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5 novembre 2016 6 05 /11 /novembre /2016 16:30
7e Week-End de la Liberté à Dax 4/5

Samedi 24 septembre 2016

 

20 heures

 

A l'hôtel Sourcéo de Saint Paul-Lès-Dax,  les conférences du dîner du 7e Week-End de la Liberté, organisé par le Cercle Frédéric Bastiat, avec le concours de

- l'ALEPS

- l'ASAF

- Contribuables Associés

- l'Institut Coppet

- l'iFRAP

- l'IREF Europe

- Students For Liberty - France

sont consacrées l'une aux Migrations européennes en 2015 et l'autre à L'Europe: le libre échange, la libre circulation des personnes et des biens.

7e Week-End de la Liberté à Dax 4/5

Jean-Paul Gourévitch, consultant international, est l'auteur de plusieurs études sur l'immigration et l'expatriation pour Contribuables associés. Sa dernière étude a pour objet les Migrations européennes en 2015, thème de la conférence de ce soir.

 

Le conférencier, en préambule, rappelle le déchaînement médiatique que lui a valu la parution, le 11 septembre 2014, de son livre Les migrations pour les nuls aux éditions First, un ouvrage de 400 pages pourtant très documenté et aussi objectif que possible en la matière.

 

Jean-Paul Gourévitch a dû ce déchaînement à une dépêche de l'AFP, rédigée par une journaliste militante qui n'a rien trouvé de mieux que de dire que l'auteur était intervenu auprès d'organismes de droite en omettant de parler de ses interventions auprès d'organismes de gauche ou apolitiques.    

 

A cette occasion, il a pu se rendre compte qu'il était impossible d'obtenir un droit de réponse à une dépêche de l'AFP ni aux médias qui s'étaient contentés de la reproduire. De ceux qui en avaient rajouté, il a pu l'obtenir.

 

A la faveur de ses droits de réponse Jean-Paul Gourévitch a prédit des migrations en Europe de l'ordre de 1 million à 1 million et demi en 2015. Ce sont des chiffres qui ont été corroborés par la suite par Eurostat... A l'époque d'aucuns les avaient cependant considérés comme un fantasme d'expert et l'avaient traité lui de compagnon de route de la fachosphère...

 

Les migrations d'une telle ampleur, que l'Europe a connues en 2015, posent un problème financier et un problème sociétal.

 

Le coût de l'immigration a été un sujet tabou pendant 20 ans, grosso modo de 1987 à 2007. Le premier ouvrage sur la question, L'immigration sans haine ni mépris, est rédigé par Pierre Milloz pour le compte du Front national... mais elle comporte cette mention: L'immigration, une malchance pour la France.

 

En 2010, il devient possible de parler du coût de l'immigration sans se faire traiter d'extrémiste de droite ou de compagnon de route de l'extrême-droite, ou d'être considéré comme instrumentalisé par l'extrême-droite.

 

En effet, cette année-là, Xavier Chojniki, professeur de l'Université de Lille, tire la première salve. Dans une étude il conclut à un bénéfice de l'immigration de 12 milliards €, autrement dit ce que payent les immigrés est largement supérieur à ce qu'ils reçoivent de l'État.

 

En 2012, Chojniki publie un ouvrage avec Lionel Ragot, L'immigration coûte cher à la France. Qu'en pensent les économistes?, le bénéfice, basé sur des chiffres de 2005 et relatif à l'immigration légale, y est ramené à 3,9 milliards €. 

 

Tous les autres experts qui travaillent sur la question sont arrivés à des déficits. François Gemenne est le plus près de zéro: ses calculs le conduisent à un déficit de 3 à 5 milliards €, tandis que l'OCDE arrive à un déficit situé entre 3 et 10 milliards €. Marine Le Pen parle de 70 milliards de déficit...

 

Pour sa part, Jean-Paul Gourévitch situe le déficit à 8,9 milliards € (la balance recettes-dépenses de l'immigration régulière est déficitaire de 5,6 milliards et celle de l'immigration irrégulière de 3,3 milliards), auquel il convient d'ajouter les investissements de l'État.

 

Parmi ces investissements pour l'intégration des migrants, à hauteur de 6,9 milliards €, il y a:

- des investissements rentables tels que la formation, l'amélioration du logement ou la politique de la ville, mais cette rentabilité n'est pas mesurable.

- des investissements non rentables tels que l'aide au développement (dans le domaine de laquelle le conférencier travaille): cette aide devait permettre de limiter l'immigration, or c'est exactement le contraire qui s'est produit...

 

En 2015, Jean-Paul Gourévitch s'est intéressé au coût des demandeurs d'asile, au nombre de 79 130. En incluant le coût des migrants irréguliers non demandeurs d'asile, il parvient à un montant de 1,380 milliard € de coût des migrations irrégulières. Ce qui n'est pas énorme mais s'ajoute au déficit annuel.

 

En tout cas c'est un domaine dans lequel on pourrait faire des économies financières et des avancées sociétales (une majorité de Français sont en situation de rejet de l'arrivée de migrants).

 

La droite et la gauche sont d'accord sur deux choses. Il faudrait:

- traquer la fraude à l'identité: l'industrie des faux papiers est en plein développement de part et d'autre de la Méditerranée (200 000 par an selon Christophe Naudin et 15 000 selon la police de l'air et des frontières)

- traquer les passeurs: 3 000 selon une étude de Jean-Christophe Dumont de l'OCDE, mais, comme les Allemands en ont arrêté 1 500 en 2014 et à peu près autant en 2015, on aurait dû constater leur disparition: il devait y en avoir davantage ou leur nombre continue d'augmenter...

 

En fait plusieurs autres actions pourraient être entreprises:

- réduire une partie des subventions aux associations d'aide aux migrants: 50 millions sur les 200 millions € annuels

- faire contribuer les migrants aux frais de santé: paiement d'une cotisation de 50 €, qui permettrait un suivi médical de ces personnes

- faire contribuer les migrants aux frais de justice: paiement de frais de dossier de 200 €, remboursables en cas d'acceptation (18 mois de délai des recours, rejetés à 80%)

- appliquer les décisions concernant les déboutés (96% des déboutés restent en France selon la Cour des Comptes).

 

Jean-Paul Gourévitch évalue ces économies possibles, résultant de mesures raisonnables, à un total de 764 millions €, c'est-à-dire à plus de la moitié du 1,380 million € de coût total des migrations irrégulières.

 

Pour ce qui concerne le problème sociétal, ce problème est un mélange de rejet, de xénophobie et d'islamophobie.

 

Il y a en France 8,5 millions de musulmans, et non pas 4 millions comme le disent des gens comme Chevènement qui en sont restés aux années 1990: il y en avait déjà 5,5 millions en 1998 selon Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris, et 6 millions en 2002 selon Bruno Etienne, président de l'Observatoire du Religieux. On ne voit pas comment 2 millions se seraient évaporés... d'autant qu'il y a de plus en plus de migrations et un différentiel de natalité.

 

Sur ces 8,5 millions, il y a environ 4 millions de musulmans actifs. Sur ces 4 millions, il y a environ 150 000 personnes qui sont proches intellectuellement de l'islamisme radical, mais pacifistes, et, sur ces 150 000, il y a environ 15 000 activistes, qui sont tout à fait prêts à commettre des attentats.

 

Compte tenu de cela, on comprend la peur, on comprend un certain rejet de l'islam que Jean-Paul Gourévitch ne confond pas pour autant avec l'islamisme.

 

Si on se projette un petit peu dans le futur, on a trois grands scénarios:

- le scénario diabolique de l'affrontement, avec ses variantes: l'invasion, la natalité, l'islamisation

- le scénario angélique du vivre ensemble, avec la multiculturalité, avec le métissage social ou avec le développement solidaire

- le scénario de la frontière, auquel on n'est pas préparé, le scénario de la coexistence, le scénario du vivre côte à côte, avec le risque de conflit quand une communauté veut intervenir chez la communauté voisine.

7e Week-End de la Liberté à Dax 4/5

Jacques Garello, président d'honneur de l'ALEPS, va répéter la conférence qu'il a faite devant le Cercle Frédéric Bastiat, le samedi 8 juin 1991, sur le thème L'Europe, super État à l'américaine ou Confédération à la Suisse?, puisque rien n'a changé depuis...

 

Le sommet européen de Bratislava vient de se terminer sur un échec. Matteo Renzi a qualifié l'Europe d'Angela Merkel et de François Hollande de sans âme et sans horizon. Joseph Stiglitz, le plus fantaisiste, le plus hétérodoxe et sans doute le plus nul des prix Nobel, a recommandé la sortie de l'euro pour l'Allemagne afin de sauver l'Europe: ceux qui resteraient dans la zone bénéficieraient d'une dévaluation compétitive...

 

L'Europe est un sujet important, un choix stratégique, et qui n'a jamais été fait.

 

Dans l'actualité, l'importance de l'Europe n'est pas niable, avec:

- Le Brexit (bien malin est celui qui pourra dire quel chemin emprunteront l'Angleterre et l'Europe)

- L'immigration (qui ne se résoudra pas dans des États-providence où en prenant aux uns pour donner aux autres on crée des privilèges, à l'origine des haines entre les gens)

- Le traité de libre-échange entre les États-Unis et le Canada d'une part et l'Union européenne de l'autre (qui suscite des oppositions, notamment en Allemagne).

 

L'Europe est déterminante pour la France:

- 2/3 des textes votés par les parlementaires français sont des textes d'introduction dans le droit français de directives données par Bruxelles

- la politique monétaire et budgétaire est guidée par les choix keynésiens et socialistes effectués par la Banque Centrale européenne (des milliards d'euros ont été mis sur le marché financier pour prétendument relancer la machine, selon le précepte que plus on dépense, plus on s'enrichit...)

- l'harmonisation fiscale est un objectif poursuivi par Bruxelles: il est scandaleux que les taux d'imposition des sociétés soient de 12% en Irlande et de 33% en France, que les impôts sur le revenu ne soient pas partout les mêmes, ce qui incite des Français à déménager en Belgique ou en Suisse...

- les élites françaises partent pour des pays où leurs efforts seront récompensés. 

 

L'Europe souffre d'un mal depuis sa création: elle n'a pas voulu choisir ce qu'elle allait être. Elle a refusé de faire un choix. Le problème est que le choix, maintenant, devient une contrainte.

 

Dès le début, il y a deux Europe:

- celle des vrais pères (Robert Schumann, Konrad Adenauer et Alcide De Gasperi):  travailler ensemble est la garantie de vivre en paix; la dimension institutionnelle n'est pas envisagée

- celle des structures (Jean Monnet), des techniciens, de la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier, d'Euratom etc.

 

Deux Europe s'opposent et se superposent: l'Europe de la planification et l'Europe du laissez-se-développer:

- le Traité de Rome (1957): c'est à la fois le marché et le libre commerce, et la politique agricole commune

- l'Acte Unique (1986): c'est à la fois une poussée vers l'Europe marchande et une poussée vers l'Europe planifiée, avec l'Union monétaire (ajoutée à l'instigation de Jacques Delors), qui induira les politiques monétaire, budgétaire et industrielle...

 

La Chute du Mur de Berlin, en 1989, a fait naître un grand espoir, vite contrebattu par les fonctionnaires de Bruxelles. Et le choix n'a jamais été fait clairement entre:

- l'Europe de la centralisation, de la planification, et celle de la liberté de circulation des personnes et des biens

- l'Europe du droit imposé et celle du droit fruit d'une lente évolution sociale

- l'Europe du pouvoir et celle de l'espace.

 

Un exemple de la vertu de concurrence est celui de la TVA sur les véhicules qui se vendaient TTC: en France, taxés à 30%, ils étaient confrontés à la concurrence des véhicules allemands taxés à 17%. En deux mois, la TVA sur les véhicules français a dû être baissée de 10 points... Cela n'empêche pas d'aucuns de considérer que la concurrence est horrible, même si elle est toujours bénéfique pour le consommateur...

 

Ce non-choix a conduit à une Europe toujours plus centralisée, plus socialisée, une Europe où l'État-providence est la règle.

 

Aujourd'hui le choix doit être fait parce que les Européens ne sont pas les maîtres de leur stratégie: ils sont intégrés dans un espace qui est beaucoup plus large. S'ils veulent se refermer sur eux-mêmes et se donner un pouvoir central, ils seront détruits. Pèsent sur eux deux hypothèques:

- la première: ils vont se disputer entre eux (l'Europe type Merkel n'est pas l'Europe type Hollande)

- la deuxième (la plus lourde): ils vont être balayés par la mondialisation (l'Europe surchargée de règlements et d'impôts n'est pas compétitive)

 

L'Europe peut imaginer cependant être celle des espaces ouverts, des espaces de libre-échange, ce qu'elle a été à la Renaissance et au XIXe siècle. Le libre-échange est en effet bon pour les gens les plus modestes: c'est le vrai progrès social, qui naît de la concurrence et de la liberté.

 

Le libre-échange n'a jamais signifié la division du travail, la spécialisation internationale. 2/3 du commerce mondial est fait d'échanges croisés: les Français exportent des voitures vers l'Allemagne, les Allemands en exportent vers la France etc.

 

Ce qui existe, c'est la communication entre les gens et la circulation des idées: peu à peu on s'enrichit parce qu'on voit ce que les autres font. Ce n'est donc pas la division du travail, c'est la division du savoir. Voilà l'intérêt de l'échange, l'intérêt du marché: permettre d'accéder sans cesse à ce qu'il y a de mieux pour tout le monde.

 

Quand, au contraire, on refuse au véhicule du savoir d'entrer, parce que, justement, on ne sait pas faire, cela veut dire que l'on n'est pas prêt à fragmenter son travail, à diminuer ses impôts et sa réglementation. Comme on n'est pas compétitif, on dit au véhicule de rester à la rue.

 

Mais, aujourd'hui, c'est l'Europe qui va rester à la rue, ou certains pays d'Europe, qui continueront à prendre l'Europe pour une forteresse contre le reste du monde.

 

L'Europe forteresse est une catastrophe. Les protectionnistes français disent, comme du temps de Bastiat: Ce n'est pas tellement pour nous, c'est pour l'intérêt général. Dans La pétition des marchands de chandelles, Bastiat disait qu'il fallait les protéger de la concurrence du soleil en fermant portes et volets...

 

Le protectionnisme est en fait une démagogie invraisemblable. On fait remarquer que ce ne sont pas les privilèges des fonctionnaires qu'on défend, ce n'est pas la SNCF, ce n'est pas l'URSSAF. Ce qu'on défend, dit-on, c'est l'intérêt général français. C'est dramatique:

 

L'échange est une rencontre libre entre des hommes libres. Si vous supprimez l'échange, si vous ne libérez pas l'échange, naissent l'incompréhension, puis, après l'incompréhension, la xénophobie, et, après la xénophobie, la guerre.

 

Entre 1930 et 1938, le commerce mondial a été divisé par 8. Les échanges étaient réduits à de purs trocs, négociés de gouvernement à gouvernement. Ce qui s'est passé? L'autre est devenu l'ennemi. Il y avait une crise? Ça venait de l'étranger. On a dit: Fermons les frontières. Enfermons-nous chez nous. Et puis la crise sera vaincue. Mais c'est la guerre qui est advenue.

 

Les dirigeants de l'après Deuxième Guerre mondiale ont eu l'intelligence de signer la Charte de La Havane (1947) parce qu'ils se sont rendus compte que, si cette guerre avait eu lieu, c'est parce qu'il y avait eu une flambée de nationalisme et de haine entre les peuples. Ils ont dit qu'il fallait faire tout ce qu'on pouvait pour aller vers le libre-échange:

- les tarifs douaniers ont été réduits, puis ont disparu

- les contingentements, les quota ont été supprimés

 

L'Europe l'a fait, en traînant les pieds...

 

Méfions-nous des discours nationalistes, patriotiques - aujourd'hui on embellit même le vice. Ces discours ne prédisposent-ils pas à haïr celui qui vient de l'étranger? Cela va poser des problèmes à l'intérieur des frontières et à l'extérieur des frontières.

 

L'Europe divisée a des racines communes. On a honte de dire que ces racines communes sont celles de la chrétienté, non pas en raison du sacrifice du Christ, qui est remarquable pour le croyant que Jacques Garello est, mais parce que la chrétienté est synonyme d'amitié, d'amour réciproque, de reconnaissance et de respect des autres, de responsabilité.

 

L'Europe va-t-elle prendre la voie de la liberté, de la responsabilité et de la dignité de la personne humaine, ou va-t-elle s'enfermer dans la protection, la collectivisation? Ses enfants seront-ils marqués par le déficit de connaissance et d'éducation, qui leur auront été inculquées à travers un système de monopole public?

 

Il faudra bien que la France et que l'Europe choisissent.

 

Francis Richard

 

Articles précédents:

7e Week-End de la Liberté à Dax 1/5

7e Week-End de la Liberté à Dax 2/5

7e Week-End de la Liberté à Dax 3/5

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30 octobre 2016 7 30 /10 /octobre /2016 22:45
Hôtel Sourcéo à Saint Paul-lès-Dax

Hôtel Sourcéo à Saint Paul-lès-Dax

Samedi 24 septembre 2016

 

14 heures 30

 

A l'hôtel Sourcéo de Saint Paul-Lès-Dax,  cet après-midi du 7e Week-End de la Liberté, organisé par le Cercle Frédéric Bastiat, avec le concours de

- l'ALEPS

- l'ASAF

- Contribuables Associés

- l'Institut Coppet

- l'iFRAP

- l'IREF Europe

- Students For Liberty - France

est consacré à la politique publique.

Sandrine Gorreri

Sandrine Gorreri

Libérer la politique du logement

 

Sandrine Gorreri, Directrice de la Rédaction de Société civile, mensuel de la Fondation iFRAP, a publié en mai 2016 un dossier très complet sur ce sujet.

 

La politique du logement en France se caractérise par un déchaînement de l'interventionnisme étatique:

- La loi ALUR (n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) comporte 177 articles

- Les réglementations techniques ont pesé pour un tiers dans l'augmentation de 60% des coûts de la construction

- La fiscalité immobilière est passée de 37 milliards € en 2000 à 63 milliards € en 2013

- Les dépenses publiques en matière de logement représentent 2,3% du PIB, soit 40 milliards €, soit 2 fois la moyenne européenne et 3 fois les dépenses publiques de l'Allemagne ou de l'Italie en la matière.

