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30 avril 2019 2 30 /04 /avril /2019 22:55
Tamangur, de Leta Semadeni

Tamangur est le paradis des chasseurs, et le grand-père, chasseur lui-même, a vraiment mérité d'être admis dans ce paradis.

 

Après être parti pour Tamangur, le grand-père a laissé la grand-mère et l'enfant. Mais son souvenir est toujours bien présent chez elles deux.

 

La grand-mère n'est pas pressée: Tamangur, c'est là où en réalité on ne veut pas aller. Elle ajoute: Le paradis est difficile à supporter tant qu'on n'est pas mort.

 

La grand-mère et l'enfant (qui a perdu son petit frère, emporté par le fleuve, sans qu'elle puisse rien faire) vivent dans le village, avec Chan, le chien:

 

Le village est un endroit plein d'ombres, profondément encaissé entre les montagnes, et encore plus bas mugit le fleuve, épais et scintillant en direction de la frontière.

 

Des parents de l'enfant il n'est question qu'une fois dans le roman de Leta Semadeni. Ils ne sont, semble-t-il, plus de ce monde depuis déjà longtemps.

 

Elsa habite la maison jaune, avec Elvis. Elle rend souvent visite à la grand-mère et à l'enfant et sent un peu Chanel n°5 et la cave de pommes de terre:

 

La grand-mère a le don de reconnaître les choses au nez et elle veut transmettre ce don en apprenant à l'enfant à flairer. Et finalement, elle est surpassée par l'enfant...

 

Ce sont aussi des histoires qui sont transmises à l'enfant par la grand-mère ou par Elsa, dans toutes leurs variantes, ou encore par le grand-père.

 

Ces histoires la façonnent, de même que les personnages qui peuplent l'univers de son enfance:

- la couturière aux yeux de crocodile, qui vole des souvenirs comme si de rien n'était et qui chante bien,

- la Corneille qui porte des vêtements noirs toute l'année,

- la professeure de piano avec laquelle elle sait prendre un air innocent au bon moment,

- la voisine au rire effrayant,

- Claudia et le ramoneur, qui, au café, pérorent sur leurs hommes,

- Luzia, la fillette de l'Alpenrose, qui lui fait regarder ce qui est intéressant par un trou dans le mur d'une chambre.

 

C'est cependant avec la grand-mère que l'enfant apprend le plus de choses sur la vie d'ici-bas et sur l'âme, qui ne pèse que quelques grammes:

 

Au moment où un chasseur est accueilli à Tamangur, il perd vingt-et-un grammes parce que son âme s'échappe du corps pour retourner là où elle habitait avant.

 

L'important n'est-il pas, même lorsque le corps vieillit, que l'âme reste toujours jeune?

 

Francis Richard

 

Tamangur, Leta Semadeni, 184 pages, Slatkine (traduit de l'allemand (Suisse) par Barbara Fontaine)

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29 avril 2019 1 29 /04 /avril /2019 21:15
Blanc sur blanc, de Daniele Finzi Pasca

Tous les vides se comblent facilement quand on y met de la poésie ou un brin d'affection.

 

Ruggero met de la poésie dans le vide de son existence en sortant de l'histoire dans laquelle il se trouve pour aller dans le monde des fées.

 

Accroché à la ceinture de ses pantalons, il a un trousseau de clés que les fées lui ont données et qui lui ouvrent les portes de leur monde.

 

Leur monde est celui des histoires qu'il raconte et avec lesquelles il peut guérir les autres. Car cet homme fragile est un homme-médecine.

 

Au préalable il doit se trouver tout seul à une table, en train de boire quelque chose, à l'Odeon par exemple, pour pouvoir y disparaître.

 

Il ne réapparaît qu'en tombant de lui-même sur le sol, alors que les autres pensent qu'il a glissé de sa chaise et viennent l'aider à se relever.

 

Quand il disparaît, c'est pour prendre, par exemple, des trains imaginaires. Ces histoires vraies sont inspirées de celles qu'il a vues ou entendues.

 

Cette facilité qu'il a de s'évader, de même que l'affection, cette maladie infectieuse, sont sans doute ce qui lui permet de surmonter les avanies,

 

Son nouveau papa les a contaminés avec, sa maman, lui et ses deux soeurs. Il fallait ça pour panser les blessures infligées par le premier.

 

Mais c'est la conversation sur les fées qu'il a un jour avec Elena (qui lui a retrouvé son trousseau de clés, en lui en ajoutant une), qui est décisive.

