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9 janvier 2018 2 09 /01 /janvier /2018 23:45
Dixit Bathak

Dixit Bathak

Hier soir, c'était la première de Voiture américaine de Catherine Léger, au Poche, à Genève, une pièce qui a été créée à Montréal le 29 septembre 2015 et qui se déroule dans une ville volontairement indéfinie.

 

Les lieux sont la rue, une station d'essence, un bar, un appartement, une chambre.

 

L'époque pourrait être aujourd'hui, ou, sinon, se situer dans un futur proche, désolant. Où on manquerait de tout: de biscuits, d'enfants, d'essence, d'alcool, d'argent...

 

Les personnages respectent la parité, quatre femmes et quatre hommes:

 

. Victor (Baptiste Coustenoble) vient de tuer quelqu'un dans la rue;

 

. Madame Grignon (Jacqueline Ricciardi) est la propriétaire de la station d'essence: elle réserve celle-ci à ses taxis; elle ne veut pas en vendre à Richard (Vincent Fontannaz) qui vient d'hériter, suite à la mort de son père, d'une voiture américaine;

 

. Bathak (François Nadin) est dans le bar avec Jacot (Roberto Garieri); il attend Garance qu'il se réjouit d'épouser, mais qui est en retard;

 

. Suzanne (Céline Bolomey), la soeur de Richard, ne sort jamais de l'appartement; elle se dispute avec Victor; 

 

. Garance (Céline Nidegger) a revêtu sa robe de mariée dans la chambre; Julie (Julie Cloux), la femme de Jacot, vient la chercher pour la conduire au bar des épousailles.

 

Est bien noir cet univers dans lequel évoluent ces personnages qui ont des liens les uns avec les autres. Car les échanges qu'ils ont entre eux sont, par exemple:

 

. des rapports de force:

VICTOR. Je pourrais te violer.

MADAME GRIGNON. Non. Non, tu pourrais pas.

 

. des rapports de bêtes:

BATHAK. Ce que je veux, moi, c'est être un boeuf pis avoir une vache. Strictement biologique. Un boeuf. Une vache. Les vaches sont pas en retard.

 

. des rapports de troc sans états d'âme:

JACOT. Mais quand même tu ferais bien de t'acheter une femme. Contre une voiture. C'est bon. C'est bon pour toi.

Temps.

RICHARD. Pis la tienne, elle est comment?

 

Bref ces personnages sont déshumanisés. Comme le dit Catherine Léger dans un entretien:

Comme ils n'ont plus rien, ils cherchent à consommer l'autre. A jouir de l'autre sans être en relation avec lui.

 

Cette vision du monde, admirablement rendue par le jeu (ovationné par le public), donne le vertige, comme peut le faire le vide:

VICTOR. M'enfermer ici avec toi? Lire? Avoir peur?

SUZANNE. Pourquoi pas? On est bien, ici. C'est doux, ici.

VICTOR. C'est vide.

 

On sait heureusement, depuis Aristote, que la nature a horreur du vide... et l'auteur le sait aussi...

 

Francis Richard

 

Accès:

POCHE /GVE /Théâtre Vieille-Ville
Rue du Cheval-Blanc 7
1204 Genève

 

Réservation:
billetterie@pochegve.ch
+41 22 310 37 59

 

Jeu:  Céline Bolomey, Julie Cloux, Baptiste Coustenoble, Vincent Fontannaz, Roberto Garieri, François Nadin, Céline Nidegger, Jacqueline Ricciardi

Assistanat à la mise en scène: Lucile Carré

Costumes: Paola Mulone

Son: Andrès Garcìa

Lumière: Luc Gendroz

Maquillage: Katrine Zingg

Accessoires: Stéphanie Mérat

Confection des costumes: Léa Bettenfeld

Construction du décor: Cédric Bertoud

Régie:David Kretonic

 

Prochaines représentations:
Madame Grignon, dans la station d'essence

Madame Grignon, dans la station d'essence

Julie et Victor, dans la rue

Julie et Victor, dans la rue

Bathak et Nicot, dans le bar

Bathak et Nicot, dans le bar

Suzanne et Garance, dans l'appartement

Suzanne et Garance, dans l'appartement

Madame Grignon et Victor, dans la station d'essence

Madame Grignon et Victor, dans la station d'essence

Garance et Victor

Garance et Victor

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7 décembre 2017 4 07 /12 /décembre /2017 23:30
Boire, fumer et conduire vite, de Philippe Lellouche, au Théâtre des Trois-Quarts, à Vevey

Boire, fumer et conduire vite: c'est pas bien... Et ça peut rapporter de gros ennuis... Philippe Lellouche en a fait lui-même l'expérience et il s'en donne à coeur joie dans cette pièce jubilatoire, où il dépeint les dérives liberticides de la société française.

 

Le soir de la Saint Sylvestre, Greg (Olivier Lambelet) est arrêté pour ébriété sur la voie publique; Marc (Olivier Delaloye) pour avoir fumé à la Gare de Lyon; Simon (Steve Riccard) pour avoir commis un excès de vitesse (8 km/h de trop) sur les Maréchaux.

 

L'un après l'autre ils sont littéralement jetés dans la même cellule du commissariat du 12ème arrondissement de Paris, qui, selon le Ministère de l'Intérieur, est le mieux classé de la capitale pour les résultats obtenus.

 

Une avocate, Madeleine (Stella Giuliani), est commise d'office pour les défendre. Mais elle ne peut pas faire grand chose pour eux: elle ne peut que s'assurer qu'ils n'ont pas été maltraités par les agents de la force publique.

 

Il faut dire que non seulement ils ont commis tous trois une infraction (le cas le plus grave est celui de Simon qui roulait sans permis, ayant perdu tous ses points), mais ils se sont rebellés et ont outragés les fonctionnaires de police.

 

Tous trois sont de vrais rebelles: ils refusent l'autorité, ils en ont assez de toutes les interdictions qui leur sont faites pour prétendument les protéger contre eux-mêmes et, du coup, ils ont l'injure à la bouche à l'égard des forces de l'ordre.

 

Madeleine essaie de les ramener à la raison. Peine perdue. C'est alors que s'effectue le tournant de la pièce avec la révélation qu'elle leur fait, qui leur tombe dessus comme une masse et qu'ils ont du mal à croire avant de tomber dans d'autres excès...

 

Si, à ce moment-là, les grandes questions existentielles se posent à ces trois compagnons de cellule, la pièce n'en demeure pas moins une comédie et l'hilarité est restée, ce soir, au rendez-vous, aux Trois-Quarts, pour une première en fanfare.

