Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 janvier 2018 4 11 /01 /janvier /2018 23:00
Haute trahison, de Jérôme Meizoz

Il est payé pour ça, pour réfléchir. Et il réfléchit tout haut. Il monologue.

 

Pour une exposition de peintres de montagne, un amoureux des arts et spéculateur de tableaux, bref un amoureux spéculateur, lui demande une préface pour le catalogue. Il a beau réfléchir, même s'il est payé pour ça, il n'a rien à dire sur les peintres de montagne, par contre il improviserait volontiers sur les bonnes. Les bonnes des peintres.

 

Dans un premier jet adressé à son commanditaire, il écrit notamment: On voit les peintres à l'atelier, les écrivains à leur table, hiératiques, tranquilles, on ne voit guère les coulisses, le petit personnel, celui qui assure, silencieusement, la paix des peintres.

 

Pourquoi pas? Oui, pourquoi pas, mais le sujet n'est-il pas un peu éloigné, le ton impropre? Le sujet n'est pourtant pas si éloigné que ça puisqu'il part d'une histoire vraie, celle de Ludivine Bonvin, servante du peintre Albert Muret et amoureuse de son ami Ramuz, l'écrivain au prénom d'archiduc...

 

Seulement sortir des sentiers battus, c'est de la Haute trahison: il n'est décidément pas convenable de ne pas tenir de propos convenus...

 

Cela amène le monologueur imaginé par Jérôme Meizoz à se demander, pendant un moment d'incertitude, si, de toute façon, il est possible de faire du neuf avec des mots usagés...

 

Cela lui rappelle aussi une demande du Cercle d'études consacrées au grand poète italien, qu'il est superflu de nommer ici...

 

En l'occurrence il s'agissait de commenter le chant XXXIII de l'Enfer de la Divine comédie, dévolu aux traîtres... Ce qui lui avait donné envie de chanter [son] propre chant, de faire [ses] gammes plutôt que d'en faire l'exégèse sans oser toucher à aucun principe...

 

Car, pour les dignes membres du Cercle, cela aurait été trahir que d'inventer, de réviser, d'abattre les murs. Et d'ailleurs vain, puisqu'il n'y a rien de neuf à dire sur le monde dantesque... et qu'il suffit de ressasser en rond ce que l'on en dit depuis quelque sept cents ans...

 

Ce monologue est heureusement d'une autre veine, irrévérencieuse, digressive... 

 

Francis Richard

 

Haute trahison, Jérôme Meizoz, 32 pages, La Baconnière (sortie le 12 janvier 2018 en Suisse, le 23 janvier 2018 en France)

 

Ce texte est représenté au théâtre 2.21 à Lausanne du 5 au 21 janvier 2018

 

Livres précédents chez Zoé:

Faire le garçon (2017)

Haut Val des loups (2015)

Séismes (2013)

Partager cet article
Repost0
4 janvier 2018 4 04 /01 /janvier /2018 22:30
Là-bas, août est un mois d'automne, de Bruno Pellegrino

Là-bas, août est un mois d'automne: Les matins sont frais, le soir on ne s'attarde plus sans châle ou couverture sur le banc devant la maison; au verger, certains arbres tirent déjà sur le jaune...

 

Là-bas, c'est une maison à l'extrémité nord d'un village vaudois, où vivent Gustave et Madeleine. Ils y ont emménagé alors qu'il avait onze ans et elle quinze. Et ne l'ont plus quittée: Une femme et un homme, oui, mais cela n'a rien à voir...

 

Bruno Pellegrino s'inspire librement de leur vie, pour les besoins de leur cause et pour combler des vides. En fait il n'en raconte qu'une tranche, une décennie, pendant laquelle se déroule la conquête de l'espace, qui intéresse vivement Madeleine.

 

Le roman commence en effet le 19 septembre 1962 et se termine en avril 1972. Gustave et Madeleine Roud sont frère et soeur. Au début du roman, il a donc soixante-cinq ans et, tout comme elle, n'a pas et n'aura pas de descendance. 

 

Le narrateur suppose qu'elle n'en a pas voulu, qu'elle n'a pas voulu s'embarrasser d'un homme: elle s'est occupé de son frère, ô combien. Le fait est qu'elle est dans la forme de chacune de ses phrases. Car il est poète reconnu, et... photographe.

 

Au fil des saisons, Gustave aime depuis toujours photographier des hommes presque nus. Des centaines de ces photos se trouvent dans ses albums et dans ses cartons. Les regarder, le froid venu, lui permet de s'enflammer, de passer l'hiver...

 

Au village on les connaît bien, le frère et la soeur, enfin on la connaît surtout elle, qu'on voit à l'église, parce que lui c'est un peu un drôle d'oiseau. Un oiseau qui accomplit son oeuvre, lentement, dans une invraisemblable solitude...

 

Si, comme son frère, Madeleine ne se voue pas corps et âme aux plus hautes exigences du langage, elle fait de la confiture... et sa cuisine est impeccable, car, pour ça, elle fractionne la tâche en une série de petits problèmes à résoudre:

 

Rien ne distingue, fondamentalement, la préparation de confiture d'une expédition sur la Lune...

