait...

 

J'appelle mes frères fait partie du même Sloop 3 que Les Morb(y)des. Cette fois cinq des six comédiens du collectif y jouent un ou plusieurs rôles. La mise en scène est signée par Michèle Pralong. Les quatre pièces maintenant ont été montées à bord de l'embarcation...

 

Et une intégrale, véritable prouesse artistique de la part d'un équipage de comédiens qui donne beaucoup et suscite l'enthousiasme du public, sera jouée le dimanche 29 janvier prochain, dès 15 heures, avec la dernière de J'appelle mes frères...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

 

Lieu:

POCHE/GVE

Rue du Cheval-Blanc 7, 1204 Genève

Tél.: 022 310 37 59

http://poche---gve.ch/info-billetterie_/

J'appelle mes frères, de Jonas Hassen Khemiri, au Poche, à Genève
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7 janvier 2017 6 07 /01 /janvier /2017 18:15
Akiko, au P'tit Théâtre de la Vièze, à Monthey, d'après Komako Sakaï

Cet après-midi a lieu la première d'Akiko, une création ThéâtrePro Valais au P'tit Théâtre de la Vièze, à Monthey. C'est un spectacle pour enfants, dès 4 ans, coproduit par la Cie Les Planches et les Nuages, dirigée par Sandrine Brunner, et par La Bavette, inspiré de trois albums jeunesse écrits et illustrés par la japonaise Komako Sakaï.

 

Le public est effectivement composé d'une multitude de petits bouts de chou réjouis, mais aussi de grands enfants un tantinet plus âgés, qui éprouvent un grand plaisir à retomber en petite enfance... La salle est pleine, en ce jour d'avant-rentrée de vacances de Noël et de retrouvailles valaisannes (tout le monde se connaît).

 

Qu'ils se rassurent: ceux qui auront raté le spectacle d'aujourd'hui auront deux séances de rattrapage la semaine prochaine, histoire de rester encore un peu en vacances ou en cour de récréation théâtrale: parents et grands-parents ne pourront que s'émouvoir alors de la belle réactivité de leur progéniture captivée par Akiko.

 

Akiko (Laurence Morisot) est une petite fille, qui, comme toutes les petites filles du monde, vit dans un univers merveilleux, peuplé d'animaux - un papillon, un aigle, un hérisson, une poule, un cochon, un renard ou le chat Chiro - et d'objets inanimés qui ont une âme - un pinceau, des bouteilles, une lampe de chevet ou le ballon Chou-Fleur.

 

Comme toutes les petites filles du monde, Akiko doit obéir à son papa (Damien Richard), qui lui demande de manger ses épinards et qui, à défaut, l'envoie se coucher privée de dessert, mais comblée de bisous. Comme toutes les petites filles du monde, Akiko est confrontée aux joies et aux peines de son âge, qu'exprime avec justesse la comédienne...

 

Car Laurence Morisot incarne une Akiko authentique, avec sa voix de petite fille au ton juste, ses socquettes blanches, ses souliers vernis noirs, sa robe rouge à la jupe bouffante, sa grenouillère pour faire dodo. Les enfants, petits et grands, ne peuvent que s'identifier à elle tant elle ressemble à ce qu'ils sont encore, ou ont été, jadis ou naguère.

 

Damien Richard est la voix des bruits que font les animaux, la voix des objets inanimés qui dialoguent avec Akiko, et il est un papa aimant sa petite fille, comme tous les papas du monde. Il est aussi celui qui joue brillamment de plusieurs instruments, agrémentant musicalement un spectacle bien monté, qui ne peut que ravir le public.

 

Il ne faut donc pas oublier de dire que la mise en scène est de Coline Ladetto, la scénographie d'Adrien Moretti, la lumière de Nicolas Mayoraz, les costumes de Nicole Mottet. Un tel spectacle n'est-il pas un travail d'équipe? Et les jeunes spectateurs ont leur exigence, qu'ils manifestent avec beaucoup de spontanéité...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

Mercredi 11 janvier à 15:00

Samedi 14 janvier à 11:00

 

Adresse:

P'tit Théâtre de la Vièze

Quai de la Vièze

1870 Monthey

 

Réservation:

http://www.labavette.ch/programme/spectacles/akiko.html

Akiko, au P'tit Théâtre de la Vièze, à Monthey, d'après Komako Sakaï
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8 décembre 2016 4 08 /12 /décembre /2016 23:45
Deux hommes tout nus, de Sébastien Thiéry, au Théâtre des Trois-Quarts, à Vevey

Ce soir a lieu la première de Deux hommes tout nus, de Sébastien Thiéry, au Théâtre des Trois-Quarts, à Vevey.