 

Il met de l'ordre dans ses souvenirs, mélangés à des images qu'il invente de toutes pièces, suivant le conseil de les écrire, mais il le fait Blanc sur blanc:

 

Les pages se remplissent à toute vitesse, mais elles restent blanches. Un blanc qui se recouvre de blanc et qui est tout un entrelacs serré de questions et de réponses.

 

Dans cette histoire de deux mondes parallèles, mise en musique par Daniele Finzi Pasca, le blanc est donc mis, qu'alimentant des pensées transparentes.

 

Pour en sortir, n'est-il pas temps

- d'écrire avec le noir, pour cracher les choses qui doivent sortir et reposer

- d'écrire avec le rouge parce que certains souvenirs en sont imprégnés?

 

Francis Richard

 

Blanc sur blanc, Daniele Finzi Pasca, 120 pages, Éditions d'En-Bas (traduit de l'italien par Christian Viredaz)

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28 avril 2019 7 28 /04 /avril /2019 22:55
Terre minée, de Didier Burkhalter

Dans Terre minée, le lecteur retrouve une partie des personnages de Mer porteuse, tandis que d'autres personnages font leur apparition, mais ces nouveaux personnages sont peu ou prou en lien avec les anciens, sur au total sept générations au lieu de cinq.

 

Tous les personnages de la saga sont confrontés à une terre minée: une guerre peut en cacher une autre, et si ce n'est pas à une guerre générale, c'est à une guerre locale à laquelle ils se trouvent mêlés et dont ils sont les victimes d'une manière ou d'une autre.

 

La guerre est sans fin. A peine signé l'armistice de 1918, que les prémices d'une autre se profilent avec la montée des périls dans les années 1930 et l'insécurité qui accompagne la crise économique au cours de laquelle misères et violences s'entretiennent.

 

Après la Deuxième Guerre mondiale, le Sud-Est asiatique s'embrase. D'autres guerres y font des ravages: guerre idéologique au Cambodge, guerre entre le Nord et le Sud au Vietnam, où le régime communiste fait fuir les gens, qui s'échappent sur des bateaux.

 

Au milieu des mines et des destructions, il n'est dans ce roman qu'un seul havre de paix, la Suisse, où certains des protagonistes se retrouvent et découvrent incrédules qu'il peut exister quelque part en ce monde une terre qu'il n'est pas besoin de déminer.

 

Parmi les traumatismes qui résultent de cette terre minée par l'incompréhension des différences humaines et par l'éloignement des êtres humains, il y a la perte des origines pour certains, dont une partie d'entre eux se met bien naturellement en quête.

 

Cette saga que raconte Didier Burkhalter a quelque chose d'épique, sans doute parce qu'elle se déroule dans un espace planétaire, et en un temps séculaire, et qu'aux bons moments, il sait faire parler la Terre en lui prêtant des accents poétiques.

 

Francis Richard

 

Terre minée, Didier Burkhalter, 334 pages, L'Aire

 

Livres précédents:

Enfance de Terre (2017)

Là où lac et montagne se parlent (2018)

Mer porteuse (2018)

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27 avril 2019 6 27 /04 /avril /2019 21:45
Baiser de glace, de Manuela Gay-Crosier

Le thème commun des huit récits de Baiser de glace est celui des rencontres, à partir desquelles les protagonistes se construisent ou se détruisent.

 

Ces rencontres, qui plus est, sont à la fois réelles et rêvées, et façonnent donc ces êtres humains de manière tout à fait singulière, propre à chacun. 

 

(ces rencontres ont toutes lieu entre un homme et une femme, à l'exception de Georgy et de Voyager dans sa tête où il s'agit respectivement de la rencontre entre un garçon et une fille et entre un père et sa fille).

 

Trois d'entre elles sont très décalées dans le temps et dans l'espace, si bien qu'il est possible d'en douter ou, sinon, d'entrevoir avec elles l'éternité:

 

- 40 ans dans Georgy

- 65 ans dans La lettre

- 60 ans dans Baiser de glace.

 

Finalement elles sont toutes troublantes. Pas seulement celle intitulée Rencontre troublante:

 

- elles sont troublantes parce qu'elles touchent à l'affectif ou au fantasme, à l'érotisme ou à la mort

- elles sont troublantes parce qu'elles posent des questions auxquelles nul ne sait répondre.

 

Plus troublantes sont ces rencontres, plus douces en sont les chutes...