 

Pourquoi Bruno Pellegrino a-t-il reconstitué minutieusement les travaux et les jours de ces deux-là pendant la dernière décennie de leur vie commune? Parce qu'il est fasciné par leur manière lente et savante d'éprouver l'épaisseur des jours...

 

Francis Richard

 

Là-bas, août est un mois d'automne, Bruno Pellegrino, 224 pages Zoé

Partager cet article
Repost0
2 janvier 2018 2 02 /01 /janvier /2018 21:45
Mon coeur dans la montagne, de Manuela Gay-Crosier

Virginie est fraîchement émoulue d'une prestigieuse école de tourisme. Parce qu'elle est la seule à parler anglais, elle est chargée d'un projet ambitieux par la Commission culturelle du village suisse de Salvan, celui d'organiser une exposition rétrospective de l'oeuvre d'un peintre anglais du XIXe siècle qu'elle aime depuis l'enfance: Edward Milton.

 

Salvan est situé en altitude dans la vallée du Trient, en Valais. Edward Milton y a séjourné quelque cent cinquante ans plus tôt et y a réalisé des paysages bien connus du grand public. Mais le peintre y a aussi réalisé des portraits sensuels inédits: des croquis, des sanguines, une ou deux toiles à l'huile, représentant tous une belle jeune femme.

 

C'est ce que révèle à Virginie le descendant de l'artiste, Andrew (qui est venu exprès de Londres et avec lequel elle doit peaufiner les détails de toute l'organisation sur place), lors d'un souper professionnel dans un restaurant de la plaine où il lui a donné rendez-vous, après une première rencontre dans un café du village et une visite des locaux.

 

Andrew parle également à Virginie de quelques documents en français laissés par son ancêtre et, plus particulièrement, d'un cahier couvert d'une écriture très fine. Le surlendemain soir, après avoir parcouru la veille des lieux incontournables de la région, dont certains visités par Edward, Andrew lui remet le cahier que Virginie a souhaité feuilleter.

 

Manuela Gay-Crosier, raconte à partir de ce moment-là deux histoires parallèles, qui se déroulent l'une de nos jours, l'autre il y a cent cinquante ans, ce qui lui permet de souligner l'évolution de la condition féminine d'une époque l'autre. Car le cahier conservé par Edward est rédigé par une certaine Mathilde que le peintre a connue lors de son séjour ici...

 

En lisant le cahier de Mathilde, Virginie découvre son existence stupéfiante: à la suite d'un traumatisme moral, elle est devenue complètement muette et le cahier est devenu pour elle un exutoire. Tandis que peu à peu Virginie apprend quels liens ont uni Edward et Mathilde, bien qu'elle soit échaudée par son échec avec Cédric, ses relations avec Andrew évoluent...

 

Comme Virginie le constatera en achevant de lire le cahier et en songeant à sa propre existence, la vie n'est décidément pas simple et réserve aux êtres bien des surprises. Le lecteur n'est pourtant pas surpris que l'un des protagonistes puisse, finalement, résumer tout ce qui lui est arrivé sur terre par ces mots simples et définitifs:

 

... là-haut demeure mon coeur...

                                          ... dans la montagne...

 

Francis Richard

 

Mon coeur dans la montagne, Manuela Gay-Crosier, 318 pages Plaisir de lire

Partager cet article
Repost0
31 décembre 2017 7 31 /12 /décembre /2017 17:30
Natures, Nouvelles

La  Fondation Pierre et Nouky Bataillard a pour objet:

- soutenir et promouvoir toute action visant à la protection de la nature et des animaux;

- apporter une aide ponctuelle à la création artistique sous toutes ses formes;

- assurer la protection et la promotion de l'oeuvre de ses fondateurs.

 

En 2016 cette fondation a lancé un concours littéraire de nouvelles sur le thème de la nature. Elle a reçu 86 nouvelles et a publié, le 18 mai 2017, le palmarès établi par son jury, composé de Nouky Bataillard, Christian Ciocca, Andonia Dimitrijevic, Françoise Fornerod et Barbara Fournier:

 

1er prix : Le phare, de Véronique Timmermans

2e : La question, de Mathieu Mégevand

3e : Rendez-vous millénaire, d'Anne Gidey

 

Ces trois nouvelles et les quatre meilleures suivantes ont été réunies dans un recueil, publié par L'Âge d'Homme en novembre 2017.

 

Le narrateur de Véronique Timmermans est gardien de phare. Il raconte sa solitude relative - le chat Anasthase la partage - pendant que plusieurs jours de tempête se succèdent et que les réserves s'épuisent:

 

Aujourd'hui encore rien n'y fait, le mal de mer me terrasse dès l'instant où mes pieds quittent la terre ferme. Gardien de phare, c'est presque marin pour ceux qui comme moi ne peuvent naviguer.

 

Pour aller à son travail, le narrateur de Mathieu Mégevand passe tous les jours devant une vache, dans un pré, et se demande si elle n'est que fonctions, un corps qui marche, qui beugle et défèque, qui rumine puis somnole:

 

Plusieurs fois j'ai cru déceler en toi autre chose qu'un amas de muscles accroché à des os. Après la naissance de mon fils, il m'a semblé retrouver dans tes yeux un peu de ce que je voyais dans les siens.

