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14 mars 2015 6 14 /03 /mars /2015 23:55
"Le sexe de la modèle" de Rachel Monnat

Ce soir, au Café-Théâtre de la Voirie, à Pully, avait lieu la dernière du spectacle de Rachel Monnat, Le sexe de la modèle. Après avoir exhibé son corps nu à Saint-Imier, à Lausanne et donc à Pully, elle poursuivra sa tournée ce printemps à Villeneuve, à Sion et à Tramelan, et cet automne à Porrentruy.

 

J'avais un peu d'appréhension de retourner dans cette salle de Pully, après y avoir connu la grande émotion, et le magnifique cadeau de la part des comédiens, d'assister il y a quelques mois à la première d'une pièce dont j'étais le seul spectateur... Certes j'y étais retourné pour la dernière, où il y avait du public, mais l'empreinte de cette émotion demeure encore vive en moi. Ce soir, au contraire, il y avait foule. Et l'appréhension ne pouvait pas être la même.

 

S'agissant d'un spectacle où la comédienne joue entièrement dévêtue, je craignais, à tort, de me retrouver face à une pièce ennuyeuse, comme ces films d'Europe de l'Est que la chaîne Arte projetait à ses débuts, et où les acteurs philosophaient très doctement dans le plus simple appareil, ou de me retrouver face à une pièce vulgaire, avec propos salaces et assistance composée uniquement de voyeurs.

 

Rachel Monnat n'entre pas en scène nue ou enveloppée d'un peignoir. Elle n'aime d'ailleurs pas entrer en scène. Lumières éteintes, elle s'installe furtivement derrière un rideau tenu obligeamment par quelqu'un d'autre. Une fois qu'il est enlevé, on la devine qui tient la pose dans la pénombre. Et cette pose dure vingt bonnes minutes avant que le spectacle ne commence.

 

Pendant tout le temps de cette pose, Rachel Monnat observe la salle qui, bientôt, va la dévorer des yeux. Et les spectateurs, de leur côté, l'observent comme ils peuvent. Ils voient indistinctement qu'elle est allongée sur le flanc droit, ses bras cachant ses seins, son sexe disparaissant dans la fourche de ses jambes serrées. Elle ne bouge pas. Normal, une modèle est la plupart du temps immobile.

 

Le récit que fait Rachel Monnat dans cette pièce est autobiographique et, même si le spectateur ne le sait pas, il ne peut que s'en douter. Le texte écrit par la comédienne a un accent de vérité qui ne trompe pas. En tout cas son expérience de modèle nue devant des étudiants, lors de cours d'académie, devant des photographes ou devant des peintres privés, lui permet de révéler en connaissance de cause ce qui se passe dans la tête de celle qui pose.

 

Dans ce métier, car c'est un métier qui permet de gagner des sous "à ne rien faire", pour prosaïquement payer ses factures, les poses et les pauses se suivent et ne se ressemblent pas, et n'ont pas la même durée. On apprend, par exemple, que dessiner ou peindre un corps nu allongé est plus difficile qu'un corps debout, mais que dans ce cas-là la pose est plus douloureuse - on ne re-pose que sur les pieds - et plus suggestive. Pour bien faire comprendre les différentes poses, Rachel Monnat joint les gestes aux paroles.

 

S'exhiber ainsi lui procure un plaisir évident, même s'il y a toujours un peu de peur préalable à se retrouver sous les yeux d'un groupe. Mais ce plaisir est un plaisir innocent, si l'on admet comme elle qu'il n'y a rien de mal après tout à montrer les différentes parties de son anatomie. Encore que la nudité chez les êtres humains soit liée à la sexualité, aux fantasmes, surtout peut-être d'ailleurs quand le nu n'est pas intégral mais quelque peu vêtu...

 

Comme le teaser du Sexe de la modèle en apporte la démonstration, Rachel Monnat n'a pas à avoir honte de son académie qu'elle fait apparaître sous différents angles, s'interdisant seulement d'écarter les jambes, ce qu'elle n'a fait que rarement, devant des peintres privés. Ses hanches sont féminines, c'est-à-dire plus larges que sa taille, ses seins en poire, aux larges aréoles, se redressent quand elle lève les bras, ses poils pubiens en abondance dissimulent sa vulve, ce qui participe certainement davantage de son mystère que s'ils étaient rasés.

 

Ce spectacle est donc plutôt esthétique. Mais pas seulement. Les réflexions de la modèle exprimées par Rachel Monnat sont souvent ingénues, ce qui déclenche les rires: Le sexe de la modèle n'est pas triste, et, paradoxalement, l'entendre dire et chanter et le voir donnent plus volontiers matière à réflexion qu'à excitation. D'être dévêtue ne fait pas de Rachel Monnat une impudique, mais plutôt une femme sans attaches vestimentaires qui s'interroge à la fois sur la nudité de son corps en le dévoilant aux autres une heure durant et sur la liberté de son esprit qui fait sa singularité de femme.

 

Francis Richard

 

Site de Rachel Monnat : www.accrosens.com

 

Prochaines représentations en 2015:

 

Odéon à Villeneuve:

Les jeudi 26 mars, vendredi 27 mars et samedi 28 mars à 20h30

Réservations: www.theatre-odeon.ch  tél.: 021 960 22 86

 

Théâtre Alizé à Sion:

Le jeudi 16 avril à 19h00

Le vendredi 17 et samedi 18 avril à 20h15

Le dimanche 19 avril à 17h00

Réservations: www.alize-theatre.ch tél.: 079 714 23 41

 

CIP à Tramelan:

Le samedi 25 avril à 20h00

Réservations: www.cip-tramelan.ch tél.: 032 486 06 06

 

Salle des Hospitalières à Porrentruy:

Les jeudi 24 septembre, vendredi 25 septembre et samedi 26 septembre à 20h00

Réservations: tél.: 032 466 92 19

 

Teaser du Sexe de la modèle:

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5 février 2015 4 05 /02 /février /2015 23:30
"Quoi que je fasse, je proteste" au Théâtre de l'Usine, à Genève"Quoi que je fasse, je proteste" au Théâtre de l'Usine, à Genève

Si vous allez voir Quoi que je fasse, je proteste, ne vous attendez pas à voir du théâtre dans le sens classique du terme. Peut-être faudrait-il parler d'une création pour le théâtre plutôt que d'une pièce. Tout est fait pour surprendre, à commencer par le lieu. Car le TU, Théâtre de l'Usine, se situe place des Volontaires, à Genève, derrière le Bâtiment des Forces Motrices, un décor qui pourrait servir naturellement de cadre à un roman de Simenon, pourquoi pas un Maigret, surtout un soir de tempête comme ce soir, où le froid était pénétrant et n'invitait pas à la flânerie.

 

Dans le foyer, où se trouve le guichet, sur un écriteau on peut lire Tu paies avec les différents prix des billets, et sur un autre écriteau au-dessus du bar on peut lire Tu bois avec les différents tarifs des consommations. Un tutoiement qui semble de rigueur... Le public qui attend d'entrer dans la salle est d'ailleurs en majorité composé de jeunes femmes. Elles viennent voir la performance de deux autres jeunes femmes, Anne Rochat, qui a écrit le texte et qui restera muette tout du long, et Sarah Anthony, qui le dira.

 

Sur un mur du foyer, des extraits de ce texte sont projetés, en blanc sur fond noir:

Je refuse d'être toujours sur mes gardes et couverte, mal comprise et susciter la méfiance.

Le dialogue comme mule du pouvoir.

On peut et on doit continuer de parler, quoi qu'il arrive.

Etre capable de comprendre les relations que nous entretenons avec les autres.

Le Thumos quotidien de l'ultime certitude.