 

Les objectifs de la politique du logement sont:

- d'assurer à chacun un logement qui correspond à ses besoins et à ses capacités financières

- d'assurer à chacun un logement décent

- d'encourager l'accession à la propriété

- d'assurer une certaine mixité sociale

 

Les aides au logement représentent 40,782 milliards € qui se répartissent ainsi:

 

2013

Total

Consommateurs/
locataires

Bailleurs
sociaux

Bailleurs privés et
propriétaires occupants

Prestations sociales

19,942

19,942

  

Subventions d'investissement

3,411

 

2,918

0,493

Subventions d'exploitation

0,214

 

0,214

 

Avantages fiscaux

14,519

 

4,668

8,359

Avantages de taux (prêts)

2,696

 

1,762

0,934

 

40,782

19,942

9,562

9,786

 

Ce tableau appelle les remarques suivantes:

 

1) Les prestations sociales

 

Les aides personnelles au logement (près de 20 milliards €) sont à comparer aux allocations familiales (12 milliards) et au RSA Socle (8 milliards).

 

Ces aides:

- ne sont pas maîtrisées, sont inflationnistes et, donc, difficiles à financer;

- créent des disparités entre ceux qui en bénéficient et ceux qui n'en bénéficient pas;

- s'articulent mal avec le foisonnement des autres aides sociales (95 milliards au total) et creusent un fossé entre les niveaux de vie.

 

L'iFRAP propose de fusionner toutes les prestations sociales sous condition de ressources en une prestation unique, qui serait dégressive en fonction du revenu et plafonnée, pour favoriser le retour à l'emploi.

 

2) Le logement social

 

Ce qui est édifiant, dans ce domaine, c'est de vouloir faire le bonheur des gens à leur place...

 

Le logement social, c'est, on l'a vu, 9 milliards versés aux bailleurs sociaux qui perçoivent en outre, directement, 7 milliards des APL, soit une masse d'argent considérable qui est dirigée vers une partie du logement.

 

Les 9 milliards proviennent d'avantages fiscaux, aides à la pierre, de subventions des collectivités locales, de subventions et prêts à faible taux d'intérêt du 1% logement etc. Les bailleurs sociaux bénéficient de prêts consentis par la Caisse des Dépôts et Consignations à partir des fonds du Livret A dont l'encours est de 228 milliards €...  

 

Ne vaudrait-il pas mieux que cette épargne, stérilisée dans le logement, soit investie dans les entreprises plutôt que dans un parc social dont on n'a plus forcément besoin?

 

La conséquence est qu'il y a en France 17% de logements sociaux, soit deux fois la moyenne européenne, plus que l'Italie (5,3%) et l'Allemagne (4,6%), un peu moins que le Royaume-Uni et la Suède (18%).

 

L'article 55 de la loi SRU (loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain) prévoit que les communes de plus de 1 500 habitants en Ile de France et de plus de 3 500 habitants dans les autres régions doivent disposer de 20% de logements sociaux. En 2013, ce taux a été porté à 25%...

 

La loi Dalo (Droit au logement), la loi de Mobilisation du foncier public, complètent ce dispositif étatiste. La loi Égalité et citoyenneté est en discussion au Sénat... L'objectif de tout cet appareil est de faire en sorte qu'on ne consacre pas trop d'argent pour se loger...

Malgré toutes ces lois, le nombre de demandeurs de logements sociaux n'a guère baissé: de 2 millions en 2002 il est de 1,8 millions en 2015. Selon des associations, telles que celle de l'Abbé Pierre ou Droit au logement, il y aurait 8 à 12 millions de mal logés en France...

 

Plus on construit de logements sociaux, plus il en manque... N'est-ce pas un constat d'échec? N'est-ce pas une fuite en avant?

 

Explications factuelles:

- comme les plafonds sont élevés 66% des Français sont éligibles pour bénéficier d'un logement social...

- 50% des demandeurs de logements sociaux en sont déjà bénéficiaires (changement de métier, de situation de famille etc.), mais, comme les prix du privé sont plus élevés, ils ont du mal à changer: ce sont des bénéficiaires de véritables rentes...

 

A Paris, la commission d'attribution des logements sociaux reçoit 25 dossiers par logement social. La bureaucratie mise en place en retient 3. Pour les départager, elle s'immisce dans la vie privée des gens d'une manière telle que c'en est choquant et qu'un bailleur privé serait poursuivi devant les tribunaux s'il agissait de même.

 

Le logement social est en fait un instrument de pouvoir pour les élus, un moyen de se faire une clientèle électorale. Le résultat est qu'il y a des zones très étendues où le nombre de logements sociaux vacants est élevé. Ainsi dans des villes telles que Stains, Sarcelles ou Villiers-le-Bel, plus de la moitié des logements sont des logements sociaux.

 

Mais  ces logements sociaux constituent de véritables ghettos, où la mixité sociale que d'aucuns prônent est improbable: quel Français moyen a envie d'y habiter alors que la sécurité des biens et des personnes n'y est pas assurée? Les questions de la sécurité et du chômage sont en réalité préalables à celle du logement.

 

Le tableau ci-dessous montre l'évolution du parc de logements  à Paris:

 

En milliers

Locatif social

Locatif privé

Propriétaire
occupant

1996

146000

488000

348000

2014

214000

307000

516000

Évolution

68000

-181000

168000

Évolution

47%

-37%

48%

 

Le locatif privé a fortement reculé au profit du locatif social et de l'occupation des logements par leurs propriétaires:

- comme il est difficile de construire à Paris, on conventionne du logement privé et on dit que l'on mène une politique sociale

- des locataires deviennent propriétaires dans les quartiers bon marché (ce qui n'est pas en soi une mauvaise chose).

 

La conséquence est donc ce recul du locatif privé. C'est regrettable, parce que le locatif privé est essentiel à la mobilité:

- les logements sociaux sont occupés par des personnes qui avancent en âge

- à Paris, il est plus simple, et moins coûteux, de louer que d'acheter.

 

En conséquence ceux qui entrent dans la vie active n'ont accès ni au locatif social, ni au locatif privé, ni à la propriété et sont repoussés loin en région parisienne.

 

Le paradoxe est que c'est pourtant dans le locatif privé que se trouve la plus grande proportion du premier décile de revenus... Ce qui montre bien son importance et l'inanité de favoriser le locatif social, à moins de l'utiliser pour se faire une clientèle électorale...

 

Quelles sont les propositions de l'iFRAP?

- supprimer l'article 55 de la loi SRU

- attribuer les HLM aux seules personnes défavorisées, dont les bailleurs peuvent être des bailleurs privés (au Royaume-Uni la gestion des logements sociaux est confiée à des charities)

- revoir les règles de maintien dans les lieux

- favoriser la revente du locatif social à leurs occupants ou à des bailleurs privés

- s'attaquer aux puissants lobbys des bailleurs sociaux, au clientélisme des élus, au lobby de la construction

- diminuer la fiscalité immobilière qui dissuade les investisseurs (l'Etat est un pompier pyromane qui prélève toujours plus pour encourager l'investissement dans le logement)

- supprimer l'encadrement des loyers

- revoir les réglementations entre propriétaires et locataires

- accélérer les procédures de jugement en cas de litige.

Patrick de Casanove

Patrick de Casanove

Santé, retraite: comment éviter la catastrophe sociale?

 

Patrick de Casanove, Président du Cercle Frédéric Bastiat, rappelle que les retraites et la protection de la santé en France reposent les unes comme l'autre sur des pyramides de Ponzi, c'est dire que ce sont des constructions purement artificielles.

 

Les individus qui en sont les concepteurs ont voulu construire un monde parfait, un monde parfait pour eux, qui ne tient pas compte de la réalité humaine. Ils croient, et ils font croire, que les êtres humains sont incapables de diriger librement leur vie.

 

Pour bâtir ces pyramides de Ponzi, il leur fallait un alibi: c'était d'aider les plus démunis, l'alibi de la spoliation légale. En fait cela conduit à l'appauvrissement de tout le monde, parce qu'avec un tel système il n'y a jamais assez d'argent. Aussi, pour parvenir à leurs fins, créent-ils des lois, des réglementations, des impôts et taxes (il y en a 360).

 

Comment procèdent-ils ?

- en jouant sur l'émotionnel et en pratiquant à la fois l'abus de faiblesse et l'abus de position dominante : pour ce qui concerne la santé en jouant sur l'angoisse de ne pas être soigné, pour ce qui concerne les retraites en jouant sur l'angoisse de ne pas avoir assez pour ses vieux jours

- en infantilisant et en déresponsabilisant: l'État seul peut soigner les gens, les assurer d'avoir une retraite décente (il peut d'autant plus le faire croire qu'il détient le monopole de la protection sociale, ayant détruit tout ce qui existait auparavant).

 

Les conséquences sont:

- la création de privilèges, tels que les régimes spéciaux de retraite

- des surcoûts: en matière de santé, on paye la sécurité sociale et une mutuelle, et on a encore une partie à sa charge; en matière de retraite on cotise à la retraite de la sécurité sociale, à une retraite complémentaire, à une retraite supplémentaire, et on doit encore constituer une épargne

- le but des caisses et de ceux qui en vivent n'est pas d'aider mais de se survivre: aussi vont-ils se battre pour que le système perdure.

 

Ce qu'on voit, ce sont les buts officiels:

- mettre les gens à l'abri du besoin

- les soigner.

 

Ce qu'on ne voit pas, c'est que ces systèmes ont été conçus pour contrôler et soumettre les populations.

 

Ces systèmes en effet ont été conçus à la Libération par les gaullistes et les communistes qui les uns comme les autres étaient des partis étatistes. Rien de plus efficace pour ce faire que d'avoir le monopole de la protection sociale (voir Bismarck en Prusse, les Frères musulmans à Gaza ou en Égypte).

 

En 1960 il y avait 4 cotisants (4 esclaves) pour (entretenir) un retraité, en 2010 la proportion était de 1,8 pour 1, en 2050 elle sera de 1,2 pour 1. Le déficit des retraites en 2010 était de 32 milliards €, il sera de 70 milliards en 2030 et de 102 en 2050. Pour sauver le système de retraite il faut donc davantage d'actifs d'où la nécessité d'avoir toujours plus d'immigrés qui seront à leur tour les esclaves de leurs prédécesseurs...

 

Comme ces systèmes de retraite et de santé sont des monopoles et que tout dépend du caprice du législateur, les Français n'ont pas le choix. Et ils n'ont pas le choix en réalité parce qu'il n'y a pas de contrat et donc pas de sanction en cas de non respect: ils ne savent jamais combien ils vont payer et combien ils vont recevoir en retour.

 

Les systèmes de retraite et de santé ne peuvent que gérer la pénurie:

- quand on prend sa retraite, on a travaillé toute sa vie pour rien, puisqu'il ne reste rien en contrepartie de ce que l'on a versé, sinon des droits sociaux, c'est-à-dire le droit de piller les générations suivantes

- quand on a besoin de se soigner, on n'a rien mis de côté non plus de ce qu'on a versé et là encore il faut piller les autres.

 

Les conséquences:

- les prestations sont en baisse et les prélèvements en hausse

- les entreprises sont accablées de prélèvements et de réglementations de sorte qu'elles ne sont pas compétitives

- l'épargne n'existe pas: on fait marcher la planche à billets et on contracte des dettes

- la société est sujette à des conflits et à des divisions: qui volera qui? de combien? et pourquoi?

- le système n'est même pas remis en cause: le soumis réclame lui-même sa soumission et demande que le modèle social soit sauvé...

 

Comment éviter la catastrophe sociale?

- le salaire complet: verser au salarié l'entier de son salaire (part dite salariale + part dite patronale) et verser à l'indépendant l'entier de la différence entre son chiffre d'affaires et les frais nécessaires à l'exercice de sa profession

- un impôt proportionnel faible

- la retraite par capitalisation (l'ALEPS a montré tout ce qui est subtilisé aux smicards et aux salariés hors plafond via la retraite par répartition)

- le compte épargne santé (transmissible), tel qu'il existe à Singapour

- des assurances santé en libre choix

- un filet de sécurité pour les plus démunis (le chèque santé)

- la liberté des prix et des services pour déterminer les prix véritables (aujourd'hui les prix sont administrés) : quand on a une information juste les besoins sont adaptés (en matière de santé cette adaptation se fait par l'appréciation des médecins par leurs patients).

 

Les thuriféraires de la Sécurité Sociale disent qu'il faut la sauver parce que les traitements seront toujours plus chers. Or c'est faux. Ils sont chers au début, puis ils baissent. Ce qui compte c'est que, vieilles ou pas, les personnes n'aient pas besoin de soins (un jeune malade coûte plus cher qu'un vieux en bonne santé).

 

Aujourd'hui une véritable révolution technologique innovante est en marche. Elle devrait aboutir à éviter les soins. Le système de santé français, véritable usine à gaz, n'est évidemment pas prêt pour une telle révolution. Le système de santé libre, lui, est simple: c'est le colloque singulier entre le patient et son médecin (il n'a pas besoin de tiers).

 

Alors que la spoliation légale conduit à la pénurie et à une société matérielle qui n'a plus d'idéal, qui n'a plus d'espoir, qui ne permet pas l'épanouissement personnel et qui ne permet pas non plus à une personne de devenir quelqu'un, le libéralisme est opposé à cette société socialiste matérialiste: il est juste et, parce qu'il est juste, il est efficace.

 

Le libéralisme en effet responsabilise les gens, il retisse le tissu social (chacun est responsable de lui-même et chacun a des liens particuliers avec son prochain; chacun a une mission à remplir, mais il l'a remplie librement), il permet à chacun d'avoir un idéal, un destin, de poursuivre son épanouissement personnel et de donner un sens à sa vie.

Vincent Bénard

Vincent Bénard

Pour l'aménagement du territoire: la liberté ou la contrainte légale

 

Vincent Bénard, analyste économique, donne quelques éléments sur les infrastructures du territoire:

- les lignes ferroviaires sont publiques

- le réseau routier public représente 950 000 km

- les autoroutes concédées représentent 8 000 km

 

L'État, les départements, les communes sont les propriétaires de la plus grande partie du réseau routier, mais:

- la conception des routes est de plus en plus privée

- la construction des routes est entièrement privée

- l'entretien courant des routes est public, mais il y a recours croissant à l'externalisation pour l'entretien lourd

 

Quels sont les problèmes?

- les décisions, en raison de la mode pro-rail, sont anti-routières, anti-voiture

- la gestion publique est mauvaise, inefficace

- le public est autoritaire particulièrement en matière d'expropriations, au mépris du droit

 

Les ressources ? Les taxes sur les automobilistes. La TICPE (ancienne TIPP) représente 34 milliards €. Ne sont restitués pour la route que 16 milliards, ce qui donne une marge de 18 milliards... Si l'on ajoute aux 34 milliards les 8 milliards de péages perçus, on arrive à 42 milliards et à une restitution de 21 milliards. La marge de l'État est donc de 111%, tandis que celle des sociétés d'autoroutes est de 56%...

 

Par ailleurs les autres moyens de transport sont subventionnés, à hauteur de 13 milliards pour le ferroviaire et à environ 10 milliards pour les transports publics. On peut donc dire que tout ce payent les automobilistes et qui ne leur est pas restitué paye la plus grande part des déficits de tous les autres moyens de transport.

 

Des économistes parlent des externalités négatives:

- l'insécurité qui, avec ses 3 000 morts par an, coûterait 11 milliards à la collectivité

- la congestion des routes

- les pollutions des automobiles

 

Mais ils se gardent de parler des externalités positives:

- les vies sauvées par la route, estimées à 20 000 par an

- les activités rendues possibles grâce à la mobilité

- l'hygiène dans les transports publics.

 

Les activités rendues possibles par la route le sont par le fait que:

- c'est le seul moyen de faire du porte à porte: la voiture est le moyen le plus commode

- cela permet de gagner du temps: des études montrent que ce gain est de 10% dans les bassins urbains et que cela correspond à 3% de gain de productivité

- 30 à 50% du PIB, soit 660 à 1100 milliards €, sont liés à la capacité de se déplacer: si l'on considère que les dépenses des automobilistes sont évaluées à 230 milliards et le transport routier à 44 milliards, on se rend compte que la valeur de la mobilité est énorme

- les coûts de la route sont moindres que ceux du rail: le coût du km d'une route de campagne est 1,5 million €, le coût du km d'autoroute de 5 à 6 millions et le coût du km de rail est de 25 millions.

 

La gestion publique est inefficiente:

- on prend des décisions plus politiques qu'économiques

- on a tendance à surestimer les bénéfices et à sous-estimer les coûts

- on exproprie sans accorder une juste indemnisation aux propriétaires contrairement à ce qui se fait en Angleterre ou en Allemagne, où on prévoit plus longtemps à l'avance

- on met 15 à 20 ans à mener un projet dont on est incapable d'évaluer le coût global

 

Peut-on complètement privatiser les routes ? A l'heure actuelle non. Mais le paradigme est en train de changer, car le paiement à l'usage devient possible technologiquement, ce qui n'était pas envisageable il y a encore dix ans.

 

Il faut toutefois dire qu'il n'est pas très attractif d'investir dans la route:

- Celle-ci, en dehors de quelques jours par an est sous-utilisée

- Les dépenses se font pendant dix ans

- Dix ans plus tard seulement l'investissement commence à rapporter.

 

Alors, comme disent les économistes, l'équilibre du  monopole est sous optimal. Le monopole, s'il fixe ses prix trop haut, conduit inévitablement à une baisse des autres consommations. Quelle est la meilleure solution? La régulation de l'État ou la fixation des prix par le monopoleur, dont les coûts doivent être rendus transparents au maximum?

 

Conclusions:

- Privatiser complètement la gestion opérationnelle est possible: à Sandy Springs, dans la banlieue d'Atlanta, sont privatisés tous les services de la ville (80 000 habitants), qui se comporte comme un syndic de propriété

- Instaurer un péage est technologiquement possible: encore faut-il avoir résolu les problèmes de protection de la vie privée qu'il pose

- Le monopole de la route ne sera malheureusement pas cassé par l'évolution technologique avant longtemps (quand les véhicules voleront...).