 

Cette pièce est qualifiée de comédie absurde sur l'affiche et le flyer de présentation parle de comédie sérieusement absurde. Le fait est que le public rit, que le fond est plus sérieux qu'il n'y paraît de prime abord, et que les situations abracadabrantes dans lesquelles se retrouvent les protagonistes sont complètement absurdes.

 

Les deux hommes de l'histoire sont avocats associés. Alain Kramer (Steve Riccard), le patron du cabinet, découvre à ses côtés, dans le canapé-lit de son salon, dans le plus simple appareil, comme il l'est lui-même, son collègue Nicolas Priou (Olivier Lambelet). Comment en sont-ils arrivés là? Telle est la question.

 

Le problème est que ni l'un ni l'autre ne se souvient de rien. Le premier mouvement d'Alain Kramer, après s'être muni d'un fusil et avoir mis en joue son collègue, est d'appeler la police pour qu'elle vienne arrêter celui qu'il considère comme un intrus, sans bien savoir d'ailleurs de quoi il pourra l'accuser.

 

Nicolas Priou convainc Alain Kramer de rappeler la police pour qu'elle ne débarque pas chez ce dernier: que pourrait-il lui dire, sinon que les apparences sont trompeuses et qu'ils ne sont pas homosexuels... Aussi Alain rappelle-t-il la police pour leur dire que son appel était une plaisanterie...

 

Tandis que les deux avocats essaient de comprendre ce qu'il leur est arrivé, la femme d'Alain, Catherine (Isabelle Marchand), ostéopathe de profession, les trouve tout nus dans son salon et leur demande des explications. Comme la situation est absurde et qu'ils ne la comprennent pas eux-mêmes, ils se croient obliger de lui mentir pour rétablir la vérité.

 

Le problème est que, si leurs mensonges ont leur cohérence, la prétendue vérité qu'ils disent est vraiment tirée par les cheveux, improbable et impossible à gober, si bien que Catherine est persuadée qu'Alain et Nicolas ont bien couché ensemble. Si elle n'en était pas convaincue, un préservatif usagé lui en apporterait la preuve matérielle...

 

A partir de là les mensonges succèdent aux mensonges et le comique naît de leur invraisemblance et du fait que cette histoire semble vraiment n'avoir aucun sens. Comme Alain n'est pas homosexuel, il tente de persuader sa femme du contraire, même si le fait qu'ils n'ont plus de relations intimes depuis longtemps ne plaide pas en sa faveur.

 

Son agenda, qu'elle lui demande de lui remettre, ne comprend que des rendez-vous avec des hommes. A la date du 16 mars, le jour anniversaire de son frère, Alain avait rendez-vous à Paris, au Petit Marguery, avec Dominique Franck, alors qu'il avait prétexté, pour ne pas venir, être en déplacement à Bordeaux.

 

Pour Catherine il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un homme. Alain prétend au contraire que Dominique Franck est une femme et sa maîtresse. Pour ajouter foi à ses dires, il demande à une escort (Giulia Crescenzi) d'en jouer le rôle, ce qui n'est facile pour elle, car, toute prostituée qu'elle est, elle ne sait pas mentir.

 

En fait Catherine ne supporte surtout pas que son mari lui mente. Après quinze ans de vie commune et avoir eu deux enfants ensemble, cela lui fait mal de découvrir que son mari, qui ne la touche plus, lui ait caché être homosexuel et ne veuille surtout pas l'admettre: on est en 2016 que diable et l'homosexualité n'est plus chose honteuse.

 

Après avoir été créée à Paris, il y a deux ans, cette création, en Suisse, est mise en scène par... un homme, Dominique Würsten, qui a su lui donner un rythme soutenu. Bien que la pièce, en quatre actes, dure deux heures, avec un entracte au milieu, on ne s'ennuie pas un instant et on rit beaucoup grâce au jeu des comédiens et à un texte enlevé.

 

Une comédie sérieusement absurde? Si fait: ne rit-on pas toujours finalement de choses sérieuses, à condition de les pousser habilement jusqu'à l'absurde. Encore faut-il que tout soit réuni pour y parvenir: un texte bien sûr, une mise en scène et des comédiens qui n'hésitent pas par leur jeu à en franchir les limites... Ce fut le cas ce soir, dénouement compris.