 

On entre dans la salle. Un halo odorant enveloppe les spectateurs. Ils s'assoient sur des bancs un peu raides, qui font le tour de la salle sur trois côtés. Sur le quatrième est dressée une estrade, haute. Dans un angle, juste à côté d'un miroir, se trouve, en attente, une jeune femme, Sarah Anthony, cheveux noirs, gominés, debout, pieds nus, blouse blanche légèrement transparente, laissant deviner un soutien-gorge sombre, pantalon légèrement près du corps, couleur chamois. Au centre de la pièce, sous un lustre de spots jaunes, une autre jeune femme en robe-toge noire, Anne Rochat, cheveux clairs, debout, pieds nus également, tient à deux mains une boule en plastique transparent, à moitié remplie d'eau. Elle est juchée sur un plateau qui tourne doucement.

 

Se succèdent les tableaux. Pendant une heure. Sarah Anthony monologue et bouge avec son corps. Elle déambule, elle danse, elle s'assied, elle s'allonge... Le texte crépite dans le micro qu'elle tient dans une main, comme tiré par une machine à phrases, les mots jouant les uns avec les autres, tantôt à partir de  leurs consonances, tantôt à partir de phrases toutes faites du langage courant, qui se présentent désordonnées, comme ébouriffées. La voix de Sarah Anthony passe par tous les registres: elle parle fort, elle chante presque, elle dit en rythme, elle chuchote, elle susurre...

 

Pendant ce temps-là, Anne Rochat fait monter doucement la boule de plastique transparent, à moitié remplie d'eau, le long de son corps, qui, dans le même temps, suit les rotations du plateau sur lequel elle semble comme ancrée. La roue tourne et le temps s'écoule, comme dans la vie. La boule, qui n'est pourtant pas une clepsydre, puisqu'elle ne se vide pas, monte doucement jusqu'au-dessus de la tête, comme au milieu de l'existence, puis redescend tout aussi doucement jusqu'à ce qu'à la fin Anne Rochat se retrouve en position foetale, la boule contre son ventre...

 

Il est vain de vouloir tout comprendre du texte, ne serait-ce que parce qu'il est très dense, très travaillé, très mêlé - parfois cru, parfois tendre, et parfois doux, parfois violent. Alors il faut se laisser porter par les mouvements des corps - celui d'Anne Rochat est très présent, en dépit de son mutisme et de sa localisation dans l'espace -, par les sonorités du texte, par la musique vocale de Sarah Anthony. Le halo odorant dans lequel spectateurs et performeuses baignent figure le trip dans lequel les premiers sont embarqués par les secondes pendant une heure et dont ils sortent un peu étourdis, réveillés toutefois par leurs propres applaudissements, nourris, qu'ils adressent aux secondes.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations jusqu'au 14 février 2015:

 

Jeudi à 19h

Vendredi, samedi à 20h

Dimanche à 15h

 

Adresse:

 

Théâtre de l'Usine

Place des Volontaires, 4

1204 Genève

 

Réservations:

 

www.theatredelusine.ch

tél. 022.781.34.90

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27 janvier 2015 2 27 /01 /janvier /2015 23:55
Une semaine... pas plus ! au Casino-Théâtre, à Genève

A notre époque il est de plus en plus rare que les sentiments, que les hommes ou les femmes ont les uns pour les autres, résistent à l'épreuve du temps. A les entendre, les uns ou les autres, il n'est le plus souvent question que d'ex... et rarement d'amours éternelles. Les amours ne sont décidément plus durables...

 

Dans Une semaine... pas plus, de Clément Michel, au-delà des rires que cette pièce enlevée ne peut pas manquer de susciter, ce thème est traité d'une manière plus profonde qu'il n'y paraît de prime abord. Car la précarité des sentiments a bien évidemment son revers... et ceux qui s'y livrent en font immanquablement un jour les frais.

 

Paul (Christian Baumann) fait ménage commun avec Sophie (Laurence Morisot) depuis seulement quatre mois. Et pourtant il ne la supporte déjà plus. Au point, non seulement d'avoir de mauvaises pensées, mais de mauvais rêves: il rêve par exemple qu'elle est écrasée par un camion et qu'elle en sort désarticulée. Et se réveille tout dépité de la trouver bien vivante, allongée à côté de lui.

 

Que Paul reproche-t-il à Sophie? Il ne le sait pas lui-même. Car elle est jeune et belle, affectueuse et attentionnée. Tout ce qu'il souhaite pourtant est que cette conne quitte l'appartement. Or, il est tout de même un peu gonflé de le souhaiter, parce que dans cet appartement il n'est pas davantage chez lui qu'elle chez elle, peut-être même moins, puisque tout le mobilier vient d'elle, hormis un affreux fauteuil de bureau.

 

C'est Sophie qui, sans le savoir, donne à Paul l'idée qui devrait lui permettre de la mettre dehors. Elle lui a dit incidemment qu'un ménage à trois n'était jamais tenable et qu'il y avait toujours l'un des trois qui finissait par s'en aller. Paul demande donc à son meilleur ami, Martin (Laurent Baier), de venir s'installer chez eux pour rendre la colocation insupportable et faire fuir Sophie. Martin n'est cependant pas très réceptif, parce qu'il souffre d'hémorroïdes, et ne tient pas à ce que cela se sache.

 

Comme Martin refuse d'aider Paul, à qui il manque la composante courage, ce qui est propre à la gent masculine actuelle, ce dernier se décide à forcer la main de Paul en racontant inopinément à Sophie que la mère de Martin est morte écrasée par un camion et qu'elle a été désarticulée - comme dans ses rêves de Sophie - et que Paul va s'installer un moment chez eux pour y faire son deuil.

 

Paul se rend chez Martin pour le prévenir de cette invention, mais, parallèlement, Martin se rend chez Paul et Sophie, laquelle a de la compassion pour Martin, dont la mère est morte dans ces effroyables conditions. Un malentendu, nécessaire à la poursuite de l'intrigue, naît de la douleur ressentie par Martin en son fondement... que Sophie prend pour celle d'un fils affligé, Paul survenant opportunément pour que Martin voit se refermer sur lui le piège tendu par son ami.

 

Martin s'installe donc. Mais Sophie lui réserve un bien meilleur accueil que Paul ne l'avait prévu. Car c'est indéniablement une belle âme, ce que rend très bien le jeu de la comédienne. Au grand dépit de Paul qui trouve que Martin est vraiment quelqu'un de trop bien et qu'il ne joue pas son rôle au sein du ménage d'empêcheur de tourner rond. Il lui intime donc de ne plus faire de la bonne cuisine, de ne plus faire de réparations domestiques, de ne plus se vêtir et comporter avec élégance...

 

Paul coache Martin pour qu'il devienne odieux et grossier. Martin se prête à ce jeu contre sa nature. Mais rien n'y fait. Sophie se réjouit que la douleur sorte enfin de Martin... et le trouve au fond très touchant, au point qu'ils finissent par tomber dans les bras l'un de l'autre et par coucher ensemble. A Sophie, Martin rappelle son ex qui était raffiné, alors qu'il faut bien dire que Paul est plutôt lourdingue, ce qui correspond très bien à son métier de pigiste dans une revue de machinisme agricole...

 

Les rôles s'inversent donc. Sophie demande maintenant à Martin de l'aider à mettre Paul dehors. Il lui manque la composante cruauté, ce qui est propre à la gent féminine actuelle. Paul constate que Sophie est de plus en plus épanouie depuis que Martin s'est installé et en tombe de nouveau amoureux... et il souhaite finalement que Martin s'en aille, ce que celui-ci ne veut plus... La situation ne peut pas rester en l'état. Et, de fait, elle n'y reste pas, la pièce se terminant sur une chute véritable...

