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1 novembre 2017 3 01 /11 /novembre /2017 23:40
Zouleikha ouvre les yeux, de Gouzel Iakhina

Dans un grand village du Tatarstan, Ioulbach, une centaine de maisons, Zouleikha vit avec Mourtaza, son mari, et sa belle-mère, qu'elle appelle tout bas, la Goule, la sorcière. Allah soit loué, elle et Mourtaza ne vivent pas dans la même isba qu'elle...

 

Zouleikha s'est mariée à quinze ans, en 1915. Elle a trente ans. Dans l'intervalle de ces quinze ans, elle a donné naissance à quatre filles, qu'elle [a dû] presque aussitôt enterrer : Chamsia, en 1917, Firouza, en 1920, Kahlida en 1924, et Sabida, en 1926.

 

La Goule la traite de poule mouillée et dit du mal d'elle à son fils. Alors, sous le regard de son mari, Zouleikha travaille toujours mieux, avec plus d'application, plus vite: qu'il voie qu'elle n'est pas une mauvaise femme, même si elle n'a jamais grandi.

 

Car Zouleikha est restée petite, fille aux os maigres, comme dit la Goule, qui la méprise parce qu'elle n'a su mettre au monde que des filles et qu'aucune n'a survécu, qui lui prédit sa mort prochaine, comme elle a prédit jadis la mort de ses quatre filles.

 

Mourtaza est un koulak. La Horde rouge vient régulièrement réquisitionner la nourriture, le bétail. Mais cette fois il ne veut rien lui donner: Je suis à bout de forces, et mon coeur est à bout de patience!, dit-il à sa mère auprès de qui il a cherché réconfort.

 

Zouleikha cache la nourriture dans des replis de l'isba, puis elle et Mourtaza se rendent dans la forêt où sont enterrées leurs filles et enfouissent dans leurs tombes leurs réserves de blé. Au retour ils croisent un détachement de cavaliers de la Horde rouge...

 

Quand Mourtaza lève sa hache après leur avoir dit qu'il ne leur donnerait rien, le soldat Ignatov appuie sur la détente de son fusil. Le corps du mari de Zouleikha s'abat sur leur traîneau. Laissée seule dans la forêt, elle ne saura jamais comment elle est rentrée.

 

Pendant la nuit, la Horde rouge frappe à la porte. Zouleikha emporte quelques affaires. Il ne s'agit plus de réquisition, mais de dékoulakisation de tout le village: le traîneau de Zouleikha se fond dans la colonne des dékoulakisés. Leur flot coule dans la rue principale...

 

Commence un périple de plusieurs mois, sous le commandement d'Ignatov. Tous les prisonniers - anciens koulaks, criminels et autres éléments antisoviétiques - rassemblés à la prison-étape de Kazan prennent le train dans des wagons surchargés, direction la Sibérie.

 

Dans le train, Zouleikha apprend qu'elle est enceinte et fait connaissance avec le professeur de médecine Wolf Karlovitch Leibe, le truand Gorelov, le peintre Ilia Petrovitch Ikonnikov, le couple Soulimski, Konstantin Arnoldovitch et Isabella. Et donne naissance à Youssouf...

 

A Krasnoïarsk, les déplacés prennent une péniche qui descend l'Énisseï, puis l'Angara. En cours de fleuve, l'embarcation fait naufrage. Les rescapés s'établissent et, peu à peu, après bien des tribulations et des années, grandit un village de paysans qui se rekoulakisent...

 

Au terme de cette longue histoire tumultueuse, qui, sous la plume de Gouzel Iakhina, revisite celle de l'Union soviétique des années 1930 et 1940, Zouleikha ouvre les yeux :

 

Tout ce qu'elle avait appris, ce qu'elle savait depuis son enfance, avait pâli, disparu. Et ce qui l'avait remplacé avait balayé la peur, comme la crue printanière balaie les feuilles mortes et les branches de l'automne...

 

Francis Richard

 

Zouleikha ouvre les yeux, Gouzel Iakhina, 480 pages, Les éditions Noir sur Blanc (traduit du russe par Maud Mabillard)

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26 octobre 2017 4 26 /10 /octobre /2017 21:20
L'ombre du Golem, d'Éliette Abécassis et Benjamin Lacombe

Dans L'ombre du Golem, Éliette Abécassis raconte et Benjamin Lacombe illustre la légende du Golem par la voix d'une petite fille de dix ans, Zelmira, la fille de l'achimiste Dalibor et de sa femme Bozidara.

 

Cette légende se passe à Prague et remonte à la fin du XVIe siècle. A l'époque règne l'empereur Rodolphe II, un Habsbourg. Il a pour conseiller un moine, Thadée, une sorte de fondamentaliste.

 

Les juifs du ghetto de la capitale tchèque, que ce moine veut exterminer, n'y sont plus en sécurité. Excitées par lui, sous les yeux de Zelmira, des hordes de voyous mettent un jour le feu à leurs maisons.

 

Zelmira a pu avoir un aperçu des pouvoirs du Maharal, le grand rabbin de Prague. Dans un cimetière, elle l'a vu en effet redonner vie pendant un instant à des enfants qui furent victimes de massacres.