 

Car le spectateur, une fois le rideau tombé, ne se demande plus pourquoi ce spectacle a eu tant de succès naguère en France. Il en aura à Vevey, grâce au jeu des comédiens et à la mise en scène, qui, du texte, restituent toute la libre saveur...

 

Francis Richard

 

Mise en scène

Yan Juillerat

 

Décors

Janique Riedo Maugeri

Jacqueline Zürcher

 

Lumières et régie

Jean-Olivier Pittet

 

Représentations

Jusqu'au 23 décembre 2017

Les mardis, mercredis, jeudis et vendredis à 20h

Les samedis à 19h

Les dimanches à 17h30

 

Adresse

Théâtre des Trois-Quarts

Avenue Reller 7

1800 Vevey

 

Réservations

Tél.: 021 921 75 71

http://www.troisquarts.ch

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3 décembre 2017 7 03 /12 /décembre /2017 15:55
Le Tartuffe de Molière, au Théâtre de la Porte Saint-Martin, à Paris

- Quoi de neuf?

- Molière.

 

Guitry avait raison. Le Tartuffe, qui est joué au Théâtre de la Porte Saint-Martin jusqu'au 31 décembre, en apporte la confirmation: Molière fait toujours rire trois siècles et demi plus tard... aux dépens des imposteurs et de leurs victimes consentantes.

 

Quelques répliques apprises sur les bancs d'école prennent cependant encore plus de saveur, et sont en quelque sorte transcendées, quand elles sont dites  sur une belle scène de théâtre, avec une belle distribution, comme ce fut le cas hier soir, à Paris:

 

Orgon: Michel Bouquet

Tartuffe: Michel Fau

Madame Pernelle, mère d'Orgon: Juliette Carré

Elmire, femme d'Orgon: Nicole Calfan

Dorine: Christine Murillo

Mariane, fille d'Orgon et d'Elmire: Justine Bachelet

Cléante, beau-frère d'Orgon: Bruno Clairet

Monsieur Loyal, sergent: Georges Bécot

Damis, fils d'Orgon et Elmire: Alexandre Ruby

Valère, amant de Mariane: Aurélien Gabrielli

L'exempt / Flipote / Laurent: Dimitri Viau

 

Quand (Acte 1, scène IV) Orgon (Michel Bouquet) répète avec simplicité:  Et Tartuffe? Le pauvre homme!, il est irrésistiblement comique. Ces quelques mots se suffisent à eux-mêmes et déclenchent une franche hilarité et le vénérable acteur, toujours vert à 92 ans, sert de la sorte le texte magnifiquement, sans fard.

 

Quand (Acte 2, scène III), Dorine (Christine Murillo) dit, pour sa punition, à Mariane (Justine Bachelet), qui n'a guère opposé de résistance à la volonté de son père de lui faire épouser Tartuffe: Tartuffe est votre homme, et vous en tâterez, puis:Vous serez, ma foi, tartuffiée, ces répliques bien assenées font mouche.

 

Quand (Acte 3, scène III), Tartuffe (Michel Fau) dit, après sa déclaration galante à Elmire (Nicole Calfan), qui la trouve surprenante de la part d'un tel dévot, qui a joint des gestes à ses paroles: Ah! pour être dévot, je n'en suis pas moins homme, il montre combien sa posture dévote est une imposture et son hypocrisie fait rire.

 

Quand (Acte 4, scène VI), après que le comportement de Tartuffe a enfin ouvert les yeux d'Orgon, caché sous une table, Tartuffe sorti vérifier que lui et Elmire ne seront pas dérangés avant d'aller plus avant dans l'acte, Elmire dit à Orgon qui trouve enfin Tartuffe abominable: Quoi? vous sortez si tôt?, c'est désopilant.

 

A la fin de la pièce, le public conquis fait aux acteurs une ovation debout et les rappelle de nombreuses fois. Il n'est pourtant pas sûr qu'il ait compris que, comme le dit Michel Bouquet dans son livre sur Molière, le personnage visé par la comédie n'est pas, contrairement au titre, le Tartuffe, mais, en réalité, l'Orgon:

 

Il y a beaucoup d'Orgon aujourd'hui. Comme chez lui, leur défaut est un désir d'aveuglement, un besoin d'autorité, un rêve d'obéissance...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations

Jusqu'au 31 décembre 2017.

Du mardi au vendredi à 20h,

le samedi à 20h30,

le dimanche à 16h.

 

Réservations

 01 42 08 00 32
 
 
 Accès
 
 Théâtre de la Porte Saint-Martin
 18 boulevard Saint-Martin
 75010 Paris
 
 Bus 20/38/39/47
 Métro Métro Strasbourg Saint-Denis : lignes 4/8/9 Métro République : lignes 3/5/8/9/11
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28 novembre 2017 2 28 /11 /novembre /2017 23:45
Arlette, d'Antoinette Rychner, au Poche, à Genève

Hier soir avait lieu la première de cette pièce sans intrigue, mais intrigante.

 

L'histoire, bien qu'il n'y ait donc pas vraiment d'histoire, se passe dans les étages d'un immeuble. Encore qu'il faille le dire vite. Parce que les notions de temps et d'espace sont confuses, chaotiques.

 

L'héroïne de la pièce, c'est Arlette Biscuit, qui lui donne son titre. Arlette qui a une soeur, qui se prénomme Josette. Arlette dont la créatrice s'appelle Antoinette (Rychner). Arlette dont le père l'appelait sa belette...

 

A la dame du rez-de-chaussée, qui lui dit avoir eu une tante s'appelant comme elle, elle répond:

- Oui, ç'ont souvent des personnes pas toutes jeunes qui partagent mon prénom.

 

Si le temps ne s'écoule pas dans le sens chronologique, il passe tout de même et laisse des traces, les plus marquantes remontant à l'enfance.

 

A Ginesse, son amie d'adolescence, rencontrée dans l'escalier, elle dit que la mélancolie est entrée en elle, inopinément, sur une balançoire, entre cinq et neuf ans, puis corrige:

- La mélancolie n'est pas entrée, pas d'l'extérieur. Elle a éclos, c'est tout.

 

A sa soeur Josette, elle confie qu'elle a pris conscience de l'irrémédiable, qu'il s'est mis à exister grâce à elle, qu'elle l'a activé, qu'elle l'a fait germer trop tôt:

- T'as huit ans. Et tu m'dis: "Tu t'rends compte, c'est l'dernier jour où t'as quatre ans.

 

Un moment Josette est morte, le moment d'après Arlette lui rend visite. Arlette veut l'emmener voir leur père au plus mal, alors qu'en fait elles doivent assister ensemble à son remariage.