 

Francis Richard

 

Baiser de glace, Manuela Gay-Crosier, 136 pages, Plaisir de lire

 

Livre précédent:

 

Mon coeur dans la montagne (2017)

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25 avril 2019 4 25 /04 /avril /2019 11:30
La Lune est un roman, de Fatoumata Kebe

La Lune est un roman, de Fatoumata Kebe, se lit ... comme un roman, dont la Lune est l'héroïne. Car c'est bien de l'histoire de la Lune et de son rapport aux hommes et à elle qu'il s'agit dans ce livre lumineux.

 

Dans son introduction l'auteure explique comment elle a procédé: J'ai choisi de confronter les approches scientifiques, astronomiques et physiques aux mythes qui les avaient précédées.

 

Il faut dire que cette jeune astronome sait de quoi elle parle: elle a passé des nuits entières à regarder la Lune, lui a consacré ses études et sa vie, et a toujours rêvé, de s'y promener: la Lune est le roman de sa vie.

 

Si l'auteure est savante, elle est aussi pédagogue  et - ce qui ne gâte rien - fait montre d'humour et... d'amour pour son héroïne, quelle que soit l'approche qu'elle emprunte pour la faire mieux connaître.

 

En effet elle énonce clairement le commencement de l'Univers, la naissance de la Lune, les mots qui la disent, son visage, le temps humain qu'elle rythme, son influence sur les marées, l'objectif Lune fixé par Tintin.

 

Quand le lecteur referme le livre, il a le sentiment d'avoir appris ou approfondi ce qu'il savait sur la Lune sans effort, comme si toute cette science pluridisciplinaire allait de soi, était simple comme bonjour.

 

En réalité c'est l'auteure qui s'est donné de la peine pour lui. Mais elle n'aurait pas obtenu ce résultat si elle n'avait pas eu elle-même une conception juste et bonne de ce qu'elle partage volontiers avec lui.

 

Le 21 juillet prochain sera le cinquantième anniversaire des premiers pas d'un homme sur la Lune, ceux de Neil Amstrong, commandant de la mission Appollo XI, que j'ai vu en direct comme des millions de terriens.

 

Lire le livre de Fatoumata Kebe est une manière de célébrer cet événement hors du commun dans l'histoire de l'humanité, mais c'est aussi un premier pas littéraire pour elle qui est certaine d'aller un jour dans l'espace:

 

Un jour, je partirai.

En revenant, je vous raconterai.

 

Francis Richard

 

La lune est un roman, Fatoumata Kebe, 192 pages, Slatkine & Compagnie

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24 avril 2019 3 24 /04 /avril /2019 11:00
Le Tigre, de Joël Dicker

Le Tigre est un conte que Joël Dicker a écrit en 2004 à l'occasion d'un concours littéraire. Un écrivain est né à ce moment-là.

 

Dans ce conte, pour petits et grands, magnifiquement illustré par David de las Heras, le jeune auteur situe l'action en Sibérie, en août 1903, au temps du dernier tsar.

 

Les habitants du village de Tibié ont tous été massacrés:

 

Les victimes présentaient les mêmes signes de mutilation: elles semblaient avoir été égorgées et violemment griffées.

 

Un peu plus tard, le responsable du massacre fait d'autres victimes et se révèle être un énorme tigre:

 

Riches et pauvres, face à la peur du fauve étaient devenus égaux: aucune barrière sociale ne protégeait de l'animal.

 

Ce qui fait subir un tournant au récit, c'est la décision du Tsar, contrarié par cette affaire dans sa volonté de développement économique de la Sibérie:

 

Quiconque rapporterait au Palais Royal la dépouille de ce Tigre mangeur d'hommes recevrait le poids de l'animal en pièces d'or.

 

C'est une opportunité pour le jeune Ivan Levovitch, d'origine modeste, de devenir riche et célèbre à travers tout l'Empire, et franchir le profond fossé qui le séparait des fastes de la haute société russe.

 

Ce conte montre que les hommes ne sont pas d'un bloc et qu'ils peuvent être à la fois ambitieux et cupides, courageux et sans vergogne.

 

Francis Richard

 

Le Tigre, Joël Dicker, 66 pages, Éditions de Fallois

 

Livres précédents:

Les derniers jours de nos pères (2012)

La vérité sur l'Affaire Harry Quebert (2012)

Le livre des Baltimore (2015)

La disparition de Stephanie Mailer (2018)

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20 avril 2019 6 20 /04 /avril /2019 18:55
Déployer, de Douna Loup

Déployer se déploie en sept livrets, qui se lisent dans l'ordre que l'on veut. Ce qui donne 5040 possibilités de lecture (=7x6x5x4x3x2x1).