 

Pourquoi Dieu permet-il que des hommes, des femmes et des enfants soient chassés, tués ? Il n'y a pas de réponse, mais il y a une solution, dit le Maharal à deux de ses disciples, à qui il expose son idée.

 

L'idée du Maharal est qu'il ne faut pas baisser la tête mais qu'il faut se défendre et, pour cela, être fort contre les forts. Alors, à l'imitation de la création de l'homme par Dieu, avec leur aide, il invente le Golem :

 

Un Golem: cela signifie un embryon, une figure informe, inachevée... Une figure que nous allons former avec le limon de la terre.

 

Zelmira le décrit en ces termes: Immense, massif, avec son grand corps boueux, ses yeux enfoncés comme des billes, sa bouche comme une simple fente, son nez tout droit et ses cheveux de glaise.

 

Le Golem est une machine animée. Le Maharal l'a créée pour le bien, pas pour le mal. Mais cette arme s'avère insuffisante pour protéger les juifs contre les menées du fanatique Thadée qui a l'oreille de Rodolphe II.

 

Alors le Maharal se rend chez son ami l'astrologue Tycho Brahe pour lui demander de l'aide et ces deux savants vont donner au Golem ce qui lui manquait pour être libre, la parole et la conscience, c'est-à-dire pour être:

 

Libre de choisir le bien ou le mal...

 

Francis Richard

 

L'ombre du Golem, Éliette Abécassis et Benjamin Lacombe, 180 pages, Flammarion

 

Livre précédent d'Éliette Abécassis chez Flammarion:

Philothérapie (2016)

 

Livres précédents chez Albin Michel:

Et te voici permise à tout homme (2011)

Le palimpseste d'Archimède (2013)

Alyah (2015) 

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25 octobre 2017 3 25 /10 /octobre /2017 21:30
Une multiplication, de Joël Mützenberg

Depuis 2015, Joël Mützenberg est jardinier et sélectionneur dans l'association Semences de pays. Dans Une multiplication, il raconte qu'en 2007, il a semé une variété de pois chiche que lui avait envoyée un paysan colombien et que, depuis, il la multiplie à Genève.

 

Il y a deux principaux types de pois chiche : les variétés de type desi et celles de type kabuli. Celle qu'il a semée est du premier type. Cette variété a été nommée pois chiches de l'avenir par une amie de l'auteur, Patricia Gelise. C'est donc ce nom qu'il faut retenir.

 

En théorie, Un pois chiche de l'avenir semé, trente de récoltés.

 

En pratique, c'est très différent :

Une multiplication, de Joël Mützenberg

Comme le remarque l'auteur:

 

En 2017, on se retrouve avec 224250 pois chiches de l'avenir semés, à peine plus que la quatrième année du modèle théorique.

 

Les raisons de cette disparité :

- le jardinier s'est adapté peu à peu à la culture de cette plante de la famille des fabacées

- dès 2009, une partie a été cuisinée...

- il y a eu de mauvaises récoltes en 2014 et 2015, des pertes durant le stockage

 

L'auteur entre dans le détail de ces semences faites chaque année : à partir de 2016, Semences de pays a hérité du pois chiche de l'avenir...

 

Et maintenant il est temps de transmettre, de livrer des semences accompagnées d'une histoire, d'une intention de sélection et de conseils quant à la reproduction de ces semences...

 

Ce livre illustré de dessins de l'auteur remplit très bien cet office de transmission aux cultivateurs et aux mangeurs de pois chiches.

 

Car, à l'intention de ces derniers, Joël Mützenberg donnent quelques recettes:

- Chana Dhal (recette indienne)

- Nivik (recette arménienne)

- Cece neri della Murgia (recette italienne)

- Falafel (recette du Moyen-Orient)

 

Quant aux buveurs, il leur réserve une recette de café, où le pois chiche réduit en poudre brun foncé est à utiliser dans une cafetière italienne, sans trop charger...

 

Francis Richard

 

Une multiplication, Joël Mützenberg, 44 pages, Samizdat

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23 octobre 2017 1 23 /10 /octobre /2017 22:55
London Docks, de Catherine May

Au début des années 1980, la réhabilitation du quartier des Docks de Londres a été confiée à la LDDC, la London Docks Development Corporation. C'est à cette époque-là, plus précisément en août 1982, et en ce lieu de friches industrielles, sur l'Isle of Dogs, que se situe le roman policier, London Docks, de Catherine May.

 

Fin juillet 1982, un individu peint une fresque sur un mur de briques nues, encrassées par des décennies de pollution: DEATH, en lettres géantes. Au centre, autour du A qui dessine un nez approximatif, un visage, immense, se tord en une grimace effrayante. Les traits noirs accentuent les expressions. Un des yeux est fermé...

 

Cet individu a un autre business que de peindre, et de signer Chagall, des oeuvres où dominent les bleus, dans des nuances foncées. Quelques jours plus tard, à la date du 2 août 1982, si le lecteur a bien gardé en tête que cet individu a parlé de charmant couple, il ne peut que supputer ce que peut être cet autre business.