 

Francis Richard

 

Articles précédents:

7e Week-End de la Liberté à Dax 1/5

7e Week-End de la Liberté à Dax 2/5

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6 octobre 2016 4 06 /10 /octobre /2016 12:30
Patricia Commun et Pierre Bessard

Patricia Commun et Pierre Bessard

Hier soir, à la Société de Lecture, à Genève, Patricia Commun était invitée par l'Institut Libéral , que dirige Pierre Bessard, pour parler des Ordolibéraux, sujet de son dernier livre paru ce printemps aux éditions Belles Lettres.

 

L'Ordolibéralisme est-il un libéralisme? Pour certains libéraux, il s'agit d'une dérive constructiviste, pour d'autres, le fait qu'il se préoccupe d'intérêt général est rédhibitoire, pour d'autres encore il entretient une relation ambiguë avec l'Ecole autrichienne.

 

En fait, quand le terme est apparu, au début des années 1950, il désignait un courant du libéralisme qui trouvait urgent de réintroduire le devoir comme contrepartie du droit. Cette démarche est d'autant plus actuelle que sont inventés régulièrement des droits nouveaux sans contrepartie, tels que les droits au logement, au travail, à la santé, à l'éducation etc. dont le texte fondateur est la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

 

Parler de devoir était considéré comme conservateur, alors que parler de droit à quelque chose était considéré comme un progrès indépassable de l'humanité: allègrement on substituait à l'exploitation de l'homme par l'homme l'exploitation du riche par le rentier, caractéristique du totalitarisme redistributif des socialistes et des verts.

 

Ce totalitarisme redistributif, bien actuel, revient à faire de l'Etat un Père Noël, qui pour prodiguer ses cadeaux a besoin irrépressiblement de sous et se surendette. Frédéric Bastiat l'avait pressenti qui écrivait dans Justice et fraternitéLe peuple sera écrasé d’impôts, on fera emprunt sur emprunt ; après avoir épuisé le présent, on dévorera l’avenir.

 

L'ordolibéralisme, qui a été mis en pratique avec succès en Allemagne pendant une décennie après la Seconde Guerre mondiale, et qui est donc praticable, retrouve de l'actualité aujourd'hui:

 

- le monde occidental est saisi par une fièvre anticapitaliste, qui s'attaque plus particulièrement au capitalisme financier (on sait qu'un tel anticapitalisme fut à l'origine, au XXe siècle, de l'antisémitisme et de la mise en place de régimes dictatoriaux et totalitaires)

 

- le monde occidental donne le primat au politique sur l'économique, ce qui se traduit par un renouveau des idées protectionnistes.

 

L'ordolibéralisme offre un cadre méthodologique pour résister à ces idées néfastes. Il se veut en effet:

 

- protecteur de l'économie de marché en lui donnant des conditions-cadres, en instaurant un droit concurrentiel (cette surveillance de la concurrence le diffèrencie du libéralisme américain) qui, par exemple, empêche les ententes et, même les condamne

 

- défenseur de la stabilité budgétaire et monétaire: le surendettement génère tôt ou tard de l'inflation, voire de l'hyper-inflation

 

- défenseur de l'économie sociale de marché qu'il oppose à l'Etat-providence, car seule l'économie permet de surmonter le problème de la rareté

 

- défenseur de la cohérence plutôt que de l'équilibre en menant des raisonnements qui ne sont pas seulement économiques mais politiques, géographiques, culturels pour lever les blocages microéconomiques dans les domaines correspondants

 

- défenseur d'un ordre social où l'individu ne se retrouve pas tout seul face à l'Etat, mais où la société civile s'interpose entre les deux: le social, dont l'Etat fait croire qu'il peut le prendre en charge, est une dégénérescence du principe de solidarité, qui repose en réalité sur le devoir d'autonomie (ne pas dépendre des autres) et le devoir d'aider ses proches

 

- défenseur de la décentralisation et des petites sociétés politiques, en application du principe de subsidiarité, qui, système progressif, doit partir du bas vers le haut, et non l'inverse, ce qui peut permettre d'améliorer le sort des plus démunis sans passer par la case redistribution.

 

Au crédit de l'ordolibéralisme, ce libéralisme pragmatique, qui n'est certes pas parfait, mais qui apporte des solutions viables dans un monde imparfait, il faut donc porter:

 

- d'avoir passé avec succès l'épreuve des faits en Allemagne, de la fin des années 1940 à la fin des années 1950, donc d'être passé de la théorie à la pratique

 

- d'avoir prôné et favorisé l'Etat décentralisé qui s'avère plus effcicient que s'il est centralisé (Il n'y a pas d'économie d'échelle en politique: cela ne fonctionne pas)

 

- d'avoir prôné et établi la stabilité budgétaire et monétaire qui permet d'éviter les crises dues au surendettement

 

- d'avoir cherché le consensus entre public et privé, employeurs et employés.

 

Bref, même si d'aucuns peuvent à bon droit ne pas le trouver satisfaisant, pas assez libéral, avec toutes ses imperfections l'ordolibéralisme semble très proche de la culture libérale suisse, telle qu'elle est illustrée par un  Charles Monnard ou un Louis Guisan.

 

La Suisse actuelle, sans être un modèle idéal de libéralisme, a sans doute été fortement inspirée par l'ordolibéralisme, que Wilhelm Röpke a enseigné à l'Institut des Etudes internationales de Genève, de 1937 jusqu'à sa mort en 1966.

 

Aujourd'hui la Suisse héritière de ce courant est-elle le pays au monde le plus désagréable pour y vivre?

 

Francis Richard

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

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2 octobre 2016 7 02 /10 /octobre /2016 21:45
Gilles Granereau, Yves Durand-Raucher et Olivier Postel-Vinay

Gilles Granereau, Yves Durand-Raucher et Olivier Postel-Vinay

Samedi 24 septembre 2016

 

9 heures

 

A l'hôtel Sourcéo de Saint Paul-Lès-Dax,  ce matin du 7e Week-End de la Liberté, organisé par le Cercle Frédéric Bastiat, avec le concours de

- l'ALEPS

- l'ASAF

- Contribuables Associés

- l'Institut Coppet

- l'iFRAP

- l'IREF Europe

- Students For Liberty - France

est consacré à l'environnement.

Gilles Granereau

Gilles Granereau

Le dit "Réchauffement climatique" à l'épreuve des faits.

 

Gilles Granereau, auteur de L'affaire climatique, se présente: je suis un connard, au sens où l'entend Nathalie Kosciusko-Morizet... Il rappelle en effet qu'il ne fait pas bon, de nos jours, être climato-sceptique ou climato-réaliste (j'en sais quelque chose pour avoir reçu nombre de commentaires injurieux sur mon blog avant la COP21, que, par charité chrétienne pour leurs auteurs, je n'ai pas publiés...).

 

Bonjour l'intolérance !

 

Si, dans le Grand Journal de Canal+, le 5 octobre 2015, la candidate à la primaire de la droite et du centre a traité les climato-sceptiques de connards, Corinne Lepage, le 8 novembre 2015, dans l'émission Agora de France Inter, a dit : Il va falloir tenir un registre très précis de tous ceux qui se seront prononcés et qui auront agi dans un contexte climatosceptique, pour que, dans quelques années, ils portent la responsabilité au moins morale de ce qu’ils auront fait.

 

Sur i-Télé, le 10 septembre 2015, sur le plateau d'Olivier Galzi, François Gemenne , à bout d'arguments, a littéralement agressé Serge Galam: Il faut que vous vous rendiez compte à un moment donné de la débilité, et de la stupidité de vos propos.C’est quand même incroyable, en 2015, de sortir encore des propos comme ça ! Comment osez-vous  ?

 

Obama, un grand démocrate, a lancé une chasse aux sorcières contre les deniers, les négationnistes, sur son site de Président des Etats-Unis d'Amérique:

97% des scientifiques du climat sont d’accord que le changement climatique est réel et causé par l’Homme, et affecte les communautés dans toutes les régions du pays.

Pourtant, un trop grand nombre de nos élus nient la science du changement climatique. Avec leurs alliés de pollueurs, ils bloquent les progrès dans la lutte contre le changement climatique.

Trouvez les négationnistes près de chez vous et appelez-les dès aujourd'hui!

 

L'ONG Awaaz, lors de la COP21, a placardé à Paris des affiches avec la photo de criminels climatiques, tels que Chris Horner, avec la mention WANTED...

 

En matière de climat, la science est-elle établie? Il suffit déjà de comparer la courbe de température moyenne du globe au cours du temps telle qu'elle figure dans le premier rapport du GIEC en 1990 à la fameuse, et controversée, courbe de hockey de Michael Mann, qui apparaît par la suite...

 

Pour ce qui concerne le CO2, le moins qu'on puisse dire est qu'il n'y a pas corrélation entre la courbe de sa teneur et la courbe de la température moyenne au cours du temps. La teneur en CO2 continue d'augmenter tandis que la température moyenne marque un palier depuis 1990, si l'on excepte la hausse de 2015-2016, due à El Niño...

 

Si l'on se réfère aux relevés des satellites, la hausse des océans est de 3.3 mm/an et de 1.15 mm/an selon le marégraphe de Brest. Rien à voir donc avec ce que l'on entend ici ou là sur la montée des eaux.

 

Hormis les pics de 1992-1996 et de 2002-2004, la fréquence des tempêtes n'est pas plus grande que par le passé. D'ailleurs, c'est un indice probant, les assureurs n'ont pas eu à indemniser davantage de sinistres depuis 2004...

 

Si les glaces ont baissé en Arctique jusqu'en 2007, elles se sont stabilisées depuis. Dans l'Antarctique, elles sont toujours restées stables...

 

En conclusion:  l'augmentation de la teneur en COn'explique pas les variations climatiques et les phénomènes extrêmes ne croissent pas.

 

Alors RCA (réchauffement climatique d'origine anthropique)? Ou influence des médias, des lobbys, ou encore des politiques?

 

François de La Rochefoucauld disait sagement:

 

Il vaut mieux employer notre esprit à supporter les infortunes qui nous arrivent qu'à prévoir celles qui nous peuvent arriver.

Yves Durand-Raucher

Yves Durand-Raucher

Le fiasco des énergies dites renouvelables.

 

Yves Durand-Raucher, Ingénieur des Ponts et Chaussées Honoraire, souligne que la sémantique employée n'est pas innocente. On parle ainsi en français de parcs d'éoliennes, de fermes éoliennes et en allemand de Stahlwald... Mais, c'est pour mieux mentir:

 

- Premier mensonge: les éoliennes sont écologiques. Or elles fonctionnent pas intermittence et ont besoin de centrales d'apport, émettrices de CO2.

 

- Deuxième mensonge: les éoliennes sont tout le temps actives. Or, quand le vent est trop fort, il faut les arrêter pour éviter qu'elles ne se cassent; quand est le vent est trop faible, elles ont besoin de soutien énergétique.

 

- Troisième mensonge: les énergies renouvelables permettent d'alimenter des milliers de foyers. Quand on parle de puissance, on parle de puissance théorique maximale, fonctionnant 24h/24; on ne parle pas de puissance effectivement délivrée. C'est ce qu'exprime le facteur de charge qui est le rapport de la seconde à la première. Il est de:

- 0.26 pour l'éolienne terrestre

- 0.33 pour l'éolienne marine

- 0.14 pour le solaire (qui, par définition, ne fonctionne pas la nuit...)

D'autre part quand on parle de desservir les habitants, on exclut le chauffage. Or il représente la moitié de la consommation énergétique...

Il faut donc diviser le nombre d'habitants réellement desservis par ces énergies par un facteur 5 ou 6...

 

- Quatrième mensonge: les énergies renouvables seraient issues d'une technique jeune (c'était vrai en 1980 ou 2000), indispensables pour sauver la planète (!), qu'il faudrait aider par des subventions (l'électricité produite serait facturée 2 fois et demie le prix d'aujourd'hui pour l'éolien terrestre, 4 fois pour l'éolien marin et encore plus cher pour le solaire).

Ces subventions sont payées au moyen d'une taxe, la contribution au service public de l'électricité, qui figure au dos des factures d'électricité. Son taux est de 16% et pourrait passer à 25 ou 30%. Elle représente 8.5 milliards € par an, TVA comprise... versés aux promoteurs.

 

Cinquième mensonge: les machines seraient installées seulement dans des zones dites favorables. Or tout le territoire est déclaré favorable hormis les abords des grandes villes et des très gros bourgs...

 

Sixième mensonge: les machines ne créent pas de nuisances à plus de 500 m des habitations. C'est oublier le bruit lancinant que font les pales toutes les trois secondes, les clignotants visibles la nuit à 20 km de disatnce et le fait que les habitations proches deviennent invendables... (en Allemagne les éoliennes sont disposées à une distance de 10 fois leur hauteur, soit à 1500 m).

 

Septième mensonge: l'arrivée de ces machines seraient une chance pour la commune...

 

Huitième mensonge: l'industrie des énergies renouvelables serait créatrice d'emplois stables et pérennes. Toutes les machines proviennent d'Allemagne ou du Danemark... De plus, qui aura envie de faire du tourisme dans des régions enlaidies par ces forêts d'acier?

 

Neuvième mensonge: les machines seraient démantelées en fin de vie. Au moindre problème, en réalité, les machines sont abandonnées par les promoteurs. C'est le propriétaire du terrain qui devient responsable de l'éviction de la machine... sans en avoir les moyens.

 

Conclusion: il n'y aura plus de douce France: ce sera un trou financier, une estafilade sur le visage de la France...

Olivier Postel-Vinay

Olivier Postel-Vinay

L'environnement: problèmes publics, solutions privées?

 

Olivier Postel-Vinay, directeur du magazine Books, donne d'abord un exemple qui va compléter les exposés précédents sur le climat et sur les énergies renouvelables. C'est celui de la norme européenne de la teneur en nitrate dans l'eau de boisson, qui ne doit pas dépasser 50 mg/l.

 

Aujourd'hui, d'après tous les experts, cette norme n'a aucun sens. On peut boire tout le nitrate qu'on veut: l'organisme en fait son affaire. Il n'y a donc aucune raison médicale de maintenir cette norme impérative. D'ailleurs on mange du nitrate dans les légumes et les fruits...Et les cellules du corps produisent des nitrates...

 

Or cette norme est intouchable. Elle s'impose dans tous les Etats européens aux producteurs d'eaux, aux médecins. C'est un bon exemple des aberrations auxquelles peut conduire l'action publique en matière de sécurité sanitaire.

 

Olivier Postel-Vinay invite à réfléchir sur les mots employés dans la question à laquelle il lui a été demandé de répondre, à commencer par le mot environnement. Le mot environnement est un mot piégé. On a tendance à penser que c'est la nature. 

 

Ainsi il y aurait d'un côté la nature et l'homme de l'autre. La nature comprend pourtant non seulement les végétaux et les animaux mais aussi les hommes eux-mêmes. Et le sens de l'environnement mériterait d'être élargi et comprendre les institutions créées par l'homme et le progrès technique... 

 

Le progrès technique est certes créé par l'homme, mais il est devenu en quelque sorte une force indépendante de l'homme, qui se nourrit d'elle-même et que l'homme ne peut qu'espérer canaliser. Il fait, ô combien, partie de notre environnement comme l'exposé sur les éoliennes l'a montré.

 

Séparer l'homme de la nature, ou de son environnement, est par conséquent une dichotomie dangereuse, destinée à brouiller les cartes.

 

Le mot privé a au moins deux sens très différents: c'est d'une part ce qui est relatif à l'individu et à son autonomie, c'est d'autre part la distinction entre les activités privées et les activités publiques. Il faut ajouter que certaines entreprises privées sont problématiques à l'égard aussi bien de la sphère privée que des pouvoirs publics.

 

Bastiat aurait eu beaucoup à dire face à ces mammouths que sont Google, Facebook etc. qui sont des quasi monopoles particulièrement imposants par ... leur nouveauté et leur aspiration à l'hégémonie.

 

Deux prix Nobel d'économie, George Akerlof (2001) et Robert Shiller (2013) ont publié en 2015 un livre, Phishing for Phools, dont le titre pourrait être traduit par La pêche aux poires... Ils y mettent en cause la main invisible d'Adam Smith: les entreprises qui gagnent sont celles qui réussissent le mieux dans la pêche aux poires.

 

Les poires, ce sont les consommateurs qui sont atteints par la publicité et le marketing, mais aussi les pouvoirs publics qui se laissent séduire par les entreprises qui les courtisent en y consacrant des sommes considérables: c'est la notion de lobby.

 

Du point de vue d'Olivier Postel-Vinay, la vraie dichotomie est à faire entre la personne privée et les forces qui cherchent à l'encadrer, que ces forces soient d'origine publique ou privée. Ainsi fait-on, dans l'exemple des éoliennes, accepter par le consommateur des surcoûts pour sauver le climat.

 

Alors se pose la question de l'expertise, comme on l'a vu dans les cas du réchauffement climatique ou dans celui des éoliennes. Quels experts faut-il croire? Comment distinguer le vrai du faux? Comment séparer le bon grain de l'ivraie? L'expertise est une question fondamentale.

 

Olivier Postel-Vinay trouve Frédéric Bastiat trop optimiste, et trop naïf, parce qu'il porte trop haut les facultés de discernement des individus, même s'il reconnaît qu'ils ne sont pas toujours capables de voir que l'organisateur, c'est-à-dire l'Etat, n'est pas infaillible.

 

Les psychologues s'intéressent à ce qu'ils appellent les biais cognitifs. Indépendamment des intoxications et des émotions, il y a toutes sortes de biais qui transforment notre perception de la réalité. On a tendance, par exemple:

- à enjoliver le passé (c'était mieux avant!),

- à occulter l'avenir prévisible (je peux fumer tant que je veux, je peux m'endetter lourdement).

- à surévaluer des événements récents (c'est le syndrome du requin: une attaque exceptionnelle de requin devient un risque considérable d'être attaqué par un requin)

- à voir dans les éléments que nous percevons la confirmation de ce que nous pensons (c'est ce que les Américains appellent l'effet de silo)

 

Compte tenu de tout ce qui précède, Olivier Postel-Vinay est hésitant pour répondre à la question posée. Il cite une interview d'Emmanuel Macron, qui a travaillé à l'Etat et dans le privé, au cours de laquelle il dit (c'est un homme politique):

 

Je crois dans la place de l'Etat. Dans notre histoire, l'Etat tient la France, tient la nation

 

Je crois toutefois qu'il faut moins d'Etat dans la société et dans l'économie. A vouloir sur-réguler l'Etat s'est affaibli et s'est transformé en étouffoir. On a longtemps considéré que l'Etat devait se substituer à la société pour agir et que la norme protégerait le faible selon la philosophie de Lacordaire. Ce n'est plus vrai dans un monde ouvert. Quand la norme sur-réglemente, elle entrave. Elle empêche la liberté d'entrer dans de nombreuses maisons, y compris celles des plus pauvres.