 

Le personnage solaire en est une femme, qui s'appelle Elly, et les sept textes tournent autour d'elle comme des planètes depuis lesquelles il est possible de l'observer pour faire connaissance.

 

Comme il n'y a pas de bon ordre et qu'il faut bien s'en donner un (cela rappelle le chapitrage aléatoire du DVD de Mulholland Drive, le film de David Lynch, édité par Studio Canal), en voici un qui vaut bien un des 5039 autres:

 

- Lettres de la chambre secrète (32 pages)

- Souvenir Source (4 pages)

- Cette nuit-là (48 pages)

- Ici-là (12 pages)

- Contes (12 pages)

- L'île (16 pages)

- Vive (32 pages)

 

Elly est artiste: elle photographie, elle dessine, elle cisèle et elle peint. Elle est mariée à Danis. Deux filles leur sont arrivées, Mona et Eva. A trente ans, Elly est la première à revendiquer la liberté d'aimer un autre, Jonas. Puis, c'est le tour de Danis de la tromper avec V...

 

Dans Lettres de la chambre secrète, Elly écrit dans ce carnet pour [s'] autoriser tout, pour écrire des lettres qui ne seront jamais envoyées sinon à [elle-même], écrire sans honte surtout. Pourquoi la sexualité serait une honte, quand elle est bien le lieu, le point émergent en tout cas de notre arrivée dans le monde, comment la nier sans nous nier?

 

Dans Souvenir Source, elle se souvient trente ans après d'une blessure qui lui a été infligée quand elle avait deux ans: Est-ce que vous vous souvenez que toute blessure attend son heure?

 

Dans Cette nuit-là, elle se pose la question: Combien de fois faut-il être secoué par la vie pour vivre? Et se rend compte que ces secousses répondent au besoin de deux mouvements: Celui de trouver son individualité propre et de la déclarer et celui d'appartenir à une meute, à un tout.

 

Dans Ici-là, elle parle de Willy, l'ami de Danis, qui devient le sien: C'est peut-être la meilleure définition de l'amitié. Un être existe et ça vous fait du bien. Ou encore: Les amis nous aident à percevoir ce que nous ne percevons pas de nous, ils nous donnent ce que nous avons déjà sans le savoir.

 

Dans Contes, elle retrace les premières étapes de sa vie et se dit, avant d'aborder la suite, que tout ce qui a pu la rendre triste dans le passé est révolu, est enfoui dessous la terre, ça ressemble à des graines, toutes ses petites histoires, des graines qui pousseront à leur tour.

 

Dans L'ìle, elle confie son histoire secrète avec Jonas qui l'a fait osciller entre deux pôles: L'euphorie de se sentir libre et le sentiment d'abandon qui la terrassait.

 

Dans Vive, elle raconte le dilemme auquel elle a été confrontée, et qu'elle dépasse: Rester auprès de toi, Danis, et savoir que tu t'autorises à vivre des aventures sans me le dire. Ou partir pour ne plus supporter cela. Elle termine avec la blessure de ses deux ans, qui n'a jamais cessé de [l'] enfermer dans l'insécurité définitive.

 

Dans ce dernier livret, Elly s'adresse à Danis: Par le passé je t'ai rencontré et par le passé j'ai cru que tu étais quelqu'un. Aujourd'hui tu n'es plus quelqu'un. Tu es un autre et c'est si vaste que rien ne peut te définir. Tu es une galaxie.

 

Chaque être humain que l'on aime n'est-il pas une galaxie, à explorer indéfiniment? En tout cas, dans le système d'Elly et de ses sept planètes, Douna Loup dévoile suffisamment du mystère de cette autre, fragile et solide à la fois, pour la rendre attachante...

 

Francis Richard

 

Déployer, Douna Loup, 156 pages, Zoé

 

Livres précédents au Mercure de France:

L'embrasure (2010)

Les lignes de ta paume (2012)

L'oragé (2015)

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14 avril 2019 7 14 /04 /avril /2019 22:45
Tel un étang profond, de Véronique Timmermans

Elle lève les yeux vers lui. Il aime se baigner dans ce regard Tel un étang profond.

 

Elle, c'est Elise. Lui, c'est Julian.

 

Julian Miles est neurologue. Elise Lauret est médecin généraliste. Ils se sont rencontrés à l'hôpital, où elle était sa belle patiente accidentée de la chambre 207.