 

Francis Richard

 

Représentations du 8 au 23 décembre 2016:

Les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 20:00

Le samedi à 19:00

Le dimanche à 17:30

Relâche le lundi

 

Adresse:

Avenue Reller 7, 1800, Vevey

 

Réservations:

http://www.troisquarts.ch

Tél. : 021 921 75 71

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27 novembre 2016 7 27 /11 /novembre /2016 21:15
Une femme à Berlin, au Pulloff Théâtres, à Lausanne

Ce soir, j'assiste à Une femme à Berlin. Hier soir, je n'ai pas pu avoir de place pour la première. C'était complet. Ce n'est pourtant pas un spectacle réjouissant, mais plutôt un spectacle édifiant, basé sur un  document fort, un journal écrit à Berlin par une jeune femme, du 20 avril au 22 juin 1945.

 

On sait que la bataille de Berlin a opposé l'Armée Rouge aux dernières forces du Troisième Reich du 16 avril 1945 au 2 mai 1945. Le journal commence donc alors que cette bataille a commencé. Et il relate tout ce qui arrive à cette jeune femme de 36 ans, pendant et après qu'elle s'est déroulée.

 

Le décor est celui d'une cave désordonnée et poussiéreuse. La poussière provient de gravats dus aux bombardements. Un jeune homme (Marco Calamendrei), habillé en complet veston, cravate et gabardine, pénètre dans cette pièce. Il cherche ledit journal et finit par le trouver sous un fauteuil. Il commence à le lire à haute voix.

 

La jeune femme (Véronique Montel) survient. En fait ils ne se voient pas, parce qu'elle vit dans le temps où elle tient son journal et que lui vit dans le temps où il le lit et qui lui est postérieur. Le choix d'un récit à deux voix permet de le découper en un récit général et en un récit plus intime, dit par la jeune femme.

 

On sait que les troupes soviétiques se sont emparées des femmes de Berlin et qu'elles ne se sont pas gênées pour les violer et que d'aucunes de ces femmes ont accepté de livrer leurs corps pour ne pas mourir de faim... La jeune diariste n'a pas échappé à ces atteintes criminelles à son corps et à son esprit.

 

L'homme lit donc. La femme écrit tout en racontant, ou raconte. Quand elle raconte les sévices corporels qu'elle a subis, elle tourne le dos au public, qui ne peut qu'être sensible à cette posture pudique. Sinon, elle entre dans les détails de la vie quotidienne d'alors où il fallait faire preuve de débrouillardise pour survivre.

 

Il semble que ce soit la tenue de ce journal qui ait permis à cette jeune femme de tenir pendant ces deux longs mois de son existence et après. Ce journal lui a permis de prendre de la distance avec elle-même. Dédié à l'homme qu'elle aime, Gerd, dont elle n'est pas sûre qu'elle le reverra, c'est en quelque sorte son testament.

 

Eine Frau in Berlin est un document avant d'être une pièce. De le savoir ne peut pas laisser indifférent le spectateur. La réalité dépasse en effet la fiction et que la soldatesque allemande ne se soit pas mieux comportée que la russe ne change rien au caractère ignoble et criminel de tels comportements.

 

Quoi qu'il en soit, le spectateur sort bouleversé d'un tel spectacle. Le jeu des deux comédiens, la mise en scène réaliste de Séverine Bujard, le décor de Célia Zanghi, l'illustration sonore de Jérôme Baur, contribuent à lui donner l'impression de revivre ce cauchemar et, s'il ne doit retenir qu'une phrase, c'est celle-ci:

 

La somme des larmes reste constante.

 

Francis Richard

 

NB

L'identité de l'auteur de ce journal, Marta Hillers, n'a été révélée qu'il y a dix ans, soit cinq ans après sa mort. 

 

Prochaines représentations: du 29 novembre 2016 au 7 décembre 2016

Le mardi, le jeudi et le samedi à 19 heures

Le mercredi et le vendredi à 20 heures

Le dimanche à 18 heures

 

Lieu:

Pulloff Théatres

Rue de l'Industrie, 10

1005 Lausanne

 

Réservations:

http://www.pulloff.ch/reservations/

Tél.: 021 311 44 22

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24 novembre 2016 4 24 /11 /novembre /2016 23:20
Roméo et Juliette enfin à peu près..., au Théâtre Boulimie, à Lausanne

Le titre déjà peut faire peur aux amateurs de William Shakespeare: Roméo et Juliette enfin à peu près... Il peut leur faire peur encore davantage s'ils se rendent compte que la célèbre tragédie a été adaptée par deux humoristes, Frédéric Gérard et Kaya Güner. Et pas de moindres humoristes puisqu'ils sont tous deux des Dicodeurs de la RTS.