 

Deux corps ont en effet été découverts dans le sous-sol d'un entrepôt par deux géomètres mandatés par la LDDC : Les deux corps sont tournés l'un vers l'autre, comme s'ils étaient assis face à face sur des chaises invisibles qu'on aurait renversées. Leurs tibias se touchent, retenus par plusieurs tours de chatterton...

 

Les deux cadavres sont ceux de jeunes gens, des vingtenaires, en tenues de jogging. D'après les premières constatations du légiste, ils sont morts après avoir été attachés, le jeune homme avant la jeune femme qui est restée probablement consciente tout au long de sa lente agonie de soif, pendant deux trois jours...

 

A chaque fois que Lynn Armitage et Jim Wickock semblent avancer dans leur enquête - l'hyperosmie de Lynn leur sera très utile -, ils piétinent et vont mettre longtemps à découvrir qui est l'auteur d'un tel crime, à comprendre le choix de son cruel mode opératoire et à découvrir surtout quel peut être son mobile.

 

Le lecteur a un peu plus de chance que les inspecteurs de la Limehouse Police Station. L'auteur le met dans la confidence du tueur sans pour autant lui expliquer son mode opératoire ni son mobile. Elle lui raconte, par bribes, son passé dans les années 1970, où il séjourne à plusieurs reprises dans un hôpital psychiatrique...

 

Ce n'est qu'à la fin de ce fort volume que les zones d'ombre s'éclairent et que le lecteur connaît le résultat de la course-poursuite engagée entre les policiers et le criminel psychopathe. Entre-temps l'auteur lui aura fait connaître ses côtés sordides et ne lui aura épargné ni les odeurs ni les découvertes macabres, frissons garantis.

 

Ce qui rend supportable ce roman aussi noir que sa couverture (où le ruban jaune donne toutefois un peu de couleur...) ce sont l'humour tout britannique de certains de ses protagonistes et leur humanité, telle que cette empathie pour son patient d'un infirmier qui se demandera toujours s'il aurait pu empêcher quoi que ce soit...    

 

Francis Richard

 

London Docks, Catherine May, 428 pages, Plaisir de lire

 

Livre précédent :

Les sacrifiés d'Eyrinques, 456 pages, Xenia (2014)

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22 octobre 2017 7 22 /10 /octobre /2017 13:00
Le Dit des Égarés, de Serge Cantero

Karl présente ainsi au chaman ses amis Gaston, Monique et Raquel:

- Don Pablo, aquí están los extraviados...

Raquel étouffa un rire, sans doute à cause du mot extraviados, égarés.

 

Gaston et sa compagne Monique (qui ont laissé en Suisse leurs deux filles Océane et Azalée), accompagnés de leur amie lesbienne Raquel, se sont en effet égarés dans un petit village, San Estebanillo, province de Oaxaca, Mexique, au bord de l'Océan Pacifique.

 

Ces égarés, au terme d'un périple mexicain, comptent y passer une semaine de repos total et se sont installés dans un hôtel, qui n'est pas des plus exotique, le Sueño de Mar, tenu par un couple de Français, Daphné et Philippe, qui y vivent avec leurs trois têtes blondes.

 

Gaston retrouve là-bas un vieux camarade de trente ans, Karl von List, lequel est propriétaire de cabañas, bâties en matériaux naturels, avec l'aide de trois ou quatre amis, et dans l'une desquelles il vit avec un gamin, Ernesto, qui n'est pas pour lui ce que vous croyez... 

 

La dernière fois qu'ils se sont vus remonte à l'an 2000. 13 ans plus tard, Gaston reçoit un paquet, que Karl lui fait parvenir et qui contient des documents relatifs au professeur Hermann Waldherr, trouvés à côté du cadavre de celui-ci, découvert dans les bois du Urwald.

 

Waldherr est un personnage sulfureux. Ancien SS, il a créé après guerre une communauté thérapeutique dans les forêts de Bohême, où il a notamment expérimenté des psychotropes sur des sujets volontaires, exclus de la société car handicapés par une laideur extrême.

 

Ce roman touffu est le récit de la relation passée entre Karl et Hermann; celui des souvenirs communs à Karl et Gaston; celui du lieu, chargé d'histoire, où Hermann a établi son institut; celui d'anciens patients qui sont aujourd'hui au rendez-vous de San Estebanillo... 

 

Gaston, soigné ici pour son dos, son inconscient désinhibé par des décoctions locales, a des hallucinations, nourries par tous ces récits où les époques se mélangent, comme les substances, et où un fait divers, une noyade, leur apporte encore quelque grain de sel...

 

Le Dit des Égarés, qui emprunte son titre au genre littéraire médiéval, est une véritable fantasmagorie, où Serge Cantero explore les tréfonds de l'âme humaine, ses fantasmes, et montre bien qu'elle se berce de chimères où la trivialité peut le disputer à la spiritualité.