 

Les énergies renouvelables sont des fonctions de production de l'énergie très décentralisées, au plus près du terrain. 

 

Contre la prétention des hommes politiques à imposer leurs projets à la société, comme dirait Frédéric Bastiat, contre la pêche aux poires, qui joue un rôle central dans la société, Olivier Postel-Vinay se demande: Que nous reste-t-il? Que pouvons-nous faire? Et il répond: Très franchement, je ne sais pas.

 

Il termine tout de même par une note optimiste: Une voie intelligente consiste à trouver moyen de développer notre culture de l'esprit critique, développer les moyens de l'exprimer, afin de tendre à exposer au grand jour ce qu'on ne voit pas.

 

Francis Richard

 

Article précédent:

 

7e Week-End de la Liberté à Dax 1/5

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28 septembre 2016 3 28 /09 /septembre /2016 22:55
7e Week-End de la Liberté à Dax 1/5

23 septembre 2016

 

18 heures

 

A l'hôtel Sourcéo de Saint Paul-Lès-Dax,  le 7e Week-End de la Liberté, organisé par le Cercle Frédéric Bastiat, avec le concours de

- l'ALEPS

- l'ASAF

- Contribuables Associés

- l'Institut Coppet

- l'iFRAP

- l'IREF Europe

- Students For Liberty - France

commence par une introduction, par son président, Patrick de Casanove, des conférenciers déjà présents à ce congrès dont le thème est d'une brûlante actualité et taboue:

 

France, sortir de l'étatisme pour sortir de l'impasse: la solution libérale.

 

En effet, dans sept mois aura lieu le premier tour des élections présidentielles françaises... et tous les candidats déclarés et, vraisemblablement, ceux qui se déclareront, sont adeptes de ce que Frédéric Bastiat appelle la Spoliation légale, c'est-à-dire la spoliation qui porte atteinte aux droits naturels, que sont la Propriété, la Liberté et la Personnalité.

Damien Theillier, Jean-Philippe Delsol, Jean-Paul Gourevitch, Vincent Benard, Patrick de Casanove, Sandrine Gorreri, Jean Bouheben, Jacques Gautron

Damien Theillier, Jean-Philippe Delsol, Jean-Paul Gourevitch, Vincent Benard, Patrick de Casanove, Sandrine Gorreri, Jean Bouheben, Jacques Gautron

Dans La Loi, Frédéric Bastiat dit:

 

La chimère du jour est d'enrichir toutes les classes aux dépens les unes des autres; c'est de généraliser la Spoliation sous prétexte de l'organiser. Or, la spoliation légale peut s'exercer d'une multitude infinie de manières; de là une multitude infinie de plans d'organisation: tarifs, protection, primes, subventions, encouragements, impôt progressif, instruction gratuite, Droit au travail, Droit au profit, Droit au salaire, Droit à l'assistance, Droit aux instruments de travail, gratuité du crédit, etc. Et c'est l'ensemble de tous ces plans, en ce qu'ils ont de commun, la spoliation légale, qui prend le nom de Socialisme.

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol

21 heures

 

La société française sous l'emprise de la puissance publique: comment retrouver le sens du bien commun?

 

Jean-Philippe Delsol rappelle que l'homme aspire naturellement à la liberté et à la responsabilité, mais qu'il peut être saisi par l'hubris, la démesure. C'est pourquoi le droit a beaucoup d'importance parce qu'il est protecteur des libertés.

 

Au risque de déplaire à d'aucuns, Jean-Philippe Delsol dit que l'impôt est un progrès. C'est en effet un moyen d'exercer le pouvoir autrement que par la spoliation ou la conquête; et c'est en fait une règle qui prévoit comment va être payée la protection du droit.

 

Or, aujourd'hui, on assiste à un excès du pouvoir que confère l'impôt: 57% du PIB  sont dépensés par la machine de l'Etat. Les dépenses sociales et la redistribution représentent 1/3 du PIB, dont plus de la moitié est payé par l'Etat.

 

Cette dérive résulte de la perte de vigueur du droit. Qu'est-ce que le droit? L'ensemble des règles qui conviennent le mieux à la vie commune des hommes, règles qui s'imposent au législateur lui-même. Or, avec l'empereur Justinien, le droit a été absorbé par la loi.

 

Par droit romain, on entend donc deux acceptions différentes: c'est, en Grande-Bretagne, la common law, le droit commun, et, sur le continent, la loi romaine, héritière hélas de Justinien. Or le Droit naturel est un droit qui s'élabore sur ce qui réussit et qui a vocation à s'imposer à la Loi.

 

S'il fallait faire une comparaison, le Droit serait une lame de fond, tandis que la Loi ne serait qu'une vaguelette du rivage.

 

Jean-Philippe Delsol rappelle qu'il existe deux formes de justice: la justice commutative et la justice distributive. La justice commutative est celle de l'équilibre dans l'échange. La justice distributive consiste à donner à chacun ce qui lui revient.

 

Pour bien comprendre la différence qu'il y a donc entre le Droit et la Loi, Jean-Philippe Delsol souligne qu'il est différent de dire: Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse (l'impératif catégorique de Kant) et Fais ça. Ne fais pas ça est la grande règle de la liberté.

 

La justice est dans ce Ne fais pas. La charité est dans Fais à autrui le bien que tu voudrais qu'il te fasse; elle relève de la décision de chacun. C'est pourquoi il y a confusion des choses quand la justice est transformée en bienfaisance.

 

La justice est là pour s'occuper de l'échange et du conflit, mais pas du bien, qui est personnel. Quand l'Etat, le pouvoir ou le juge s'occupe du bien, cela conduit au pire des despotismes. Bastiat s'en prend à l'Etat philanthropique qui veut s'occuper de bien-être, d'instruction, de moralité...

 

Xenophon rapporte dans la Cyropédie que le grand Cyrus n'a été châtié qu'une fois par son Maître pour n'avoir pas bien jugé: 

 

Un grand garçon avait une robe qui lui était trop petite et ayant rencontré un petit garçon qui en avait une qui lui était trop grande, il la lui ôta, et lui donna la sienne: je jugeai qu'il était à propos que chacun garde la robe qui lui était propre. Mais mon Maître me reprit, disant que, quand il faudrait juger sur ce qui ferait plus ou moins à propos, il faudrait juger comme j'avais fait; mais que, puisqu'il était question de prononcer à qui la robe devait appartenir, il fallait considérer si celui qui l'avait prise de force devait plutôt l'avoir que celui qui l'avait faite, ou qui l'avait achetée.

 

Jean-Philippe donne un autre exemple, celui de la flûte:

- Anne est seule à en jouer

- Bob est pauvre et ce serait son seul jouet

- Pierre l'a taillée

 

Les deux premiers critères sont subjectifs. Le troisième est objectif. Quand il s'agit de permettre aux gens de vivre ensemble, le bien communil faut essayer de trouver les critères objectifs. Le bien commun correspond au régalien, c'est-à-dire à l'exécution de la justice, à la sécurité intérieure et extérieure.

 

A cela il faut ajouter, pour tout le monde, l'accès à l'éducation avec le bon scolaire , qui permet le libre choix de l'école, et à l'assurance sociale, moyennant quelques %, avec sinon l'obligation de s'assurer, tout en étant libre de le faire auprès de l'assureur de son choix.

 

Quand il n'y a plus de responsabilité, il y a pauvreté matérielle, intellectuelle et spirituelle. C'est pourquoi la responsabilité doit être l'aune de la dépense publique. Toutefois, pour donner les moyens au régalien, à l'accès à l'éducation et à l'assurance sociale, il faut bien prélever.

 

Le prélèvement, cependant, doit être pérenne et neutre, c'est-à-dire qu'il ne doit pas y avoir de modification des situations relatives. Il ne peut donc être que proportionnel et certainement pas progressif, car c'est alors la porte ouverte, sans limites, à l'arbitraire et à l'injustice.

 

C'est seulement dans ces conditions - ne fais pas à autrui etc., critères objectifs de la justice, responsabilité aune de la dépense publique,  etc. -, que le sens du bien commun peut être retrouvé.

 

A ceux qui ne voient qu'un rêve dans cette quête de la justice et de la liberté - que l'on cherche toujours sans jamais les atteindre -, Jean-Philippe Delsol, pour qui aucune parole n'est jamais vaine, répond en citant Georges Bernanos:

 

Les mots sont du vent, mais le vent pousse le monde.

 

Francis Richard

 

Livres de Jean-Philippe Delsol:

 

A quoi servent les riches? (2012) JC Lattès

Pourquoi je vais quitter la France (2013) Tatamis

L'injustice fiscale (2016) Desclée de Brouwer 

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2 juin 2016 4 02 /06 /juin /2016 22:55
Journal décalé de mai: une conférence de Pierre Bessard sur l'anarchie libérale

18 mai 2016

 

Pierre Bessard, directeur de l'Institut Libéral, est l'invité de l'Association des étudiants de l'Unige pour l'étude de la philosophie libérale, à Uni-Mail, à Genève.

 

Le thème de sa conférence est: L'anarchie libérale: plus qu'une utopie?

 

Dans le débat public, dès que l'on parle d'anarchie, on entend chaos, règne de la violence, émeutes, trafic routier en Inde... Bref c'est un mot qui est inutilisable parce que connoté désordre.

 

Dans le débat intellectuel, en philosophie, il n'en est pas de même, l'anarchie suppose l'existence d'un ordre, d'une reconnaissance du droit, sans monopole de la force, sans autorité basée sur la contrainte.

 

L'anarchie n'est pas synonyme d'anomie, c'est-à-dire d'absence de règles. De même convient-il de distinguer la liberté, qui équivaut à faire ce que l'on est en droit de faire, de la licence, qui équivaut à faire n'importe quoi; de faire la différence entre le droit  et une législation arbitraire.

 

Dédramatiser la notion d'anarchie

 

Il faut d'autant plus dédramatiser la notion d'anarchie qu'elle est omniprésente dans la vie quotidienne: nous sommes libres de choisir notre profession ou notre partenaire, d'avoir des enfants, de créer une entreprise, de voter ou de nous abstenir etc.

 

Il n'existe pas de gestion centrale de notre vie. Nous nous passons de l'État dans la plupart des actes de notre vie.

 

Ainsi une économie libre est largement anarchique et largement harmonieuse. A contrario, plus une économie est réprimée, plus il existe de marché noir et de contrebande

 

Ainsi toute prohibition faite à des adultes consentants, qu'il s'agisse de drogues, de pornographie ou de prostitution, est incompatible avec une société libre, à condition bien sûr que ces adultes ne nuisent pas à autrui ni à ses biens.

 

L'éthique libérale

 

L'éthique libérale repose sur le principe de la propriété de soi, c'est-à-dire de l'existence de la personne et de son libre arbitre. Ce qui revient à respecter les autres et à respecter la propriété des autres. Ainsi les libéraux ont-ils été à l'avant-poste de l'abolition de l'esclavage.

 

Les gouvernants ne sont pas au-dessus du droit. Ils ont pour devoir de protéger et de garantir le droit.

 

L'État contrevenant

 

Avec l'impôt, l'État est le plus grand contrevenant au droit de propriété qui soit:

 

Tout impôt inutile est un vol, un vol d'autant plus odieux qu'il s'exécute avec les solennités de la loi. Benjamin Constant

 

Dans les sociétés modernes, la spoliation par l'impôt s'exerce à une grande échelle. Frédéric Bastiat

 

Ayn Rand suggère un impôt volontaire pour le financement des fonctions régaliennes.

 

L'imposition est sur un pied d'égalité avec les travaux forcés. Robert Nozick

 

L’impôt est un vol, purement et simplement, même si ce vol est commis à un niveau colossal, auquel les criminels ordinaires n’oseraient prétendre. Murray Rothbard

Pierre Bessard, directeur de l'Institut Libéral

Pierre Bessard, directeur de l'Institut Libéral

Les autres atteintes au droit par l'État

 

L'État contrevient également au droit de propriété avec

 

- les assurances sociales, qui ne sont pas des assurances,

- l'AVS, qui est une redistribution basée sur un système de Ponzi (elle avait été rejetée par 60% des voix du peuple suisse en 1931...),

- l'épargne forcée de la prévoyance professionnelle,

- le service militaire obligatoire (Milton Friedman était opposé à la conscription),

- l'école publique qui est au service des intérêts de l'État, c'est-à-dire du légalisme, du conformisme et de la formation de contribuables inoffensifs (Denis de Rougemont),

- le financement de médias audiovisuels par une taxe (recouvrée par Billag en Suisse).

 

La gouvernance

 

L'État est-il indispensable pour l'exercice des fonctions régaliennes, armée, police et justice, c'est-à-dire pour que les règles de bonne conduite soient observées et pour que les conflits soient réglés?

 

Pour que la gouvernance privée ne dégénère en gouvernance publique, la solution est la propriété. Ainsi dans une communauté privée de propriétaires, ces derniers réclament-ils des comptes précis.

 

Si gouvernance publique, tout de même, il y a, il existe au moins, en Suisse, deux limites à son pouvoir discrétionnaire: le frein à l'endettement et les recours référendaires.

 

Quoi qu'il en soit, si État il y a, son rôle doit rester subsidiaire.

 

L'État n'est pas indispensable

 

La culture morale est la première source de sécurité en Suisse: dans bien des cas, elle permet de se passer de l'État et évite la corruption (elle se retrouve d'ailleurs dans les pratiques de paiement). La Suisse se caractérise en effet par un degré très élevé de moralité, par une culture de l'intégrité.

 

Il faut savoir que s'il y a 5'000 policiers, il y a en Suisse romande 7'000 agents de sécurité privés...

 

La justice privée joue un rôle majeur en Suisse avec les tribunaux d'arbitrage:

- dans les conflits boursiers,

- dans l'économie immobilière,

- dans le sport,

- dans le commerce international etc.

 

Cette justice privée a pour caractéristique de résoudre les conflits:

- dans des délais courts,

- dans la discrétion,

- à moindre coût,

- en substituant la réparation des dommages à l'emprisonnement.

 

Conclusion

 

A défaut de pouvoir tout privatiser, comment limiter l'État?

- en propageant une culture morale, une culture libérale,

- en agissant au niveau sectoriel (initiative No Billag),

- en introduisant le plus de concurrence possible dans la gestion publique,

- en privilégiant les micro-états et les villes libres aux grandes structures telles que l'Union européenne ou le G20,

- en cantonnant l'État dans des fonctions subsidiaires,

- en développant le scepticisme envers l'État, qui a une forte propension à multiplier les lois et, donc, à se croire nécessaire...

 

Francis Richard

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

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16 avril 2016 6 16 /04 /avril /2016 22:55
Colloque Wilhelm Röpke, du 14 au 16 avril 2016, au Graduate Institute Geneva

Au Graduate Institute Geneva, Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement, du 14 au 16 avril 2016, s'est tenu un colloque sur Wilhelm Röpke (1899-1966), économiste libéral et philosophe social allemand.

 

Le cinquantenaire de sa disparition est l'occasion de faire connaissance avec ce penseur qui a vécu une trentaine d'années en Suisse au XXe siècle, qui a justement enseigné au Graduate Institute Geneva, et qui a aimé la Suisse, où le libéralisme est mis en pratique.

 

Röpke bénéficie d'une entrée dans le Dictionnaire historique de la Suisse:

Colloque Wilhelm Röpke, du 14 au 16 avril 2016, au Graduate Institute Geneva

Ce colloque a été organisé par l'Institut Libéral, représenté par son directeur, Pierre Bessard, en collaboration avec le Graduate Institute Geneva, l'Aktionsgemeinschaft Soziale Marktwirtschaft, représenté par son président du Conseil, Nils Goldschmidt, le Wilhelm Röpke Institut, représenté par son vice-président, Stefan Kolev, et l'Agora - Université de Cergy-Pontoise, représentée par Patricia Commun, professeur d'études germaniques:

Colloque Wilhelm Röpke, du 14 au 16 avril 2016, au Graduate Institute Geneva

Le colloque s'est déroulé en trois parties:

- le colloque proprement dit avec dix-sept interventions académiques en anglais

- une intervention publique du président de l'Institute for Liberty and Democracy, Hernando de Soto, en direct depuis le Pérou

- une conférence publique avec huit interventions (une en anglais, trois en allemand et quatre en français)

Colloque Wilhelm Röpke, du 14 au 16 avril 2016, au Graduate Institute Geneva

Au terme de ces trois journées denses et fécondes, que retenir de ce qui a été dit sur Wilhelm Röpke par les différents intervenants?

 

Röpke a dû quitter l'Allemagne en 1933 lors de l'arrivée des nazis au pouvoir. Après guerre, ce combattant des idées sera tout autant opposé au totalitarisme communiste qu'il l'aura été au totalitarisme nazi. Pour des raisons similaires. Après trois ans passés à Istanbul, il s'établit à Genève.

 

Etait-il conservateur? Les réponses divergent. Sans doute parce que tout le monde ne s'accorde pas sur la définition du mot. Une chose est sûre, il accordait beaucoup d'importance aux vertus individuelles, telles que le respect, l'honnêteté, la déférence, la politesse, l'humilité dans l'échange avec les autres et s'affligeait de la perte du sens communautaire.

 

L'ensemble des intervenants s'accorde à dire qu'il était pessimiste. Mais le pessimisme ne va-t-il pas de pair avec le réalisme? En tout cas, il craignait que le collectivisme ne l'emporte dans le monde. A son époque, cette crainte n'était-elle pas fondée? Aujourd'hui, ne l'est-elle pas, d'une autre manière?

 

Röpke se situait lui-même entre le capitalisme et le communisme. Il se disait favorable à une troisième voie, mais n'était pas pour autant keynésien. Promoteur d'une économie sociale de marché, il voulait surtout donner un cadre éthique et légal au marché.