 

Anne Gidey fait parler deux êtres vivants tour à tour, Mahpiya et l'autre. Leurs deux peuples se déchiraient depuis des temps immémoriaux dans des luttes de territoire, se disputant les mêmes proies, pensait l'autre.

 

Mahpiya le voyait hésiter: qui de nous deux était la proie, qui de nous deux le prédateur? Quand elle lui avait sauvé la vie et avait prouvé qu'elle était prête à mourir pour lui, il s'était posé la question: Et moi, étais-je prêt à mourir pour elle?

 

Dans L'homme et le cerf, François Jolidon fait parler un cerf et un homme. Le cerf observe l'homme, pas rassuré. L'homme est pourtant prêt à sympathiser. Le cerf aux douze bois précieux les baisse quand l'homme se blesse.

 

Le cerf devient le protecteur de l'homme. Il le veille quand il dort. Quand il se réveille, il le voit prêt à reprendre son chemin. A présent il peut se sauver sans lui... Mais ses semblables sont capables du pire comme du meilleur...

 

Dans Comme un rêve d'opaline, la jeune femme de Florence Cochet reprend connaissance au milieu de la nature: Elle était couchée en lisière d'une clairière ensoleillée, au pied d'un frêne, reconnaissable à ses grappes de graines ailées.

 

Elle est pourtant mal en point, soumise qu'elle est à des poumons capricieux: A l'ordinaire il lui aurait été impossible de profiter de cette balade, alors avancer d'un pied léger vers un invisible sommet tenait de l'instant de grâce.

 

Avec DameNature 2.0, François Rouiller emmène le lecteur dans le futur. Son narrateur capture avec son oeil électronique une belle passante, rousse, nostalgique, inaperçue des autres. Mais il finit par la perdre de vue, hélas.

 

Même avec ses limiers numériques, avec ses logiciels pisteurs, il n'arrive pas à l'identifier: pourtant tout habitant de la planète, dès l'instant où un échographe le surprend dans un ventre maternel, est immanquablement fiché...

 

Avec Olivier Chappuis, c'est Jour de fête. Casimir est membre des Nostalgiques Anonymes. Son addiction? Il ne supportait pas que la nature soit radicalisée, conditionnée, domptée de la tige à la racine. Mais il est en voie de guérison.

 

Liza, sa compagne, lui a donc préparé un délicieux repas pour fêter les treize ans du couple qu'ils forment, accompagné d'une bouteille de vin rouge aux sulfites ammoniaqués et elle a rajouté une pincée d'antibiotiques dans le gigot...

 

Francis Richard

 

Natures, Nouvelles, 120 pages, L'Âge d'Homme

Partager cet article
Repost0
30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 19:00
Prendre l'eau, de Julien Burri

Fait divers: Une femme de 22 ans a perdu la vie hier près de la commune de Rivaz (VD). L'hélice d'un canot à moteur l'a mortellement blessée alors qu'elle se baignait avec son ami un jeune homme de 25 ans. Le pilote du canot est recherché par la police.

 

Telle est le texte de la dépêche publiée le 2 mai 2013 par l'ATS (Agence Télégraphique Suisse). La femme s'appelle Odile H. et son compagnon Simon. Après avoir lézardé nus au soleil, ils avaient embarqué à bord d'un canot en plastique volé...

 

Que sont devenus, trois ans plus tard, les cinq protagonistes de ce fait divers qui est la toile de fond lacustre de Prendre l'eau, le roman de Julien Burri? A travers le récit de chacun d'entre eux, la vérité se dessine, sans conséquences judiciaires...

 

Est-ce un homicide involontaire ou volontaire? Telle est la question lancinante, et sans réponse, que se pose Georges, le journaliste de l'histoire, qui travaille à L'Aurore. Depuis le drame, il fréquente la plage naturiste où il a eu lieu, en quête du témoin.

 

Le pilote du canot à moteur a été identifié. Il s'agit du PDG de Névé, Robert Carrard, dont la maison noire est proche de ladite plage. Il est coupable d'homicide par négligence: Monsieur Carrard souffrait d'une cataracte. Il n'avait tout simplement rien vu...

 

Simon, dans un premier temps, était en colère contre Monsieur Carrard. Il se serait bien rendu à la maison noire et lui aurait bien mis son poing. Puis il a reçu une proposition d'emploi de concierge au siège de Névé: il en avait besoin. Il a fini par accepter.

 

Le témoin du drame, c'est Cyril. Il a tout vu, mais s'est tu. Jusqu'à présent. Mais il hésite... Il travaille non loin de là, à la buvette de la plage. Il tourne les saucisses sur le gril: Il porte un tablier noir pour se protéger de la chaleur du feu et des éclaboussures.

 

Madame, c'est Eve Carrard, la femme de Monsieur: Elle s'habille de noir uniquement. Une silhouette noire, dans une maison noire. Une silhouette épurée, le corps élancé. Elle était passionnée de lecture: Mais depuis l'"accident", elle n'arrive plus à lire.

 

Monsieur, c'est Robert Carrard, le chef de Névé. Quand il est à son bureau, il faut qu'on sente sa présence invisible au sommet du bâtiment... Monsieur aime l'ordre, le travail, l'argent [...]. Mais par-dessus tout, Monsieur aime le calme et le silence...