 

Quelques moments du spectacle suffiront pourtant à les rassurer. En effet, ceux qui connaissent quelque peu la pièce, reconnaîtront les principales répliques de la tragédie, reprises par les deux compères. Ils verront également que le déroulement de l'histoire est fidèle à l'original, sauf la fin, que la licence théâtrale permet de changer, pour une bonne cause.

 

L'à peu près du titre n'est pas pour autant négligeable, si l'essentiel est sauf, car les deux adaptateurs ont ajouté leurs grains de sel, transformant une histoire d'amour tragique en une histoire d'humour comique, sans pour autant trahir l'esprit du dramaturge anglais, qui, sans doute, ne désavouerait pas cet hommage somme toute affectueux.

 

Ces grains de sel, ce sont des dialogues anachroniques, qui comportent des jeux de mots laids, des contrepèteries, des références contemporaines, des morceaux de bravoure en verlan débité à toute allure. Ces grains de sel, ce sont, intercalées, des situations burlesques, des chansons et des musiques, qui viennent à propos, et qui sont vraiment à mourir de rire.

 

Il faut saluer le jeu des comédiens, qui incarnent plusieurs rôles, tambour battant, à un rythme haletant:

- Damien Naïmi, ceux d'un figurant récurant et, surtout, d'un Roméo d'une candeur adolescente

- Laurence Morisot, ceux de Florence, une reporter de radio en direct de Vérone, et, surtout, d'une Juliette très gamine de comportement

- Jean-Luc Borgeat (qui soi-disant aurait aimé jouer le rôle de Roméo, mais qui ne le peut pas parce qu'il n'est pas assez jeune), au moins ceux de Montaigu, de la nourrice, de Balthasar et de Mercutio

- Frédéric Gérard, au moins ceux de Benvolio et de Frère Jean

- Kaya Güner, ceux de Capulet, du comte Paris (représenté par une marionnette), de Frère Laurent et de Tybalt.

 

Aussi, une fois le spectacle terminé, le public, qui a beaucoup ri pendant une heure trois quarts ne peut-il qu'applaudir à tout rompre, en guise de reconnaissance envers ces comédiens et cette adaptation inédite, pour tous les instants de réel bonheur qu'ils auront vécus et qui agiront de façon rémanente sur eux le restant de la soirée.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations: du 25 novembre au 17 décembre 2016

Prolongation: du 20 décembre 2016 au 31 décembre 2016

Nouvelle prolongation: du 17 janvier au 28 janvier 2017 (mise à jour du 6 janvier 2017)

Nouvelle prolongation: du 7 février au 18 février 2017 (mise à jour du 27 janvier 2017)

Les mardis, mercredis et jeudis à 19h30

Les vendredis et samedis à 20h30

Relâche les dimanches et lundis

 

Adresse:

Théâtre Boulimie

Place Arlaud 1
1003 Lausanne – Suisse

 

Contact et réservations:

Tél.: +41 21 312 97 00

info@theatreboulimie.com

http://www.theatreboulimie.com

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21 novembre 2016 1 21 /11 /novembre /2016 23:55
Les Morb(y)des, de Sébastien David, au Poche, à Genève

Ce soir a lieu la première de Les Morb(y)des, de l'auteur canadien Sébastien David, mise en scène par Manon Krüttli. C'est la deuxième pièce du Sloop3 du théâtre genevois de la vieille ville.

 

Un  sloop? C'est, en langage marin, une sorte de voilier.

 

En l'occurrence il s'agit ici d'une embarcation légère, où l'équipage est composé de:

- trois metteurs en scène

- cinq comédiens,

- une assistante

- une équipe artistique.

 

Ces membres d'équipage montent ensemble quatre pièces (avec un maximum de deux semaines de répétition pour chacune), destinées à être présentées dans le même lieu et dans le même temps, devant le même public.

 

Les Morb(y)des a pour thème l'obésité morbide.

 

Dans le bon vieux Larousse, morbide est un adjectif qui a deux acceptions:

. Qui relève de la maladie, la caractérise ou en résulte.

. Qui a un caractère malsain, anormal.

 

(y) signifie en langage numérique un poing avec le pouce levé. C'est un symbole d'espoir et de puissance.