 

Etait-il interventionniste pour autant? Ludwig von Mises ne disait-il pas lui-même que soutenir et assurer la propriété privée n'étaient pas des interventions? En tout cas Röpke ne voulait pas comme Keynes que le marché soit régulé par l'Etat, par exemple par la pratique de politiques de relance.

 

Etait-il libéral? Indéniablement puisqu'il était pour un état de droit, un gouvernement limité, le respect de la propriété privée, la liberté humaine et la responsabilité qui lui est indissociable. Mais il ne croyait pas que l'économie de marché soit suffisante pour créer une société libérale.

 

Röpke pensait que le social était l'affaire de tous et non pas des pouvoirs. Il se méfiait des monopoles, quels qu'ils soient, et souhaitait leur contrôle. Il était opposé notamment à celui de la morale que s'arrogent des pouvoirs civils ou religieux.

 

A la différence d'autres libéraux - le libéralisme est polyphonique, dixit Alain Laurent -, Röpke assimilait le rationalisme à l'utilitarisme, qu'il rendait responsable de la dégradation du libéralisme et il n'avait pas de mots assez forts pour fustiger l'individualisme, ce culte de l'individu concentré sur lui-même.

Colloque Wilhelm Röpke, du 14 au 16 avril 2016, au Graduate Institute Geneva

Dans son intervention Hernando de Soto, étudiant de Röpke à Genève, a rappelé le suicide, il y a cinq ans, de Mohammed Bouazizi en Tunisie, en rapport avec l'expropriation dont il a été victime. Mais, ce qu'on ne dit pas, c'est qu'il n'était pas le seul à s'être suicidé par le feu.

 

Son institut a découvert qu'ils étaient 64 au total à avoir fait une tentative de suicide dans les deux mois qui ont suivi, dont 37 ont survécu. Son institut est allé interroger les survivants et s'est rendu compte qu'il leur avait été interdit d'acheter et de vendre...

 

A l'heure actuelle seuls 10% des habitants du monde bénéficient de droits, tels que ceux de s'associer pour entreprendre, ou de commercer. Les droits de propriété, et les marchés, sont pourtant la plus belle promesse faite aux pauvres pour sortir de leur condition.

 

Car le problème pour sortir de la pauvreté n'est pas la technologie, mais l'absence d'état de droit. C'est la grande leçon qu'Hernando de Soto retire de son expérience sur le terrain et de ce qu'il a appris avec Wilhelm Röpke.

 

Francis Richard

 

PS

Deux articles ont paru dans la presse pendant le colloque au sujet de Röpke:

- le 14 avril 2016 dans la NZZ, Neue Zürcher Zeitung, sous la plume de Gerhard Schwarz

- le 16 avril 2016 dans Le Temps, sous la signature d'Emmanuel Garessus

Colloque Wilhelm Röpke, du 14 au 16 avril 2016, au Graduate Institute Geneva
Colloque Wilhelm Röpke, du 14 au 16 avril 2016, au Graduate Institute Geneva
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18 novembre 2015 3 18 /11 /novembre /2015 23:55
Journée libérale romande 2015: l'éducation et la formation: entre tradition et défis

Le samedi 14 novembre dernier, s'est tenue à l'Hôtel Alpha-Palmiers, à Lausanne, la Journée libérale romande 2015, organisée conjointement par le Cercle libéral Lausanne et l'Institut libéral, sur le thème de la formation et de l'éducation.

 

Dans son mot de bienvenue, Pierre Bessard rappelle que, dans l'esprit des populations, le système de formation ne peut être que du ressort des autorités publiques, sans doute parce qu'elles n'en ont pas connu d'autres.

 

Ici, en Suisse, cet a priori et cette autosatisfaction sont confortés par le fait que le monopole public de l'éducation et de la formation y est tempéré par l'héritage libéral et moral du pays et par une forte décentralisation des institutions.

 

Faut-il pour autant se satisfaire de ce statu quo?

 

La nécessité du pluralisme éducatif et scientifique

 

Damien Theillier, philosophe, enseignant, président de l'Institut Coppet (Paris), souligne l'importance du pluralisme en matière d'éducation et de formation. Le clivage droite-gauche n'est pas pertinent. L'opposition se fait entre liberté et servitude.

 

Dans le débat pédagogique, à droite on défend la culture générale et à gauche la culture de masse. Dans le débat sociologique, à droite on met en cause la crise de la famille, le fait qu'elle soit déstructurée, que les pères soient absents; à gauche on répète que la famille est source d'inégalités.

 

Tout le monde s'entend cependant pour dire que les familles ne peuvent pas faire les bons choix et que c'est à l'Etat de les faire. Le problème de l'éducation et de la formation est trop important pour le confier au marché, à son arbitraire pour les uns, à la dictature de l'argent pour les autres.

 

Ce n'est pas le point de vue des libéraux, pour lesquels le problème n'est ni pédagogique, ni sociologique, mais structurel: il faut séparer l'école et l'Etat, privatiser l'éducation et la formation. L'Etat, par sa nature même, est en effet incapable de s'en occuper et, de plus, c'est illégitime qu'il le fasse.

 

Des arguments conséquentialistes

 

"Le monopole est ainsi fait qu'il frappe d'immobilisme tout ce qu'il touche", dit Frédéric Bastiat dans Baccalauréat et socialime. Le monopole conduit à l'immobilisme de la pensée et s'oppose à la diversité. Si l'on impose la vérité, on peut tout aussi bien imposer l'erreur. La vérité ne peut surgir que du pluralisme.

 

Frédéric Bastiat dit encore, dans ses Harmonies économiques: "Il est évident que la Concurrence, c'est la liberté. Détruire la liberté d'agir, c'est détruire la possibilité et par suite la faculté de choisir, de juger, de comparer; c'est tuer l'intelligence, c'est tuer la pensée, c'est tuer l'homme."

 

En fait le monopole a pour conséquence l'émergence d'une caste de privilégiés et de groupes de pression. L'intérêt général n'est rien d'autre que le paravent derrière lequel se dissimulent des intérêts particuliers, les leurs en l'occurrence.

 

Dans Socialisme (1920), Ludwig von Mises montre que, faute de pouvoir faire un calcul économique, du fait que les prix véritables ne peuvent pas être établis par la confrontation de l'offre et de la demande, le monopole est planificateur et que cela conduit inévitablement à la pénurie ou à la surproduction.

 

En matière d'éducation et de formation, le monopole conduit ainsi à un manque de personnel qualifié et à une pléthore d'enseignements inutiles.

 

Des arguments déontologiques

 

Est-ce juste que l'Etat exerce un monopole sur l'éducation et la formation? Ne dit-on pas que l'éducation est un droit et qu'il est légitime que l'Etat garantisse ce droit?

 

Qu'est-ce qu'un droit? Il convient de distinguer les droits individuels, tels que les droits de propriété, la liberté d'expression, la liberté d'association etc., et les droits collectifs, tels que les droits au travail, au logement, à la santé, à l'éducation etc.

 

Les vrais droits sont les droits individuels. Ils se traduisent par le fait que les individus ne sont pas empêchés de faire telle ou telle chose, qu'ils peuvent choisir et sont responsables de leur choix. Benjamin Constant, dans son Commentaire sur l'ouvrage de Filangieri, pour exprimer que l'Etat doit les garantir, dit:

 

"Les fonctions du gouvernement sont purement négatives. Il doit réprimer les désordres, écarter les obstacles, empêcher en un mot que le mal n’ait lieu. On peut ensuite s’en fier aux individus pour trouver le bien."

 

Les droits collectifs correspondent à des spoliations opérées par l'Etat, qui devrait au contraire les empêcher. Pour les satisfaire, l'Etat devient en effet spoliateur lui-même. Sans consentement et sans compensation il prend aux uns pour donner aux autres.

 

Frédéric Bastiat pouvait dire que la spoliation légale, c'est le socialisme, et que le refus de la spoliation, c'est le libéralisme.

 

Si l'éducation et la formation sont privatisées, comment les pauvres pourront-ils y accéder? Les gens seraient moins pauvres s'il n'y avait pas de spoliation; les inégalités se réduiraient; et du libre marché surgiraient des solutions qui leur seraient accessibles, tels que l'e-learning.

 

Damien Theillier termine ses propos par cette citation de Benjamin Constant, qui, dans Principes de politique, dit:

 

"En éducation comme en tout, que le gouvernement veille et préserve; mais qu'il reste neutre. Qu'il écarte les obstacles, qu'il aplanisse les chemins. L'on peut s'en remettre aux individus pour qu'ils y marchent avec succès."

Journée libérale romande 2015: l'éducation et la formation: entre tradition et défis

L'école actuelle prépare-t-elle à affronter la liberté?

 

Jacques-André Haury, ancien député au Grand Conseil vaudois, évoque le Plan Langevin-Wallon de 1946-1947, qui, en France, projette la constitution d'un collège unique, d'un tronc commun de l'enseignement jusqu'à 15 ans et d'une formation universitaire unique.

 

Il cite Célestin Freinet: "Au lieu d’attendre une improbable révolution, il faut que la révolution entre dans la classe des enfants pauvres pour transformer la société à venir."

 

Il rappelle que Jean Piaget considère le cerveau comme un organe autonome et qu'il le traite comme un tube digestif. 

 

Ces propos sont une introduction au socioconstructivisme, selon lequel il faut favoriser le développement naturel de l'enfant, l'enseignant n'étant qu'un guide, et s'appuyer sur les acquis individuels et collectifs.

 

D'un côté on dit que l'enfant n'a pas besoin de certaines connaissances pour apprendre naturellement, de l'autre on dit qu'il faut le construire sur ses bases propres, ce qui revient à reprendre les inégalités de départ, à moins, dès le berceau, de retirer l'enfant à sa famille...

 

On dit qu'il faut placer l'enfant en situation de déséquilibre. Or il ressort d'une étude américaine effectuée dans les milieux défavorisés, sur 10 ans et 325'000 élèves, que l'enseignement direct, qui part du plus simple pour aller au plus compliqué, obtient de meilleurs résultats que cette pédagogie, en termes de connaissances, de compétences et d'estime de soi.

 

Dans cette lignée du socioconstructivisme, EVM 1996, l'école vaudoise en mutation, adoptée en décembre 1996 par le peuple, supprimait les notes, donc la moyenne, et les manuels de référence, prônait la pédagogie de la découverte et la mise en situation de l'enfant.

 

Il s'agissait en fait de supprimer l'échec, de valoriser et de ne pas sanctionner, de remplacer la note normative par une évaluation formative. Tout autant de choses qui n'existent pas dans la vraie vie et qui n'y préparent donc pas.

 

L'idée était qu'il fallait empêcher l'enfant de se comparer aux autres, qu'il devait découvrir les règles par lui-même, qu'il n'avait pas besoin de bases, ni de références, ni de hiérarchie des valeurs, ce qui conduit pourtant au relativisme.

 

Dans la vraie vie, c'est tout le contraire: l'enfant a besoin de se situer par rapport aux autres, d'identifier les règles, de s'appuyer sur des bases solides, de hiérarchiser les choses et de distinguer l'essentiel de l'accessoire (avec PECARO, le plan d'études cadre romand, les disciplines étaient classées par ordre alphabétique!).

 

Aujourd'hui, dans le canton de Vaud, la LEO, la loi sur l'enseignement obligatoire, donne quelques espoirs: les notes et les moyennes réapparaissent, les branches principales et secondaires sont distinguées, le redoublement est redevenu possible, dans les ouvrages, dont le choix est laissé aux enseignants, il est à nouveau question de règles.

 

N'est-il pas nécessaire en effet de connaître les règles, puis de choisir de les respecter ou de les transgresser? Car ignorer les règles ne rend pas libre mais désorienté.

 

Jacques-André Haury critique donc la pédagogie main stream, mais comment choisir la bonne? Faut-il l'imposer par en haut? Ce sont des questions qu'un libéral doit poser, même si le consensus pour l'école publique est fort en Suisse. Car seule la remise en cause du monopole permet d'en éviter les inévitables conséquences néfastes.

Journée libérale romande 2015: l'éducation et la formation: entre tradition et défis

Les liens entre le système de formation et l'économie

 

Le Pr Michel Rochat est depuis cinq ans le directeur général de l'Ecole hôtelière de Lausanne. Les mots-clés de cette école prestigieuse, fondée par la Société suisse des hôteliers à la fin du XIXe, sont internationalité et professionnalité, au service de la personne.

 

Internationale l'EHL? Aujourd'hui les étudiants sont de 90 nationalités différentes. L'objectif est de parvenir à 100 nationalités. Professionnelle l'EHL? Cela résulte d'une forte sélection à l'entrée: sur 1'200 candidats, 300 seulement sont admis. Et Michel Rochat aimerait même qu'il y ait davantage encore de candidats pour le même nombre d'élus ...

 

Qu'est-ce qu'un étudiant éduqué? Un étudiant responsable, qui combine le sens des affaires et l'éthique. Dès la première semaine de son admission, un étudiant doit travailler en groupe, mais un groupe mixé, c'est-à-dire où sont représentées toutes les sensibilités.

 

Les objectifs sont l'auto-organisation et l'auto-évaluation. Dans les métiers d'accueil il s'agit en effet de faire preuve à la fois d'une grande ouverture d'esprit et d'avoir l'esprit d'entreprise. Aujourd'hui 120 millions de personnes travaillent dans ces métiers dans le monde.

 

Internationale l'EHL? 9 écoles sont certifiées par elle dans le monde: au Brésil, en Chine, en Corée du Sud, en Inde, au Liban, au Mexique, en Thaïlande, aux Emirats Arabes Unis, en Arabie Saoudite.

 

Professionnelle l'EHL? Y sont enseignées la liberté d'esprit, la liberté d'agir, la responsabilité (respect d'autrui et des délais), qui sont autant de valeurs qui permettent à la fois d'être efficace et d'avoir une vie bien remplie.

 

Fathi Derder est président du Réseau et conseiller national PLR. Son association a pour mission d'exercer une influence politique pour l'innovation avec pour objectif premier de développer les conditions-cadres favorables à l'entrepreneuriat.

 

La première fois que Fathi Derder s'est rendu à la Silicon Valley, c'était en 1999. Facebook n'existait pas, Amazon perdait de l'argent, la part d'Apple sur son marché n'était que de 3%, Google n'avait pas de business model... On sait ce qu'il est advenu de ces Big Four.

 

Quand Fathi Derder parle de mesures à prendre, compte-tenu du contexte toujours plus réglementé, il faut comprendre ce qu'il entend par là:

- 1ère mesure: ne pas pourrir la vie des entrepreneurs: ils doivent pouvoir innover et embaucher qui ils veulent, d'où le problème posé par le vote du 9 février 2014 de l'initiative Contre l'immigration de masse...

- 2e mesure: encourager le capital-risque en tissant des liens entre formation et recherche d'une part et entreprises de l'autre.

 

L'Etat ne doit pas avoir d'autres rôles que de garantir la transparence, la liberté de recherche, la liberté d'entreprise. Les autres conditions-cadres favorables à l'entrepreneuriat? Ce sont les conditions-cadres helvétiques, à savoir une monnaie stable, un environnement stable, un niveau éducatif stable...

Journée libérale romande 2015: l'éducation et la formation: entre tradition et défis

Le pluralisme privé face aux monopoles publics

 

Pierre-Antoine Hildbrand est secrétaire général de l'Association vaudoise des écoles privées. Cette association fondée en 1940 regroupe une cinquantaine d'établissements. Ses buts? Comme au moment de sa fondation, défendre les intérêts de ses membres, faciliter l'entrée d'étudiants étrangers, établir une meilleure collaboration entre écoles publiques et écoles privées.

 

Aujourd'hui il y a prédominance de l'Etat de Vaud, qui autorise, surveille les écoles privées etc. (voir la loi sur l'école privée, LEpr). Pour que le pluralisme puisse exister, il faudrait que plus de pouvoir soit donné aux institutions privées.

 

L'Etat exerce le monopole de décerner les diplômes. A ce sujet, Pierre-Antoine Hildbrand a appris un néologisme. Ce pouvoir monopolistique de décerner les diplômes s'appellerait la nostrification... En anglais, le mot signifie la reconnaissance d'un diplôme décerné par une université étrangère... Un moyen de contourner le monopole étatique est justement d'obtenir la reconnaissance par d'autres systèmes. 

 

La cinquantaine d'écoles privées vaudoises représente 15'000 éléves, de 50 nationalités, et 1 à 2 % du PIB. Ces écoles sont:

- des écoles catholiques

- des internats pour étrangers

- des écoles à la pédagogie différenciée (Steiner, Montessori etc.)

 

Aucune école privée ne bénéficie de financement public, qui n'est d'ailleurs prévu dans aucun des 15 articles de la LEpr. Toutefois, les écolages de l'ensemble des écoles privées ne pèsent pas autant sur le budget des parents que celui de la prestigieuse école Le Rosay (100'000 francs par an, repas inclus il est vrai...). Comme les initiatives pour des chèques scolaires ont toutes été rejetées à chaque fois par 70 à 80% des voix, il faut trouver d'autres voies de financement. Un moyen serait de limiter les ressources étatiques pour en laisser davantage aux parents...

 

A la suite du vote du 9 février 2014 de l'initiative Contre l'immigration de masse, les écoles internationales sont menacées, parce que qui dit écoles internationales dit personnel enseignant étranger et obtentions de permis... L'offre d'enseignement international est pourtant une façon de revivifier les écoles privées, à la faveur de l'implantation d'entreprises multinationales (qui pourrait être remise en cause par la réforme fiscale des entreprises...).

Journée libérale romande 2015: l'éducation et la formation: entre tradition et défis

Victoria Curzon-Price , professeur honoraire d'économie politique à l'Université de Genève, préside le comité de l'Institut libéral. Elle remarque que rien de tel pour faire disparaître un monopole public que l'innovation. C'est ainsi que le téléphone mobile a brisé celui de la téléphonie.

 

Victoria Curzon-Price a bon espoir qu'il en sera de même du monopole public de l'enseignement. En effet l'enseignement en ligne se développe et il y a raréfaction du financement public. De plus il existe une concurrence mondiale de la matière grise. Ainsi un bachelor pourra être obtenu à bon marché sur Internet.