 

Yves conduisait la petite voiture quand l'accident s'est produit le 2 novembre 2000, alors qu'elle et lui partaient en vacances en Italie, après avoir raté l'avion.

 

A la suite de l'accident Yves est mort, tandis qu'Elise est tombée dans le coma pendant quelques jours. Au réveil, elle avait dix-huit fractures avec traumatisme crânien.

 

Julian trouve tout de suite Elise étonnante et, sur les conseils de Jean-Yves, un ami chirurgien, il la rencontre par hasard à la sortie de l'Opéra le 16 mars 2001.

 

Petit à petit des liens se tissent entre Julian et Elise, mais les souvenirs où elle se voit encore avec Yves ne laissent pas de la hanter, même après qu'ils ont fait ménage commun.

 

Il n'est pas sûr que d'attendre un enfant de Julian parvienne à la débarrasser de ses hantises, non plus que de se marier avec lui. C'est pourtant ce qu'elle fait le 9 novembre 2001.

 

Trois mois plus tard ils emménagent dans une nouvelle maison. Ce qu'elle y aime le plus, c'est la fenêtre en ogive de leur chambre. Qui donne sur un verger orienté sud-est:

 

Elle a acheté un rocking-chair placé devant. Dans ses rêves, elle y passe des heures à bercer le bébé, comme dans le livre des Amish qui lui en a donné l'envie.

 

Véronique Timmermans raconte l'histoire du couple franco-anglais que forment Elise et Julian, tour à tour du point de vue de l'une puis de l'autre, au cours des années qui suivent.

 

Ce procédé narratif permet surtout de cerner la personnalité d'Elise, qui souvent surprend Julian, toujours sous le charme de cette belle et mystérieuse femme qui est la sienne.

 

Bruno, un des vieux patients d'Elise, et très âgé, a posé à celle-ci cette question insolite: Ne trouvez-vous pas que la couleur de l'enfance accompagne l'adulte tout au long de sa vie?

 

(elle serait plutôt du genre à revenir aux odeurs: il faudrait trouver une bonne odeur d'enfance)

 

Au téléphone, Elise demande à son tour à Julian: De quelle couleur était ton enfance? Il ne comprend pas, répond enfin, oublie de lui demander quelle était la couleur de son enfance à elle...

 

Francis Richard

 

Tel un étang profond, Véronique Timmermans, 200 pages, Plaisir de Lire

 

Livre précédent:

Jeanne (2016)

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10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 22:55
Remise du prix des lecteurs de la ville de Lausanne 2019
Vincent Baudriller, Directeur du Théâtre de Vidy

Vincent Baudriller, Directeur du Théâtre de Vidy

Ce prix, doté de 20'000 francs, honore un ouvrage récent, inscrit dans une sélection élaborée par les professionnels des Bibliothèques et Archives de la Ville de Lausanne sous la conduite de la déléguée à la politique du livre et de la lecture.

 

(par ouvrage récent il faut entendre un ouvrage paru en 2018, année précédant la remise du prix)

Isabelle Falconnier, Déléguée à la politique du livre de la ville de Lausanne

Isabelle Falconnier, Déléguée à la politique du livre de la ville de Lausanne

Chacun des nominés a fait l’objet d’une rencontre un samedi par mois à 11h au Lausanne Palace.

Ivan Rivier, Directeur du Lausanne Palace

Ivan Rivier, Directeur du Lausanne Palace

Le jury était composé de six lecteurs et lectrices non professionnels.

Les membres du jury 2019

Les membres du jury 2019

Il y avait six nominés:

- Marc Agron pour Carrousel du vent

- Étienne Barilier pour Dans Khartoum assiégée

- Auguste Cheval pour Les corps glorieux

- Anne-Claire Decorvet pour Café des chimères

- Pascale Kramer pour Une famille

- Bruno Pellegrino pour Là-bas, août est un mois d'automne

 

Chaque membre du jury présente un des romans de la sélection:

Madeleine Bellani présente le roman d'Auguste Cheval

Madeleine Bellani présente le roman d'Auguste Cheval

Francine Milea présente le roman de Marc Agron

Francine Milea présente le roman de Marc Agron

Anne-Marie Rafter présente le roman d'Anne-Claire Decorvet

Anne-Marie Rafter présente le roman d'Anne-Claire Decorvet

Bertil Wicht présente le roman de Bruno Pellegrino

Bertil Wicht présente le roman de Bruno Pellegrino

Jean Bellaman présente le roman de Pascale Kramer

Jean Bellaman présente le roman de Pascale Kramer

Virginie Kyriakopoulos présente le roman d'Étienne Barilier

Virginie Kyriakopoulos présente le roman d'Étienne Barilier

Après chaque présentation d'un roman, Vincent Kucholl, président du jury en lit un extrait...