 

Francis Richard

 

Le Dit des Égarés, Serge Cantero, 328 pages Hélice Hélas

 

Livre précédent:

 

Les laids, 238 pages, L'Âge d'Homme (2013)

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18 octobre 2017 3 18 /10 /octobre /2017 22:15
Au-delà des regards, de Floretta Gerster

Dans le berceau, mon bébé avait le visage carbonisé. Je l'ai cru mort. Je lui ai arraché ses langes, ai posé mon oreille sur son petit corps inerte. Il ne bougeait plus. J'étais complètement tétanisée, raconte une maman à une doctoresse, quelques années plus tard, à Bucarest.

 

L'accident s'est produit à l'automne 1944. Le bébé a six semaines. Son corps est épargné, mais son visage est brûlé au troisième degré. Cette petite fille, au joli prénom de Florette, qui lui a été donné par son papa, n'a alors aucune chance de survivre. Elle vit encore aujourd'hui...

 

Pendant des années, jusqu'à ses six ans, dans son village natal d'Uda, en Roumanie, Floretta Gerster ne comprend pas pourquoi les gens la fuient ou, au contraire, fixent sur elle de drôles de regards, pourquoi son frère et ses soeurs se moquent d'elle et la traitent de moche.

 

Florette ne découvrira véritablement l'image de son visage que bien des années plus tard quand elle verra la photo prise d'elle pour être apposée sur sa carte de membre de la jeunesse communiste: Le choc est tellement fort que personne n'est capable de faire cesser mes larmes.

 

Jusqu'à l'âge de seize ans, elle plonge dans les études pour ne pas trop souffrir de sa solitude. A cet âge-là, tant attendu, elle sait qu'il lui sera enfin possible d'entreprendre des opérations réparatrices. Et les premières auront lieu pendant ses vacances pour ne pas nuire à ses études.

 

Florette ne sait pas qu'elle devra subir bien d'autres opérations pendant une grande partie de sa vie et que se dresseront devant elle de multiples obstacles, ceux dus entre autres au régime communiste de son pays dont il lui sera difficile de sortir pour se faire opérer ou pour se marier.

 

Les obstacles ne viendront pas seulement de là. Elle pourra vérifier l'adage selon lequel on n'est jamais trahi que par les siens, encore qu'il faille fortement nuancer puisqu'une exception seulement confirmera cette règle. Aussi bien sa famille que des amis lui seront souvent d'un grand secours.

 

A lire son récit, le lecteur ne peut qu'admirer sa détermination. Les vicissitudes ne lui auront pas été épargnées même si elle aura connu des instants de pur bonheur: sa vie aura été semée surtout d'hospitalisations et d'opérations subies par elle, mais également par ses proches.

 

Dans l'épilogue à son récit, vingt ans après, Floretta Gerster dit bien qu'elle a touché plus d'une fois le fond du désespoir, car la vie [l'] a privée d'être comme les autres. L'essentiel n'est-il pas toutefois qu'elle soit remontée et qu'elle ait puisé dans sa différence une telle énergie intérieure?

 

Sa dernière opération, il y a donc près de vingt-cinq ans maintenant, a été une réussite: Je suis très contente du Professeur Pitanguy, mais je sais que je ne retrouverai jamais le joli visage que maman m'a donné à la naissance. Peut-être. Mais il n'y a pas que la beauté dans la vie...

 

Au-delà des regards que les autres portent sur soi, se trouve une beauté plus précieuse que la beauté apparente, la beauté intérieure, et la Lausannoise sait que celle-là ne peut se refléter dans aucun miroir, qu'elle ne se révèle que par les attitudes adoptées face à l'existence... 

 

 Francis Richard

 

Au-delà des regards, Floretta Gerster, 216 pages, L'Aire

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16 octobre 2017 1 16 /10 /octobre /2017 22:55
Eunoto - Les noces de sang, de Nicolas Feuz

Eunoto est un rite de passage massaï. Le polar de Nicolas Feuz en est un pour son héros, Michael Donner, un métis adopté par un banquier suisse, membre de la police neuchâteloise, qui se laisse surtout guider par son intuition et qui est mis à l'épreuve personnellement.

 

Dans ce volume, Mike a vingt-cinq ans et est épris de sa collègue Lara. Ce jeune inspecteur est confronté à des crimes qui se jouent des limites cantonales de la Romandie, d'où le bandeau de couverture: Le polar suisse qui unit les Romands pour le meilleur et pour le pire.

 

Le prologue, lui, explique le sous-titre: Les noces de sang. A défaut d'alliances pour concrétiser leur union, un homme se sert du sang qui suinte de la bouche d'une femme agonisante pour dessiner un anneau rouge autour de son annulaire gauche et faire de même autour du sien...

 

L'histoire débute un 17 mars, à Neuchâtel, par une prise d'otages de policiers par d'autres policiers au BAP, bureau administratif de la police, et, à Genève, par la mort d'un policier écrasé par un individu tout de noir vêtu, qui a volé du matériel médical aux HUG, les hôpitaux genevois.