 

Les universités les plus à même de venir en appui aux étudiants en bachelor seront des institutions privées. Le grand nombre de certifications possibles établies par elles aura raison du monopole étatique des diplômes.

 

L'enseignement post-grade et la recherche seront davantage du ressort des universités et les Etats essaieront de les conserver pour eux. Mais ils se heurteront à ce que Victoria Curzon-Price appelle les trois F:

 

- le Financement alternatif par les entreprises, par le mécénat, par les associations d'anciens élèves, par les start-up: il sera plus proche du marché, plus interactif avec l'économie et facilitera la concurrence des modes d'enseignement.

 

- la Flexibilité par des rémunérations variables, par des contrats à durée déterminée, par la sélection des meilleurs enseignants et des meilleurs étudiants (aujourd'hui le financement de l'enseignement post-grade par les étudiants est de plus en plus fréquent à Genève).

 

- le 9 Février sera d'autant moins applicable que la Suisse a besoin d'enseignants, d'étudiants, de spécialistes d'entreprises en provenance du monde entier.

 

La recherche a besoin de gens libres: ce sont nos libertés qui nous sauveront.

 

Francis Richard

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9 juin 2015 2 09 /06 /juin /2015 22:55
Les livres de la liberté, à la Fondation Martin Bodmer, à Cologny

2 juin 2015, par une chaude fin d'après-midi ensoleillée, à Cologny.

 

La Fondation Martin Bodmer  se trouve en haut de la rampe de Cologny. Il faut marcher une bonne heure depuis la Gare de Cornavin à Genève pour s'y rendre. Sur les pelouses, le long du quai Gustave Ador, des jeunes femmes et des jeunes hommes cuisent au soleil en tenues balnéaires...

 

La Fondation Martin Bodmer est avant tout une bibliothèque phénoménale, puisque 160'000 pièces originales y sont réunies. Ayant hérité d'une grosse fortune, alors qu'il n'est encore qu'un jeune homme, Martin Bodmer, bibliophile précoce, décide de la consacrer à l'acquisition d'éditions originales de tous pays et sur tous supports.

 

La Fondation Martin Bodmer est aussi un musée. L'exposition permanente retrace l'histoire de la civilisation. Au moment où Genève commémore le bicentaire de son entrée dans la Confédération helvétique, le 19 mai 1815, l'actuelle exposition temporaire est consacrée, jusqu'au 13 septembre 2015 aux Livres de la liberté.

Les livres de la liberté, à la Fondation Martin Bodmer, à ColognyLes livres de la liberté, à la Fondation Martin Bodmer, à Cologny

L'Institut Libéral organise donc ce 2 juin une visite guidée par le commissaire de cette exposition, Bernard Lescaze, historien, membre du conseil de la Fondation.

 

Sont exposées, dans cette exposition temporaire, les éditions originales de livres de libéraux anglais, français et... genevois. Si des traductions originales en français de livres d'Adam Smith ou de John Stuart-Mill sont présentes, ce sont les éditions originales de livres de Français et de Genevois libéraux qui prédominent, tels que: 

 

- pour les Français: Réflexions sur la formation et la distribution de richesses, d'Anne-Robert-Jacques Turgot, De l'esprit des lois de Charles de Montesquieu, De la démocratie en Amérique d'Alexis de Tocqueville, Harmonies économiques de Frédéric Bastiat, Commentaire sur l'ouvrage de Filangieri de Benjamin Constant etc.

 

- pour les Genevois: Principes du droit naturel de Jean-Jacques Burlamaqui, Le libéralisme de Jacques-Henri Serment, Théorie des peines et des récompenses d'Etienne Dumont etc.

Les livres de la liberté, à la Fondation Martin Bodmer, à ColognyLes livres de la liberté, à la Fondation Martin Bodmer, à Cologny

Parmi les nombreuses anecdotes que Bernard Lescaze rapporte pendant la visite, il en est trois qui me marquent suffisamment pour que je me les rappelle une semaine plus tard.

 

La première illustre le fait qu'il existe un réseau de libéraux à travers l'Europe, qui correspondent entre eux, voire se rencontrent. Ainsi Burlamaqui connaît-il Montesquieu. Burlamaqui montre à Montesquieu, en 1747, l'édition qu'a faite pour lui, à Genève, le libraire Barillat de son livre sur les Principes du droit naturel. Cette édition plaît tellement à Montesquieu qu'il fera éditer De l'esprit des lois en 1748 par le même Barillat.

 

La deuxième est un démenti apporté aux histoires sur le libéralisme en général qui disent que le premier livre intitulé Le libéralisme a paru en 1903, sous la plume d'Emile Faguet... Or, Le libéralisme de Jacques-Henri Serment, que désigne dans une vitrine le conférencier, est paru en 1860... J'ajoute que la première occurrence du mot libéralisme est bien antérieure et date de 1818, dans le Journal de Maine de Biran, qui le définit comme "une doctrine favorable au développement des libertés" (sic)...

 

La troisième interpelle le stendhalien que je suis. L'exposition temporaire comporte un exemplaire original de La Chartreuse de Parme. Dans ce roman (page 147, Tome II des Romans et Nouvelles, Bibliothèque de la Pléiade, 1968), Stendhal met dans la bouche de Fabrice les paroles suivantes: "Les mots liberté, justice, bonheur du plus grand nombre, sont infâmes et criminels: ils donnent aux esprits l'habitude de la discussion et de la méfiance."

 

Stendhal n'ignore pas qu'en 1817, c'est en ces termes que Jeremy Bentham résume l'utilitarisme, dont est proche Jean-Baptiste Say: "[Il] établit comme seule fin qui convient à la visée du moraliste et du législateur le plus grand bonheur du plus grand nombre."...

 

Francis Richard

 

Pendant la durée de l'exposition Les Livres de la liberté, les jeudis à 18:30, une série de conférences ont lieu à la Fondation. Les prochaines sont données:

 

- Le 11 juin 2015 par Emmanuelle de Champs sur Un code constitutionnel pour toutes les nations professant des opinions libérales. Libéralisme et utilitarisme dans la pensée de Jeremy Bentham.

 

- Le 18 juin 2015 par Marie-Pierre Rey sur Le libéralisme d'Alexandre 1er, Tsar de Russie entre 1815 et 1820.

 

- Le 2 juillet 2015 par Laurent Theis sur François Guizot, un libéral sous la Restauration.

 

- Le 27 août 2015 par Pascal Couchepin sur Libéralisme et politique.

 

- Le 3 septembre par Philippe Roch sur Le libéralisme au défi de la croissance et de l'écologie.

 

- Le 10 septembre par Léonard Burnand sur Liberté et terreur selon Benjamin Constant.

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28 mars 2015 6 28 /03 /mars /2015 23:20
Philippe Nemo invité de l'Institut Libéral à la Société de Lecture de Genève

Jeudi 26 mars 2015, il est dix-neuf heures passées. Nous sommes dans le Grand Salon Jaune de la Société de Lecture de Genève. Laquelle se trouve dans un bel hôtel particulier du XVIIIe siècle, au 11 de la Grand-Rue, dans la vieille cité. Un lieu magique, qui fait rêver, avec sa bibliothèque de 400'000 volumes...

 

Après une brève présentation de Philippe Nemo par Pierre Bessard, directeur de l'Institut Libéral, l'auteur d'Esthétique de la liberté commence sa conférence sur La beauté d'une société libre.

 

L'idée d'écrire son livre est venue à Philippe Nemo lors d'un séminaire en Italie, à Dogliani, où il avait été invité à s'exprimer sur le thème de l'Anthropologie de la liberté, en octobre 2011. A cette occasion il avait pu établir la relation entre la beauté et la liberté, la beauté et le libéralisme. Et a contrario la relation entre le socialisme et la laideur.

 

Tout était en fait parti d'une fable de La Fontaine, Le chien et le loup. Où le loup, tout maigre et efflanqué qu'il est, apparaît beau, tandis que le chien, gras et poli, apparaît laid. Le premier est en effet libre, tandis que le second a le cou pelé par le collier dont il est attaché...

 

Philippe Nemo part de trois points:

 

1) Avec les philosophes grecs et chrétiens, et avec Kant, il apparaît que le vrai, le bien et le beau ne peuvent être poursuivis que dans la liberté. Avec Orwell, Arendt, Hayek et Zinoviev, que la laideur est la marque de la servitude;

 

2) Il ya un lien étroit entre l'être et l'avoir: la propriété privée permet de conserver ce que nous avons et ce que nous sommes, alors que le collectivisme confond les avoirs et empêche les êtres de se différencier;

 

3) Le voyage, qui comporte de l'imprévu, change l'être et révèle à nous-mêmes ce que nous sommes.

 

Conclusion: seules les sociétés libérales permettent de donner un sens à la vie.

 

Barry Smith, philosophe britannique qui enseigne à l'université de Buffalo, définit ainsi le sens de la vie: créer une forme originale, qui modifie le monde et qui est constatée par des témoins extérieurs. Exemples: Beethoven, Mahomet, Alekhine (joueur d'échecs), Faraday ont donné, dans cette acception, un sens à leur vie...

 

Or, seules les sociétés libérales, c'est-à-dire libres, maximisent les chances qu'un individu pris au hasard donne un tel sens à sa vie.

 

Philippe Nemo conteste cependant qu'il soit besoin de témoins extérieurs pour créer une oeuvre originale qui donne du sens à la vie: une vie peut avoir un sens sans conscience et inversement. Ce qui compte, c'est le commerce avec les idéaux de l'esprit, une oeuvre pouvant être créée en réalité sans conditions. Une vie, si brève soit-elle,  a d'ailleurs de la valeur si elle a plu à Dieu...

 

Pour Philippe Nemo, ce qui importe, c'est donc de poursuivre les idéaux de l'esprit: il faut ainsi préférer le bien au mal et aimer la vérité quand bien même elle n'est pas reconnue. Pour ce qui est de la beauté, il s'agit là d'un idéal de l'esprit différent des deux précédents.

 

Il existe en effet deux conceptions de la beauté:

- platonicienne: la beauté est transcendante, elle n'est pas fonctionnelle;

- aristotélicienne: toute découverte est merveilleuse, elle rend semblable à Dieu, elle est le signe de la perfection, c'est-à-dire, étymologiquement, de ce qui est fait entièrement.

 

Dans les deux conceptions, c'est l'idée d'éclat qui ressort. Le sage rayonne par sa beauté morale (les Grecs parlent de καλοκἀγαθία, Cicéron d'honestas): le sage est bel et bon, il pratique les vertus.

 

Pour que la beauté puisse éclore, il y a nécessité d'un contexte. Ce contexte pour l'homme doit favoriser l'exercice par lui des quatre vertus cardinales que sont la prudence, la tempérance, la force d'âme et la justice. Mais la première de ces vertus est encore la justice, parce que les autres s'ensuivent.

 

Il existe deux sortes de justice:

- la justice distributive (selon le mérite);

- la justice commutative (où il y a égalité dans les échanges).

 

On ne peut être pleinement juste que dans la cité. On ne peut pas être homme dans son coin. On ne peut pas l'être dans une société de servitude.

 

Dans sa Somme théologique , Saint Thomas d'Aquin, sur 3'000 pages, en consacre 2'000 à la morale et il passe en revue vertus et vices. Parmi les vertus connexes:

 

- la véracité peut se définir comme la propension à dire le vrai: la société socialiste favorise au contraire la tromperie sur la marchandise par l'irresponsabilité;

- la libéralité consiste à donner un peu plus que ce que l'on doit: on ne peut pas être libéral dans ce sens-là si l'on ne possède rien;

- l''esprit de paix reconnaît que la prédation n'est pas payante: il est difficile de commercer en cas de guerre et commercer, c'est renoncer à la violence;

- la tolérance revient à laisser autrui faire ce qu'il veut et à ne pas se préoccuper de ce qu'il fait: les socialismes, au contraire, sont intolérants, par construction, puisqu'ils font des comparaisons entre ce que possèdent les gens.

 

Toutes ces vertus ne peuvent donc se développer que dans le contexte d'une société libre, où on aime produire, et non pas dans celui d'une société socialiste, où on fait du lobbying, ce qui se traduit pas un amoindrissement de l'humain.

 

Philippe Nemo termine par les trois vertus théologales, la foi, l'espérance et la charité. Ce ne sont pas des vertus qui sont en elles-mêmes favorisées par la société libre, mais il est tout de même plus facile de les y pratiquer que dans la société socialiste.

 

Répondant à des questions, Philippe Nemo remarque qu'en France les adversaires du libéralisme ont réussi leur coup en prenant l'école, que, si la gauche a perdu en fait la bataille des idées, elle n'en possède pas moins les institutions, qu'elle détient le pays légal et qu'elle n'écoute pas le pays réel...

 

François Hollande a déclaré qu'il ne lisait  pas de livres. En sortant de La Société de Lecture, je fais remarquer à Philippe Nemo la phrase latine - elle est de Saint Thomas d'Aquin -, inscrite sur son frontispice: "Timeo hominem unius libri", c'est-à-dire "Je crains l'homme d'un seul livre". Il me fait remarquer en retour que c'est une phrase qu'un musulman ne devrait en principe pas apprécier... Je lui réponds qu'il faut de toute façon craindre davantage l'homme d'aucun livre...

 

Francis Richard

 

Esthétique de la liberté, Philippe Nemo, 220 pages, PUF

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14 mars 2015 6 14 /03 /mars /2015 17:45
Pierre Bessard, invité des Swiss Students for Liberty, à Fribourg

Hier soir, les Swiss Students For Liberty, antenne helvétique des Students For Liberty, recevaient à Fribourg Pierre Bessard, directeur de l'Institut Libéral. Après un bref mot d'introduction de Frédéric Jollien, coprésident de l'association invitante, l'orateur, alternant le français et l'allemand, ce qui est une gageure, prenait la parole sur le thème:

 

La Suisse: refuge de la dictature de la majorité ou de la liberté individuelle?

 

Pierre Bessard, invité des Swiss Students for Liberty, à Fribourg

Au préalable, Pierre Bessard dit quelques mots sur l'Institut libéral, à l'auditoire composé exclusivement de jeunes femmes et de jeunes hommes, à l'exception notable du blogueur qui signe ce billet...

 

L'Institut libéral a été fondé en 1979. Il a "pour mission la réflexion et la recherche des idées de liberté" et "promeut la tradition et la culture suisses de liberté individuelle, de paix, d'ouverture et de diversité politique, et contribue au développement de la tradition intellectuelle libérale".

 

Très prochainement l'Institut sera présent à Berne, la capitale confédérale, où il ouvrira un espace d'accueil pour étudiants, où pourront avoir lieu des conférences et qui sera doté d'une bibliothèque d'ouvrages libéraux, souvent introuvables ailleurs.

 

La Suisse a une longue tradition de liberté. Les racines de cette tradition remontent au XIIIe siècle. Il s'est agi à l'époque de se défendre contre la tyrannie fiscale des Habsbourg et de la  remplacer par "une communauté volontaire liée par des règles communes minimales", d'organiser une défense mutuelle contre les agresseurs externes et d'instituer une justice impartiale basée sur les droits individuels de propriété.

 

Plus proche de nous, au XIXe siècle, la Suisse adopte la Constitution la plus libérale du continent, avec la liberté du commerce et des échanges, la liberté de mouvement et d'établissement et la liberté religieuse. Les penseurs libéraux suisses de l'époque sont, par exemple, Charles Monnard ou Frédéric-César de La Harpe, héritiers d'Emmanuel Kant, de Germaine de Staël ou de Benjamin Constant, disciples d'Alexis de Tocqueville.

 

La philosophie de la liberté, bien sûr, n'a pas été inventée en Suisse. Elle fait partie de l'héritage culturel de l'humanité. Lao-Tseu, philosophe chinois du VIe siècle avant JC, ne peut-il pas être considéré comme un des premiers penseurs libéraux, lui qui dénonçait déjà les "méfaits de l'interventionnisme et d'une fiscalité excessive pour l'harmonie de la société"?

 

La Suisse se distinguera également au XXe siècle en accueillant sur son sol la Société du Mont-Pèlerin, fondée en 1947 par Friedrich Hayek, économiste, juriste et philosophe, prix Nobel d'économie en 1974.

 

Dans la pensée libérale, la liberté est la valeur condition de toutes les autres. L'homme est capable de raisonner, il est doté d'un libre arbitre et il est responsable de ses actes. De même les règles morales, d'inspiration gréco-romaine et judéo-chrétienne, sont-elles les mêmes pour tous.

 

Dans la pensée libérale, l'être humain est propriétaire de lui-même et des fruits de son travail. La liberté des échanges, basée sur le respect des droits individuel, est par conséquent le contraire de la loi de la jungle. Elle permet la division du travail qui est à la base du développement des arts et des sciences.

 

Quel est le but du droit? Il est de limiter les prérogatives de la majorité. Comment? En fragmentant  les décisions politiques aux niveaux cantonal et communal, en réduisant l'Etat fédéral à un rôle subsidiaire, en limitant les activités de l'Etat, quel que soit son niveau, par des taux maximaux d'imposition et par le frein à l'endettement.

 

Dans cet esprit la démocratie directe est un droit de veto qui permet de limiter la démocratie représentative. Mais elle peut être aussi nuisible que l'activisme parlementaire ou gouvernemental quand elle prend la forme d'initiatives populaires interventionnistes comme ce fut récemment le cas avec l'initiative contre les minarets ou les résidences secondaires. A ce moment-là elle conduit à la centralisation et à la réglementation.

 

Au cours des dernières décennies, sous l'influence des idées socialistes, la démocratisation ou règle de la majorité, c'est-à-dire en fait la politisation, s'est étendue de plus en plus à des questions qui relèvent de l'économie de marché ou de la sphère privée, telles que les conditions de travail, l'énergie, la santé ou l'agriculture, remettant ainsi en cause les droits individuels, érodant par là-même la liberté et gonflant le périmètre d'intervention de l'Etat.

 

Cette tendance à une intervention plus grande de l'Etat est une illustration de la loi d'Adolf Wagner qui prédisait l'extension des tâches de l'Etat, qui seraient toujours plus onéreuses. Cyril Parkinson, énonçait une autre loi, s'appuyant sur une formule mathématique et expliquant que les effectifs de l'administration ne peuvent qu'augmenter chaque année de 5% quelle que soit l'évolution de la quantité de travail qu'elle a à effectuer...