Vincent Kucholl

Vincent Kucholl

... et César Decker, au saxophone, et Louis Decker, à la guitare, jouent un intermède musical, en rapport avec l'extrait.

César Decker et Louis Decker

César Decker et Louis Decker

Avant d'annoncer le nom du lauréat ou de la lauréate, Vincent Kucholl fait une présentation humoristique du processus qui a conduit au décernement du prix.

Vincent Kucholl, avec perruque et... dentier.

Vincent Kucholl, avec perruque et... dentier.

Puis il annonce le nom du lauréat: c'est Bruno Pellegrino, qui remercie tout le monde, avec beaucoup d'émotion.

Grégoire Junod, Syndic de la Ville de Lausanne, Bruno Pellegrino et Vincent Kucholl

Grégoire Junod, Syndic de la Ville de Lausanne, Bruno Pellegrino et Vincent Kucholl

La cérémonie de remise du prix est suivie d'un cocktail dînatoire et d'une séance de dédicaces du lauréat.

 

Francis Richard

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10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 15:15
Les chaussettes en titane, d'Olivier Chapuis

Avoir Les chaussettes en titane signifie dans le langage cycliste avoir un bon coup de pédale.

 

Franck Baumgartner fait le Tour de France. Il a trente-quatre ans. Au moment où commence le micro-roman d'Olivier Chapuis, il est quatrième au classement général.

 

Frank a encore toutes ses chances pour gagner le Tour. Mais c'est peut-être la dernière pour ce professionnel qui, sur son vélo, maîtrise [son] corps à grands coups de pédale:

 

Je caresse la vie, écluse de larges rasades d'endorphines, me gave d'adrénaline et ce cocktail de dopants naturels m'a poussé aux portes de ce professionnalisme dont j'espérais la gloire.

 

Franck est marié à Liza, a deux enfants. Il pense à eux sur son vélo pendant toutes ces étapes où il se couche tard et se lève tôt, comme le ferait n'importe quel travailleur.

 

Liza vient le voir à la fin d'une étape. Il sait comment garder contenance: La sophrologie et les techniques de concentration dont m'ont nourri mes entraîneurs ont porté leurs fruits.

 

Il faut bien sûr que jusqu'au bout le corps tienne le choc, mais surtout que le mental se fasse d'acier et ne laisse pas de place au doute, en dépit des aléas toujours possibles.

 

Comme dans tous les sports, c'est le mental qui fait la différence dans la pratique à haut niveau. La vulnérabilité est d'autant plus forte que la dose l'est et le Tour dure trois semaines:

 

Le vélo, c'est pareil à l'arsenic: à petite dose, ça ne fait pas de mal...

 

Francis Richard

 

Les chaussettes en titane, Olivier Chapuis, 64 pages, BSN Press

 

Livres précédents:

Le Parc, 96 pages, BSN Press (2015)

Nage libre, 144 pages, Éditions Encre Fraîche (2016)

Le chat, 272 pages, L'Âge d'Homme (2018)

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9 avril 2019 2 09 /04 /avril /2019 20:00
Le Nouveau, de Philippe Sollers

Ce livre est un roman.

 

Cette précision qui figure en quatrième de couverture n'est pas superflue. Mais le lecteur sait à quoi s'en tenir avec Philippe Sollers quand il s'agit de son oeuvre prétendument romanesque.

 

En fait c'est Sollers qui l'est, romanesque, et il pourrait tout aussi bien dire: ceci n'est pas un roman, à la manière de Magritte, en dépit de l'affirmation que soutient mordicus son éditeur avec lui.

 

Pour respecter les convenances littéraires, il y a bien sûr des personnages, qui sont cette fois les ascendants du narrateur et... un invité permanent, un dénommé William Shakespeare.

 

Car Sollers aime que ses personnages de roman se trouvent en agréable compagnie, comme celle de Stendhal ou de Hegel, par exemple, avec lesquels il a certainement des affinités électives. 

 

Sollers ne serait pas Sollers s'il n'y avait pas une Lisa ou une Silvia, faisant dans son récit une apparition, ne serait-ce que furtive, comme un clin d'oeil complice à la gent féminine qu'il chérit:

 

Ma partenaire d'illusion préférée s'appelle maintenant Constance. C'est une blonde rapide au yeux verts rieurs, toujours gaie, et qui n'a aucune idée du monde quantique où elle existe...