 

Le comique de la pièce provient de paroles à double sens, de mots échappés et rattrapés de justesse, de situations inextricables dans lesquelles se mettent les protagonistes et dont ils ne sortent que par des rebondissements improbables, dus à des malentendus, comme, au début de la pièce, celui de la douleur de Martin qui ne se situait pas où Sophie pensait...

 

La pièce bénéficie de l'interprétation des comédiens qui incarnent à merveille les caractères marqués de leurs personnages - Sophie, la belle âme qui a de la bienveillance jusqu'à un certain point, Paul, le brut de décoffrage qui se croit très fort, Martin, le raffiné qui est embarqué malgré lui dans cette galère. De tels caractères ne peuvent que se frotter et faire fuser les rires par leur décalage.

 

Il faut également remercier, pour ces moments de pur bonheur, qui durent une bonne heure et demie de temps, le metteur en scène, Tony Romaniello, son assistante, Estelle Zweifel, et, pour la scénographie, Célia Zanghi et, pour les lumières, Loïc Rivoalan.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations jusqu'au 8 février 2015:

 

Mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi à 20h

Dimanche à 18h

Lundi relâche

 

Adresse:

 

Casino-Théâtre

Rue de Carouge 42

1205 Genève

 

Réservations:

 

www.lesarts.ch

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3 décembre 2014 3 03 /12 /décembre /2014 23:55
Macbeth, de William Shakespeare, au Pulloff Théâtres à Lausanne

Quoi de neuf? Guitry répondait Molière. N'en déplaise à Sacha, que j'aime beaucoup, je serais tenté de répondre différemment de lui, de répondre Shakespeare. La représentation de Macbeth, que j'ai eu le plaisir de voir, d'entendre, même de respirer ce soir au Pulloff Théâtres, depuis le premier rang, confirme ma réponse.

 

Pour peu que l'on respecte l'esprit de Shakespeare, il est en effet de multiples façons d'interpréter ses pièces sans le trahir. Ce qui donne une grande latitude aux metteurs en scène et ce qui fait que Shakespeare quatre siècles plus tard est toujours actuel, universel, en un mot, il est neuf.

 

The Shakespeare Collection, en 37 DVD, produite par la BBC il y a quelque trente ans - tournée entre 1978 et 1984 - et l'Intégrale Shakespeare donnée au Théâtre du Nord-Ouest à Paris par l'ami Jean-Luc Jeener en 2007, n'ont en commun que le texte, et encore dans une langue différente. Et pourtant l'esprit de Shakespeare y est et y était présent.

 

Quand, comme ce soir, la dizaine d'acteurs s'avance au début de la pièce, un moment d'appréhension, vite passé, étreint le spectateur. Car ils sont tous pieds nus, vêtus de costumes en bure marron, avec pour seuls bijoux des colliers en bois. Ils apparaissent sales et ahuris. Dans quelle galère se trouve-t-on embarqués?

 

Alors, il faut se rappeler que les faits relatés dans Macbeth remontent au XIe siècle. Le roi d'Ecosse Duncan (Thierry Jorand) attend son cousin Macbeth (Raoul Teuscher) et le général Banquo (Frank Michaux), qui viennent de remporter la victoire sur des rebelles soutenus par la Norvège. Il se réjouit de les accueillir bientôt et de les féliciter.

 

Sur le chemin du retour Macbeth et Banquo font la rencontre de trois sorcières, trois soeurs, dont seules émergent d'un drap blanc les faces grimaçantes figurées par des masques. Cet hydre à trois têtes salue Macbeth, de son titre de Thane de Glamis, mais y ajoutent ceux de Thane de Cawdor et de futur roi. De plus elles annoncent à Banquo qu'il engendrera des rois sans être roi lui-même.

 

Or deux chevaliers, envoyés par le roi Duncan à leur rencontre, annoncent à Macbeth que ce dernier lui a donné le titre de Thane de Cawdor, celui que portait un traître indigne de le porter désormais. Une partie de la prophétie étant réalisée, pourquoi l'autre ne le serait-elle pas? Le moyen le plus sûr pour forcer le destin est de lui donner un coup de pouce.

 

Macbeth, aiguillonné par lady Macbeth (Virginie Meisterhans), avec laquelle il forme un couple diabolique et sensuel, porté sur le sexe et le meurtre, tue donc le roi pour prendre sa place, en maquillant son crime pour le rejeter sur d'autres. Pour conserver le pouvoir, un crime en appelle un autre et c'est une tuerie toute... shakespearienne, qui est déclenchée.

 

Mais tuer est contre-nature. Macbeth supporte mal son régicide. Il supporte également très mal d'avoir dû tuer Banquo dont le spectre vient le hanter. Lady Macbeth elle-même, qui semble avoir moins de scrupules que son homme de nouveau roi, a l'impression que le sang versé pour parvenir à leurs fins laisse une trace indélébile sur ses mains. Une telle histoire ne peut que finir mal...

 

Le spectacle dure un peu plus de deux heures et il n'y a pas de temps morts. Tous les comédiens, quel que soit leur rôle - tous, hormis Raoul Teuscher, en jouent d'ailleurs plusieurs -, sont les rouages d'une magnifique machine qui fonctionne à plein, et tous prennent un plaisir évident, et communicatif, à se produire sur scène.

 

Les comédiens qui n'ont pas été cités plus haut méritent donc de l'être. Les voici, dans l'ordre alphabétique: Geoffrey Dyson, René-Claude Emery, Darius Kehtari, Fanny Pelichet, David Pion, Pierric Tenthorey.


Précisons que le texte français  est d'Antoinette Monod et de Geoffrey Dyson (qui a fait la mise en scène), que la scénographie est de Kym Staiff, la musique de Jérôme Baur, les costumes de Tania d’Ambrogio et les lumières de Jean-Pierre Potvliege.

 

S'il fallait résumer en deux mots le contentement que l'on éprouve après avoir assisté à une telle représentation menée tambour battant, ce serait: bien joué! well done!

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations jusqu'au 21 décembre 2014:

 

Mardi, jeudi, samedi à 19h

Mercredi, vendredi à 20h

Dimanche à 18h

Lundi relâche

 

Adresse:

 

Pulloff Théâtres

Rue de l'Industrie 10

1005 Lausanne

 

Réservations:

 

www.pulloff.ch/

tél: 021 311 44 22

 

Bande annonce:

En tournée:

du 6 janvier au 1er février 2015 au Théâtre des Amis — Carouge

le 3 février 2015 au Théâtre de Valère — Sion

les 6 et 7 février 2015 Théâtre du Pommier — Neuchâtel

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17 octobre 2014 5 17 /10 /octobre /2014 16:00
Les demeurées, au théâtre Le Poche, à GenèveLes demeurées, au théâtre Le Poche, à Genève

Paru en 2000, chez Denoël, Les demeurées est un roman fort, écrit dans un style superbe, et poétique, par Jeanne Benameur. Rien, a priori, cependant, ne prédestinait ce magnifique texte à être mis en scène au théâtre.

 

Certes, avant sa création au printemps dernier au Théâtre de Vidy, à Lausanne, dans son adaptation actuelle, il y avait bien eu une installation-spectacle, d'une durée de vingt et une minutes, tirée de ce roman par le Begat Theater, donnée dans huit communes de Haute-Provence, en France, mais le texte n'était pas repris dans sa quasi intégralité.

 

Au Poche de Genève, comme au Vidy de Lausanne, le spectacle dure une heure et quart et peu de coupures du texte, peu d'adaptations ont été effectuées. C'est dire qu'il est on ne peut plus fidèle au roman et à la force des mots vivants employés par Jeanne Benameur. Il y est fidèle à un autre titre. Il garde la forme d'un récit, interprété par les trois comédiennes.

