Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
22 juin 2025 7 22 /06 /juin /2025 22:55
Des Suisses au service de la Grèce, sous la direction de Jean-Philippe Cheneaux

Ont collaboré à cet ouvrage collectif, par ordre alphabétique:

  • Michelle Bouvier-Bron
  • Jean-Philippe Cheneaux
  • Bernard Ducret
  • Yves Gerhard
  • Alexis Krauss
  • Olivier Meuwly
  • Karl Reber
  • Anastasia Tsagkaraki

 

À la fin du livre, les notices des auteurs sont éloquentes sur leurs titres universitaires et compétences littéraires et historiques. 

 

Jean-Philippe Cheneaux l'a certes dirigé, mais il en a rédigé plus de la moitié...

 

Ce que le titre ne dit pas, mais que le lecteur découvre dès la préface d'Yves Gerhard et l'introduction de Jean-Philippe Cheneaux, c'est qu'il s'agit de la Grèce libérée du joug ottoman, au début du XIXe siècle.

 

La Grèce y était tombée au XVe siècle et mettra une décennie à retrouver son indépendance, de 1821 à 1830.

 

Dans sa première contribution, Olivier Meuwly situe ce mouvement de révolte dans le contexte du développement du mouvement libéral qui est allé de pair avec le philhellénisme:

 

Étudiants, artistes, mais aussi politiciens s'enflamment pour la cause grecque. Ils hurlent leur dégoût face à la passivité des Puissances qui préfèrent sacrifier des frères chrétiens plutôt que de remettre en cause l'ordre policier instauré par le Congrès de Vienne.

 

Eux ne restent pas passifs:

 

Envoi de combattants parfois, mais surtout appuis financiers et accueils d'exilés sont au rendez-vous.

 

Olivier Meuwly évoque les contacts amicaux entre le futur chef du mouvement révolutionnaire et les Genevois Pictet de Rochemont et Jean Gabriel Eynard, dans les allées de Vienne, déjà avant pour les Vaudois La Harpe et Henri Monod.

 

Dans sa contribution Michelle Bouvier-Bron dresse justement le portrait de Jean Gabriel Eynard. Financier genevois, il deviendra philhellène. Il viendra plusieurs fois au secours des finances grecques, mais il  n'ira jamais en Grèce...

 

Après l'assassinat de Capodistrias1 le 9 octobre 1831, il continua de prodiguer ses conseils au nouvel État et [...] joua un rôle essentiel dans la fondation de la Banque Nationale de Grèce en 1841. 

 

Benjamin Constant, bien que naturalisé français, fait partie de ces Suisses libéraux au service de la Grèce. Son premier contact avec le monde hellénique, écrit Jean-Philippe Chenaux, remonte à 1772, quand il avait cinq ans:

 

Un de ses nombreux précepteurs, l'Allemand Friedrich Jacob Stroelin (ou Stroehlin) l'initie au grec ancien sous forme de jeu, à la manière du père de Montaigne.

 

Ce premier contact sera déterminant. Par la suite, il lira beaucoup d'ouvrages sur les Grecs et de livres grecs. La Grèce sera d'ailleurs un thème de prédilection du Groupe de Coppet.

 

En tant que député, journaliste, membre du Comité des Grecs, il combattra pour la Grèce, lancera, en 1824, un Appel aux nations chrétiennes en faveur des Grecs, dénoncera, en 1826, à la Chambre et dans la presse, les relations franco-égyptiennes...  

 

En 1829, l'expédition de Morée, décidée par la Russie, la Grande-Bretagne et la France, et menée par celle-ci, contraindra les forces égyptiennes d'Ibrahim Pacha à se retirer le 2 octobre... 

 

Autre Suisse à l'honneur: Juste Olivier, dont Jean-Philippe Cheneaux rappelle qu'il écrivit, à dix-huit ans, en 1825, un long poème ne comprenant pas moins de quarante strophes et 234 vers à la gloire de Marcos Botzaris au mont Aracynthe

 

Marcos Botzaris était mort, le 31 août 1823, pour empêcher le  second siège de Missolonghi 2, après avoir pénétré dans le camp ottoman à la tête de 350 hommes, où il avait fait un véritable carnage... 

 

Juste Olivier n'aura chanté qu'un été la cause hellénique. Ses convictions libérales lui coûteront sa chaire à l'Académie. On lui doit Le Canton de Vaud, sa vie et son histoire, son oeuvre la plus accomplie, et une biographie du Major Davel. 

