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14 janvier 2025 2 14 /01 /janvier /2025 22:30
Prisonnier du rêve écarlate, d'Andreï Makine

Lucien Baert est né à Douai le 10 novembre 1918. Il a six ans et demi, quand son père tombe d'un toit, victime d'un accident du travail faute de sécurité suffisante. 

 

À seize ans, membre d'une cellule de la Jeunesse communiste, il est fier d'avoir déjà une "conscience de classe". Et veut pouvoir démentir ceux qui calomnient l'URSS.

 

Le 16 août 1939 il fait partie d'une délégation de jeunes ouvriers qui partent pour l'URSS. Là-bas, alors qu'ils visitent une usine, il s'éloigne pour rembobiner une pellicule.

 

Il fait la découverte qu'on leur joue la comédie pour leur faire croire que le rêve rouge est devenu réalité. Ses yeux finissent de se dessiller quand il lit le titre d'un journal:

 

La signature du traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union soviétique.

 

À Gorki, il rate le train pour Moscou emportant ses compagnons de voyage. Arrêté, pour sauver sa peau de Français, sur le conseil d'un codétenu, il prétend trafiquer de l'or.

 

Condamné à huit ans de privation de liberté, il fait partie des premières unités de prisonniers envoyées au front. Un codétenu lui propose de prendre son nom s'il est tué:

 

Celui qui lui a proposé cet échange est tué une semaine plus tard.

 

Devenu Matveï Bélov, né à Smolensk en 1907, il assiste aux funérailles de son double, orthographié Luciane Baerte... N'ayant pas démérité, il intègre une unité régulière...

 

Fait prisonnier par l'ennemi à la suite d'un guet-apens, il est libéré par les Soviétiques, mais ils ont besoin d'un coupable pour s'être laissé surprendre et le condamnent à neuf ans:

 

Il est envoyé non pas dans le camp où il était emprisonné avant la guerre, celui de l'Oural, mais plus à l'ouest, à la construction d'une voie ferrée à travers la taïga et les marécages.

 

À la mort de Staline, en 1953, les prisonniers de droit commun sont libérés par anticipation, mais pas les politiques, qui se révoltent. Résultat pour lui: sa peine est allongée.

 

Amnistié et réhabilité en 1957, il est assigné à résidence à Pinéga, fait la rencontre de Daria à Tourok, un hameau devenu site militaire, et la sauve de deux gardiens, qu'il tue.

 

Matveï et Daria se reconstruisent ensemble, mais lui, encouragé par elle, souhaite revoir sa mère et, à l'été 1967, se rend, en cachette, au Havre à bord d'un transporteur de minerai.

 

Au début, grâce à Julia, une journaliste, il y est acclamé en héros. Ensemble ils écrivent un livre. Pour qu'il se vende, il accepte de changer de nom et de travestir ce qu'il a vécu...

 

En mai 1968, plus personne ne s'intéresse à toutes ses histoires de camps et de guerres. Il se rend compte que d'autres utopies ont remplacé l'utopie communiste de sa jeunesse.

 

En 1974, il fera le point. À un véritable ami, malgré leurs divergences, alors que d'aucuns n'apprécient guère son franc-parler, guéri de ses illusions par la vérité, il confiera:

 

Après ma libération du camp, je n'avais pas le moindre espoir de... oui, reprendre un train, comme vous dites. Sauf que l'ex-taulard que j'étais me semble à présent bien plus vivant que l'homme qui a passé sept ans dans cette France nouvelle...

 

Il en tirera les conséquences et partira pour cette contrée déserte où les gens revenus de toutes les illusions ont retrouvé la simple humanité depuis longtemps perdue ailleurs...

 

Francis Richard

 

Prisonnier du rêve écarlate, Andreï Makine, 416 pages, Grasset

 

Livres précédents:

 

Le pays du lieutenant Schreiber, Grasset (2014)

L'archipel d'une autre vie, Seuil (2016)

Au-delà des frontières, Grasset (2019)

L'ami arménien, Grasset (2021)

L'ancien calendrier d'un amour, Grasset (2022)

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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