 

Didier Carrier, qui a conçu et mis en scène Les demeurées, a pris ce parti, se refusant à distribuer les rôles des personnages entre les comédiennes, voulant conserver l'effet de surprise originel que procure la progression du récit, dont le début est volontairement lent et confus, comme si l'auteur avait voulu que le lecteur s'installe gentiment dans le livre pour mieux l'habiter.

 

L'idée de reprendre le texte dans sa quasi intégralité vient de l'une des comédiennes, Maria Pérez, séduite par l'engagement de l'auteur, et certainement au-delà de cet engagement par la profondeur humaine que cet écrivain cosmopolite - ce qui est pour moi un compliment - a mis dans ce récit, profondeur qui sublime tous les clivages.

Les demeurées, au théâtre Le Poche, à GenèveLes demeurées, au théâtre Le Poche, à Genève

Les demeurées? Une mère, La Varienne, et sa fille, Luce. Dans leur cas le préjugé s'avère exact: telle mère, telle fille. La Varienne travaille chez Madame parce qu'il faut bien vivre, Luce va à l'école parce que c'est obligatoire: "La mère et la fille, l'une dedans, l'autre dehors, sont des disjointes du monde."

 

L'une comme l'autre ne peuvent pas nommer les choses, elles sont demeurées. Luce va donc à l'école, mais elle se refuse à faire entrer le savoir. Mademoiselle Solange, l'institutrice, celle par qui le savoir arrive, n'en peut mais. Luce demeure abrutie, l'autre mot pour la demeurée qu'elle est, comme sa mère: "Luce n'apprend rien. Luce ne retient rien. Elle fait montre d'une faculté d'oubli très rare: un don d'ignorance."

 

Pourtant, sans qu'elle ne s'en rende compte, les mots pénètrent en elle, malgré elle, et n'en sortiront plus. Luce les chantonne sans en comprendre le sens, mais ils sont là dans un recoin de sa tête, tout prêts le moment venu, à lui faire franchir le seuil du monde, comme le souhaite Mademoiselle Solange.

 

Les choses se précipitent quand cette dernière veut faire écrire par Luce son nom complet, Luce M. Cette tentative se traduit par un échec. Luce s'en va de l'école et n'y retourne plus, au grand désespoir de Mademoiselle Solange, qui ne comprend pas ce qu'elle a bien pu faire:

 

"La Varienne et sa petite Luce peuvent se passer de tout. Même de nom.

Le savoir ne les intéresse pas. Elles vivent une connaissance que personne ne peut approcher.

Qui était-elle, elle, pour pouvoir toucher une telle merveille?"

 

Le pire n'est jamais sûr. Et l'histoire montre finalement que les leçons de Mademoiselle Solange à Luce sont "de drôles de pays restés dans sa tête" et que les mots, même piétinés par Luce sur le chemin de l'école à la maison de rien, où elle habite avec La Varienne, ont "fait leur nid dans sa tête". Le monde va s'ouvrir à Luce sans que  pour autant rien ne puisse la disjoindre de La Varienne.

 

Tour à tour, Maria Pérez et Laurence Vielle font vivre le roman sur scène, dans un décor dépouillé, dans des habits de bure, au mileu d'ustensiles domestiques, susceptibles de résonner (la scénographie et les costumes sont de Florence Magni, la lumière de Danielle Milovic et la réalisation des costumes d'Emilie Revel), et leurs voix ne sont pas désincarnées. Au contraire, leurs voix sont comme un accompagnement musical au chant du texte et aux mouvements très physiques et éprouvants qu'elles ont sur scène.

 

Béatrice Graf, aux percussions, donnant de temps en temps également de la voix, en choeur, ponctue texte, voix et déplacements des deux autres comédiennes en fusion, de notes tantôt dramatiques, tantôt drôlatiques. Car le roman Les demeurées, dans cette interprétation coup de poing, n'est pas que drame, il est aussi rires, quoique parcimonieux.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations jusqu'au 2 novembre 2014:

 

Lundi, vendredi à 20h30

Mercredi, jeudi, samedi à 19h

Dimanche à 17h

Mardi relâche

 

Adresse:

 

Le Poche

Rue du Cheval-Blanc 7

1204 Genève

 

Réservations:

 

www.lepoche.ch

tél: 022 310 37 59

Les demeurées, au théâtre Le Poche, à Genève
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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 00:10
Mourrier à Vevey, à l'Oriental-Vevey, à Vevey

L'Oriental-Vevey, en 2008, doit être fermé pour raison de sécurité. Des planchers et des murs menacent de s'effondrer.

 

Le 5 septembre 2014, après dix-huit mois de travaux de restauration, une réception inaugurale y est organisée pour fêter sa réouverture.

 

Le premier spectacle, donné dans ce théâtre veveysan restauré, est signé Sébastien Meier et mis en scène par Benoît Blampain. Il s'agit d'une pièce policière intitulée Mourrier à Vevey: le directeur de l'Oriental-Vevey, Nick Weber, est retrouvé mort le lendemain du 5 septembre 2014, pendu aux grilles de la scène...

 

Jules Mourrier, commissaire de police à la retraite, professeur de criminologie à l'Université de Lausanne est chargé de reprendre l'enquête par le commandant Crausaz. Les premiers témoignages ont été recueillis par le caporal Delachaux, mais l'enquête patauge.

 

Jules Mourrier, doté d'une intuition incomparable, est de la vieille école. Qui a fait ses preuves. Pour lui, l'essentiel est de recueillir tous les éléments de l'histoire, puis de la raconter correctement...

 

La pièce est lue par trois comédiens: Antonin Moeri, qui est le narrateur, Murielle Tenger qui incarne Jules Mourrier, sorte de Maigret vaudois, ne refusant pas de lever le coude pour boire un verre de blanc de Lavaux, Anne Ottiger, qui joue tour à tour les rôles de tous les autres personnages de l'intrigue:

 

- le caporal Delachaux,

- Vincent Menu, le Conservateur du Canton de Vaud,

- Jane Brisbane, l'assistante de Bordec, Président Directeur Général de Netteté, la multinationale de l'agro-alimentaire,

- la syndique de la ville,

- Anatole le cafetier, dont l'établissement jouxte l'Oriental-Vevey,

- Stars, le directeur du Festival Vevey- Photos.

 

Le spectacle est itinérant. Il se déroule dans toutes les salles de l'Oriental-Vevey, ce qui est une manière originale d'en ouvrir toutes les portes et de le faire visiter, les spectateurs figurant des étudiants, au nombre d'une quarantaine, venus assister à la résolution du crime par leur vieux professeur émérite.

 

Les spectateurs quittent donc le foyer du théâtre, gravissent l'escalier principal, puis des escaliers et passerelles métalliques à claire-voie pour gagner tout en haut la salle de répétition où ils assistent à une chorégraphie interprétée par deux danseurs (Bastien Hippocrate et Claire Dessimoz) sur le thème de l'attachement... Danseurs qui y répétaient le soir du meurtre...

 

Car il s'agit d'un meurtre. L'expertise scientifique a conclu que Nick Weber est mort de strangulation dans son bureau, puis que son corps a été pendu aux cintres du théâtre pour brouiller les pistes...

 

Les spectateurs redescendent au foyer, puis, de là, se rendent dans le local technique du théâtre où se trouvent les vestiges d'un mur datant du XIVe siècle... Après un échange entre Jules Mourrier et Vincent Menu, commenté par le narrateur, ils suivent l'ex-commissaire dans un couloir qui les mène à un autre escalier.

 

En haut de cet escalier se trouve la scène du théâtre, au-dessus de laquelle Nick Weber a été pendu. Le bureau de ce dernier est contigu. De là part un autre escalier encore, qui conduit à la salle de répétition, munie de gradins, où le public estudiantin finit par se retrouver pour assister aux interrogatoires des différents protagonistes, annoncés l'un après l'autre par le narrateur.