 

Le canot en plastique a pris l'eau après que le canot à moteur a foncé sur lui. L'accident n'est plus qu'un incident sur le lac: Les événements et leurs traces s'atténuent en cercles concentriques de plus en plus larges, de plus en plus fins et imperceptibles...

 

Francis Richard

 

Prendre l'eau, Julien Burri, 224 pages Bernard Campiche Editeur

 

Livres précédents:

Muscles suivi de La Maison (2014)

Partager cet article
Repost0
29 décembre 2017 5 29 /12 /décembre /2017 23:25
Heureux qui comme, de Bernadette Richard

Heureux qui comme. Le titre se suffit à lui-même. Qui ne connaît la suite du vers chanté par Georges Brassens? S'il ne la connaît pas, il la trouvera en bonne place dans le roman de Bernadette Richard. Et même, dans son contexte, puisqu'y est reproduit le premier quatrain du sonnet de Joachim du Bellay:

 

Heureux, qui comme Ulysse, a fait un beau voyage,

Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,

Et puis est retourné, plein d'usage et raison,

Vivre entre ses parents le reste de son âge!

 

Ulysse, en l'occurrence, c'est Clément, le narrateur. Petit, il aurait aimé voler pour rejoindre les oiseaux, jouer avec eux et observer ce qu'ils voient, c'est-à-dire la planète d'en haut [...] dominer en somme la condition de l'homme rivé au sol. A défaut il grimpera aux arbres pour mieux [se] pénétrer d'images.

 

Quand il sera grand, il sera photographe et parcourra le monde. En attendant, adolescent, il fugue en forêt, à pied, parfois en vélo ou à ski de fond en hiver, droit devant, et installe ses pénates dans des arbres... en totale adéquation avec [son] biotope, ses odeurs, sa flore, sa faune, ses fantaisies, ses initiations.

 

Plus tard, entre chaque périple - lors d'un de ces périples, en 1970, il connaîtra Sophie qui lui donnera deux jumeaux, avant de prendre le large -, il revient à ses arbres, à son aulne, son paradis caché. L'observation, depuis les branches de ses arbres  lui insufflant une force inimaginable pour ses proches.

 

Il lui faut attendre d'être grand-père pour trouver une complice en la petite personne de sa petite-fille Orsanne. Elle l'accompagne dans ses flâneries. Son sens de l'observation et son pragmatisme enfantin l'enchantent. Au moins elle, elle ne pense pas qu'il débloque comme le pensent tous ses autres proches.

 

Comme Ulysse, Clément retourne finalement dans sa patrie lilliputienne qui offre à sa mémoire davantage que des images: elle enregistre aussi des effluves et des atmosphères, des sons, aussi éthérés les uns que les autres. Bref sa région natale lui offre en version miniature toutes les merveilles du monde:

 

C'est peut-être ça la sagesse: réaliser que l'ailleurs n'est nulle part et partout. Même chez soi...

 

Francis Richard

 

Heureux qui comme, Bernadette Richard, 152 pages éditions d'autre part

Partager cet article
Repost0
24 décembre 2017 7 24 /12 /décembre /2017 19:45
Le venin du papillon, d'Anna Moï

Le pays dans lequel se passe Le venin du papillon, roman d'Anna Moï, n'est jamais nommé, comme s'il était indicible. L'époque dans laquelle il se situe non plus, comme s'il était intemporel...

 

Pourtant tout est dit, explicitement, dans ce livre, pour l'identifier: il restitue le Viêt Nam, au début des années 1970, alors que se déroule la Conférence sur la paix de Paris.

 

C'est la guerre.

C'est le couvre-feu.

Ce sont les gangs de jeunes.

C'est l'immolation d'un moine...

 

Après la division du pays en deux, en deux demi-nations, de part et d'autre du 17e parallèle, Ba et sa femme Mae (Xuân dans son ventre) ont accompli le Grand Exode vers le Sud. Après Xuân, ils ont eu une deuxième fille, Thu. La paix signée à Genève en 1954 n'aura pas duré... 

 

L'offensive du Nouvel An lunaire (1968) est encore dans les mémoires. Ba, devenu lieutenant-colonel de l'armée du sud, est démilitarisé, accusé de rébellion (il défend la Démocratie). Mae doit se débrouiller pour trouver de l'argent, la solde de son mari exilé ayant été suspendue...

 

La guerre plonge les esprits dans des abus d'excitation.

 

Xuân a connu l'éblouissement que procure l'excitation de son papillon quand, un jour, enfant, la bonne, Hong, a dirigé le pommeau de la douche vers le petit moellon de [sa] fente génitale: il s'était enflé, s'était durci...

 

La guerre fait éclater l'ordre moral et, même, l'inverse.

 

Maintenant, adolescente, Xuân tombe amoureuse d'un homme du double de son âge. Pas beau, mais très intelligent, Edgar, énarque, trente-trois ans, futur ambassadeur:

 

Pendant plusieurs semaines, il s'applique à aspirer la sève du papillon de Xuân, un doux venin dont il ne se lasse pas.

 

La guerre tourneboule les esprits.

 

Une transfuge du catholicisme, Mae passe à l'animisme puis à une version du talismanisme après un passage par le bouddhisme...

