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14 septembre 2023 4 14 /09 /septembre /2023 22:25
La fille aux abeilles, de Monique Rebetez

Mon père est mort le 23 novembre 1988. On le trouva au petit matin, au volant de sa voiture, dans un ravin. Le taux d'alcool dans son sang était à presque deux pour mille. L'accident eut lieu le lendemain de la chute de ma mère dans les escaliers. Ils sont morts [le même jour] à quelques heures d'intervalle.

 

Léo, le narrateur, né le 12 avril 1981, devient orphelin ce jour-là. Il est élevé par ses grands-parents maternels, Paul et Annie. Mais c'est son oncle Laurent, qui, à 20 ans, deux ans plus tard, sera son tuteur.

 

Léo s'est toujours interrogé sur la curieuse disparition simultanée de ses deux parents. Or, bien longtemps après le drame, à 36 ans, il va faire opportunément des découvertes sur les lieux où leur destin s'est joué.

 

Avant que ne soit démolie leur maison, sise dans une cité pénitentiaire fermée en 2011, ce 8 juin 2017, il y fait une dernière visite, trouve dans une commode un ruban et dans un cahier une coupure de journal:

 

Cinq lignes en-dessous [d'une photo en noir et blanc] ce titre: "Sixième 8000 sans oxygène pour Matassa".

 

Il y a peu de chance que son père Walter ait eu connaissance de cet article. Il sent qu'il est tombé sur un élément important. Ses recherches le conduisent en Sicile pour y rencontrer l'alpiniste Giovanni Matassa.

 

L'histoire de Léo que raconte Monique Rebetez se passe donc en Sicile, dans l'ombre de la mafia, avec des retours en arrière en Suisse, à Bâle, où la tragédie initiale s'est produite et où il habite une colocation.

 

Léo est divorcé. C'est Nadia qui a rompu, après une pause. Ils se partagent dès lors leur fils Maxime, 7 ans, qui passe avec lui ses vacances et ses week-ends, une situation qui ne favorise pas sa vie amoureuse...

 

La fille aux abeilles? L'auteure ne dévoile son identité qu'à la fin. Par révélations successives et subtiles, les yeux de Léo se dessillent sur les secrets de famille qui lui ont été celés pendant des décennies.

 

Dans un film québécois qu'il a vu avec Nadia, Léo a entendu cette phrase: La mort, c'est jamais la fin d'une histoire. Une fois élucidée celle de ses parents, il peut dire enfin que c'est le début de la sienne.

 

Francis Richard

 

La fille aux abeilles, Monique Rebetez, 192 pages, Favre

 

Livre précédent:

 

Passage de la Déroute (2018)

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13 septembre 2023 3 13 /09 /septembre /2023 22:00
Besoin de lumière, de Michel Moret

Tout le monde, à tout âge, est, ou devrait être, en Besoin de lumière. Après le succès inattendu de Ceux qui rient sont ceux qui savent, Michel Moret remet l'ouvrage sur le métier.

 

À l'aide de douze textes courts, il donne un éclairage sur ce besoin, en ayant recours à la fiction. Dans le préambule du livre, il explique pourquoi il emprunte cette voie d'auteur:

 

[La littérature] est l'une des choses les plus importantes de la vie puisqu'elle permet de se rapprocher du réel absolu.

 

Dans Lumière de l'homme, Armando réalise qu'il a plus de temps libre que ses ancêtres, mais qu'en fait-il? Sait-il ce qui est bon pour lui? Si oui, il fera quelque chose de sa vie.

 

Dans Le Temps des roses, le narrateur se promène avec Samantha. Il est victime de la jalousie de la femme de l'ex de son amoureuse et conclut: Il n'y a pas de roses sans épines...

 

Dans Femmes lumière, le narrateur évoque avec son ami Adrien, les femmes qui ont embelli leur vie et les ruptures qui, au fond d'eux, leur ont infligé une blessure secrète:

 

Une blessure qui nous humanise et qui nous rappelle que nous aussi, nous avons infligé des blessures à autrui.

 

Dans Fleurs de lupanar, Julien devenu veuf y fait son deuil par des échanges répétés avec Carla. Un jour, il lui offre des fleurs, mais, du coup, leur affaire se termine sans mot dire. 