 

Enfin tout le monde redescend au foyer pour le dénouement de l'intrigue que Jules Mourrier a bien entendu élucidée... en reliant de façon imperturbable tous les éléments entre eux.

 

Le narrateur, Antonin Moeri, force souvent le trait, et c'est très bien (les étudiants ne risquent pas de s'endormir...). Murielle Tenger donne une véritable épaisseur à Jules Mourrier par sa gestuelle et par le ton sans répliques qu'elle donne à sa voix bourrue. Anne Ottiger est une sorte de Fregoli, puisqu'elle passe d'un registre à l'autre, qu'il soit masculin ou féminin, avec beaucoup d'aisance.

 

Sébastien Meier s'est beaucoup documenté pour écrire son texte, qui est coloré, souvent piquant, à la fois spirituel et humoristique, avec pour résultat les rires de l'assistance, qui n'a pas besoin de connaître tous les dessous de la vie locale pour se réjouir de ses bons mots et de ses divulgations, tellement bien imaginées qu'elles finissent par rejoindre la réalité...

 

Francis Richard

 

Sébastien Meier et Bastien Hippocrate sont membres du Collectif Fin de Moi

 

Sébastien Meier est l'auteur du roman Les ombres du métis, édité chez Zoé (2014)

 

Prochaines représentations:

 

Jeudi 18 septembre 2014 à 20h

Vendredi 19 septembre 2014 à 20h

Samedi 20 septembre 2014 à 19h

 

Adresse:

 

Oriental-Vevey

Rue d'Italie 22

1800 Vevey 2

 

Réservations:

 

www.orientalvevey.ch

tél: 021 923 74 50

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14 septembre 2014 7 14 /09 /septembre /2014 11:45
Fever - A la vie à la mort, au Théâtre Le Poche, à Genève

Hier soir, c'était la première, à Genève, de Fever, la dernière pièce d'Attilio Sandro Palese, qu'il a lui-même mise en scène et qui dure 1h15. On notera que la chorégraphie est signée Caty Eybert et que Laure Mi Hyun Croset est conseillère littéraire de l'auteur pour cette pièce.

 

Ce spectacle - on l'aura compris: il ne s'agit pas seulement de théâtre mais de danse - est librement inspiré du film Saturday Night Fever, sorti fin 1977 aux Etats-Unis et au printemps 1978 en Europe, avec John Travolta et une musique composée par les Bee Gees, dont Night Fever, bien sûr.

 

Pendant une semaine, à la fin des années septante, une bande de jeunes ritals, qui travaillent ou qui vont à l'école, se prépare au concours de danse de la boîte disco de leur quartier de Brooklyn qui doit avoir lieu le samedi soir suivant.

 

Le décor, que l'on doit à José Manuel Rodriguez est sobre: un grillage comme il en existe pour entourer les terrains de basket, quelques ampoules (une rouge, une verte, une rangée de jaunes), des mini-gradins. En arrière-plan un écran sombre, sur lequel vont s'égrener les jours et s'afficher, en blanc sur noir, au fil du spectacle des citations en décalage avec l'action et la tournant en dérision avec humour.

 

Ils sont quatre garçons, habillés comme on l'est à l'époque (chemises à fleurs ou pas, mais ouvertes sur le torse, une croix au bout d'une chaîne, jeans moulants, blousons de cuir), les cheveux ni courts, ni longs, rejetés en arrière, comme John Travolta, et deux filles qui portent des chemisiers et des jupes relativement longues, mais qui peuvent être retroussées... Les costumes sont de Tania D'Ambrogio et les coiffures et maquillage de Sonia Geneux.

 

Bobby (Jérôme Denis), Vince (Blaise Granget), Tony (Nathan Heude) et Eugène (Bastien Semenzato) jouent au basket. Ils affrontent une équipe de ceux qu'ils appellent des négros et qui... leur mettent la pâtée. L'un d'eux, pour excuse, dit qu'ils ont des bras et des jambes plus longs, mais un autre reconnaît qu'ils ont vraiment la classe ces fichus négros...

 

La tension monte au cours de la semaine. Les répétitions pour le concours donnent lieu à des disputes. Il était prévu qu'Annette (Aurore Faivre) danse avec Tony, mais celui-ci lui a préféré Stéfanie (Julie-Kazuko Rahir). Pourquoi? Parce que Stéfanie aime la danse et qu'Annette ne fait qu'aimer Tony, lequel n'a ni sentiment, ni attirance pour elle, ce qu'il lui fait cruellement savoir.

 

A l'époque, dans ce quartier, que l'on qualifierait aujourd'hui de difficile, des bagarres éclatent. Les garçons, à l'exception de Tony, se réjouissent ainsi que Vince ait frappé à la tête et aux parties un gars qui le regardait débilement, mais justement il le regardait ainsi parce qu'il était réellement débile...

 

Aux propos violents entre eux ou à l'égard des autres, aux scènes macho à l'égard de la pauvre Annette, réduite à un objet sexuel, succèdent des moments d'abattement des membres de la bande, comme si leur désorientation dans la vie les désemparait complètement. La tension baisse alors d'un cran, mais demeure. Ils ne retrouvent de l'allant qu'avec la danse... et la chanson disco. La danse aussi adoucit les moeurs...

 

Un des grands moments du spectacle, c'est quand les membres de la bande se recueillent pour honorer la mémoire de l'un d'entre eux en vaporisant de la laque sur son ombre et sur leurs cheveux... Parce que c'est à la fois touchant et dérisoire. Parce que cela reflète l'ambiance générale du spectacle, tragique et comique successivement: les rires ne sont jamais absents.

 

Si la musique est là, bien souvent en sourdine, le texte reste fort, d'autant plus fort qu'il est débarrassé de toutes fioritures. L'alternance de moments de répit relatif, qui lui donne de la respiration, et de tension palpable fait de ce spectacle un puissant spectacle qui restitue fort bien toute une époque (grâce, notamment, au jeu des comédiens). Et cela ne peut laisser indifférent.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations, du 14 septembre au 3 octobre 2014:

 

Lundi, vendredi à 20h30

Mercredi, jeudi, samedi à 19h

Dimanche à 17h - mardi relâche

 

Adresse:

 

Théâtre Le Poche

Rue du Cheval-Blanc 7

1204 Genève

 

Réservations:

 

www.lepoche.ch

tél: 022 310 37 59

 

Fever se jouera du 7 au 17 octobre au Théâtre des Célestins, à Lyon.

 

La précédente pièce de l'auteur:

 

Nobody dies in dreamland (2014)

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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 22:55
"Ring" au Pulloff Théâtres à Lausanne

Avec Ring, Léonore Confino, auteur trentenaire de talent, a écrit une pièce impossible à résumer. Je ne les ai pas comptées pendant la représentation de ce vendredi 13, mais je sais qu'elle comporte seize ou dix-sept scènes, pas moinsse.

 

Ce sont des scènes où des couples s'affrontent, d'où le titre. Ils se disputent. Ils s'aiment. Ils se désirent. Ils se font des niches. Ils s'envoient des piques acerbes. Ils rient de toutes les couleurs et même parfois de bon coeur. Ils se repoussent. Ils s'attirent. Ce sont de vrais couples, un tant soit peu hystériques tout de même, par rapport à des couples ordinaires.

 

Sans avoir le texte sous les yeux, il est bien difficile de dénombrer le nombre de personnages que Maud Faucherre et David Marchetto interprètent en l'espace d'une heure et quart de temps. Cela donne un peu le vertige, mais ce n'est pas désagréable. Et c'est une véritable performance de leur part.