 

La guerre favorise les trafics, les amours mixtes, la sexualité débridée, les paris, les jeux, les boissons, comme pour échapper à la dure réalité des corps mis en pièces détachées (quand ils n'entrent pas dans le grand sommeil):

 

La guerre est une machine à réduire les anatomies des hommes.

 

Le 27 janvier 1973, la Paix est signée. Une drôle de paix, comme la suite le montrera...

 

En attendant, Xuân aura achevé sa métamorphose:

 

Le corps qui l'a encombré ces derniers mois, celui d'Edgar, est lentement parti. Un os après l'autre. Elle est plus légère, mais pas plus fragile...

 

Francis Richard

 

Le venin du papillon, d'Anna Moï, 304 pages, Gallimard

Partager cet article
Repost0
21 décembre 2017 4 21 /12 /décembre /2017 23:55
Desperado - La cendre des gestes, de Thierry Luterbacher

Une fois maman m'a dit que tu étais un desperado. J'ai pas bien compris et j'ai cherché dans le dictionnaire. Ça disait: "hors-la-loi prêt à se battre jusqu'à la mort.", lui dit un jour sa fille retrouvée, après quelque vingt ans d'absence.

 

Le desperado est amnésique. Il ne sait plus son nom, ni son âge, ni où il habite. Il se réveille dans une chambre blanche et vide: Quatre murs comme autant de pages vierges, deux fenêtres, et, sous mes pieds nus, un plancher.

 

Il n'a pas que les pieds nus, il est tout nu. Il ne s'en rend pas compte tout de suite. Il cherche surtout à sortir de cet endroit insolite. Il avise une porte, mais elle ouvre sur une paroi. Dans la plinthe de cette paroi, il y a une languette.

 

Du pied il appuie sur la languette. La paroi coulisse. Il se retrouve dans un couloir. La paroi se referme derrière lui. Où est-il? Chez lui. Il ne reconnaît rien, ou plutôt si, une odeur, la sienne, qui imprègne des vêtements, sur une chaise...

 

Quand il est face aux portes miroir qui surmontent les deux lavabos de la salle de bains, il ne se reconnaît pas. Il sait désormais à quoi il ressemble. Il a une blessure au-dessus de l'oeil gauche. Peut-être vient-elle de là son amnésie.

 

Dans l'appartement, il y a deux chambres, hormis la chambre blanche. La sienne et une chambre de femme, de jeune femme: sa compagne, sa fille? Quel âge a-t-elle? Comme ça, au premier coup d'oeil, un peu moins que la trentaine.

 

Lui se donne la cinquantaine. Il découvre un nom sur une enveloppe: Sol Djelem. Il déplie un journal et reconnaît le visage qui lui est apparu dans la salle de bains: c'est celui d'un certain Joseph Lair, qui serait la tête pensante d'un groupe terroriste...

 

Quand une jeune femme s'adresse à lui en le tutoyant, il suppute quelqu'un d'intime puisqu'elle est entrée dans l'appart. Elle l'appelle Sol: C'était un bonheur sans nom de m'entendre appeler par un nom, mon nom, du moins celui qu'elle me donnait.

 

Quand la police sonne à la porte, l'inconnue lui demande de se cacher. Il se réfugie dans la chambre blanche... Et, quand il en ressort, elle n'est plus là. Un homme tapote à la vitre d'une fenêtre. C'est un dénommé Cisco: la môme a été embarquée...

 

Il comprend que la môme, c'est sa fille, Nassima. Le fait est que lorsque celle-ci revient, c'est bien sa fille, puisqu'elle en porte le nom, sa fille qui lui apprend pourquoi on l'appelle Djelem, entre autres: En langage tzigane ça veut dire: "je suis parti"...

 

Comme il est réellement traqué, il se dit alors: Il [faut] que je me tire de là, je finirais bien par me trouver, moi ou des bribes de moi, pour savoir si [j'ai] envie de redevenir ce que j'étais. En attendant, il a surtout une inexorable envie d'être lui-même.

 

Pendant sa cavale, cet ex-insaisissable en vient à se connaître lui-même et à s'interroger sur l'honnêteté des autres personnes qu'il côtoie. De la beauté des gestes de l'une d'elles, il ne lui restera bientôt plus que la cendre, après l'oubli...

 

Francis Richard

 

Desperado - La cendre des gestes, Thierry Luterbacher, 200 pages Bernard Campiche Editeur

 

Livre précédent:

 

Dernier dimanche de mars (2014)

Partager cet article
Repost0
19 décembre 2017 2 19 /12 /décembre /2017 23:55
Un suspect bien maladroit, de Jean-Marie Reber

Quel est le comble d'un commissaire de police? C'est d'être le suspect numéro 1 dans une affaire criminelle.

 

Dans ce dernier Dubois, d'une série de six opus, le commissaire Fernand Dubois est suspecté d'être le meurtrier de la belle Clara, sa jeune maîtresse, dont il a fait la connaissance à la faveur de la première enquête de la série, alors qu'elle était sa voisine du dessus.

 

Le commissaire Dubois, que les lecteurs de ladite série ont connu inspecteur, a de grandes chances d'être promu chef de la police judiciaire. En effet la place va bientôt être libre et le titulaire actuel l'en a informé pour qu'il se prépare à l'investir.