 

Le titre de la pièce, qui pourrait être celui d'une tragédie grecque, est donc déjà lourd de significations.

 

Le rideau se lève - si l'on peut dire, puisqu'il n'y a pas de rideau au Poche/GVE - sur un appartement en demi-sous-sol. Deux femmes obèses se disputent. Ce sont deux soeurs.

 

L'une des deux soeurs a pour nom, Stéphany (Charlotte Dumartheray), avec un y, c'est du moins ainsi qu'elle l'écrit depuis qu'elle fréquente le monde virtuel, et son ami virtuel Kevyn (François Revaclier), avec un y également.

 

L'autre des deux soeurs n'a pas de nom. Enfin elle ne s'en souvient pas elle-même. Et Stéphany ne l'appelle pas autrement que Sa Soeur (Rébecca Balestra), sauf à la fin où son nom lui revient à l'esprit.

 

C'est au fil de leurs disputes que le spectateur comprend que les deux soeurs sont obèses: si Sa Soeur est faite de rondeurs - ses formes sont amplifiées par des ballons -, Stéphany arbore à ses yeux un corps svelte et sportif.

 

En fait le corps de Sa Soeur est celui qu'on voit - elle ne se prive de rien - et le corps de Stéphany est celui dont celle-ci rêve, parce qu'elle aimerait que les autres la regardent. Pour cela elle fait du vélo d'appartement: elle ne va nulle part, mais elle y va, sans perdre de poids...

 

Les deux soeurs diffèrent aussi par le langage. Sa Soeur ne se prive pas d'employer des jurons québecois et d'avoir un franc parler populaire. Stéphany se livre à des incantations pleines de noirceur: elle est tour à tour l'univers, la nuit ou les égouts de Montréal.

 

Sa Soeur est recluse. Elle n'est pas sortie de leur demi-sous-sol depuis 13 ans. Sa seule ouverture sur l'extérieur, ce sont les émissions de télévision qu'elle regarde affalée sur son sofa: elle est entourée de ballons blancs, au milieu desquels elle s'enfonce.

 

Stéphany sort un peu, la nuit, bien que ce ne soit pas prudent - une cinquième victime d'un tueur en série a été découverte tout près de là où elle se promenait. Sinon, sa fenêtre à elle, c'est le site Morb(y)des.com et la musique kitch de Moby, avec un y...

 

Si Sa Soeur s'enfonce, elle, Stéphany, désire s'envoler.

 

Toutes deux se plaignent des odeurs, qui puent. A l'intérieur, celle de Brise du fleuve, qui sent l'indien; à l'extérieur celle qui provient de Lallemand, une usine de production de levures pour toutes sortes d'usage.

 

Kevyn, qui se trouvait pendant tout le début du spectacle côté jardin de la scène, fait son apparition, réelle. Il semble être habillé comme un scout. C'est en tout cas ainsi qu'il apparaît aux deux soeurs. Il va servir de catalyseur.

 

A un moment donné Kevyn demande à Stéphany ce qu'elle voudrait que l'on se souvienne d'elle si elle mourait:

 

Une fille disparue, c'est comme ça que j'aimerais qu'on se souvienne de moi.

 

Car il y a en Stéphany, comme en Sa Soeur, à la fois une pulsion de vie et une pulsion de mort. Stéphany dit aussi, à propos du tueur qui rôde que, s'il est capable de la tuer, il doit être tout aussi capable de lui faire l'amour, la petite mort mise sur le même plan que la grande, en somme.

 

S'il y a des moments où l'on rit - certains propos et certaines actions sont franchement burlesques -, plus sérieusement, la pièce interroge le spectateur sur les dualités dans lesquelles se débattent les protagonistes: le physique et le psychique, le réel et la fiction, la réalité et la virtualité.

 

Les Morb(y)des, pièce exigeante, a suscité ce soir un réel enthousiasme.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

Lieu:

POCHE/GVE

Rue du Cheval-Blanc 7, 1204 Genève

Tél.: 022 310 37 59

http://poche---gve.ch/info-billetterie_/

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21 octobre 2016 5 21 /10 /octobre /2016 22:55
Le mort saisit le vif, une pièce de Viviane Bonelli, d'après Henri Troyat

Ce soir a lieu à La Sacoche, à Sierre, la première d'une pièce de Viviane Bonelli, Le mort saisit le vif, adaptée du roman éponyme d'Henri Troyat, auteur que son père lui a fait connaître. Car cet auteur est, hélas, quelque peu oublié aujourd'hui, s'il eut naguère de longues heures de gloire.