 

Le 18 mars une tête est trouvée fichée au bout d'une pique au centre d'une tour à ciel ouvert du château de Valangin (NE). Le corps est découvert par des adolescents, à quelques kilomètres de là, pendu comme un pantin au plongeoir de cinq mètres, à la piscine d'Engollon (NE).

 

Le 19 mars une découverte macabre est faite au barrage de Schiffenen (BE): Attaché à une corde, un corps nu et décapité pendait dans le vide, à la hauteur des vannes de lâchers d'eau. La tête correspondante a été incorporée à la sculpture d'alien du musée HR Giger à Gruyères (FR). 

 

Pendant ce temps-là, au pénitencier de Bochuz, dans la plaine de l'Orbe (VD), se prépare à la révision de son procès le Monstre de Saint-Ursanne, Brent Wagner. Qui a écopé d'une peine de réclusion à perpétuité pour avoir froidement violé et décapité des jeunes filles en Romandie...

 

Chaque chapitre du livre est clos par un rapport d'écoutes téléphoniques entre une personne A, baptisée Juliette, et une personne B, un inconnu, dans le cadre de l'opération Roméo, relative à un trafic de cocaïne entre la France et la Suisse, dont Mike s'est occupé précédemment.

 

Ces affaires sans liens apparents en ont pourtant. Et il faut toute la ténacité de Mike pour dénouer l'écheveau bien ficelé du récit, lequel promène le lecteur dans toute la Suisse romande, jusque, le 23 mars, dans le domaine skiable des Quatre Vallées, où les mobiles se mangent froid...

 

Francis Richard

 

Eunoto - Les noces de sang, Nicolas Feuz, 394 pages, TheBookEdition.com (sortie en librairie le 17 octobre 2017)

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14 octobre 2017 6 14 /10 /octobre /2017 19:30
Trois personnes en forme de poire, de Suzanne Azmayesh

Le titre du roman de Suzanne Azmayesh, Trois personnes en forme de poire, est un clin d'oeil aux Trois morceaux en forme de poire, composition pour piano à quatre mains d'Erik Satie, que l'une des trois protagonistes écoute le soir en rentrant chez elle, après avoir pris son Xanax, avant de s'injecter de l'héro puis de se coucher.

 

Dans ce livre à quatre voix, il y a trois jeunes personnes, toutes trois intéressées, par le même jeune homme, un certain Theo. Celui-ci est un bel acteur, révélé au monde par un film, Cours toujours, où il interprétait le rôle d'un jeune type, un peu candide et très sentimental, le rôle d'un gamin de vingt ans qui s'apprête à découvrir la vie. 

 

Un jour Émeline a tout plaqué pour écrire un roman, avec la bénédiction de son oncle Darius qui lui avait conseillé de se donner le courage d'être une artiste. Si elle n'y parvenait pas, il serait toujours temps de retourner faire du consulting. Elle est obsédée par Theo depuis qu'elle a découvert son jeu d'acteur dans Cours toujours.

 

Madeleine était la partenaire de Theo dans le même Cours toujours. Cette dépressive chronique (qui a négocié ses charmes avec son pharmacien contre du Prozac), a tapé dans l'oeil de Theo. Aussi n'est-elle pas surprise qu'il lui propose un rôle dans le court-métrage Singers, qu'il veut maintenant réaliser et auquel elle ne croit pas.

 

Victoria et Theo se connaissent depuis dix ans et ont accumulé des souvenirs ensemble: Des voyages, la mer et le soleil, des balades, des découvertes. Des films aussi, surtout ceux de David Lynch... Theo est devenu riche et célèbre, elle pas. Alors elle sait qu'il faut [qu'elle] parte, [qu'elle] se casse en Afrique pour couper avec [sa] vie.

 

Ces trois personnes, aux formes actuelles, sont des désenchantées, qui gravitent autour de l'astre Theo. Savent-elles ce qu'elles veulent dans ce monde aussi incertain qu'elles-mêmes? Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans la bouche de l'une d'entre elles, qui, dans un moment de lucidité, se dit: Rester, partir, on ne sait jamais quoi faire.

 

Francis Richard

 

Trois personnes en forme de poire, Suzanne Azmayesh, 224 pages, L'Âge d'Homme

 

Livre précédent:

 

Meurtre à Sciences-Po (2014)

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12 octobre 2017 4 12 /10 /octobre /2017 22:00
Sous le silence, Eugénie, de Frédérique Baud Bachten

Longtemps, tu n'as été qu'un silence, une suspension dans la phrase, une ellipse. Cette interruption soudaine de la conversation signifiait une présence.

 

Emilie, la narratrice, découvre Sous le silence, Eugénie, sa grand-mère paternelle. Et ses enfants: Augustin, le fils de personne, Julie, la grande dame, Emile le beau parleur (son père) et Rose, la cadette, morte à vingt ans à peine.

 

Emilie a fait des recherches pour restituer les vies de ces membres de sa famille, mais elle n'a retrouvé que des bribes. Alors elle a laissé flamboyer [son] imagination : Pour mieux vous servir j'ai préféré vous inventer afin de ne pas vous trahir.