 

Depuis un moment déjà, Fernand a décidé de rompre avec Clara, cet acte de sagesse: Ce qu'il devait en revanche décider, c'était le moment le plus opportun, ou plutôt le moins inopportun, pour annoncer la nouvelle et surtout la manière avec laquelle il s'y prendrait.

 

Fernand se trouve à proximité du domicile de Clara. Il tente de la joindre par téléphone pour mettre sa décision à exécution, mais tombe sur le répondeur et laisse le message laconique suivant: Je dois te parler. J'essaierai de te joindre demain.

 

La vie a parfois de ces ironies...

 

D'avoir fait ce premier pas lui donne le sentiment que c'est comme si c'était fait. Et, effectivement, c'est fait, mais pas comme il l'imagine. Ce soir-là Clara est assassinée: elle a reçu un coup de couteau de cuisine, après avoir, semble-t-il, subi une tentative de strangulation.

 

Le lendemain, en l'apprenant, Fernand peut dire: Adieu couple, promotion, sérénité!

 

Adieu à son couple: avec l'enquête, Giselle, sa femme, se verra confirmer dans ses soupçons; adieu à sa promotion: sa réputation sera désormais ternie quoi qu'il fasse; adieu à sa sérénité: il se mordra indéfiniment les doigts d'avoir succombé un jour aux charmes et au parfum de Clara...

 

Fernand est dessaisi de l'enquête sur ce crime par la procureure. C'est son adjoint, Jésus Minder, qui en est chargé et, très vite, tout le petit monde de la police sait que le célèbre commissaire était l'amant de la victime, sans oser pour autant penser qu'il est coupable. 

 

Il n'est pas facile de changer de rôle quand on est habitué à en tenir un pendant des années. Aussi Fernand, qui a élucidé bien des affaires criminelles, s'avère-t-il Un suspect bien maladroit quand il est mis à son tour sur la sellette par la procureure qui l'interroge...

 

Dans le même temps qu'il met fin à sa série policière, Jean-Marie Reber va-t-il donc faire une fin peu glorieuse à son héros de commissaire? On peut se le demander. En tout cas, Fernand, qui se promettait de reconquérir sa Giselle, est, avec cette affaire, bien mal parti pour y parvenir...

 

Sait-on jamais?

 

Francis Richard

 

Un suspect bien maladroit, Jean-Marie Reber, 224 pages, Éditions Attinger (Collection Nouvelles Éditions)

 

Opus précédents:

Le parfum de Clara (2015)

Les meurtres de la Saint-Valentin (2015)

Rira bien qui rira le dernier (2016)

Le valet de coeur (2016)

Coccinelle, jolie coccinelle (2017)

Partager cet article
Repost0
11 décembre 2017 1 11 /12 /décembre /2017 23:00
Enfance de Terre, de Didier Burkhalter

En lisant le livre de Didier Burkhalter, Enfance de Terre, comment ne pas penser à la chanson d'Enrico Macias, Enfants de tous pays? Et, tout particulièrement, à cette strophe:

 

La vérité

C'est d'aimer

Sans frontières

Et de donner

Chaque jour un peu plus.

 

Dans son livre  l'auteur raconte en effet des histoires sans fin d'enfants de tous pays, d'enfants de toute la Terre, des cinq continents, lors de quatre saisons, réparties sur quatre années consécutives: printemps 2014, été 2015, automne 2016 et hiver 2017.

 

Ces enfants, aux prénoms exotiques et chantants, sont tellement nombreux qu'il serait vain d'en parler nommément, d'autant que leur histoire est, chaque fois, dense, pleine de péripéties, et plurielle puisque c'est aussi, bien souvent, celle de leurs parents.

 

Tous ces enfants connaissent des vicissitudes - la misère, la guerre, civile ou étrangère -, mais ils n'en sont pas moins gonflés d'espoirs, notamment de ceux que leurs parents placent en eux, se sacrifiant pour qu'ils aillent à l'école et apprennent un métier.

 

D'aucuns bénéficient d'une prise en charge par une équipe de la Croix Rouge; d'autres d'une formation grâce à un projet de la coopération internationale; d'autres encore d'un emprunt astronomique qu'ils sont confiants de rembourser grâce à leurs talents...

 

D'aucuns prennent leur avenir en main, entreprennent et ne laissent personne d'autre choisir leur route; d'autres la prennent pour offrir leurs bras là où on en manque ou s'obstinent à rester et à reconstruire sur les ruines que laisse parfois derrière elle la nature divagante.

 

Ces enfants veulent grandir, et vivre, tout simplement. En paix. Et la Suisse joue un rôle humanitaire dans les zones de conflits, grâce à la confiance qu'elle inspire aux camps en présence, ce qui lui permet d'acheminer des convois, d'aider les uns comme les autres.

 

Quelle est la plus belle diplomatie, à laquelle veut se consacrer l'un de ces enfants? Celle qui écoute, celle qui rencontre, celle qui construit des ponts sur des précipices pour rapprocher, celle qui hisse des voiles par tous les vents pour relier, même à travers le plus grand des océans...