 

Josette dit à Arlette que la fille avec laquelle leur père se marie va la déprimer:

- D'abord elle est nett'ment plus jeune que toi. J'peux te dire qu'elle a les seins qui tiennent.


Comme Arlette est attendue en bas de l'immeuble pour se rendre au mariage de son père, le temps presse et, dans le même temps, elle s'attarde, elle recule devant ce qui paraît un obstacle.

 

Elle baise ainsi avec Dan, un homme marié; elle partage un repas avec l'ami dont elle ne se souvient pas du prénom, et avec la compagne de celui-ci, dont elle se souvient, au contraire, du sien, avec une extraordinaire netteté...

 

Le temps passe. Les masques tombent. Arlette prend conscience de plein de choses qu'elle recélait en elle, qu'elle n'osait pas se dire ou auxquelles il fallait des circonstances particulières pour qu'elles se révèlent à elle.

 

Le temps passe et il est cruel avec les femmes:

- D'ailleurs, viole-t-on encore les femmes de quarante à cinquante balais?

 

Tout cela est bien grave, et pourtant Arlette est une pièce où l'on rit beaucoup. C'est bien sûr dû au texte (écrit dans une langue inspirée de l'accent neuchâtelois), mais aussi à la mise en scène:

Pascale Güdel a veillé à ce que le langage n'enferme pas les personnages dans une classe sociale ou une région précise.

 

Du coup, le langage est plus fluide à l'oral qu'à l'écrit, mais il conserve juste ce qu'il faut pour être fortement évocateur.

 

Céline Nidegger tient le rôle d'Arlette tout du long, ses comparses, Céline Bolomey, Jacqueline Ricciardi et Vincent Fontannaz se partagent à tour de rôle les autres personnages.

 

Le texte très profond en définitive se suffit à lui-même. C'est pourquoi le jeu, se mettant au service du rire accentué par la mise en scène, ne fait qu'en souligner la gravité par contraste et permet même d'éviter de tomber dans le scabreux de certaines situations...

 

Francis Richard

 

Accès:

POCHE /GVE /Théâtre Vieille-Ville
Rue du Cheval-Blanc 7
1204 Genève

 

Réservation:
billetterie@pochegve.ch
+41 22 310 37 59

 

Jeu:  Céline Bolomey, Vincent Fontannaz, Céline Nidegger, Jacqueline Ricciardi

Assistanat à la mise en scène: Lucile Carré

Costumes: Paola Mulone

Son: Andrès Garcìa

Lumière: Luc Gendroz

Maquillage: Katrine Zingg

Accessoires: Stéphanie Mérat

Confection des costumes: Léa Bettenfeld

Construction du décor: Cédric Bertoud

Régie:David Kretonic

 

Prochaines représentations:

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2 novembre 2017 4 02 /11 /novembre /2017 23:55
Camus - Dire Noces, avec Michel Voïta, à l'Oriental-Vevey

Dire Noces, d'Albert Camus, avec Michel Voïta, est un spectacle, soutenu par la Fondation Marcel Regamey et créé les 28 et 29 janvier de cette année au TKM, qui l'a coproduit avec le Théâtre Adélie 2. Ce soir, à 20 heures, le théâtre Oriental-Vevey le redonnait, après l'avoir mis à l'affiche les 25 et 26 février.

 

Michel Voïta est seul sur scène pendant un peu plus d'une heure. Et il dit donc des textes tirés du recueil Noces, écrits en 1936 et 1937 par Albert Camus, édités à petit nombre d'exemplaires en 1938 à Alger, puis un texte de 1940, enfin un autre de 1952, deux textes qui ne font pas partie du recueil mais en prolongent l'esprit et l'actualisent.

 

Le décor est simple: une chaise et une table. Michel Voïta est habillé d'un imperméable beige qu'il met en entrant, qu'il enlève pendant la plus grande part de son monologue et qu'il remet à la fin. Sinon il porte un élégant pantalon gris aux plis impeccables, une cravate de même couleur et une chemise blanche au col déboutonné.

 

Peut-être faut-il dire que Michel Voïta vit ces textes plutôt qu'il ne les dit, parce qu'il donne l'impression qu'Albert Camus ne les aurait pas mieux dits que lui. C'est au fond comme s'il s'identifiait vraiment à l'auteur de L'Homme révolté et faisait sienne sa philosophie de la vie, ce qui, après tout, n'est pas exclu.

 

Michel Voïta vit tellement ce qu'il dit que, par exemple, lorsqu'il parle de la mer dans laquelle Camus plonge à Tipasa, le spectateur le voit comme s'il y était, aidé dans sa visualisation de la scène par les mouvements que Voïta imprime à ses bras, tel un crawleur en train de fendre l'onde, avec bonheur:

 

Il me faut être nu et puis plonger dans la mer, encore tout parfumé des essences de la terre, laver celles-ci dans celle-là, et nouer sur ma peau l'étreinte pour laquelle soupirent lèvres à lèvres depuis si longtemps la terre et la mer. Entré dans l'eau, c'est le saisissement, la montée d'une glu froide et opaque...

 

Le même spectateur le voit tout autant quand il s'attable avec des amis dans la salle pleine d'ombre d'un petit café au bord du port:

 

Le visage mouillé de sueur, mais le corps frais dans la légère toile qui nous habille, nous étalons tous l'heureuse lassitude d'un jour de noces avec le monde.

 

On mange mal dans ce café, mais il y a beaucoup de fruits - surtout des pêches qu'on mange en y mordant, de sorte que le jus en coule sur le menton.

 

Certes les textes de Camus suffiraient amplement au spectateur pour imaginer ce qu'il lui évoque, mais les gestes unis à la parole les renforcent. Il en est ainsi du vent à Djémila, où l'acteur fait tournoyer son bras droit pour en reproduire les effets sur lui:

 

Comme le galet verni par les marées, j'étais poli par le vent, usé jusqu'à l'âme.

 

Parler du vent et du beau temps chez le jeune homme Camus n'est pas fortuit: Ce bain violent de soleil et de vent épuisait toutes mes forces de vie. Et cela se traduit chez lui par quelque chose de profond: Et je n'ai jamais senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde.

 

Le jeune homme Camus, autre exemple, s'étonne de la pauvreté de nos idées sur la mort. Lui, après avoir touché des chiens qu'il a vu mourir, peut dire: Je pense alors: fleurs, désirs de femmes, et je comprends que toute mon horreur de mourir tient dans ma jalousie de vivre.

 

Même si l'on n'adopte pas la philosophie de Camus, on ne peut rester insensible à ce qu'elle révèle de l'homme et de sa passion de vivre. Dans le dernier texte de Noces, Le désert, il éprouve une vérité dans le coeur même de sa révolte.