 

Et ces vies inventées, à partir de riens, sont plus vraies peut-être que des vies réelles, parce que l'auteur aime ces ombres familiales et qu'animée d'un véritable amour pour elles, elle les devine, les fait revivre, pleinement, avec ses propres mots.

 

Le silence gêné qui entoure l'histoire interdite de sa grand-mère est donc rompu parfois dans une conversation. Et quelqu'un prononce alors la phrase rituelle: "Quelle belle voix elle avait pourtant". Et le fait est que sa religion est un chant :

 

Oui, c'est un don déraisonnable, reçu du ciel, qui l'enivre et la possède. Il exige d'être le seul: l'amant passionné et le vampire. Il ronge le temps, il est colère et tempête, il est beauté ardente et plaisir sublimé.

 

Jean a épousé Eugénie, jeune fille de seize ans, qui attend un enfant d'un autre pour la sortir de sa condition infamante, mais il n'admet pas que sa voix puisse être faite pour autre chose qu'honorer Dieu. Un jour, elle n'en peut plus et le quitte:

 

Elle n'imagine pas un instant ce que son abandon va entraîner de douleur et d'errance chez ses enfants, elle ne sait pas ce qu'elle leur inflige, elle ne veut pas le savoir.

A chacun de marcher vers sa propre destinée.

 

Ces enfants, en tout cas, ont hérité de la colère sombre de leur père et de la soif de liberté éperdue de leur mère et Emilie raconte que des colères raclent leurs gorges et épuisent leurs poitrines enflammées:

 

Leurs insoumissions les poussent sur les plus solitaires des sentiers et l'horizon arrive toujours trop tôt au-dessus de leurs têtes levées. La terre ne paraît pas assez vaste sous leurs pas.

 

Leur père ne peut pas comprendre ses enfants, coureurs de vent. Il n'aura pas réussi à les ancrer dans le foyer qu'il a tenté de leur offrir en se remariant. En vain il les exhorte à la probité et au sens moral et les conjure de s'en remettre à Dieu.

 

Quoi qu'il fasse, ils restent attachés à celle qui les habillait de musique, éblouis par cette promeneuse du vent et des tumultes, à cette mère fantasque et libre, qui n'admettait de contraintes que celles qu'elle se choisissait elle-même...

 

Emilie sait maintenant qu'elle a de qui tenir et ce qu'elle doit en retenir... Au terme de sa quête, elle pose la question: Que portons-nous dans nos cellules des frasques et des mérites de nos ancêtres? et esquisse une réponse:

 

Peut-être est-ce à nous de choisir ce que nous voulons qu'ils soient...

 

Francis Richard

 

Sous le silence, Eugénie, Frédérique Baud Bachten, 108 pages, Samizdat

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11 octobre 2017 3 11 /10 /octobre /2017 22:15
Sauver les meubles, de Céline Zufferey

Il faut bien gagner sa vie, faire des concessions, être raisonnable. A trente-deux ans, je plaque une vie d'artiste pour une "situation stable".

 

Le narrateur est photographe. Il a bien été obligé de renoncer à la photo d'art, qui ne rapporte pas un clou, pour payer son studio et la maison de retraite de son père. Il a fini par abandonner les vraies photos et par rejoindre le camp de la photo fonctionnelle...

 

Ainsi vient-il tout juste d'être embauché par une grande entreprise d'ameublement pour y faire... des photos de meubles. Ce n'est pas réjouissant, mais, au moins, c'est un boulot. Son père dirait: Eh ben bravo, tu gagnes enfin de l'argent avec ton truc.

 

La super équipe qu'il intègre est composée de l'Assistant (qui commande), de Bruno le technicien (qui est un connard paresseux), de Sergueï-le-Styliste (qui s'occupe du décor), de Stagiaire (qui prend des notes dans son carnet) et des modèles.

 

Les modèles sont censés représenter des familles parfaites, de fausses mères à côté de fausses filles . Les fausses mères, ce sont Nathalie et Floriane; une des fausses filles, c'est Linh, une fillette de huit ans, qu'il surnomme Miss KitKat...

 

Très vite il apprend ce qui lie les uns aux autres les membres de cette super équipe mobilière: Assistant et Bruno ont des rapports tendus, Assistant veut coucher avec Nathalie, Floriane a couché avec Assistant, Nathalie et Floriane sont amies.

 

Depuis qu'il a été engagé, il a deviné qu'Assistant est vulgaire, Bruno patient, Nathalie charmante, Floriane désagréable : Je me sens presque appartenir... Presque... Heureusement qu'il ose aborder Nathalie par texto, et que ça marche.

 

Sinon, auparavant, quand il rentrait chez lui, il se connectait à un site et il tchattait. Les échanges, même quand ils se produisaient, y étaient d'une grande vacuité. C'étaient en fait des moments de grande solitude ... partagée par des adeptes...

 

C'est au sous-sol de l'entreprise qu'il rencontre Christophe, chargé de tester la solidité des meubles, à qui il fait subir les derniers outrages: J'aime péter des trucs. Mais pas seulement. Il lui propose une aventure où il pourra exercer ses talents de photographe...