 

Francis Richard

 

Enfance de Terre, Didier Burkhalter, 128 pages, L'Aire

Partager cet article
Repost0
6 décembre 2017 3 06 /12 /décembre /2017 23:15
Et le mort se mit à parler, de Pierre Béguin

Et le mort se mit à parler.

Luc VII, 15

 

Dans l'évangile de Luc, le mort qui se met à parler est le fils unique d'une veuve de Naïm, ressuscité par Jésus, pris de compassion pour elle. Dans le roman de Pierre Béguin, Wilfrido Soto, laissé pour mort, au milieu d'autres morts, dans une grosse cuve en métal, s'en échappe et fait une déposition à la police.

 

Pour vivre Wilfrido Soto ramasse des cartons, des vieux papiers, des bouteilles vides dans les rues d'une ville de Colombie. C'est un cartonero... En passant devant l'Université, le premier jour du Carnaval, il est appelé par un gardien, qui lui propose des cartons à emporter avant que les camions à ordures ne passent.

 

C'est un piège. Il est roué de coups de bâtons par quatre hommes, qui le maintiennent, pendant qu'un cinquième, celui qui l'a appelé, le poignarde entre les côtes, puis dans l'estomac, enfin à l'épaule. Il fait le mort. Alors ils le transportent dans une pièce très froide et le placent dans une cuve déjà pleine de cadavres.

 

A l'Université de cette ville côtière des Caraïbes, le lendemain, la police trouve, dans des cuves remplies de formol, dix cadavres: Les victimes sans exception, étaient des indigents sans papiers, vivant [...] du recyclage, tous décédés de traumatisme crânio-cérébral et de blessures à l'arme blanche. Comme Wilfrido Soto...

 

Des cuves sont retirés, outre les dix cadavres, quatre crânes encore couverts de lambeaux de peau, vingt-trois membres inférieurs, huit membres supérieurs, trente-deux foies ou morceaux de foie, des viscères, une vingtaine de côtes et des centaines d'osselets... Mais ne s'agit-il pas d'une faculté de médecine?

 

Après deux jours d'investigation, ce qui n'était au début qu'une agression de quelques gardiens contre un indigent [menace] maintenant de tourner au scandale national en pleine liesse populaire. Parce que cette investigation révèle un trafic d'organes qui bénéficie de connivences entre la finance et la politique:

 

Les financiers disent quand et sur qui il faut tirer. Les politiciens exécutent...

 

Un des personnages du livre dit à la fin: Nos démocraties sont des façades qui dissimulent les réalités brutales du capitalisme... Mais ne faut-il pas entendre par là ce qu'il faut bien appeler capitalisme de connivence? Ce capitalisme dévoyé qui demande au législateur de faire des lois à ses convenance et profit:

 

Les lois prolifèrent comme des cellules cancéreuses, semant dans leur sillage des prisons qui jamais ne se vident, ajoute le même personnage...

 

Au début du livre le narrateur, vingt-cinq ans après les faits, explique pourquoi il les relate. C'est pour lui une tentative de réparation. Il n'en attend pas une forme de rédemption, mais bien plutôt l'accomplissement d'un devoir trop longtemps repoussé: il aurait dû le remplir à l'époque, mais le courage lui a fait défaut...

 

A la fin du livre le lecteur apprend qui est le narrateur et comprend ce qu'il voulait dire dans son avertissement: Ce drame fut pour moi un moment de vérité. J'y ai gagné à bon compte une certaine considération. Avec la carrière et le prestige qui l'escortent habituellement. Mais j'y ai laissé aussi un morceau d'âme...

 

Francis Richard

 

Et le mort se mit à parler, Pierre Béguin, 216 pages, Bernard Campiche Éditeur

 

Livre précédent:

 

Condamné au bénéfice du doute (2016)

Partager cet article
Repost0
2 décembre 2017 6 02 /12 /décembre /2017 17:40
Sa préférée, de Michaël Perruchoud

Il y avait l'aînée, la plus solide, la plus habile, et puis la cadette toute frêle, avec sa foulée légère et son sourire. Pourquoi aime-t-on toujours la plus fragile? Parce que l'amour est l'inverse de la sélection de l'espèce.

 

Au moment de la grande famine, pourtant, c'est la cadette, une gamine courageuse, douce, Sa préférée, que la mère abandonne dans la rue, ne lui laissant que son amour, tout son amour, jusqu'à ce qu'on se revoit...

 

La mère et l'aînée vont vivre ensemble pendant des années, avec le souvenir empoisonné de la cadette disparue. Une mère peut-elle expliquer à son aînée, qui aimait tant sa soeur, qu'elle l'a sacrifiée pour elle?

 

Oui, elle le peut: Si je t'avais laissée toi, je n'aurais jamais pu me pardonner. Elle, c'était me punir, elle, c'était parce que je ne pouvais pas faire autrement. Toi... Mon Dieu, toi, j'aurais été plus coupable encore...

 

Quand la vie reprend le dessus, la mère se met en quête de retrouver sa cadette. Et cela dure pendant des années, avec pour conséquence de compromettre l'existence de l'aînée, sûrement promise à un bel avenir.

 

Alors qu'elle a fait de brillantes études, elle épouse Roman bien qu'elle ne veuille pas se réfugier dans son ombre; devient, malgré qu'elle en ait, sa femme au foyer; lui fait des enfants, quatre, pour calmer ses peurs.