 

Le fait est que, même en Suisse, les recettes de l'Etat augmentent de par l'évolution de l'économie et de la population et que le jeu consiste à ne pas les laisser sans emploi(s)...

 

Il existe pourtant des moyens efficaces de limiter l'Etat, dont certains ont déjà été évoqués plus haut:

 

- Les freins institutionnels, tels que le frein à l'endettement, le frein aux dépenses publiques, la baisse automatique des taux d'imposition;

- La limite de la part de l'Etat dans le PIB à 12-15%, qui, selon la courbe de Richard Rahn, correspond aux pourcentages de dépenses publiques optimales;

- L'endiguement de l'activisme parlementaire en réduisant le nombre des sessions comme au Texas ou au Colorado, qui n'ont lieu qu'une année sur deux;

- L'endiguement de l'activisme gouvernemental en réduisant le nombre de conseillers fédéraux de 7 à 5;

- La décentralisation;

- La culture politique de la liberté.

 

De par les questions posées par l'auditoire, il semble bien que la Suisse soit paradoxalement terre de mission, comme bien d'autres pays occidentaux, pour ce qui est de la culture politique de la liberté. Des années d'Etat-providence ont bien réussi à formater les esprits d'une génération qui n'a rien connu d'autre...

 

Francis Richard

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9 novembre 2014 7 09 /11 /novembre /2014 23:30
La journée libérale romande 2014 à Lausanne

Ce samedi 8 novembre 2014 a eu lieu, dans un hôtel de Lausanne, la première édition de La Journée libérale romande. Organisée conjointement par l'Institut libéral et le Cercle libéral de Lausanne, elle a réuni quelque 80 participants.

 

Le matin.

 

Dans une brève présentation de la Journée, Pierre Bessard, directeur de l'Institut libéral, rappelle que le libéralisme romand et la social-démocratie ne peuvent pas être confondus, ne serait-ce que parce que les valeurs éthiques du premier ne comprennent pas la moindre dose de socialisme comme c'est le cas de la seconde.

 

Puis, étant le premier intervenant d'une journée placée sous le thème Comment renouer avec les valeurs éthiques d'une société libre?, il aborde sa communication, Une constante suisse romande: le libéralisme éthique de Charles Monnard et de Louis Guisan, non sans avoir signalé que vient de paraître son livre, Charles Monnard l'éthique de la responsabilité, où sont exposées les convictions personnelles de ce dernier et les conclusions qui peuvent en être tirées de nos jours.

 

Charles Monnard (1790-1865) et Louis Guisan (1911-1998) étaient tous deux des libéraux vaudois. Charles Monnard était pasteur, professeur de littérature, journaliste, historien et homme politique (député au Grand Conseil du canton de Vaud, député à la Diète fédérale). Louis Guisan était avocat, directeur de la Gazette de Lausanne, homme politique (conseiller d'Etat du canton de Vaud, conseiller national, conseiller aux Etats).

 

Pour l'un comme pour l'autre le libéralisme est une façon d'être, dans tous les domaines de la vie. Charles Monnard était marié à une Allemande et Louis Guisan à une Grecque... Tous deux ont le souci d'approfondir leur réflexion avant d'agir en politique, Charles Monnard par la fréquentation du Groupe de Coppet, Louis Guisan par ses rencontres libérales. S'ils ont tous deux de fortes convictions, ils respectent celles des autres.

 

Charles Monnard parle de la liberté en ces termes: "La liberté est la condition d'une vie complète. la condition de la civilisation, du développement de la pensée, de l'activité, de l'industrie, des lettres, des sciences, la condition des progrès de l'humanité." Pour Louis Guisan, "l'action des libéraux n'a qu'une raison d'être, la sauvegarde des libertés personnelles".

 

Tous deux pensent que des erreurs individuelles sont moins graves que des erreurs collectives et sont en faveur d'un Etat limité. Louis Guisan dit ainsi qu' "en libéralisme pur, l'Etat n'existe pas" et que "la loi garantit l'usage des libertés". Il considère que "rien n'est plus antisocial que le prélèvement par l'Etat de sommes qui ne sont pas indispensables à son office".

 

Quant à Charles Monnard, il ironise sur les hommes politiques attirés par le pouvoir: "S'armer du sceptre de l'autorité et du glaive de la loi, étaler un luxe militaire, briller à la tête des armées, lever des impôts, puiser dans le trésor public, dispenser des faveurs, et par-dessus tout commander aux hommes: que de séductions!"

 

Louis Guisan montre - il y a quelque soixante ans déjà - la pente suivie par l'Etat-providence, qui conduit à l'infantilisation générale et au totalitarisme: "La politique sociale, si elle est laissé à elle-même, est condamnée à se développer de plus en plus jusqu'à devenir totale. A ce degré de perfection elle n'a plus de social que le nom: non seulement elle a confisqué toutes les libertés personnelles, mais encore elle a détruit les sociétés naturelles que sont la famille, l'entreprise, la commune, les unes et les autres diluées dans l'Etat totalitaire." Le remède est de mettre l'Etat à la diète...

 

Pour conclure, quels sont les critères d'une solution pour revenir aux valeurs éthiques:

1) Que les gens disposent de leur salaire plutôt que de prestations;

2) Que les prestations se fassent par les communautés naturelles;

3) Que les conditions économiques soient celles de l'économie de marché et non pas de l'étatisation.

 

Aucune question n'étant posée, Pierre Bessard passe la parole à l'intervenant suivant.

La journée libérale romande 2014 à Lausanne

La communication de Damien Theillier, philosophe, président de l'Institut Coppet, est intitulée La philosophie de la liberté et les valeurs morales.

 

A gauche comme à droite, par exemple chez Jean-Claude Michéa  comme chez Eric Zemmour, le but de l'action politique est de remodeler la société. Ce qui s'avère impossible en raison des obstacles incontournables que sont heureusement les droits individuels. Aussi, quand l'un comme l'autre parlent de la liberté, en font-ils une caricature. Ils ne voient pas que la liberté est le pilier d'une société juste.

 

L'analyse économique est insuffisante pour rendre compte de la crise actuelle. Car la crise actuelle est d'abord une crise morale.

 

Les gens de droite comme de gauche commettent l'erreur philosophique de considérer la liberté comme une valeur parmi d'autres, telles que la nation, la tradition, la solidarité, l'égalité. Ils ne voient pas que la liberté, en effet, n'est pas une valeur, mais qu'elle est transcendantale, comme l'avaient vu Aristote et Saint Thomas d'Aquin.

 

La société n'a pas de droits. Seul l'individu a des droits. Seuls les actes individuels permettent de juger d'une société qui n'existe que parce que des individus s'associent.

 

Un Etat n'a pas non plus de réalité indépendante des individus. Sinon, ce qui est immoral pour les individus pourrait ne pas l'être pour l'Etat. D'autre part, la liberté bien comprise contient en elle-même ses propres limites et le remède à ses propres excès.

 

Car la liberté bien comprise est synonyme de propriété. Que cela signifie-t-il? Que chaque homme a un droit absolu sur sa personne et sur ce qu'il a légitimement acquis. Aussi bien ne faut-il pas confondre propriété et propriété foncière. La propriété de soi implique que nul n'a le droit d'utiliser un individu sans son consentement, excepté pendant l'enfance où la propriété de soi est déléguée temporairement aux parents.

 

La propriété est un droit naturel. Il n'est pas un droit concédé par la volonté d'un individu, ni par celle de l'Etat. C'est à l'opposé de ce que pensait Jean-Jacques Rousseau, pour qui la loi créait de la propriété, pour qui la liberté résultait d'une convention.

 

Qu'est-ce qu'un crime? Une agression contre la propriété, autrement dit c'est vouloir disposer de la propriété d'autrui. Il ne faut pas confondre agression avec nuisance. Nuire ne se traduit pas par la disposition de la propriété d'autrui. Il en va ainsi de l'expression d'une opinion choquante. Ainsi la tentation est grande d'interdire une opinion choquante, ce qui revient à criminaliser la pensée et ce qui pose alors la question de la limite de la censure.

 

Etre caricaturé, par exemple, ne fait pas plaisir. Mais la solution n'est pas d'interdire, c'est de critiquer, d'ouvrir le débat public. Il n'est pas question de renoncer à ses convictions, il est question d'accepter les conséquences les plus dérangeantes de la liberté et de se lancer dans le débat.

 

Il est deux sortes de violence, la violence agressive qui est criminelle et la violence défensive qui est légitime. La solution n'est donc pas la même quand il s'agit d'une nuisance ou d'un crime.

 

De même il faut distinguer entre vice et crime. Qu'est-ce qu'un vice, sinon ce qui nuit à soi-même. Qu'est-ce qu'un crime, sinon ce qui porte atteinte à autrui. On peut tolérer les vices, mais pas les crimes.

 

Encore une fois, le fait de tolérer les erreurs des autres n'empêche pas de les combattre, mais la seule manière de le faire est la parole. Par exemple la consommation de drogues, la prostitution, ce n'est pas bien, mais ce n'est pas criminel en soi. La liberté bien comprise est la solution et consiste à porter secours à ceux qui dérivent. Mais ce n'est pas à l'Etat, comme certains le préconisent, de prendre en charge les drogués ou les prostitués.

 

Quel est le plus grand criminel de l'Histoire? L'Etat. Quand il règlemente, quand il taxe, quand il redistribue etc., il viole les droits de propriété. Des anti-libéraux pour justifier ces viols de l'Etat, objectent que la liberté est relative, qu'elle est source de désordres... Dans une société libre les droits de propriété sont protégés et permettent de dégager des ressources pour se consacrer aux autres.

 

Ayn Randt disait : "Si les hommes veulent s'opposer à la guerre, ils doivent combattre l'Etat. Aussi longtemps qu'ils soutiennent la notion tribale que l'individu est bon à être sacrifié à la collectivité, que certains hommes ont le droit de régner sur les autres par la force et qu'un « bien » (n'importe quel « bien ») peut le justifier - il ne peut pas y avoir de paix à l'intérieur d'une nation, ni de paix entre les nations."

 

Pour d'autres anti-libéraux, la liberté n'existe pas. Il n'y aurait pas d'individus mais des relations. Le fruit du travail n'appartiendrait pas à l'individu, puisqu'il n'existe pas, mais à la société. Comme l'individu existe tout de même et que chacun veut sa part du gâteau, l'activité législative va consister à faire des lois au profit des uns ou des autres... Une solution pour limiter l'inflation législative serait de diviser par 2, par 3 le nombre des législateurs...

 

Des questions sont posées sur:

- l'acceptation de salaires de misère qui ne permettraient pas de survivre: ils sont justement acceptés parce qu'ils permettent de survivre et d'améliorer sa condition.

- les ressources limitées de la planète: elles ne deviennent des ressources qu'à partir du moment où l'intelligence humaine en fait des ressources.

- la surpopulation en Suisse: les terres construites ne représentent que 6 à 7% du sol hors régions alpines...

- les biens collectifs: une solution est de privatiser pour responsabiliser, ce qui permettrait de résoudre les problèmes environnementaux.

- l'immigration: elle résulte de la pompe aspirante que représente l'Etat providence et/ou de la fuite de l'oppression et de la misère, conséquences de la détention de la propriété par un petit nombre qui empêche les autres d'y accéder.

- la distinction entre droit et loi: la loi n'a pour fonction que de protéger le droit naturel (la majorité démocratique est illégitime quand elle le viole).

- la propriété: le christianisme a concilié la destination universelle des biens avec la nécessaire appropriation individuelle.

La journée libérale romande 2014 à Lausanne

L'après-midi.

 

A l'issue d'un déjeuner-buffet, Tibère Adler, directeur romand du think tank Avenir Suisse, ancien directeur général d'Edipresse , fait part à l'assistance de ses remarques sur les Responsabilités éthiques dans les entreprises privées.

 

Préalablement l'intervenant évoque le rôle que joue l'organisation qu'il dirige. D'inspiration libérale, elle n'intervient pas dans le débat politique mais mène des études prospectives sur la Suisse et fait des propositions. Ces études sont orientées chiffres.

 

Avenir Suisse a publié par exemple des études sur l'immigration et sur la démographie et s'est intéressée à la réglementation helvétique.

 

En 50 ans la population de la Suisse est passée de 5,5 millions à 8 millions d'habitants, la même progression que la République fédérale, pendant la même période, à la différence près que cette dernière a vu sa population augmenter de celle de l'Allemagne de l'est après la réunification.

 

Quand des Suisses craignent la surpopulation de leur pays, cela fait rire les Singapouriens. En effet la densité de la population en Suisse est de 350 habitants au km2 hors régions alpines, alors qu'elle est de 7'000 habitants au km2 à Singapour...

 

Si la Suisse occupe les premiers rangs mondiaux en matière d'économie, elle se trouve entre le 20e et le 60e rang pour la réglementation: chaque année 7'000 pages s'ajoutent à la jungle réglementaire existante... Avenir Suisse propose cependant une nouvelle réglementation: celle d'un frein à la réglementation comme il en existe un à l'endettement.

 

Que doivent être les valeurs éthiques? Des valeurs librement choisies.

 

Par exemple il existe un Code suisse de bonnes pratiques en matière de gouvernance des entreprises. Ce ne sont que des recommandations, mais les entreprises qui y dérogent sont montrées du doigt. Il y a pourtant dans ce code des recommandations en matière de composition des conseils d'administration, qui, si elles étaient suivies à la lettre, conduiraient à n'avoir plus que des administrateurs incompétents...

 

En fait on assiste à un glissement des valeurs choisies au normatif, à l'analyse de façade, alors que chaque entreprise devrait choisir elle-même quels buts, en dehors du profit, elle entend poursuivre.

 

Tibère Adler remarque qu'il y a un changement de perception. Il donne pour exemple l'optimisation fiscale qui était considérée naguère comme une pratique de bonne gouvernance et qui ne l'est plus. Il regrette que des comportements anciens soient jugés à l'aune des standards actuels.

 

Tibère Adler estime donc que les valeurs éthiques doivent être choisies par les entreprises, mais qu'elles doivent être cohérentes et les respecter une fois choisies.

La journée libérale romande 2014 à Lausanne

Trois ateliers participatifs sont proposés, à choix:

 

- Libéralisme et médecine

- Libéralisme et morale

- Libéralisme et religion

 

C'est au deuxième de ces trois ateliers que j'ai assisté, avec plus d'une trentaine d'autres personnes inscrites.

 

L'introduction est faite par Romain Miceli, économiste, membre du comité du Cercle libéral de Lausanne. Sa thèse est qu'il n'est pas possible de comprendre le célèbre livre d'Adam Smith sur La richesse des nations sans lire simultanément sa Théorie des sentiments moraux. Car Adam Smith n'est pas seulement un économiste mais également un philosophe.

 

Pour Adam Smith, si l'homme est un animal égoïste, il y a dans sa nature des principes "qui le conduisent à s'intéresser à la fortune des autres et qui lui rendent nécessaire leur bonheur, quoiqu'il n'en retire rien d'autre que de les voir heureux". Ces principes, Adam Smith les nomme "sympathie", qui correspond aujourd'hui au terme d'empathie.

 

Pour expliquer l'existence d'une telle sympathie, Adam Smith fait intervenir la notion de "spectateur impartial" qui permet à l'homme de jeter un regard extérieur sur les autres et sur lui-même, qui permet à l'homme de faire preuve des trois vertus fondamentales que sont, aux yeux de Smith, la prudence, la justice et la bienveillance.

 

Victoria Curzon Price, professeur honoraire d'économie politique à l'Université de Genève, présidente du comité de l'Institut libéral, commente ce qui vient d'être présenté.

 

Thomas Hobbes disait que l'homme naît mauvais - l'homme est un loup pour l'homme - et qu'il a besoin d'un léviathan pour l'empêcher de faire du mal.

 

Francis Hutcheson disait que l'homme naît avec un compas moral, qu'il désire le bien des autres et qu'une société libre est possible.

 

Adam Smith, élève d'Hutcheson, disait que l'homme est égoïste mais que son égoïsme est tempéré par la main invisible: il crée du bien sans avoir l'intention de le créer.

 

Adam Smith estimait que l'Etat était nécessaire pour assurer la paix et l'ordre social, qui étaient plus importants à ses yeux que le soulagement des misérables: l'Etat ne devait pas s'en mêler.

 

Il y a deux façons légitimes d'acquérir des biens: l'échange et l'héritage. L'échange volontaire encourage la division du travail, ce qui revient à offrir aux autres ce qui leur manque le plus. Il n'y a rien de mieux, dans un marché, que la concurrence pour offrir des produits de qualité. La concurrence pousse dans la bonne direction, elle remplace Dieu et l'enfer...

 

La propriété n'est légitime que si elle est obtenue sans violence, sans vol, sans monopole, sans privilège, sans triche, autrement dit elle n'est légitime que si elle est obtenue en respectant les contrats, d'où l'importance de l'Etat de droit qui doit veiller à ce que les droits de propriété soient respectés.

 

La conduite juste - le spectateur impartial d'Adam Smith n'est autre que la conscience - est donc de respecter la propriété d'autrui, qu'il s'agisse de celle des personnes embauchées, des clients, des fournisseurs, de la communauté locale etc. C'est pourquoi il ne faut pas privilégier les actionnaires au détriment des autres contractants.

 

Le profit, du moins à court terme, ne doit pas être le principal moteur, ni ce qui doit inciter à l'action: il faut, au préalable, soigner tous les contrats et fournir aux clients ce qu'ils désirent. Si tout est respecté, alors le profit valide l'action et est le signal de sa réussite.

 

Aujourd'hui l'Etat de droit (que l'on doit à la chrétienté qui a mis en avant l'individu, sa responsabilité et sa liberté...) est en grand danger: une fois disparu, on ne sait comment le recréer...

 

Au cours de la discussion est évoquée la différence culturelle entre le monde germanique, pour lequel, avec Emmanuel Kant, il existe chez l'homme des pulsions bonnes et mauvaises, et le monde anglo-saxon, pour lequel, avec Adam Smith, la concurrence pousse dans la bonne direction.

 

Le principal de la discussion porte sur les relations entre développement économique, Etat de droit, droits de l'homme et démocratie.