 

Dans les rues de Florence il a vu, un dimanche matin, des femmes, les seins libres dans des robes légères et les lèvres humides. Dans le cloître d'un couvent de franciscains, à Fiesole, il a vu des petites roses tardives. Dans les cellules des moines, il a vu leurs petites tables garnies d'une tête de mort :

 

Cette splendeur du monde, ces femmes et ces fleurs, il me semblait qu'elle était comme la justification de ces hommes. Je n'étais pas sûr qu'elle ne fût aussi celle de tous les hommes qui savent qu'un point extrême de pauvreté rejoint toujours le luxe et la richesse du monde...

 

Francis Richard

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25 février 2017 6 25 /02 /février /2017 23:55
Coeurs croisés, d'Audrey Natch, au Théâtre du Nord-Ouest, à Paris

Cet après-midi avait lieu la première de Coeurs croisés d'Audrey Natch au Théâtre du Nord-Ouest, à Paris, une pièce  à sept personnages, dont l'un demeure invisible mais qui a une voix de stentor, ce qui le rend peut-être encore plus présent qu'il ne le serait s'il se montrait vraiment sur scène.

 

Nicole (Camille Lockart) cherche un appartement pour elle et son fiancé, Dan (Christophe Hatey). Elle s'adresse à un agent immobilier, Thierry (Frédéric Morel), qui lui propose un trois pièces. Mais cet appartement est trop petit, car Dan - Nicole ne sait pas bien pourquoi - a besoin d'un bureau. Cette exigence est un sujet de dispute entre eux.

 

Dan a été expulsé de l'armée il y a quelque six mois. Une faute lourde a été commise dans son unité et comme il était le plus haut gradé présent, il a servi de fusible. Plutôt que de se mettre à chercher du travail, il passe beaucoup de temps dans un bar d'hôtel, où il discute avec le barman, Lionel (Bertrand Festas), en sirotant des doubles whiskys.

 

Charlotte (Florence Marshall) est la collaboratrice de Thierry. Confite en dévotions, elle regarde assidument une émission de chansons religieuses à la télévision. Comme elle a une âme de prosélyte, elle enregistre une cassette vidéo de cette émission pour la prêter à Thierry, qui n'est pas complètement insensible à ses charmes.

 

Lionel a perdu sa mère. Il a alors accueilli, son père, Arthur, qui les avait abandonnés sa mère et lui, quand il avait huit ans. Pendant qu'il est à son travail, il le confie à une aide à domicile. En général les aides à domicile ne reviennent pas une fois qu'elles ont eu affaire à ce vieillard lubrique, auquel Frédéric Morel prête sa voix.

 

Charlotte a une double vie. Quand elle ne travaille pas à l'agence immobilière, elle est aide à domicile et c'est en cette qualité qu'elle propose ses services à Lionel. Contrairement à toute attente, elle semble s'en sortir très bien et, au retour de son travail, Lionel trouve son père - c'est une première - dormant du sommeil du juste.

 

Gaëlle (Valérie Moinet) est la soeur de Thierry. Elle prétend sortir tous les soirs avec des amies. Un soir, Thierry regarde la cassette prêtée par Charlotte. Il a la surprise de visionner, à la suite de l'émission de chansons religieuses, un film à caractère pornographique. A ce moment-là, Gaëlle rentre. Il a tout juste le temps d'arrêter la cassette.

 

En fait, Gaëlle ne sort pas avec des amies. Inscrite sur un site de rencontres sous le pseudonyme de Sofia, elle rencontre des hommes. C'est ainsi qu'un jour elle fera la connaissance de Martin, le pseudonyme de Dan, qui s'est inscrit sur le site après avoir fait un break avec Nicole, sur les conseils de Lionel.

 

La boucle est bouclée. Il y a dès lors un lien entre tous les personnages, y compris l'invisible Arthur. Ils ont tous quelque chose à cacher, qui pourrait révéler leur misère morale et sexuelle. L'auteur de la pièce dépeint ainsi l'état de décomposition de l'époque, sans porter de jugement sur ses personnages, avec un détachement d'entomologiste.

 

Leurs coeurs à la dérive se croisent sans jamais se rencontrer. Le spectacle de leur détresse, à laquelle ils ne trouvent pas remède, est servi par des comédiens qui ont su trouver le ton juste pour représenter les travers de l'époque exprimés par le texte: ils tendent au spectateur le miroir tragique de l'humaine condition, que ce soit en privé ou en public.

 

Francis Richard

 

Mise en scène: Florence Marshall

Assistant mise en scène: Christophe Hatey

Lumières: Guillaume Tavi

Costumes: Frédéric Morel

 

Prochaines représentations:

Dimanche 26 mars 14:30

Mardi 28 mars 19:00

Mercredi 8 mars 20:45

Dimanche 12 mars 12:30

Jeudi 16 mars 20:45

Samedi 18 mars 20:45

Jeudi 23 mars 20:45

Jeudi 30 mars 20:45

Vendredi 31 mars 20:45

Dimanche 2 avril 14:30

 

Lieu:

Théâtre du Nord-Ouest

13, rue du Faubourg Montmartre

75009 Paris

Métro: Grands-Boulevards

 

Programme et réservation:

http://theatredunordouest.com/

Tél.: 01 47 70 32 75

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29 janvier 2017 7 29 /01 /janvier /2017 13:15
Mahomet, de Jean-Luc Jeener, au Théâtre du Nord-Ouest, à Paris

Le Mahomet de Voltaire est une pièce qui dénonce le fanatisme. Le titre exact est d'ailleurs Le fanatisme ou Mahomet le prophète. Rien de tel avec la pièce de Jean-Luc Jeener. C'est une pièce qui ne dénonce rien, qui expose, qui permet de comprendre, ce qui laisse le spectateur libre de penser ce qu'il veut, en gardant, ou pas, ses préjugés en matière religieuse.

 

Mahomet (Pascal Guignard-Cordelier) reçoit Petrus, un chrétien (Pierre Sourdive). Il retient captive sa femme Théodora (Samantha Sanson), qui est pour lui un butin de guerre. Petrus vient demander à Mahomet de la lui rendre. Mahomet n'accepte qu'à la condition qu'il se convertisse à l'islam. Mais Petrus ne veut pas se convertir: l'islam n'est pas sa religion.

 

Petrus propose de payer une rançon, mais Mahomet tient à ce qu'il se convertisse, parce que, certes, il veut le salut de Petrus, mais aussi parce que sa conversion en entraînerait d'autres. Selon Petrus, elle renforcerait le pouvoir de Mahomet. Selon Mahomet, elle sauverait des âmes de la géhenne. La demande de libération prend donc très vite le tour d'une dispute théologique.