 

Dès lors, il mène deux vies parallèles : il shoote d'une part des sujets dans un décor artificiel de meubles pour catalogue, d'autre part des sujets (inavouables à Nathalie, malgré ses tentatives) dans un décor sans fard où il croit donner libre cours à sa déraison...

 

Sauver les meubles, de Céline Zufferey, est une satire cruelle de l'époque, décrite parfois crûment. Les deux vies que mène le narrateur l'illusionnent: quand il croit être aux commandes dans l'une, ne va-t-il pas y être un exécutant, comme dans l'autre?   

 

Francis Richard

 

Sauver les meubles, Céline Zufferey, 240 pages Gallimard

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8 octobre 2017 7 08 /10 /octobre /2017 22:55
Monarques, de Philippe Rahmy

Le monarque est un papillon diurne des plus communs, et ne bénéficie, à ce titre, d'aucun statut de protection. Peut-être devrait-il pourtant en bénéficier, du moins le spécimen de cette espèce, plus grand et plus rare, qui hante la montagne fauve des Aurès, en Algérie...

 

Ce monarque-là est en effet un rêve éveillé :

 

Quand après une journée de dur travail, on se laisse aller dans un hamac, il arrive qu'un nuage de papillons traverse le soir, une forme mouvante d'air et de soleil, comme une dernière proposition de lumière. On est alors consolé de toute tristesse.

 

Ce monarque-là est en effet pur désir de voyage :

 

Tous les cinq ou dix ans, au retour d'El Niño, ce sont de gigantesques essaims à l'approche d'un danger mortel qui se regroupent dans le ciel du Maghreb, probablement parce que, de là, ils perçoivent au loin un éden capable d'accueillir leur migration.

 

Après la mort de son père, musulman humaniste, et de son meilleur ami, qui n'ont pas eu la chance d'arpenter leur chemin jusqu'au bout, Philippe Rahmy se sent indigne de vivre, lui si fragile (il a la maladie des os de verre), lui qui a démenti les plus sombres prédictions de la médecine.

 

Alors il tente de rétablir l'équilibre en écrivant des histoires inventés, qui prolongent l'agonie de cet ami, de ce père, de l'amour vaincu par la mort...

 

Philippe diagnostique un danger mortel :

 

L'Europe, la Russie, les États-Unis, la Chine n'ont jamais autant développé de symptômes communs. Faillite économique, corruption politique, haine de l'étranger, populisme, nationalisme, engagement militaire... Chacun de ces symptômes annonce et contient la maladie mortelle qui nous ronge.

 

Alors il compose une histoire sans début ni fin, mais formant un bloc homogène de fragments qui semble très ancien et, dans ces fragments, il relate notamment l'histoire de ses origines égyptiennes (son patronyme signifie le miséricordieux en arabe), allemandes, et même juives, mais aussi comment le hasard a fait de HERSCHEL un mot-clé de son existence.

 

Il raconte ainsi qu'en étudiant la vie de Herschel Grinszpan, qui, à 17 ans, a assassiné le troisième secrétaire de l'ambassade d'Allemagne à Paris, Ernst von Rath, le 9 novembre 1938 (ce qui servira de prétexte à la Nuit de Cristal), il a reconnu en lui un frère. Dont il n'a jamais été aussi proche qu'après une ténébreuse affaire à laquelle il a été mêlé malgré lui.

 

Quand, à un moment donné, il écrit à propos de ce Juif polonais : J'aimerais croire qu'un Arabe peut aimer un Juif par-delà la caricature de leur opposition foncière, il confirme ce qu'il dit plus haut dans le livre et qui, certainement, le définit le mieux :

 

L'amour est mon seul besoin, un amour troué, disloqué, mais obstiné, tout entier ramassé dans la littérature, notre petite éternité avant la mort.

 

Francis Richard

 

Monarques, Philippe Rahmy, 208 pages, La Table Ronde

 

Livres précédents:

 

Allegra (2016)

Béton armé (2014)

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6 octobre 2017 5 06 /10 /octobre /2017 22:55
L'Ordre des choses, de Sébastien Meier

Voici donc le troisième volume d'une trilogie non annoncée. Car, après avoir refermé le premier volume, on ne s'attendait pas à un deuxième, même s'il restait de nombreuses questions en suspens; et, après le deuxième, on ne s'attendait pas non plus à un troisième... En l'occurrence, un volume pouvait en cacher un autre...

 

S'il est recommandé de lire les deux premiers volumes, le troisième peut toutefois se lire isolément. En effet, dans L'Ordre des choses, Sébastien Meier raconte une histoire qui est à la fois une suite, ou plutôt une conclusion des deux autres, et une histoire à part entière puisque les choses sont en quelque sorte remises en ordre...

 

Dans les années 1989 - 1990, l'auteur met tout de suite le lecteur dans l'ambiance avec deux meurtres commis à Lausanne, celui d'Albert Karpa, tout juste libéré après avoir été soupçonné de blanchiment d'argent de la mafia italienne, et celui de Constant Bonnard, juge d'instruction, tué de deux balles dans une ruelle sombre.