 

N'y a-t-il pas, par exemple, de développement économique dans les Emirats, en Chine et à Singapour, sans qu'il n'y ait d'Etat de droit? Dans les deux premiers cas, l'absence d'Etat de droit se fera sentir un jour ou l'autre, car la liberté est nécessaire à la créativité réelle. Dans le cas de Singapour, s'il n'y a pas de démocratie au sens occidental, il existe tout de même un Etat de droit qui respecte et fait respecter les droits de propriété.

 

A contrario, certaines démocraties respectent-elles les droits de propriété? Et quand l'Etat intervient dans le domaine monétaire, les respecte-t-il?

 

Francis Richard

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28 octobre 2014 2 28 /10 /octobre /2014 23:00
4ème Université d'automne en économie autrichienne à Troyes 2/2

Sous l'égide de l'Institut Economique Molinari, de 24h GOLD et du Groupe ESC Troyes en Champagne, du 10 au 12 octobre 2014 a eu lieu la 4ème édition de l'Université d'automne en économie autrichienne.

 

Plus de 60 participants ont assisté aux différentes conférences dans les locaux du Campus Brossolette du Groupe de l'ESC Troyes.

 

Samedi 11 octobre, l'après-midi

 

Nikolay Gertchev, économiste à la Commission européenne, traite de la microfinance et de la sortie de la pauvreté.

 

Le but de la microfinance est de fournir une offre de crédit, d’épargne et d’assurance aux plus démunis.

 

Muhammad Yunus aurait fondé la première institution de microcrédit pour les pauvres, la Graamen Bank. En fait ce n’est pas la première institution de ce genre dans l’histoire. Les premières sont d’inspiration chrétienne.

 

En 1670 aux Pays-Bas, en 1689 en France, Lorenzo Tonti lance les tontines rotatives, qui sont des mises en commun de petits montants, utilisés par l’ensemble des participants, à tour de rôle.

 

En 1862 Frédéric-Guillaume Raiffeisen lance des coopératives de crédit, petites banques de villages, qui donneront naissance au Crédit Mutuel en France et au groupe Raiffeisen en Allemagne, Autriche et Suisse.

 

La microfinance de la Graamen Bank, à ses débuts, ce sont des prêts de petits montants, entre 100 et 1'000$, de courte durée, de 12 à 18 mois. Il n’y a pas d’hypothèques. Ces crédits sont garantis par un groupe. Les remboursements se font chaque semaine et le groupe se réunit chaque mois pour faire le point. Les taux d’intérêt sont élevés, de 20 à 100%, mais ils couvrent les seuls coûts administratifs. Il y a peu de créances douteuses.

 

Le processus de crédit comprend trois phases : l’octroi du prêt, une activité artisanale, le remboursement. 

 

A l’origine ces prêts étaient destinés à assurer un fonds de roulement. En réalité, pour la moitié d’entre eux, ce sont des crédits à la consommation, qui financent nourriture et vêtements. Et les emprunteurs sont des femmes, dans une très grande proportion.

 

La microfinance fonctionne en partie avec des « dons » de la part des gouvernements…

 

Dans la première version de la Graamen Bank, il s’agissait de groupes d’auto-aide, avec le concours d’ONG. Les prêts se faisaient à petite échelle, à une population essentiellement rurale et féminine. Les profits s’élevaient à 1,5 million de dollars et les subventions à 16 millions de dollars (une subvention de 11 cents par dollar prêté).

 

Dans la seconde version, l’échelle du microcrédit est planétaire. Les dépôts s’élèvent à 90 milliards de dollars et les prêts à 100 milliards de dollars. La Graamen Bank II est une banque à réserves fractionnaires qui doit faire des profits comptables et qui est régulée par un organisme de contrôle.

4ème Université d'automne en économie autrichienne à Troyes 2/2

Pourquoi s’est-on orienté vers le microcrédit ? Parce que les pauvres restaient pauvres, qu’ils ne disposaient pas d’actifs, qu’ils avaient affaire à des usuriers, que le marché ne marchait pas pour eux et que l’aide au développement avait échoué. Le microcrédit présentait les avantages de leur fournir un accès au financement, de bénéficier d’une garantie collective. Il ne s’agissait pas, prétend-on, d’une politique de redistribution. La preuve, les pauvres étaient capables de rembourser…

 

La création de richesse est-elle un problème de financement ? La réponse est non. Le crédit est en effet un échange de biens présents contre des biens qui doivent encore être produits et il n’augmente pas en soi la quantité de biens disponibles.

 

D’où proviennent les ressources ?

 

S’il y a augmentation de l’épargne réelle, alors le fonds de réserves augmente, la structure de production s’élargit, les actifs sont en hausse et les remboursements se font.

 

S’il n’y a pas augmentation de l’épargne réelle et qu’il y a seulement expansion des signes monétaires, le fonds de réserves ne change pas, l’inflation se propage (effet de Cantillon), il n’y a pas davantage de biens futurs, les remboursements ne se font pas.

 

Dans le cas de microfinance, les ressources proviennent de donateurs étrangers et du crédit bancaire local. Ces ressources ne sont pas des biens physiques réels. Il s’agit de redistribution de ressources existantes : les prix augmentent, il y a un phénomène de rareté invisible, l’amélioration de la condition de certains se fait aux dépens des autres.

 

A quoi servent les ressources ?

 

A une activité productive : les produits futurs servent à rembourser le crédit et le surplus est suffisant pour entretenir l’activité ; il y a une amélioration temporaire, mais cela conduit à un endettement progressif. 

 

A une activité de consommation : Les remboursements ont pour conséquence des restrictions de consommation futures et les ressources sont détruites.

 

L’examen des 16 règles non financières de la Graamen Bank montre bien les limites inhérentes au microcrédit, puisqu’il s’agit de créer un groupe d’entraide auto-suffisant (autarcie), de réduire le nombre d’enfants (contrôle des naissances), de réduire les dépenses (restrictions), de rejeter le système des dots (l’épargne), de mettre en commun (collectivisme) pour investir. Ces règles se traduisent finalement et concrètement par davantage de travail pour les femmes et de disponibilités pour les hommes…et par des conflits dans les familles.

 

En conclusion, il n’y a pas de solution indépendante et permanente à la pauvreté. Le microcrédit permet d’alléger les conditions de certains, mais c’est aux dépens d’autres (subventions), puisqu’en réalité c’est un outil qui leur permet de profiter de l’inflation montante (création monétaire).

4ème Université d'automne en économie autrichienne à Troyes 2/2

Guido Hülsmann, professeur d’économie à l’Université d’Angers, traite de la politique économique de la finance.

 

Le mot finance vient du verbe latin finare, qui signifie terminer, finer (vieux français), finir.

 

Le rôle de la finance est de procurer les moyens nécessaires à l’achèvement de l’activité humaine. Achever nécessite du temps. L’art de l’activité humaine est d’achever.

 

Les moyens proviennent de l’épargne. Elle est nécessaire pour alimenter la consommation de ceux qui ne produisent pas eux-mêmes les produits de consommation. L’épargne est donc en lien avec la production et la consommation.

 

D’où viennent les biens de consommation qui servent à produire d’autres biens ? Ce sont ceux qui n’ont pas été entièrement détruits.

 

Si Robinson épargne, c’est-à-dire s’il réserve une partie de ses produits d’aujourd’hui pour les jours suivants, il le fait pour lui-même. Si la dépense à la consommation diminue, les producteurs de consommation diminuent leur production et doivent augmenter leur productivité. Il en résulte l’affectation de plus de personnes à la production de biens de capital (les machines, les matières premières, les composants, les fournitures, l'éclairage, le chauffage et la publicité).

 

Dans une économie libre, la monnaie naturelle provient du libre choix des uns et des autres : les monnaies marchandises (or, argent), le bitcoin (fruit d’un algorithme protégé contre les atteintes : il est difficile de l’augmenter) sont en quantité limitée, contrairement à la monnaie fiduciaire (réserves fractionnaires). Que la masse monétaire soit limitée n’est pas un obstacle à la croissance économique. Si la production, les quantités vendues augmentent, les prix baissent.

 

De quoi est faite l’épargne ? Elle provient des revenus gagnés lors de périodes précédentes pour financer les activités de la période actuelle. C’est pourquoi l’essentiel de l’épargne est constitué du chiffre d’affaires des producteurs de biens de capital, et non pas de leur autofinancement. Ces entreprises investissent, perçoivent leur revenu global, leur chiffre d’affaires et l’affectent à leur consommation ou à leur épargne. En comparaison l’épargne des ménages est très faible. Le taux d’épargne des économies développées est de l’ordre de 60%, en France comme ailleurs.

 

Pour que la division du travail ait lieu, la finance interpersonnelle prend deux formes : intentionnelle, c’est le marché financier ; non intentionnelle, c’est la thésaurisation. Dans le cas du marché financier il y a échange d’épargne contre l’espérance d’un paiement futur, qu’il s’agisse d’obligations ou d’actions. Les deux sont bénéfiques parce qu’elles permettent la coopération entre épargnants et utilisateurs de l’épargne. Les deux formes sont donc différentes : le marché financier est contractuel et rémunère l’épargne, la thésaurisation n’a pas de bénéficiaires spécifiés et sa rémunération est indéfinie.

 

La thésaurisation est intéressante en période de baisse des prix. Mais elle a des limites. En effet il est impossible de ne rien dépenser. D’autre part l’argent tangible représente la sécurité par rapport aux produits financiers. Enfin il permet d’éviter le crédit quand le pouvoir d’achat de la monnaie grandit.

 

Quand l’Etat intervient, il crée des obligations forcées : la taxation, les assurances maladie et les retraites publiques et obligatoires, les droits de succession, les pensions alimentaires etc. Les droits et les obligations financières sont plus importants que dans une économie libre. Comment les honorer sans monnaie fiduciaire ? C’est là que l’Etat intervient dans le domaine monétaire et peut créer autant de monnaie qu’il veut. Pour ce faire, il dispose d’un instrument, la banque centrale. Les obligations financières peuvent être honorées, mais le financement réel n’est pas amélioré pour autant.

 

Le processus est le suivant : les marchés financiers montent en puissance ; les prix montent ; la thésaurisation baisse ; l’autonomie des ménages est réduite ; le gaspillage de l’épargne est facilité ; l’Etat consomme plus d’épargne qu’il n’en produit ; les freins naturels sont éliminés et l’investisseur ne prend pas de précaution.

 

L’échéance est repoussée si la population est vertueuse, mais elle intervient tôt ou tard : on entre un jour dans le mur… 

4ème Université d'automne en économie autrichienne à Troyes 2/2

Pierre Desrochers, professeur agrégé au département de géographie de l'Université de Toronto Mississauga, traite d’énergie et pauvreté.

 

Deux craintes se font jour : celle de manquer de combustibles, celle du réchauffement climatique.

 

L’énergie est à l’heure actuelle assurée à 80% par le charbon, le pétrole et le gaz et à 1% par les énergies renouvelables. 15% des personnes souffrent de pauvreté énergétique et 10% de précarité et de pauvreté.

 

On vit plus longtemps et en meilleure santé, mais on utilise aussi plus d’énergie. Les proportions d’utilisation de l’énergie ont changé au cours de l’histoire. Dans le passé l’essentiel de l’énergie provenait des énergies renouvelables : l’air et le soleil sont gratuits.

 

Mais il s’est posé le problème de la disponibilité de l’énergie en tout temps. L’électricité doit être créée et livrée en temps réel, ce que ne permettent ni l’énergie éolienne, ni l’énergie solaire. La seule énergie renouvelable qui le permet est la biomasse – c’est d’ailleurs la principale source d’énergie renouvelable –, mais elle produit du CO2…

 

Quoi qu’il en soit, dans les pays sans électricité, la précarité règne. Ce n’est pas un hasard si c’est le cas de 600 millions d’Africains…

 

Les énergies renouvelables se heurtent à la réalité. Et la réalité n’est pas une option.

 

Dimanche 12 octobre, le matin

4ème Université d'automne en économie autrichienne à Troyes 2/2

Guido Hülsmann parle ce matin de l'impact de la politique monétaire sur la répartition des revenus et des patrimoines.

 

1) Evolution récente de la distribution des revenus et des patrimoines nets

 

Aux Etats-Unis, les salaires moyens des secteurs financiers étaient le double de ceux des autres secteurs il y a trente ans. Aujourd'hui ils sont le quadruple des autres. Le développement des marchés financiers s'est accompagné de celui des rémunérations des leurs acteurs.

 

Le ratio Gini de revenus des ménages était de 0,38 en 1947. Il a baissé jusqu'à 0,34 en 1968 et se trouve aujourd'hui à 0,440. Pour rappel, le ratio Gini est égal à 0 quand tous les revenus sont égaux. Plus il est élevé, plus est inégalitaire leur répartition. Il n'est pas étonnant que le ratio Gini le plus élevé le soit dans les pays les plus pauvres...

 

  Revenus moyen et médian des ménages américains   
  1969 1989 1998 2010  
Moyen 56,7 64,2 69,4 67,5  
Médian 49,8 50,8 52,0 49,4  
Ratio 1,14 1,26 1,33 1,37  

 

Le grand saut intervient dans la moitié des revenus les plus élevés. La hausse du ratio revenu moyen/revenu médian montre que ce sont les revenus les plus aisés qui ont évolué le plus fortement.

 

  Patrimoines nets moyens et médians des ménages américains
  1969 1989 1998 2007 2010
Moyen 232,5 325,8 361,5 563,8 463,8
Médian 63,6 78,2 81,2 107,8 57
Ratio 3,66 4,17 4,45 5,23 8,14

 

L'évolution du ratio patrimoine net moyen/patrimoine net médian est encore plus significative (on entend par patrimoine net la somme des patrimoines financiers et non financiers déduction faite des dettes).L'écart s'est encore plus creusé quand les vannes de la politique monétaire ont été ouvertes. Ce sont les patrimoines financiers qui en ont profité pour s'accroître et qui ont creusé l'écart.

 

  Patrimoines nets moyens et revenus moyens des ménages américains
  1969 1989 1998 2007 2010
Patrimoine net moyen 232,5 325,8 361,5 563,8 463,8
Revenu moyen 56,7 64,2 69,4 71,1 67,5
Ratio 4,10 5,07 5,21 7,93 6,87

 

Ce dernier tableau montre l'inflexion subie après la crise de 2007-2008.

 

2) L'interventionnisme et les inégalités

 

Qu'est-ce que l'interventionnisme? C'est une commande issue d'un gouvernement, qui emploie la force pour l'exécuter.

 

L'interventionnisme a pour effet d'inciter les citoyens à employer leur propriété autrement que ce qu'ils auraient fait d'eux-mêmes.

 

Comment? En taxant les revenus, en réglementant l'économie, en créant de la monnaie ex nihilo.

 

La création de monnaie fiduciaire, à la faveur de réserves fractionnaires, produit l'effet de Cantillon. Si la création monétaire est trop forte, il y a très forte désincitation à détenir des liquidités.

 

En conséquence de cette désincitation, il y a une demande supplémentaire pour les biens de patrimoine (sinon il y aurait une part de thésaurisation) et une offre supplémentaire des titres financiers. Il devient rationnel de s'endetter (en s'endettant à un taux fixe, le poids de la dette diminue quand les revenus augmentent).

 

La propension à s'endetter au-delà du raisonnable est alors le fait des particuliers, des investisseurs et des gouvernements, qui ne sont pas incités à se comporter de manière responsable. C'est ce que l'on appelle l'aléa moral.

 

En effet la banque centrale (qui crée la monnaie de base) empêche qu'il y ait effondrement des banques commerciales (qui créent la monnaie scripturaire), mais elle ne pourrait pas faire ce qu'elle veut sans les lois qui lui permettent d'imposer cours légal et cours forcé...

 

Ce mécanisme est le facteur clé, observé au cours des 40 dernières années, qui explique l'accroissement des inégalités en faveur des revenus et des patrimoines financiers.

4ème Université d'automne en économie autrichienne à Troyes 2/2

Pierre Desrochers parle de pauvreté et développement durable.

 

Selon les auteurs réactionnaires et romantiques du XIXe siècle, les ressources seraient limitées; la recherche du profit empêcherait d'avoir une vision à long terme; les bénéfices n'iraient qu'à une minorité d'individus et la pollution irait de pair avec la réduction des coûts de production. En conséquence il faudrait vivre en autarcie, d'aucuns préconisant d'ailleurs un végétarisme radical.

 

On retrouve cette nostalgie de l'âge d'or, qui n'a jamais existé, dans les années 1960 et 1970 avec le retour à la terre et aujourd'hui avec la simplicité volontaire, l'agro-écologie, la permaculture.

 

Selon ces adeptes, la décroissance serait soutenable. L'empreinte écologique permettrait de dire qu'il y a surconsommation des ressources de la planète: au rythme de consommation actuelle, 3 à 4 planètes seraient nécessaires pour l'humanité entière. Cet impact de l'homme se vérifierait par la formule I = P A T, où P est la population, A le niveau de vie et T la technologie.

 

Bref, c'était mieux avant... l'ère industrielle.

 

Or les technologies primitives étaient destructrices de l'environnement:

 

- destruction de la mégafaune (holocauste aviaire)

- déforestation (le bois servant de combustible, étant utilisé pour les constructions etc.)

- culture sur brûlis (ne permettant qu'une ou deux récoltes, étant un phénomène planétaire)

 

Au cours des 20 dernières années, au contraire il y a eu reforestation, la déforestation signifiant davantage de pauvreté... Cette reforestation - on parle de transition forestière - permet l'élaboration de produits qui sont des substituts à ceux du pétrole...

 

En réalité, les entreprises n'ont jamais aucun intérêt à gaspiller. Elles éliminent le gras mais ne se coupent pas la jambe. L'évolution de la technique leur permet de faire toujours plus et mieux en utilisant moins de ressources.

 

Les entreprises les plus florissantes sont même celles qui créent des sous-produits à partir des résidus de leur production et qui élaborent des substituts aux ressources existantes (en traitement de l'information, le cuivre a ainsi été remplacé par les fibres optiques puis par les satellites, etc.).

 

En conclusion, le développement durable, c'est faire plus avec moins. Pauvreté et stagnation sont, en fait, insoutenables. Plus on est riche, plus on peut se protéger des aléas du climat et protéger l'environnement.

 

Francis Richard

 

Episode précédent:

 

4ème Université d'automne en économie autrichienne à Troyes 1/2

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.

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