Hier le Conseil de l'Europe a adopté la résolution n°1881 pour "promouvoir une politique
appropriée en matière de paradis fiscaux".
Alors que le but de cette vénérable assemblée, qui date de 1949, est en principe de défendre les droits de l'homme, la
démocratie et l'Etat de droit...
Conformément à son objet le Conseil de l'Europe a ainsi élaboré la Convention européenne des droits de
l'homme et été à l'origine de la Cour européenne des droits de l'homme.
La Suisse a adhéré au Conseil de l'Europe en 1963. Sur 636 députés qui constituent le Conseil de
l'Europe, sa délégation est composée de six députés, tous membres du Parlement helvétique.
Hier, donc, le Conseil de l'Europe s'est réuni pour délibérer sur un rapport ici de 22 pages, dont 4 pages d'annexe, intitulé comme la résolution, "Promouvoir une politique appropriée en matière de paradis fiscaux".
Ce qui est amusant c'est que nulle part dans ce rapport il n'est question de définir clairement ce qu'est un paradis fiscal. On
se contente de parler indifféremment de "paradis fiscaux", de "juridictions à faible niveau de taxation", de
"juridictions du secret", de "centres financiers offshore" (CFO). Ces "notions"
seraient "globalement interchangeables" [sic].
Sans rire le rapport accuse les CFO d'avoir "joué un rôle majeur dans la crise financière de
2008-2009".
Pour les rédacteurs de ce rapport tendancieux, aux Etats-Unis il n'y aurait pas eu de déficiences dans la gestion du
risque de la part de Fannie
Mae et de Freddie Mac, pas de législations favorisant les prêts à des emprunteurs insolvables ou favorisant l'expansion bancaire par le
sur-endettement ou les investissements douteux, pas de fausses notes de la part des agences de notation payées par ceux qu'elles doivent noter et qui jouissent de protections étatiques, pas de
règlementations immobilières créant des bulles, pas de politique d'intérêts bas de la FED etc. Bref la main visible de l'Etat américain n'aurait joué
aucun rôle...
Les Etats-Providence européens n'auraient pas été
surendettés depuis des décennies et n'auraient été obligés, comme leur compère américain, de renflouer les banques qu'à cause des paradis fiscaux, responsables de toutes les mauvaises
gestions étatiques de la planète, avec
toutes les tares qui caractérise un paradis fiscal: "le secret bancaire, le manque de transparence et de surveillance publique effective, le dumping
réglementaire, les dispositions fiscales prédatrices et les techniques comptables abusives au sein d'entreprises multinationales".
Or les Etats-Providence, eux, ne se caractérisent-ils pas
par la violation de la vie privée et la promotion de l'inquisition fiscale, le manque de transparence et de surveillance des dépenses publiques par les citoyens, l'inflation réglementaire, les
prélèvements obligatoires confiscatoires et les techniques comptables douteuses des deniers publics, qu'épingle, par exemple, régulièrement en France la Cour des
comptes?
Certes, comme le dit élégamment le rapport, "personne ne sait vraiment combien d'argent public est siphonné via les paradis fiscaux". Cela n'empêche pas les auteurs du rapport de se baser sur des estimations
fantaisistes. Si elles s'avéraient exactes, ce serait plutôt rassurant. Car tout ne serait pas perdu pour un futur redressement économique, qui ne sera rendu possible que par la
libération des économies... Mais il faut craindre que cela relève du fantasme...
Quoiqu'il en soit on apprend grâce au rapport
quelle est la profession de foi mondialiste qui a présidé à sa rédaction:
"Alors que tous les pays ont
cédé une partie de leur souveraineté au profit de la mondialisation et de l'économie globale, s'attaquer aux distorsions mondiales entraînées par des pratiques fiscales dommageables ou
prédatrices est à la fois une obligation morale et une cause commune."
Les prédateurs ne seraient pas les Etats mauvais
gestionnaires qui ponctionnent des pourcentages abusifs des PIB de leurs pays, mais les Etats qui sont les moins voraces. Il serait moral d'encourager la pression fiscale et le
laissez-faire étatique. D'ailleurs, à cause de l'immoralité des multinationales, "bon nombre de pays en développement ne parviennent à collecter qu'environ 40% des
recettes fiscales potentielles": les pauvres!
Le rapport ajoute: "Il n'est
pas étonnant que leur ratio recettes fiscales/PIB se situe entre 10 et 20% contre 25 à 40% pour les pays développés."
Le rapport ose même parler d'"arnaque fiscale" quand un Etat empêche un autre de prélever davantage en offrant de meilleures conditions d'imposition que lui...
Dans la discussion le député suisse Gehrard
Pfister a fait cette remarque frappée au coin du bon sens:
"Quand bien même un Etat
européen [suivez mon regard] envisagerait-il d'augmenter le taux d'impôt sur le revenu de 75%, une telle mesure n'obligerait nullement les autres Etats à
s'engager sur la même voie. On ne peut pas non plus empêcher certains pays d'apparaître comme attrayants, sans compter que certains le sont sans rien faire."
Le rapport donne une définition du marché libre
qui justifierait la transparence:
"En théorie, un marché libre
fonctionne de manière rationnelle et la supervision démocratique donne de bons résultats lorsque tous les participants ont un accès identique aux informations pertinentes."
Or un marché ne fonctionne librement que si l'Etat
n'intervient pas et la transparence voulue par un Etat est justement un prétexte qu'il se donne pour intervenir et le corriger:
"Les tentatives pour
"corriger" l'ordre de marché conduisent à sa destruction." (Friedrich Hayek, Droit, législation et liberté)
Le rapport fustige "un certain
nombre d'Etats membres du Conseil de l'Europe qui accueillent et tolèrent des modalités financières et juridiques plus ou moins douteuses du système offshore", au premier rang
desquels il situe...la Suisse. Ce ne sont pas les auteurs du rapport qui le disent mais une ONG de gauche, Tax Justice Network...Laquelle a établi une liste de
prétendus paradis fiscaux "sans réexamen neutre de la part des Etats et sans que les critères appliqués soient clairement mentionnés", comme l'a souligné le
député suisse Urs Schwaller dans son intervention.
Finalement la résolution a été adoptée par 51 voix contre 11
et une abstention. Ce qui veut dire qu'il n'y avait que 63 membres présents de cette digne assemblée sur 636... Rappelons au passage que l'un des buts du Conseil de l'Europe est la
défense de la démocratie... Sur les 6
représentants helvétiques 5 ont pris part au vote. L'un d'entre eux, le socialiste Andreas Gross [dont la photo provient d'ici] a voté pour cette résolution fallacieuse, les 4 autres
contre.
En guise de conclusion je citerai un passage de
l'intervention du député suisse Alfred Heer:
"D'après ce rapport, les
Suisses sont les principaux escrocs et tricheurs du fait de l'existence du secret bancaire. Ma vision est tout autre. Si vous voulez que les gens payent équitablement leurs impôts, mettez un
terme à la concurrence fiscale [la concurrence même fiscale est pourtant toujours bénéfique], laissez les populations fixer elles-mêmes par référendum les
taux d'imposition, taxez les individus et les entreprises de manière raisonnable. Ce n'est pas l'Etat qui assure la croissance, comme l'a montré la crise, mais l'économie."
Ne faudrait-il pas plutôt, tout simplement, réduire le
périmètre de tous les Etats? Les cantonner dans les fonctions régaliennes?
Francis Richard
Cet article est reproduit sur le site lesobservateurs.ch