 

Ce que croit l'un est qualifié de fable par l'autre. Ainsi Mahomet croit-il en un Dieu unique. Croire en un Dieu trinitaire, comme Petrus, est un blasphème. Ainsi Petrus ne croit-il pas que le Coran puisse avoir été dicté à Mahomet par Djibril, l'ange Gabriel des chrétiens. Petrus oppose au Dieu d'amour des Évangiles, le Dieu violent du Coran. C'est écritures contre écritures...

 

Pour Petrus le Coran est donc un livre de meurtre et de violence, tandis que pour Mahomet il est un livre à l'image de l'humanité. Au contraire des chrétiens qui considèrent les écritures comme oeuvres humaines, Mahomet considère le Coran comme oeuvre divine. Pour Petrus les Évangiles accomplissent l'Ancien Testament, pour Mahomet le Coran accomplit ces derniers.

 

Les religions de l'un comme de l'autre sont irréconciliables et l'apparition de Théodora, à un peu plus de la moitié de la pièce (qui dure un peu moins de deux heures), n'y change rien, au contraire. Les considérations sont tout autant irréconciliables: au consentement, qui est à la base du mariage chrétien, Mahomet oppose la volonté de Dieu, qui seul sait... et justifie tout.

 

Comment sortir d'une telle situation, qui apparaît bien inextricable? C'est là certainement la force de cette pièce de haute tenue qui ne tombe jamais dans la caricature mais qui met en avant les arguments documentés de deux visions du monde incompatibles: l'épilogue est une sortie par le haut qui permet aux trois protagonistes de demeurer eux-mêmes et de ne pas se compromettre.

 

La langue de Jean-Luc Jeener est superbe. Les acteurs incarnent avec force leurs personnages. Les spectateurs, qui les entourent dans la petite salle, vivent de manière intense leurs différends et comprennent mieux ce qui les sépare. Car il s'agit surtout de comprendre, plutôt que de convaincre ou d'être convaincu, au terme de débats qui sont de sacrés combats...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

samedi 4 février à 20 h 45

dimanche 5 février à 17 h 00

samedi 11 février à 17 h 00

dimanche 12 février à 14 h 30

samedi 18 février à 17 h 00

dimanche 19 février à 19 h 00

samedi 4 mars à 19 h00

dimanche 5 mars à 14 h 30

samedi 11 mars à 17 h 00

dimanche 12 mars à 20 h 45

dimanche 19 mars à 17 h 00

mardi 21 mars à 20 h 45

dimanche 26 mars à 14 h 30

 

Lieu:

Théâtre du Nord-Ouest

13, rue du Faubourg Montmartre

75009 Paris

Métro: Grands-Boulevards

 

Programme et réservation:

http://theatredunordouest.com/

Tél.: 01 47 70 32 75

ou

Magasins FNAC:

Tél.: 08 92 68 36 22

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24 janvier 2017 2 24 /01 /janvier /2017 23:55
La Marina, d'Anne-Frédérique Rochat, au Théâtre 2.21, à Lausanne

Ce soir a lieu la première de La Marina, pièce décapante d'Anne-Frédérique Rochat, qui fait rire pourtant, par moments, bien que le propos en soit plutôt triste et sombre, grâce au rythme du texte et à la mise en scène d'Olivier Périat, qui souligne toute la force comique des travers humains qui y sont grossis à la loupe. 

 

Le titre, comme l'affiche, évoque une résidence sur l'eau avec bateaux amarrés par des cordages à des pontons. Eh bien, la Marina serait peut-être bien plutôt une personne et non pas un piège à toutous. Peut-être. Parce que, si personne il y a, elle n'apparaît jamais, comme l'Arlésienne, mais on parle toujours d'elle.

 

On? Ce sont les quatre membres d'une famille composée de maman (Carine Barbey), de papa (Pierre Spuhler), de soeurette (Anne-Frédérique Rochat) et de frérot (Joël Maillard). L'harmonie semble y régner jusqu'à ce que, par une nuit d'orage, survienne une panne d'électricité, plongeant la maison dans le noir...

 

Dans le noir, papa et maman transportent une personne trempée dans leur chambre à coucher. C'est la Marina, dont tous les membres de la famille, hormis soeurette, vont chercher à s'attirer les bonnes grâces. Car la Marina a un don et c'est quelqu'un: elle est passée à la télévision... C'est dire l'importance qu'elle a.

 

En fait l'intrusion de la Marina dans la famille va en détruire l'harmonie de façade et servir de révélateur: papa voudrait séduire l'intruse, maman voudrait s'en occuper parce que c'est une célébrité, frérot voudrait faire la connaissance d'une femme, au sens biblique, parce qu'il a passé l'âge de faire joujou avec soeurette...

 

Chacun poursuit donc un but différent. Les conventions finissent alors par éclater, comme un vernis, ce qui se traduit par des éclats de voix. Seule soeurette aimerait bien que tout redevienne comme avant et que la Marina ne soit jamais venue chez eux. Mais elle est bien la seule à le penser et à en tirer cette conclusion:

 

Quitte à être seule, autant ne pas faire semblant.

 

La famille se disloque. Les non-dits, jusque-là gardés par devers soi, se disent. Les tempêtes succèdent aux accalmies, qui de toute façon ne sont que de courte durée. La Marina ranime les libidos, favorise la séparation de ceux qui étaient unis. Finalement ne reste que des figurines, minuscules, ridicules... et de l'écume.

 

Et le public comprend mieux dès lors l'accoutrement des personnages: tous sont chaussés de bottes pour patauger, vêtus de caleçons parce que ce qui se passe en-dessous de la ceinture prend le dessus et de sages chemises sous pulls, à l'exception de maman dont la poitrine est libre dans l'échancrure de son corsage...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

Du 25 janvier 2016 au 5 février 2016

Les mardis et vendredi à 20h30

Les mercredis, jeudis et samedis à 19h

Les dimanches à 18h

 

Adresse:

Théâtre 2.21

Rue de l'Industrie 10

1005 Lausanne

 

Réservation:

Tél.: 021 311 65 40

https://www.theatre221.ch/

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21 janvier 2017 6 21 /01 /janvier /2017 23:55
La Starteupe, de Philippe Cohen, au Théâtre Cité-Bleue, à Genève

Philippe Cohen a écrit avec La Starteupe une satire sur les entreprises qui démarrent et dont le patron et les employés parlent un franglais ridicule pour se donner un genre, dynamique. Le titre, avec son orthographe qui aurait plu à un Jacques Perret, lui, donne le ton de cette comédie innovante.