 

Le Nouveau est le nom d'un bateau de secours, entreposé sur un grand trois-mâts au long cours, commandé par Henri, mon arrière-grand père maternel... et dont l'annexe de barque est le vestige.

 

Le narrateur donne ce nom, Le Nouveau, à un théâtre spécial qu'il fonde, sans salle, sans acteurs, sans déclamations, sans public. Tout s'y déroule en silence, à l'écoute de la percussion des mots:

 

Au lieu de lire un roman qui se traîne (même les meilleurs), je monte sur la scène du temps. Je m'appelle Hamlet, Lear, César, Antoine, Macbeth, Shylock, Prospero. Je me coule dans leurs pensées, leurs émotions, leurs gestes.

 

Sacha Guitry disait: Quoi de neuf? Molière! Le narrateur de Sollers, en écho, dit: Le Nouveau? William Shakespeare! Le lecteur sait dès lors ce qui, intemporel, va se jouer sur la scène de son théâtre spécial:

 

L'horrible y côtoie l'admirable, la tragédie, la comédie, la découverte la plus essentielle, la routine abrutie. En dehors de toute morale, Le Nouveau ne retient que les singularités extravagantes et contradictoires.

 

L'analyse - et les traductions singulières - que le narrateur fait des pièces et des poèmes de William lui sont matière à digressions et lui permettent de mettre à jour un dieu nouveau, un dieu extrême

 

- C'est un dieu intermittent, imprévu.

- Comme c'est un dieu extrême, il ne choisit que des singularités.

- Il est impassible: Le constat de stupidité lui suffit.

- Son élément fluide est l'attente.

- Il ne s'impose pas, il indique et dissout.

- Il multiplie les oppositions, et on dirait que la contradiction est son élément vital.

 

Pour le narrateur de Sollers, vivre n'est pas nécessaire, naviguer l'est...

 

Francis Richard

 

Le Nouveau, Philippe Sollers, 144 pages, Gallimard

 

Livres précédents de Philippe Sollers chez Gallimard:

Trésor d'amour (2011)

L'éclaircie (2012)

Médium (2014)

L'école du mystère (2015)

Mouvement (2016)

Beauté (2017)

Centre (2018)

 

Livre précédent de Philippe Sollers chez Grasset, avec Franck Nouchi:

Contre-attaque (2016)

 

Livre précédent de Philippe Sollers, chez Bayard, avec Josyane Savigneau:

Une conversation infinie  (2019)

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 17:00
La Machination, de Jeremy Ergas

Cet appareil est une invention de notre ancien commandant.

(A la colonie pénitentiaire, Franz Kafka)

 

Dans la nouvelle de Franz Kafka, parue il y a juste un siècle, en 1919, l'appareil est à la fois une machine à exécuter et à graver la sentence dans le dos du condamné, ornée de dessins.

 

Dans le roman de Jeremy Ergas, un tel appareil est employé par un tueur pour exécuter sa victime et tracer dans son dos, comme une enluminure médiévale, un texte expliquant son geste.

 

Le tueur est en rage et en guerre contre l'industrie du livre. Il a choisi pour victime un jeune auteur à succès qui, selon lui, a enfreint volontairement les Sept Commandements de l'Écrivain.

 

C'est évidemment impardonnable et condamnable, car la littérature, personne n'a le droit de la souiller en écrivant des livres médiocres destinés à séduire les masses et à se faire de l'argent.

 

Quels sont les Commandements de l'Écrivain?

 

Tu respecteras la littérature, car elle est sacrée.

Tu étudieras les grands classiques.

Tu feras preuve de créativité.

Tu n'écriras pas pour devenir riche.

Tu n'écriras pas pour devenir célèbre.

Tu élèveras la masse vers toi au lieu de t'abaisser vers elle.

 

Le corps de la victime est retrouvé nu et mutilé dans le Parc de la Grange, en plein coeur de Genève, ligoté au sommet de la pergola à un mètre du sol, exhibé indécemment aux yeux de tous.

 

L'enquête est confiée à l'inspecteur de police Pierre Chapelle et à son assistant Achille Cornuz. Faute d'éléments matériels probants, elle va s'avèrer difficile pour eux, à tous points de vue.

 

Un journaliste et écrivain, Jean Cros, et un médecin et écrivain, Rodolphe Lafarge, ont tout de suite fait le rapprochement avec la nouvelle de Kafka. Une lettre adressée à Cros par le tueur le confirme.