 

Il est difficile de retenir non plus les répliques, parce que cela fuse à jet continu, mais on aura tout dit en disant que c'est très drôle, dans un genre complètement déjanté, qui conviendra très bien à ceux qui, comme moi, ont un grain, ou qui aiment le voir pousser chez les autres.

 

Maud Faucherre et David Marchetto ne se contentent pas d'interpréter un texte, qui est une peinture aiguë, voire acide, de notre époque. Ils jouent avec leurs corps et font des mimiques irrésistibles, qui confinent à des clowneries désopilantes. Ce couple de comédiens danse également, par moments, souvent très sensuellement, parfois même acrobatiquement. C'est donc un spectacle complet qu'ils offrent au spectateur.

 

Parmi toutes les scènes qui défilent sous les yeux, la mémoire, fortement sollicitée en aussi peu de temps, ne peut qu'opérer une sélection subjective.

 

La mienne a retenu la scène où c'est la femme qui prend les devants, en vient directement au but et ne s'embarrasse guère de préliminaires, et où c'est finalement l'homme qui trouve que les choses vont trop vite à son gré.

 

Elle a retenu également la scène où la femme essaie de vivre le roman ébouriffé qu'elle vient de lire et où son homme, fumeur de pipe, lui remet gentiment les pieds sur terre et reprend la situation en main.

 

Elle a retenu également cette scène d'anthologie où une femme et un homme que leurs familles respectives ont mis en présence pour faire connaissance, et plus si affinités, sans qu'ils n'aient rien en commun, se saoulent copieusement ensemble et finissent par se poser des questions qu'on ne se pose pas lors d'une rencontre organisée par une agence matrimoniale...

 

Les changements de décor et de costumes se font sur scène sur un coup de sifflet d'un troisième personnage, Alyssa Hochstaetter, qui interprète un second rôle peu loquace mais indispensable, et qui participe à la bonne humeur générale. Les intermèdes entre les scènes sont musicaux et ce sont des tubes, bien souvent anglo-saxons et très dansants.

 

Les décors sont réduits au strict minimum. L'essentiel des scènes se passe sur un plateau légèrement surélevé, de couleur vert billard. Le costume de base des trois comédiens est un maillot de bains fluo, caleçon pour David, une pièce pour Maud et échancré pour Alyssa. Ce qui permet un changement rapide des tenues, qui donne lieu à effeuillage et rhabillage parfois hilarants.

 

Sans une mise en scène qui donne un rythme échevelé à l'ensemble, la pièce aurait du mal à tenir en haleine le spectateur. C'est le grand mérite de Sarah Marcuse de l'avoir insufflé à ses comédiens. Et si ce rythme trépidant contribue à la perte de mémoire des détails, il fait de ce spectacle un excellent divertissement, qui ne peut que ravir le spectateur dont la rate se sera bien dilatée, le temps d'une soirée.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

 

Samedi 14 juin 2014 à 19 heures

Dimanche 15 juin 2014 à 18 heures

Mardi 17 juin 2014 à 19 heures

Mercredi 18 juin 2014 à 20 heures

Jeudi 19 juin 2014 à 19 heures

Vendredi 20 juin 2014 à 19 heures (contrairement à ce qui est indiqué sur l'affiche)

Samedi 21 juin 2014 à 19 heures

Dimanche 22 juin 2014 à 18 heures

 

Adresse:

 

Pulloff Théâtres

Rue de l'Industrie 10

1005 Lausanne

 

Réservations:

 

tél: 021 311 44 22

ou sur http://www.pulloff.ch/

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 22:55
"Nobody dies in dreamland", au Théâtre 2.21, à Lausanne

Si personne ne meurt au pays du rêve, il n'en est pas de même dans la réalité, où l'on meurt, pas forcément en un instant, mais bien souvent à petit feu.

 

La pièce écrite et mise en scène par Attilio Sandro Palese n'a ni début ni fin. Elle montre seulement deux couples qui tentent d'échapper à la dure réalité en essayant de vivre leur part de rêve. Et par moment le spectateur a du mal à distinguer l'une de l'autre.

 

Lucas (François Revaclier) vient d'être viré de son emploi - peut-être est-ce même pour lui un état permanent que de n'avoir pas de job. Sa femme, Myriam (Valérie Liengme), est caissière dans une grande surface. Ils ont vraiment besoin de travailler tous deux pour joindre les deux bouts. Aussi n'arrêtent-ils pas de se disputer.

 

Dans cette situation de détresse, Lucas trouve une seule opportunité, s'engager dans l'armée, pour faire la guerre. Mais s'engage-t-il vraiment? Quoi qu'il en soit, il apparaît alors comme une sorte de héros aux yeux de sa femme. N'est-ce pas l'essentiel?

 

Un troisième personnage intervient dans leur couple et forme avec lui une manière de ménage à trois, le Révérend Richard, dit Ritchie, dit Lionel (Sébastien Ribaux). Il est là pour donner mauvaise conscience à l'un, puis à l'autre, en utilisant hypocritement des citations des Ecritures pour parvenir à ses fins.

 

Car ce curieux ecclésiastique profite de la détresse de Myriam et de Lucas pour obtenir de Lucas qu'il se sacrifie pour la cause (une sombre cause dont le spectateur ne saura rien) et de Myriam pour qu'elle lui accorde une privauté à l'issue d'une parodie de Roméo et Juliette qu'ils jouent ensemble. C'est le prix qu'ils ont à payer l'un et l'autre à Richard pour qu'il les aide à s'en sortir...

 

Lucas est ami avec Raphaël (Christian Waldman) qui se trouve dans une situation différente de la sienne mais qui, somme toute, ne vaut guère mieux. Ce dernier et sa femme, Barbara (Valeria Bertolotto) ont pu certes s'offrir des vacances en Thaïlande, ce qui est fantastique, sauf qu'il y a toujours un envers à un décor touristique et que, de surcroît, leur couple ne fonctionne pas bien...

 

Raphaël et Barbara décident donc de faire une thérapie de couple. Mais Raphaël est plus intéressé par le décolleté de la psy que par la thérapie et Barbara ne jure que par Vishnou pour résoudre leurs incompatibilités conjugales, à prédominance sexuelle.

 

Dédé (Sébastien Ribaux) est le supérieur hiréarchique de Raphaël. Il revient, lui, des Maldives, qui apparaissent bien plus intéressantes que la Thaïlande... Ce grand diable est décidément supérieur en tout à son freluquet de subordonné, même sexuellement, ce qui fait rêver Barbara, ce qui est un euphémisme...

 

Si un rêve peut être doux quand il ne vire pas au cauchemar, la réalité peut prendre des tours d'une rare violence et d'une rare crudité. Ce qui se traduit ici par des échanges de mots très crus et des tirades très violentes, suivis de courtes accalmies, par des gestes de vilains en public qui bourgeoisement se font d'ordinaire en privé.

 

Comme bien souvent, c'est en atteignant le fond du puits que par contraste le rire, en partie nerveux, se déclenche comme la soupape d'une cocotte-minute. C'est ainsi que l'on rit de beaucoup de choses dans cette pièce, alors qu'il n'y a pas vraiment de quoi en rire...

 

Les comédiens se prêtent à ce jeu de massacre avec beaucoup de conviction. Ils jouent sur scène devant le public, dans un décor qui s'illumine étrangement par moments, mais, comme à la fin du spectacle, les projecteurs sont dirigés vers la salle, on peut se demander si les spectateurs, jusque-là passifs, ne sont pas appelés à poursuivre ce jeu à leur tour dans la vraie vie...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

 

Mercedi 4 juin 2014 à 19 heures

Jeudi 5 juin 2014 à 19 heures

Vendredi 6 juin à 20 heures 30

Samedi 7 juin à 19 heures

Dimanche 8 juin à 18 heures

 

Adresse:

 

Théâtre 2.21

Rue de l'Industrie 10

1005 Lausanne

 

Réservations :

 

http://www.theatre221.ch/

tél.: 021 311 65 14

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20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 22:20
"Une histoire sans queue ni tête" au Pulloff Théâtres à Lausanne

Une histoire sans queue ni tête est une pièce adaptée par Pierric Tenthorey du roman de Lawrence Sterne, La vie et les opinions de Tristram Shandy, gentleman, roman anglais en neuf volumes, publié au XVIIIe siècle.