 

Les collaborateurs de Up, La Start-Up, tablettes en main, franchissent plusieurs portes (les comédiens les miment): à codes, à reconnaissance veineuse ou oculaire... Ils viennent, convoqués par leur CEO, Guy (Philippe Cohen), pour lui faire part de leurs innovations mises en oeuvre sous la direction de Lydia (Jade Amstel).

 

Philippe Cohen est accompagné de sa secrétaire, Estelle (Marie-Stéphane Fidanza), qui, inévitable cliché, est sa maîtresse , et dont il a fait sa DRH, illustrant le principe de Peter... Etienne (Gaspard Boesch) et Thibaud (Julien Opoix), vantent leurs produits qui devraient booster les ventes, grâce à une bonne com.

 

Les rapports entre collaborateurs ne sont guère amènes. Thibaud essaie toujours de tirer la couverture à lui sur le dos d'Etienne. Lydia rappelle à tous deux qui est la cheffe. Et Basile (Mirko Verdesca) est l'inévitable stagiaire à qui tout le monde refile la patate chaude en dernier ressort.

 

Chaque semaine cette fine équipe, patron inclus, participe à un séminaire de régression: il s'agit pour eux de retrouver l'enfant qui est en eux. Le gourou du stage (Gaspard Boesch) n'imagine certainement pas dans ses rêves que ce stage puisse réussir aussi bien: Guy retombe en toute petite enfance...

 

A partir de là la starteupe part complètement en vrille. Ce n'est pourtant pas le moment. En effet elle a besoin de cash pour se développer et Guy doit recevoir Miranda (Jade Amstel), qui est à la tête d'un fonds souverain asiatique, pour lui demander d'investir dans les innovations de sa boîte...

 

A ce propos les innovations de la boîte en question sont dignes du concours Lépine: un airbag intégral, un drône d'appartement, du mobilier virtuel (qu'on ne voit pas, mais dans lequel on se cogne...), une poignée de jouvence (qui, en étant tournée, étire les peaux...), un sérum d'immortalité etc.

 

Ce soir, le public rit, mais peut-être pas autant qu'il le devrait. Est-ce parce qu'il vient du froid (heureusement qu'il y a le réchauffement climatique, parce que la météo...)? Parce que le côté pantalonnade l'emporte sur les répliques? Ou parce que cette fiction est trop proche de sa réalité?

 

Dans leurs costumes conçus par Marion Schmid, les comédiens ne sont pas en cause: ils sont performants dans la mise en scène de Philippe Cohen, aidé par Arthur Arbez (qui joue aussi le rôle d'un caricatural laborantin d'Europe de l'Est), sur des musiques de Manuel Cohen et sous des lumières de David Manson.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

Du 25 janvier 2016 au 4 février 2016

Les mercredis et vendredis à 20 heures

Les jeudis et samedis à 19 heures

 

Adresse:

Théâtre Cité-Bleue

46, avenue de Miremont

1206 Genève

 

Réservation:

http://www.theatre-confiture.ch/

Philippe Cohen, Marie-Stéphane Fidanza, Jade Amstel, Julien Opoix, Gaspard Boesch, Arthur Arbez et Mirko Verdesca

Philippe Cohen, Marie-Stéphane Fidanza, Jade Amstel, Julien Opoix, Gaspard Boesch, Arthur Arbez et Mirko Verdesca

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15 janvier 2017 7 15 /01 /janvier /2017 23:55
Femmes amoureuses, de Mélanie Chappuis, au Théâtre Alchimic, à Carouge

Ce soir, a lieu la sixième représentation de Femmes amoureuses, une suite de monologues, écrits par Mélanie Chappuis, mis en scène par José Lillo, où des jeunes femmes, saisies par l'amour, passent par tous les états de leur âme et de leur corps...

 

Ces monologues sont au nombre d'une trentaine. Ils sont interprétés par cinq comédiennes. Dans l'ordre de leur apparition: Patricia Mollet-Mercier, Céline Bolomey, Alexandra TiedemannRachel Gordy et Caroline Cons.

 

Ces monologues parlent d'amour, d'aucuns avec passion, d'autres avec sensualité, ou avec dépit, ou encore avec humour. Il s'agit, par exemples:

 

- de l'amour de celle qui aimerait partir pour mieux revenir, mais qui est en fait celle qui attend

- de l'amour parenthèse de l'amour: j'aime mon enfant, j'aime mon mari, je réponds oui à l'amant

- de l'amour fantasmé de celle qui se fait aussi belle que si elle allait le voir, alors qu'ils n'ont de rendez-vous que dans sa tête

- de l'amour de celle qui est jalouse qu'il regarde une autre et qui prend des résolutions de battante: tu ne me verras plus sans mascara, je ne porterai plus mon pyjama chaud, des nuisettes en soie en veux-tu en voilà, même en hiver

- de l'amour de celle qui se réjouit qu'il soit tombé sur une femme bien: je l'aime elle de savoir le satisfaire aussi bien que moi si j'étais grande, mince, belle, douée

- de l'amour qui glisse: tu étais mon amant, mon homme, mon dieu, aujourd'hui tu es mon mari, mon chéri, mon doudou

- de l'amour qui commence par le désir d'une partie de son corps: peu importe que le propriétaire du cou ait changé au fil des années, c'est toujours ce désir-là, en premier

- de l'amour qui ne rime pas avec toujours: l'amour commence alors que l'on s'achève

- de l'amour de celle qui détend le lien avec son enfant sans le briser, pour revivre l'ivresse de la liberté d'aimer

etc.

 

Un des sommets du spectacle est peut-être quand les cinq comédiennes entonnent à l'unisson le monologue pour se sortir d'un chagrin d'amour, qui commence ainsi:

D'abord il faut le vouloir.

Ça semble idiot de préciser mais vraiment, quand on aime on préfère souffrir d'aimer que de ne plus aimer...

 

Entre chaque monologue sont joués des intermèdes musicaux - le son est de Damien Schmocker -, interrompus, comme par magie, d'un geste de la main par la comédienne du monologue qui va suivre, ce qui a pour vertu d'en mettre davantage encore le texte en valeur.

 

Les spectateurs sont répartis sur un rang dans le sens de la longueur de la salle et sur deux dans celui de la largeur. Ils sont donc quasiment tous au premier rang et ... sur scène, dans la belle tradition du Globe londonien... Et les comédiennes sont assises au milieu d'eux...

 

Dans ces monologues féminins et féministes, il est question, entre autres, de désirs qui s'exacerbent, d'illusions qui s'entretiennent, de temps qui dénoue les liens, de jalousie qui déchire les couples, de tendresse qui se substitue un court moment au désir lors de la mise à nu des corps...