 

Johann Jakob Meyer est, écrit Jean-Philippe Chenauxun personnage légendaire de la lutte pour l'indépendance grecque. Né en 1798, il a une existence tumultueuse et sans domicile fixe, jusqu'à ce qu'il s'enflamme pour la cause de l'Indépendance de la Grèce.

 

En 1822, il s'établit à Missolonghi, s'y marie. Bien que n'ayant pas terminé sa médecine, ce pharmacien l'exerce à l'hôpital de la ville, crée un journal, Ellinika Kronika (Chroniques helléniques), dont le premier numéro sort le 1er janvier 1824. 

 

Le 26 février 1826, l'imprimerie du journal est détruite par un obus franco-égyptien... Le journal cesse de paraître (les adieux de Johann Jacob seront publiés dans Le Courrier français du 6 juin: il y réitère sa volonté de lutter jusqu'à son dernier souffle pour la Grèce)... et lui-même mourra, avant cette parution, le 23 avril 1826.

 

Les journaux suisses de l'époque rendront compte du soulèvement des Grecs contre les Turcs et, notamment, du quatrième siège de Missolonghi 2Jean-Phippe Chenaux cite ainsi nombre d'articles de la Gazette de Lausanne et du Nouvelliste vaudois 3, sans que cette revue de presse soit exhaustive.

 

Anastasia Tsagkaraki a consacré sa contribution à Henri Fornèsy. Celui-ci, né à Orbe en 1803, devenu philhellène comme une bonne partie de la jeunesse européenne, ne s'est rendu en Grèce qu'à l'été 1828.

 

Fornèsy avait demandé, et obtenu, l'aide de Jean-Gabriel Eynard pour servir la Grèce. Ce dernier l'avait en effet recommandé à Ioannis Capodistrias, sa connaissance du grec ancien étant un plus. Il aurait voulu être embauché dans l'enseignement grec; il sera incorporé dans l'armée:

 

Plus que pour ses activités militaires, Henri Fornèsy est connu surtout pour la liste des philhellènes qu'il a compilée.

 

Sur cette liste figure le Bernois Emmanuel Amenäus Hahn, né en 1800, dont, selon Karl Reberla carrière a été la plus exceptionnelle. Élevé dans un orphelinat et étant entré à l'École royale des officiers à Berlin, de retour en Suisse, il décidera de participer à la guerre pour l'Indépendance de la Grèce.

 

Rescapé du siège de l'Acropole en 1827, ayant participé à la campagne des Dardanelles en 1828, il reste en Grèce à la fin de la guerre. En 1844 il est récompensé par le roi Othon pour sa loyauté et obtient le grade de colonel.

 

En 1862, le roi Othon, avant d'être déchu, lui confiera le haut commandement de l'armée. Son successeur, Guillaume de Danemark, le nommera Lieutenant Général de l'armée grecque, avant qu'il ne retourne en Suisse...

 

Pour clore cet ouvrage, Bernard Ducret et Alexis Krauss racontent comment le gouvernement révolutionnaire grec s'est financé pendant et après la guerre d'Indépendance.

 

Après bien des péripéties, que les auteurs relatent dans le détail, la fondation de la Banque Nationale de Grèce lui permettra d'échapper, selon eux, à la finance étrangère, en récoltant les capitaux de la diaspora et des philhellènes.

 

En guise de conclusion, le lecteur peut faire sien ce propos que tient Yves Gerhard dans sa préface: 

 

Il manquait un ouvrage de synthèse sur l'apport des citoyens suisses à la conquête longue et difficile de l'Indépendance grecque: nous ne pouvons que saluer le résultat que ce dernier apporte à notre amour de la Grèce.

 

Francis Richard

 

1 - Ioannis Capodistrias, après avoir servi la Russie, était devenu gouverneur de la Grèce.

2 - Premier siège: de novembre 1822 à janvier 1823; deuxième: d'octobre à décembre 2023; troisième: d'avril à octobre 1825; quatrième: du 5 janvier 2026 au 23 avril 2026, après une sortie d'une partie de la population, l'Exodos.

3 - La Gazette de Lausanne a été absorbée par le Journal de Genève en 1991, qui est devenu Le Temps en 1998; quant au Nouvelliste vaudois, il a disparu en 1914...

 

Des Suisses au service de la Grèce, sous la direction de Jean-Philippe Chenaux, 296 pagesFavre

 

Livres de Jean-Philippe Cheneaux:

 

Les cinq vies du "bon docteur Messerli", 192 pages, Favre (2019)

Un académicien chez les Vaudois, Edmond Jaloux, 314 pages, Cahiers de la Renaissance vaudoise (2022)

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
  • Contact

Profil

  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.

Références

Recherche

Pages

Liens