 

Lawrence Sterne s'est inspiré d'Alexander Pope, Johnathan Swift, John Locke, Miguel de Cervantes, François Rabelais... et des Essais de mon cher Michel de Montaigne.

 

La pièce, comme le roman, est faite de digressions autour de la vie de Tristram qui commence dès sa conception, les homonculi étant à l'époque ce que nous appelons aujourd'hui les spermatozoïdes...

 

Les personnages principaux sont le père et la mère, l'oncle Toby, la servante Suzanne et bien sûr Tristram, mais il n'y a qu'un comédien sur scène, muni d'un masque, Pierric Tenthorey... Et c'est la performance d'acteur qu'il faut saluer, parce que, sans pause, le spectacle dure tout de même plus d'une heure et demie.

 

Il faut saluer la performance parce que le texte part dans tous les sens et parce qu'il est truffé d'allusions, plus ou moins subtiles, que le spectateur doit saisir au bond s'il ne veut pas être laissé au bord de la scène et perdre tout le sel de ce texte jaillissant.

 

Pierric Tenthorey ne se contente d'ailleurs pas de parler, en variant les registres suivant les personnages qu'il incarne, mais il joue du violon, il danse et il mime. Et pour ceux qui n'auraient pas compris son mime du premier coup, il fait de temps en temps un retour en arrière en joignant des paroles explicites aux gestes.

 

Cette pièce est d'autant plus théâtrale que Pierric Tenthorey s'adresse directement aux spectateurs, disposés autour de lui, comme dans la meilleure tradition shakespearienne, ce qui est sans doute aussi la meilleure façon de faire participer le public à un spectacle vivant. 

 

Au beau milieu du deuxième acte, qui en comporte trois, Pierric Tenthorey fait saluer par le public l'assistant metteur en scène, Jérôme Giller, le régisseur, Nicolas Mayoraz, et la chargée de production, Jeanne Quatropanni. Comme cela, c'est chose faite. La pièce peut continuer et se terminer par l'entracte...

 

On ne s'ennuie pas tout le long de cette histoire foisonnante, qui est effectivement sans queue ni tête, mais qui n'est pas dénuée d'intérêt du fait des sujets divers et variés, abordés avec malice et tambour battant.

 

Et on rit beaucoup parce que c'est tout simplement... désopilant.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

 

Mercredi 21 mai 2014 à 20 heures

Jeudi 22 mai 2014 à 19 heures

Vendredi 23 mai 2014 à 20 heures

Samedi 24 mai 2014 à 19 heures

Dimanche 25 mai 2014 à 18 heures

Mardi 27 mai 2014 à 19 heures

Mercredi 28 mai 2014 à 20 heures

 

Adresse:

 

Pulloff Théâtres

Rue de l'Industrie 10

1005 Lausanne

 

Réservations:

 

tél: 021 311 44 22

ou sur http://www.pulloff.ch/

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15 mai 2014 4 15 /05 /mai /2014 22:55
"Le café des voyageurs" au Café-Théâtre de la Voirie à Pully

Dans une de ses nouvelles, Le café des voyageurs, Corinna Bille raconte l'histoire d'une femme qui, chaque année, à la date anniversaire de la mort de son fils dans un accident de train, envoie son cocher chercher à la gare un jeune homme pour partager avec lui le dîner manqué de ce jour fatidique.

 

Une année, le jeune homme que son cocher ramène ressemble tellement à son fils disparu qu'elle en est fortement troublée...

 

Coline Ladetto s'est librement inspirée de cette nouvelle pour écrire et mettre en scène une pièce éponyme.

 

Au début de cette comédie schizophrène à quatre personnages, un homme vêtu comme un majordome, prénommé Robert (René-Claude Emery), trace au sol, à la craie, le plan de l'appartement de Victoire (Anne -Frédérique Rochat), qui se trouve assise au beau milieu de ce tracé.

 

Cette première bizarrerie est suivie de deux autres. Tous deux parlent d'eux-mêmes à la troisième personne et leur visage est barré d'un trait oblique et rouge.

 

Nous sommes le 31 juillet. Il est onze heures du matin. Robert doit bientôt partir à la gare chercher Pierre, le fils de Victoire, ou du moins un jeune homme qui puisse le personnifier. Margot (Marika Dreistadt), la fiancée de Pierre, est là. Chaque année, elle dit que c'est la dernière fois qu'elle revient et qu'on ne l'y reprendra plus, mais chaque année elle revient tout de même.

 

Victoire est dans le déni complet de la disparition de son fils, mais elle est aussi dans le déni de la mort de l'enfant que portait Margot des fruits de Pierre. Tandis que Victoire s'obstine à dire à Margot que celle-ci est enceinte, Margot ne veut surtout pas se rappeler ce souvenir douloureux.

 

Au début de la pièce, Margot se rebelle donc et ne veut pas jouer le jeu que Robert et Victoire jouent. Puis, elle se résigne à son tour à parler à la troisième personne et laisse Robert lui dessiner avec un stylo sur le visage un trait oblique et rouge, rite obligé, semble-t-il, pour passer de la première à la troisième personne.

 

Cette année, comme dans la nouvelle de Corinna Bille, le jeune homme, Germain (Jean-Baptiste Roybon), que Robert a emmené chez Victoire contre son gré, ressemble étrangement à Pierre, ce qui ne laisse pas de troubler Margot.

 

Germain, qui vient de terminer ses études de droit - Pierre en avait lui aussi entrepris - et qui est maintenant avocat, ne compte pas se laisser faire et menace de porter plainte pour séquestration. Mais, n'étant pas indifférent aux charmes de Margot, il se laisse convaincre par elle de jouer lui aussi le jeu de parler à la troisième personne.

 

Margot a un peu plus de mal à dessiner un trait oblique et rouge au travers du visage de Germain effrayé et doit se verser un peu d'encre rouge dans la paume avant d'y tremper un doigt pour lui appliquer avec douceur le trait rituel.

 

La ressemblance de Germain avec Pierre est telle que Victoire n'arrive plus à rester dans le rite annuel des années précédentes et que les choses finissent par déraper complètement.

 

Il faut un certain temps au spectateur pour entrer dans ce jeu de fous. Puis il se laisse prendre à leur délire et ne voit pas le temps s'écouler. Les émotions le traversent. A certains moments il pourrait rire de tant de folie, à d'autres il pourrait pleurer devant les drames qui en sont l'origine ou qui en découlent.

 

Ces émotions sont bien évidemment transmises par les comédiens qui incarnent tellement bien leurs personnages et la folie qui les habitent que le spectateur le plus indifférent ne peut que se laisser toucher et qu'être ébloui d'avoir été ainsi transporté dans un autre monde, bizarre autant qu'étrange, l'espace d'une heure et demie de temps.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

 

Vendredi 16.05.2014 à 20:30

Dimanche 18.05.2014 à 17:00

Jeudi 22.05.2014 à 20:30

Vendredi 23.05.2014 à 20:30

Samedi 24.05.2014 à 20:30

 

Réservation:

 

http://www.regart.ch/th-voirie/

 

Adresse:

 

Café-Théâtre de la Voirie

Rue du Centre 10 - Case postale 442 - 1009 Pully
Tél. 076 324 34 52

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1 mars 2014 6 01 /03 /mars /2014 22:17
Yvonne, entourée de ses tantes

Yvonne, entourée de ses tantes

Yvonne, princesse de Bourgogne, est la première pièce écrite par Witold Gombrowicz, en 1938. Et ce n'est pas triste. Enfin, ce serait plutôt corrosif.