 

Jacques Sorbier (Steve Riccard) est le seul des camarades de classe du docteur Georges Galard à s'être rendu à son enterrement. Sa veuve Suzanne (Viviane Bonelli) est toute heureuse de faire sa connaissance: elle se sent bien seule et son mari n'était pas spécialement tendre avec elle.

 

Jacques, touché par sa déréliction, promet de rendre visite à Suzanne régulièrement. Deux ans plus tard, ils se marient, mais Suzanne souffre du manque de reconnaissance et de moyens financiers du ménage: Jacques n'est après tout que le rédacteur en chef d'un journal pour garçonnets, Rantanplan...

 

Un an après leur mariage, alors que Jacques s'essaie vainement à écrire mais est bien conscient de ses insuffisances, Suzanne exhume le manuscrit d'un roman de son défunt mari, intitulé La colère. En dépit des fortes réticences de Jacques, elle parvient à le convaincre de s'en faire passer pour l'auteur.

 

Après l'avoir recopié entièrement de sa main et avoir fait quelques menues corrections, Jacques adresse le manuscrit de La colère aux grands éditeurs de la place. L'un d'eux, après l'avoir lu, Monsieur Prieur (Frédéric Lugon), des éditions Prieur, prend rendez-vous avec lui. Ce qui est prometteur.

 

Prieur en fait est enthousiaste: le style de Jacques est d'or et de sang. Jacques est un écrivain qui écrit avec ses tripes. Il lui garantit un tirage de 3 000 exemplaires et des droits de 10%. Sans se faire prier, Jacques signe donc le contrat que lui présente Prieur et dans lequel il s'engage à faire éditer chez lui ses trois prochains livres.

 

Quand vient le moment de présenter un deuxième livre, Jacques se révèle incapable de l'écrire dans la même veine que le premier, qui a battu tous les records de vente et qui, contre toute attente, a même obtenu le Prix Maupassant. Grâce à ça, Suzanne a pu nouer des relations mondaines et se parer de bijoux...

 

Cette inaptitude à écrire tourmente Jacques terriblement. Ce qui achève de le tourmenter, c'est ce que lui révèle une visiteuse, Nicole Domini (Carole Epiney). Celle-ci pourrait le démasquer mais c'est une belle âme qui ne cherche qu'à savoir pourquoi et comment, dans son roman, il raconte son histoire à elle.

 

Le spectateur se demande comment va se dénouer le drame de l'usurpation que vit Jacques et qui n'est pas sans conséquences sur ses relations de couple avec Suzanne. L'usurpation n'est en effet supportable que pour celles ou ceux qui sont dénués de scrupules ou qui en tirent suffisamment d'avantages pour être sans vergogne.

 

Cette pièce sur l'imposture est servie par un texte qui permet aux comédiens, mis en scène par Carlos Henriquez, de donner toute leur mesure: à Jacques et Suzanne d'être un homme et une femme qui passent de l'abattement à l'euphorie et inversement, à Prieur d'être un éditeur qui sait publier ce que le public demande, à Nicole Domini d'être la belle personne qui sait apaiser les humeurs. 

 

Celles et ceux qui n'ont pas eu la chance d'assister à cette première, vivement applaudie par le public, montée par la Compagnie el Diablo, précédée et suivie par de la musique (dont le thème musical de la pièce) interprétée par Grégory Pittet et Nicolas Fardel, ont la possibilité d'en saisir huit autres dans les deux semaines qui viennent.

 

Si ces spectateurs, amoureux du théâtre et de création, saisissent au vif l'une de ces huit opportunités, ils pourront s'en divertir, et peut-être se dire que l'imposture n'est que, poussée à l'extrême, une manière de rôle que les hommes souvent se jouent.

 

Francis Richard

 

PS

 

Le mort saisit le vif est une vieille expression juridique qui signifie que les biens d'un mort passent, sans formalité, à son vif, c'est-à-dire à son héritier vivant légitime...

 

Prochaines représentations:

 

Théâtre des Trois Quarts à Vevey (VD), avenue Reller, 7

Les 27 et 28 octobre à 20h

Le 29 octobre à 19h

Le 30 octobre à 17h30

Les 3 et 4 novembre à 20h

Le 5 novembre à 19h

Le 6 novembre à 17h30

 

Réservations:


http://www.troisquarts.ch

tél.: 021 921 75 71

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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