 

Quelque dix ans plus tard, le lecteur apprend que l'avocat Jacques-Edouard Croisier, à la mort de son père, hérite de ses 30% d'actions de BFHG, multinationale spécialisée dans le négoce pétrolier, mais que son oncle, Beat Flückiger, qui en est le PDG, parvient à le faire mettre sous PLAFA, à Cery, l'hôpital psychiatrique du coin.

 

C'est là que Jacques-Edouard fait la connaissance de Florence Osbald, avec laquelle il se lie d'amitié et qui lui fait connaître Commune présence, un recueil de poèmes de René Char. Or, non content de l'avoir fait interner, son oncle veut le faire mettre sous tutelle, mais il n'y parvient pas. Son neveu demande alors l'aide de Florence.

 

Car Jacques-Edouard s'est donné pour objectif d'écraser son oncle en frappant BFHG: il ferait de cette entreprise le symbole d'un grounding honteux pour l'économie helvétique. Florence est en fait un génie de l'informatique et lui concocte un virus espion, grâce auquel il accède à des données compromettantes pour BFHG et pour Beat.

 

Après que Jacques-Edouard est mort, les années 2013 - 2014 voient sa lutte contre BFHG et Beat reprise par Paul Breguet, puis, après son suicide, par la procureure Emilie Rossetti, ce qui lui coûte son poste, et par Florence Osbald, qui a changé d'identité, tire des ficelles et agit dans l'ombre, comme tout bon hacker qui se respecte.

 

Cette lutte d'individus contre une multinationale de connivence avec les pouvoirs politique et judiciaire se révèle être celle de David contre Goliath et le capitalisme prédateur en prend un juste coup. C'est à tort, bien sûr, que d'aucuns attribuent ses nuisances au libéralisme, fût-il qualifié d'ultra, puisqu'il n'en respecte aucun des principes...

 

L'auteur en tout cas est à l'aise pour décrire des milieux et des lieux très différents, de même que les ombres et lumières de ses personnages, petits et grands, qui, parce qu'ils ne sont ni tout noirs ni tout blancs, restent humains; et il sait maintenir jusqu'au bout l'addiction du lecteur pour son récit, quand bien même la noirceur y domine. 

 

Francis Richard

 

L'ordre des choses, Sébastien Meier, 352 pages Zoé

 

Volumes précédents de la trilogie :

Le nom du père (2016)

Les ombres du métis (2014)

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28 septembre 2017 4 28 /09 /septembre /2017 21:00
Quand les mouettes ont pied, de Pierre de Grandi

Quand les mouettes ont pied, il est temps de virer (proverbe de marins bretons).

 

Ce qui veut dire qu'il est un moment où, à l'évidence, il faut changer de cap... et que, si on ne le fait pas, on se heurte aux pires écueils.

 

Le héros de Pierre de Grandi, Georges, est le petit dernier de la famille d'Elorac. C'est le genre, à 18 ans, à déconstruire ... pour refaire ensuite à l'identique et s'assurer que rien ne change. 

 

Dans la famille d'Elorac, je demande le père: Paul est un expert en énergies renouvelables qui fait partie du GIERC, Groupe International d'Études du Réchauffement climatique.

 

Je demande la mère: Madeleine est une infirmière, qui s'occupe des mourants dans une unité de soins palliatifs. Elle a repris ce métier après que ses deux aînés ont quitté la maison.

 

Je demande la fille: Judith, 28 ans, est une secouriste dans les sapeurs-pompiers, qui a obtenu son brevet de pilote d'hélicoptère.

 

Je demande le fils: Julien, 26 ans, est un novice dans une congrégation de franciscains, qui s'occupe avec bonheur de SDF. Car il est convaincu de perdre sa vie, s'il ne la donne pas à autrui.

 

Georges n'est rien de tout ça. Il est en quelque sorte le vilain petit canard de la famille. L'auteur le décrit en ces termes résumant par anticipation ce roman qui se passe en avril 2019:

 

Irrésistiblement irrésolu, ce garçon trouvera pourtant sa voie lorsqu'il aura été happé par une cause embrassée comme l'antidote à son désarroi.

 

Son désarroi, il le doit à la découverte d'un secret de famille, bien gardé par ses parents. Même sa soeur et son frère n'étaient pas au courant... Cette découverte va le mettre en rage.

 

La cause qu'il embrasse est en accord avec cette polarité qui pourrait mobiliser les humains déboussolés : Défaire pour mieux faire. Vrai pour lui. Vrai pour chacun. Vrai pour tout.

 

Ce roman multiforme - récits à la première et à la troisième personne, blog, journal, échanges de mails... - montre, dans un futur proche, ce qu'une telle devise, appliquée, pourrait avoir pour conséquences.

 

C'est une autre manière de dire que vouloir défaire pour ne pas changer le monde, en procrastinant, ou pour le changer, en virant de bord, peut aboutir à seulement défaire... 

 

Francis Richard

 

Quand les mouettes ont pied, Pierre de Grandi, 214 pages Plaisir de lire

 

Livre précédent:

 

Le tour du quartier (2015)

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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