 

Cette lettre, reçue deux semaines après le meurtre, est en effet signée L'Ancien Commandant et est un véritable manifeste en faveur de la Littérature Vraie, qui se termine par ce cri du coeur:

 

Que la Révolution Littéraire commence!

 

Ce roman se passe surtout dans le périmètre défini par le Parc de la Grange, le Port Noir, et Cologny, où se trouvent la Fondation Bodmer et ses célèbres manuscrits, mais aussi dans d'autres lieux huppés.

 

Les soupçons se portent sur un écrivain en manque de reconnaissance. Trois écrivains, Jean Cros, Rodolphe Lafarge et Ezra Sterling, semblent correspondre à ce profil sans que le lecteur puisse cerner lequel.

 

Et pour cause. L'Ancien Commandant nargue le lecteur, comme il nargue tout le monde, avec La Machination maléfique qu'il a élaborée et avec son sinistre théâtre d'opérations, dont il est fier:

 

Admirez ma Bibliothèque Circulaire et ma Machine à Écrire! 

 

Francis Richard

 

La machination, Jeremy Ergas, 480 pages, Slatkine & Cie

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2 avril 2019 2 02 /04 /avril /2019 19:45
Dans le faisceau des vivants, de Valérie Zenatti

Pour connaître un homme, il faut savoir comment il aime ses parents, et comment il a été aimé d'eux.

 

C'est ce que disait Aharon Appelfeld.

 

Valérie Zenatti explique qu'ainsi, inlassablement il a tissé les âmes de ceux qui avaient disparu Dans le faisceau des vivants...

 

Il disait bien d'autres choses qui ont transformé la vie de l'auteure et continuent de le faire. Valérie Zenatti n'a pas seulement été la traductrice d'Appelfeld: ils sont devenus amis.

 

Il disait:

 

La séparation entre la vie et la mort est plus fine qu'on ne croit.

 

La littérature doit concilier les trois temps, le passé, le présent, le futur, autrement elle n'est qu'Histoire, journalisme ou science-fiction.

 

On parle toujours de la Seconde Guerre mondiale, de la Shoah comme d'une grande catastrophe, mais il faut dire aussi qu'il y eut énormément d'amour. Celui des mères qui ont protégé leurs enfants jusqu'à leur dernier souffle, celui des adultes prenant soin de leurs vieux parents.

 

Le fond et la forme s'imposent à celui qui crée, il ne peut pas choisir, c'est ce qui nous a été donné, [...] un homme peut écrire sur tout ce qu'il veut mais il y a un contenu et une forme qui lui sont particuliers et qui n'appartiennent qu'à lui, et il ne pourra jamais s'en défaire.

 

La souffrance est parfois la source qui, on pourrait dire, nous conduit vers l'amour, le grand amour, pas le superficiel, pas l'amour bourgeois, mais l'amour vrai, fondateur, et qui nous conduit aussi à Dieu parfois.

 

Un être se prépare dès son enfance à être un artiste. Un des traits qui caractérisent l'artiste est une certaine passivité, il contemple les choses...

 

Elle écrit:

 

Lorsque je traduis ses livres, ses personnages entrent en moi, pas à pas, et une fois la traduction terminée, ils ne me quittent plus, ils font partie de moi.

 

Ils avaient au moins deux points en commun: ils sont tous deux arrivés en Israël à l'âge de treize ans et demi, lui en 1946 et elle en 1983, et il y ont tous deux appris l'hébreu.

 

Le livre de reconnaissance de l'auteure commence par la mort d'Aharon le 4 janvier 2018, alors qu'elle part lui rendre visite à Tel-Aviv où il vient d'être hospitalisé.

 

Le livre se termine par le pèlerinage qu'elle effectue aux sources de l'écrivain, le 16 février 2018, c'est-à-dire le jour même où il aurait eu quatre-vingt six ans.

 

(Deux sortes de forces centrifuges agissent en nous, d'un côté une attirance, je pourrais presque dire un ensorcellement, vers un retour à nous-mêmes, à nos sources, et d'un autre, une tentative profonde, car cela aussi est profond, de s'éloigner de ces source, disait Appelfeld)

 

Il lui est apparu vital d'être à cet endroit précis, Czernowitz, la ville de tous ses romans, et à ce moment précis, son anniversaire. Si elle ne l'avait pas fait, aurait-elle pu vivre sans lui?

 

Francis Richard

 

Dans le faisceau des vivants, Valérie Zenatti, 160 pages, Éditions de l'Olivier

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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