 

La cadette n'est pas morte. La mère le sait au fond d'elle-même. Tout ce qui s'est passé avant qu'elle ne soit abandonnée par la mère à cinq ans, elle l'a effacé de sa vie et ne veut surtout pas le savoir: elle n'en a pas besoin.

 

La cadette, après sa rencontre avec la musique, à sept ans, s'est obstinée, en dépit de sa faible constitution, à faire du chant son travail, si bien qu'au bout de quelques décennies la réputation qu'elle a acquise la fait vivre.

 

La cadette est devenue une dame. Elle s'en est sortie toute seule, comme la mère le pressentait. Or, un jour, l'aînée, gagnée par l'obsession de la mère qui se meurt, la croise et, cette fois, elle n'a plus de doute:

 

Je t'ai vue entrer chez la couturière. Comme les autres fois, les images se superposaient à quelques instants d'enfance. Mais là, il y avait quelque chose de plus, ce n'était pas juste une ressemblance. [...]C'était toi...

 

Les trois femmes du livre de Michael Perruchoud s'aiment. La vie les a cruellement séparées. Le lecteur, jusqu'au bout, se demande si les deux, que le passé tourmente depuis, retrouveront celle qui veut surtout l'oublier...

 

Francis Richard

 

Sa préférée, de Michaël Perruchoud, 152 pages, L'Âge d'Homme

Partager cet article
Repost0
30 novembre 2017 4 30 /11 /novembre /2017 23:00
Le Dragon de Gérimont (Gérimont XII), de Lefter Da Cunha

Le cycle de Gérimont, qui se passe après la Montée, sous-entendu des eaux, c'est-à-dire dans la post-modernité, doit comporter en tout douze volumes, dix signés par Stéphane Bovon, un par Karl-Reinhardt Übersax-Müller et un autre par Lefter Da Cunha, l'un des personnages du cycle...

 

Lefter Da Cunha, Policier, doit élucider une série de meurtres commis à Grion, dans le pays de Gérimont, deux ans après le départ de son roi, Louis Moray. Il s'agit donc cette fois d'un récit policier pur jus. Or très vite le lecteur apprend que les meurtres sont inspirés d'un livre antédiluvien.

 

Ce livre a été trouvé dans les toilettes femmes du Vieux Villars, une auberge du lieu, où se réunissent les protagonistes de ce volume XII. Ce livre n'est autre que Le Dragon du Muveran de Marc Voltenauer, dont j'ai dit ici le plus grand bien et dont Lefter Da Cunha ne dit pas vraiment du bien...

 

Il n'en dit pas du bien non pas parce que c'est un livre interdit et qu'il doit en raison de sa fonction faire respecter la loi sévère en la matière: à Gérimont, seuls les Cent Livres sont autorisés. Lefter Da Cunha en donne d'ailleurs la liste en début de volume, avec indication des âges requis pour les lire.

 

Non, après avoir commencé à le lire, assez laborieusement, il en fait cet éloge assassin: J'ai tout de suite ressenti une affinité avec l'auteur car, comme moi, il s'exprime platement et avec lourdeur, mais une lourdeur sincère, entière, celle des témoins d'événements qui dépassent les hommes...

 

Quoi qu'il en soit le Dragon de Gérimont s'inspire clairement du Dragon du Muveran. Le tueur de l'un s'inspire du tueur de l'autre. Les similitudes se retrouvent dans leurs modes opératoires et dans les citations prétendument bibliques qu'ils laissent visiblement sur les lieux de leurs crimes.

 

Lefter Da Cunha doit trouver le coupable, mais, comme il peine à lire le roman policier de Voltenauer et qu'il lui préfère d'autres lectures, il ne tire pas les avantages que devrait lui apporter ce livre prophétique, lequel lui est d'ailleurs dérobé par le tueur qui ne veut pas interrompre sa série.

 

Pour résoudre l'énigme Lefter a la bonne idée d'enregistrer les conversations des protagonistes au Vieux Villars sur son enregistreur-cassette, du moins quand les piles ne sont pas usées... C'est en effet en les réécoutant qu'il va découvrir qui est le meurtrier en série, dont le mobile laisse joyeusement pantois...

 

Ces conversations, indépendamment de l'intrigue, sont très couleur locale et les expressions utilisées par les personnages pour le moins pittoresques. Elles créent une toile de fond baroque et réjouissante à des événements qui ne le sont pas...

 

A son clavier défendant, l'auteur, avec cette parodie d'un livre à succès qu'il dénie, lui rend cependant un hommage involontaire, puisqu'il y a trouvé matière au sien.

 

Francis Richard

 

Le Dragon de Gérimont (Gérimont XII), Lefter Da Cunha, 156 pages, Hélice Hélas

 

Le Cycle de Gérimont:

 

Par Stéphane Bovon:

 

Gérimont Olivier Morattel Editeur (2013), Hélice Hélas (2017)

La lueur bleue (Gérimont II) Olivier Morattel Editeur (2014)

Les deux vies de Louis Moray (Gérimont III) Olivier Morattel Editeur (2015)

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
  • Contact

Profil

  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.

Références

Recherche

Pages

Liens