 

Pour conclure, citons l'auteur, dans l'un de ses monologues savoureux, dits avec toute leur chair et tout leur esprit par cinq belles jeunes femmes animées par l'amour (qui occupe tant de place dans l'existence humaine...): après tout, seul compte le mouvement, force de vie, force de mort...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

Du 17 au 29 janvier

Mardi et vendredi à 20h30

Mercredi, jeudi, samedi et dimanche à 19h

 

Lieu:

Théâtre Alchimic

Avenue Industrielle 10

1227 Carouge

 

Réservation:

Tél.: 022 301 68 38

https://www.alchimic.ch/

Alexandra Tiedemann, Rachel Gordy, Patricia Mollet-Mercier, Caroline Cons, Céline Bolomey

Alexandra Tiedemann, Rachel Gordy, Patricia Mollet-Mercier, Caroline Cons, Céline Bolomey

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9 janvier 2017 1 09 /01 /janvier /2017 23:55
J'appelle mes frères, de Jonas Hassen Khemiri, au Poche, à Genève

Ce soir a lieu la première de J'appelle mes frères, au Poche, à Genève. C'est une pièce en onze tableaux, écrite par Jonas Hassen Khemiri, tunisien par son père, suédois par sa mère. Hormis une intro et un épilogue, elle comprend cinq scènes et quatre interludes.

 

Le présent est le temps d'après l'explosion d'une voiture, en plein centre de la ville. Amor (Julien Jacquérioz) était en boîte quand son ami Shavi (François Revaclier) a tenté de le joindre par téléphone pour le lui apprendre, en vain. Ce qui n'a pas laissé de l'inquiéter.

 

Amor appelle ses frères pour leur dire que cela va commencer, qu'il faut qu'ils se préparent à ce qui va s'ensuivre. Et la pièce, au fil des onze tableaux, est le récit de sa vie telle qu'elle était avant l'explosion, telle qu'elle est présentement et telle qu'elle sera dorénavant.

 

Amor et Shavi sont des amis. Ils sont comme des frères, ou presque. Amor était le bon élève, Shavi était celui qui prenait la vie avec légèreté. C'est pourquoi Amor, qui donnait à ses amis des surnoms d'après les éléments, l'avait surnommé Hélium...

 

Amor reçoit aussi un appel de sa cousine Ahlem (Rébecca Balestra), qui le prévient que le temps de l'épreuve approche. Elle appelle depuis leur autre patrie. Ensemble ils se remémorent le temps d'avant, quand elle était la terreur du quartier...

 

Amor se promène dans la rue. Il est suivi par un filateur (Charlotte Dumartheray) qui rapporte tous ses faits et gestes. Le seul fait d'être celui qu'il est le rend déjà suspect. Quoi qu'il fasse. Même si son comportement est tout ce qu'il y a de plus normal.

 

Amor appelle au téléphone Valéria (Céline Niddeger). Il en est toujours amoureux, alors qu'elle n'a que de l'amitié pour lui. Il est capable de tout pour elle et le lui prouve en accomplissant pour elle un acte insensé, ne croyant toujours pas qu'il ne se passera jamais rien entre eux...

 

Les scènes suivantes permettent de mieux connaître encore Amor et les tourments que lui valent d'avoir deux patries, scandinave et arabe. Les interludes, où les autres comédiens font figure de choeur antique, ponctuent l'évolution de ses états d'âme.

 

D'abord il envisage de faire profil bas, puis d'être simplement anonyme (mais pas trop), puis, au contraire, de ne pas se cacher et de défendre le droit des idiots à être des idiots, enfin d'aller jusqu'à revendiquer la voiture, les explosions...

 

En dépit de la gravité du sujet, J'appelle mes frères est une pièce pleine d'humour, où le public rit de bon coeur, à de nombreuses occasions. C'est ce qui permet subtilement de faire mieux comprendre les souffrances de l'autre, stigmatisé pour ce qu'il est et non pour ce qu'il fait...

 

J'appelle mes frères fait partie du même Sloop 3 que Les Morb(y)des. Cette fois cinq des six comédiens du collectif y jouent un ou plusieurs rôles. La mise en scène est signée par Michèle Pralong. Les quatre pièces maintenant ont été montées à bord de l'embarcation...

 

Et une intégrale, véritable prouesse artistique de la part d'un équipage de comédiens qui donne beaucoup et suscite l'enthousiasme du public, sera jouée le dimanche 29 janvier prochain, dès 15 heures, avec la dernière de J'appelle mes frères...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

 

Lieu:

POCHE/GVE

Rue du Cheval-Blanc 7, 1204 Genève

Tél.: 022 310 37 59

http://poche---gve.ch/info-billetterie_/

J'appelle mes frères, de Jonas Hassen Khemiri, au Poche, à Genève
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7 janvier 2017 6 07 /01 /janvier /2017 18:15
Akiko, au P'tit Théâtre de la Vièze, à Monthey, d'après Komako Sakaï

Cet après-midi a lieu la première d'Akiko, une création ThéâtrePro Valais au P'tit Théâtre de la Vièze, à Monthey. C'est un spectacle pour enfants, dès 4 ans, coproduit par la Cie Les Planches et les Nuages, dirigée par Sandrine Brunner, et par La Bavette, inspiré de trois albums jeunesse écrits et illustrés par la japonaise Komako Sakaï.

 

Le public est effectivement composé d'une multitude de petits bouts de chou réjouis, mais aussi de grands enfants un tantinet plus âgés, qui éprouvent un grand plaisir à retomber en petite enfance... La salle est pleine, en ce jour d'avant-rentrée de vacances de Noël et de retrouvailles valaisannes (tout le monde se connaît).

 

Qu'ils se rassurent: ceux qui auront raté le spectacle d'aujourd'hui auront deux séances de rattrapage la semaine prochaine, histoire de rester encore un peu en vacances ou en cour de récréation théâtrale: parents et grands-parents ne pourront que s'émouvoir alors de la belle réactivité de leur progéniture captivée par Akiko.

 

Akiko (Laurence Morisot) est une petite fille, qui, comme toutes les petites filles du monde, vit dans un univers merveilleux, peuplé d'animaux - un papillon, un aigle, un hérisson, une poule, un cochon, un renard ou le chat Chiro - et d'objets inanimés qui ont une âme - un pinceau, des bouteilles, une lampe de chevet ou le ballon Chou-Fleur.