 

L'action se passe à la cour du roi Ignace (Julia Batinova). Son fils, le prince Philippe (José Lillo), est blasé. Il n'a plus très envie de courir les belles filles de la Cour, avec son ami Cyrille (Frédéric Lugon). Alors il jette son dévolu sur une pauvresse, doublée d'un laideron, Yvonne (Ilil Land-Boss).

 

Au début il s'agit pour Philippe d'une plaisanterie, pour se distraire. Pour narguer ses parents, le roi Ignace et la reine Marguerite (Greta Gratos), il va jusqu'à la présenter comme sa fiancée. Or, Yvonne ne dit pas un mot et ne respecte pas le protocole qui voudrait qu'elle fasse des courbettes à ses majestés.

 

Le mutisme d'Yvonne a le don d'exaspérer tout le monde, à l'exception de Philippe qui, dans un deuxième temps, en tombe amoureux. Aussi décide-t-il de l'épouser vraiment au grand dam de ses parents, qui comprendraient qu'il ait une passade avec une beauté, mais qui n'acceptent pas qu'il se soit entiché de cette "mollichonne"... qui passe son temps assise ou plantée comme un piquet

 

Comme Yvonne est de basse extraction, tout est permis à son égard et tout ce beau monde ne se prive pas de la malmener, d'autant plus qu'elle reste tout aussi muette qu'une carpe et ne se plaint jamais. Personne ne tient compte de ses regards énamourés ou de ses yeux de chien battu.

 

A la fin, cette inertie permanente d'Yvonne donne des envies de meurtre au roi, dont le chambellan (Elidan Arzoni) s'avère de bon conseil en la matière, à la reine et même en définitive à Philippe, qui s'éprend de la belle Isabelle (Olivia Seigne), autrement plus sexy que la promise qu'il s'est choisie sur un coup de tête.

 

Tous ces personnages ne sont guère reluisants et les circonstances créées à la Cour par l'irruption d'Yvonne, qui n'est pas de leur milieu, permettent de révéler leurs turpitudes dissimulées très hypocritement jusque-là. Le crime projeté sur la personne d'Yvonne n'est tout au plus considéré par eux que comme une extravagance.

 

Cette pièce mélange les genres. C'est tout à la fois une tragédie avec de longs monologues du roi, de la reine et du prince, et une comédie, voire une farce, qui en utilise tous les ressorts comiques. Le fond très grinçant démontre souvent par l'absurde la superficialité de ce monde de la Cour dont il suffit de gratter le vernis pour le mettre à nu et le tourner en dérision, ce que réussit très bien à faire cette satire, par moments déjantée. Amateurs de théâtre trop sérieux, s'abstenir...

 

Comme la pièce dure deux heures et quart sans interruption, le rythme soutenu de la mise en scène de Geneviève Guhl rend heureusement cette durée supportable. Il y a dix-huit personnages, et seulement neuf comédiens. C'est dire que les comédiens ne soufflent pas beaucoup et qu'il faut saluer le jeu enlevé qu'ils arrivent à conserver jusqu'au bout. Quant à celle qui joue Yvonne et qui doit prononcer trois mots, en tout et pour tout, son visage expressif parle magnifiquement à sa place.

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations à la Grange de Dorigny:

 

Dimanche 2 mars à 17 heures

Mardi 4 mars à 19 heures

Mercredi 5 mars à 20 heures 30

Jeudi 6 mars à 19 heures

Vendredi 7 mars à 20 heures 30

Samedi 8 mars à 19 heures

 

Tournée:

 

Du 8 au 11 avril à la Comédie de Genève

Le 5 mai au Théâtre de Valère à Sion

Les 9 et 10 mai à La Belle Usine à Fully

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15 février 2014 6 15 /02 /février /2014 08:10

Face au mur CRIMPDamien Gauthier est un metteur en scène qui ne recule pas devant les difficultés. Il met en scène des auteurs de théâtre contemporains nés dans les années 1950, qui sont de très bons crus, comme chacun sait...

 

Après avoir monté, il y a un peu plus d'un an, Et jamais nous ne serons séparés de Jon Fosse, qui était joué au Pulloff Théâtres de Lausanne, il vient de monter un trityque de Martin Crimp au Théâtre du Moulin-Neuf à Aigle.

 

En effet, le titre double adopté, Face au mur, tout va mieux, résume bien les deux premières pièces mais en cache une troisième, courte comme les deux autres, puisque l'ensemble ne dure qu'un peu plus d'une heure.

 

Quand le spectateur arrive, il se demande sur quel chantier il a débarqué. En effet les quatre comédiens du triptyque (Sarah Anthony, Catherine Delmar, Sébastien Gautier et Virginie Kaiser) s'en prennent à de malheureuses piles de journaux: ils les entassent, ils les déplacent, ils les dispersent, ils jouent avec au chamboule-tout...

 

Ce jeu de construction et de déconstruction est à l'image des trois textes.

 

Dans les deux premiers textes, il s'agit de faits divers, tels qu'on l'entend d'ordinaire, où narration et interprétation de personnages se mêlent à des interventions en direct des médias. Dans le troisième, il s'agit peut-être tout de même d'un fait divers puisqu'il s'agit du ... mariage, et conséquences, d'une très jeune femme shootée par un paparazzi.

 

Dans le premier un homme apparemment sans problèmes surgit dans une école, abat tour à tour la réceptionniste, un maître d'école, puis plusieurs enfants, un par un, en leur logeant une balle en pleine tête.

 

Dans le deuxième un enfant sur fond d'émeute et de voitures brûlées tente de gravir un escalier et d'attraper la clé à utiliser en cas d'urgence.

 

Dans le troisième texte une jeune femme se demande si elle ne commet pas une erreur en se mariant aussi jeune. Onze ans plus tard, est-elle vraiment convaincue d'avoir obtenu de la vie les choses qui valent la peine d'être vécues?

 

Dans les trois textes, illustrés de digressions nécessaires, le propos directeur se construit de phrases en phrases, reprises comme des antiennes, et augmentées à chaque sentence, jusqu'à l'explosion à laquelle mène inéluctablement la tension qu'elles véhiculent.

 

Chacun de ces textes met en valeur une des trois interprètes féminines. Dans l'ordre: Sarah Anthony, Virginie Kaiser et Catherine Delmar. L'interprète masculin est toujours là, en support, comme pour maintenir toujours un lien avec elles.

 

Sans doute les propos sont-ils graves, mais ils sont mis en perspective avec beaucoup d'humour grinçant, c'est-à-dire en faisant des rapprochements antagonistes improbables qui relativisent tout d'un coup les choses et les font regarder avec distance. On rit donc, et il ne faut pas se gêner de le faire...

 

Le tout donne le sentiment d'une machine bien huilée, dès la première, ce qui est de très bon augure pour la suite...

 

Francis Richard

 

Prochaines représentations:

 

Théâtre du Moulin-Neuf, Avenue du Chamossaire 12, 1860, Aigle, tél.: 024 466 54 46

 

Samedi 15 février 2014 à 20h

Dimanche 16 février 2014 à 18h

 

Maison de Quartier de la Jonction

Avenue Sainte-Clotilde 18bis, CP 204, 1211 Genève 8, tél.: 022 545 20 20

 

Mercredi 2 avril 2014 à 20h

Jeudi 3 avril 2014 à 20h

Vendredi 4 avril 2014 à 20h

Samedi 5 avril 2014 à 20h

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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Profil

  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.

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