 

Comme toutes les petites filles du monde, Akiko doit obéir à son papa (Damien Richard), qui lui demande de manger ses épinards et qui, à défaut, l'envoie se coucher privée de dessert, mais comblée de bisous. Comme toutes les petites filles du monde, Akiko est confrontée aux joies et aux peines de son âge, qu'exprime avec justesse la comédienne...

 

Car Laurence Morisot incarne une Akiko authentique, avec sa voix de petite fille au ton juste, ses socquettes blanches, ses souliers vernis noirs, sa robe rouge à la jupe bouffante, sa grenouillère pour faire dodo. Les enfants, petits et grands, ne peuvent que s'identifier à elle tant elle ressemble à ce qu'ils sont encore, ou ont été, jadis ou naguère.

 

Damien Richard est la voix des bruits que font les animaux, la voix des objets inanimés qui dialoguent avec Akiko, et il est un papa aimant sa petite fille, comme tous les papas du monde. Il est aussi celui qui joue brillamment de plusieurs instruments, agrémentant musicalement un spectacle bien monté, qui ne peut que ravir le public.

 

Il ne faut donc pas oublier de dire que la mise en scène est de Coline Ladetto, la scénographie d'Adrien Moretti, la lumière de Nicolas Mayoraz, les costumes de Nicole Mottet. Un tel spectacle n'est-il pas un travail d'équipe? Et les jeunes spectateurs ont leur exigence, qu'ils manifestent avec beaucoup de spontanéité...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

Mercredi 11 janvier à 15:00

Samedi 14 janvier à 11:00

 

Adresse:

P'tit Théâtre de la Vièze

Quai de la Vièze

1870 Monthey

 

Réservation:

http://www.labavette.ch/programme/spectacles/akiko.html

Akiko, au P'tit Théâtre de la Vièze, à Monthey, d'après Komako Sakaï
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8 décembre 2016 4 08 /12 /décembre /2016 23:45
Deux hommes tout nus, de Sébastien Thiéry, au Théâtre des Trois-Quarts, à Vevey

Ce soir a lieu la première de Deux hommes tout nus, de Sébastien Thiéry, au Théâtre des Trois-Quarts, à Vevey.

 

Cette pièce est qualifiée de comédie absurde sur l'affiche et le flyer de présentation parle de comédie sérieusement absurde. Le fait est que le public rit, que le fond est plus sérieux qu'il n'y paraît de prime abord, et que les situations abracadabrantes dans lesquelles se retrouvent les protagonistes sont complètement absurdes.

 

Les deux hommes de l'histoire sont avocats associés. Alain Kramer (Steve Riccard), le patron du cabinet, découvre à ses côtés, dans le canapé-lit de son salon, dans le plus simple appareil, comme il l'est lui-même, son collègue Nicolas Priou (Olivier Lambelet). Comment en sont-ils arrivés là? Telle est la question.

 

Le problème est que ni l'un ni l'autre ne se souvient de rien. Le premier mouvement d'Alain Kramer, après s'être muni d'un fusil et avoir mis en joue son collègue, est d'appeler la police pour qu'elle vienne arrêter celui qu'il considère comme un intrus, sans bien savoir d'ailleurs de quoi il pourra l'accuser.

 

Nicolas Priou convainc Alain Kramer de rappeler la police pour qu'elle ne débarque pas chez ce dernier: que pourrait-il lui dire, sinon que les apparences sont trompeuses et qu'ils ne sont pas homosexuels... Aussi Alain rappelle-t-il la police pour leur dire que son appel était une plaisanterie...

 

Tandis que les deux avocats essaient de comprendre ce qu'il leur est arrivé, la femme d'Alain, Catherine (Isabelle Marchand), ostéopathe de profession, les trouve tout nus dans son salon et leur demande des explications. Comme la situation est absurde et qu'ils ne la comprennent pas eux-mêmes, ils se croient obliger de lui mentir pour rétablir la vérité.

 

Le problème est que, si leurs mensonges ont leur cohérence, la prétendue vérité qu'ils disent est vraiment tirée par les cheveux, improbable et impossible à gober, si bien que Catherine est persuadée qu'Alain et Nicolas ont bien couché ensemble. Si elle n'en était pas convaincue, un préservatif usagé lui en apporterait la preuve matérielle...

 

A partir de là les mensonges succèdent aux mensonges et le comique naît de leur invraisemblance et du fait que cette histoire semble vraiment n'avoir aucun sens. Comme Alain n'est pas homosexuel, il tente de persuader sa femme du contraire, même si le fait qu'ils n'ont plus de relations intimes depuis longtemps ne plaide pas en sa faveur.

 

Son agenda, qu'elle lui demande de lui remettre, ne comprend que des rendez-vous avec des hommes. A la date du 16 mars, le jour anniversaire de son frère, Alain avait rendez-vous à Paris, au Petit Marguery, avec Dominique Franck, alors qu'il avait prétexté, pour ne pas venir, être en déplacement à Bordeaux.

 

Pour Catherine il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un homme. Alain prétend au contraire que Dominique Franck est une femme et sa maîtresse. Pour ajouter foi à ses dires, il demande à une escort (Giulia Crescenzi) d'en jouer le rôle, ce qui n'est facile pour elle, car, toute prostituée qu'elle est, elle ne sait pas mentir.

 

En fait Catherine ne supporte surtout pas que son mari lui mente. Après quinze ans de vie commune et avoir eu deux enfants ensemble, cela lui fait mal de découvrir que son mari, qui ne la touche plus, lui ait caché être homosexuel et ne veuille surtout pas l'admettre: on est en 2016 que diable et l'homosexualité n'est plus chose honteuse.

 

Après avoir été créée à Paris, il y a deux ans, cette création, en Suisse, est mise en scène par... un homme, Dominique Würsten, qui a su lui donner un rythme soutenu. Bien que la pièce, en quatre actes, dure deux heures, avec un entracte au milieu, on ne s'ennuie pas un instant et on rit beaucoup grâce au jeu des comédiens et à un texte enlevé.

 

Une comédie sérieusement absurde? Si fait: ne rit-on pas toujours finalement de choses sérieuses, à condition de les pousser habilement jusqu'à l'absurde. Encore faut-il que tout soit réuni pour y parvenir: un texte bien sûr, une mise en scène et des comédiens qui n'hésitent pas par leur jeu à en franchir les limites... Ce fut le cas ce soir, dénouement compris.

 

Francis Richard

 

Représentations du 8 au 23 décembre 2016:

Les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 20:00

Le samedi à 19:00

Le dimanche à 17:30

Relâche le lundi

 

Adresse:

Avenue Reller 7, 1800, Vevey

 

Réservations:

http://www.troisquarts.ch

Tél. : 021 921 75 71

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.

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