 

Dans Liaison délicate, la narratrice écrit à son amant, qui est son Cher abbé, pour lui dire qu'elle a transgressé tous les codes de la morale pour l'aimer avec ardeur et le confesser...

 

Dans Tous feux éteints, le narrateur parle de ruptures où les histoires d'amour sont comparées à des incendies qu'il est bien difficile d'éteindre sans succomber alors à la culpabilité.

 

Dans La Maison du hasard, Jean n'a pas d'héritier direct: il fait son testament pour qu'après sa mort ses biens soient répartis entre les personnes qui ont jalonné et embelli sa vie.

 

Dans Insupportable liberté, Yves, divorcé, la cinquantaine, souffre de solitude. Il est libre, mais ne le supporte plus, cherche l'âme soeur après avoir fait son examen de conscience:

 

Tout est possible dans l'existence, y compris le meilleur.

 

Dans Les escargots de Pauline, qui s'ébattent dans son jardin, le narrateur compare leur art de vivre et d'aimer à celui de sa maîtresse, lascive et dont la science fait durer le plaisir.

 

Dans J'irai méditer sur vos tombes, les utilisations de tombe laisse le narrateur rêveur. Il ne s'illusionne pas sur l'au-delà. Avant de prendre congé, il tombe dans les bras de sa Belle:

 

Quelqu'un a dit que l'amour était plus fort que la mort. Profitons-en.

 

Dans Pensées crépusculaires, l'auteur ne se montre guère optimiste. Il y fustige ses bêtes noires, mais il dit aussi, en véritable humaniste, que la plus belle chose du monde c'est:

 

Le rayonnement d'un visage humain.

 

Tous ces articulets - l'auteur emploie le mot pour désigner l'un des douze - mettent les personnes dans des situations humaines, trop humaines, où l'absence de spirituel leur nuit...

 

Le Besoin de lumière qu'elles ressentent ne peut être satisfait que grâce à la spiritualité, qu'ils la trouvent ou pas dans une religion de leur choix, ce que l'auteur laisse entrevoir.

 

Francis Richard

 

Besoin de lumière, Michel Moret, 80 pages, Editions de l'Aire

 

Livres précédents:

 

Le vieil homme et le livre (2021)

Ceux qui rient sont ceux qui savent (2022)

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12 septembre 2023 2 12 /09 /septembre /2023 21:50
L'échiquier, de Jean-Philippe Toussaint

J'attendais la vieillesse, j'ai eu le confinement.

 

Telle est la première case de L'Échiquier. Car ce livre de Jean-Philippe Toussaint comprend soixante-quatre textes comme autant de cases d'un échiquier. Il n'aurait pas été écrit sans le confinement. Ce n'est pourtant pas un énième livre sur la pandémie de Covid-19, pendant laquelle l'auteur se sera tissé un cocon d'écriture:

 

Ce que la crise nous apporte, qu'on le veuille ou non, qu'on s'en réjouisse ou pas, c'est une occasion unique.

 

Comment qualifier un tel livre? Il y a l'embarras du choix et Jean-Philippe Toussaint lui-même ne choisit pas. C'est en même temps un journal intime, une autobiographie, une introspection, un livre de réflexions sur la vieillesse qui vient, avec pour fil d'Ariane le jeu d'échecs qui aura occupé une grande place dans sa vie:

 

Je voulais que ce livre traite autant des ouvertures que des fins de partie.

 

Comme dans le jeu d'échecs, les cases où ce livre se joue n'ont pas la même importance, ni en dimension ni en signification. Les angoisses du présent y font remonter à la mémoire celles du passé. Le confinement qui aurait dû lui faire entrevoir les grandes mutations à venir le ramène toujours à son enfance et son adolescence.

 

Installé dans le confinement, il avance dans son autre projet d'écriture, une traduction de Zweig, parce qu'il a du temps disponible. Qu'il met également à profit pour s'interroger sur sa vocation d'écrivain, accomplie avec la bénédiction de son père qui aurait sans doute moins accepté que son fils un jour le batte aux échecs...

 

Pour lui, les échecs, qui sont le sujet de son premier roman, et la littérature ont partie liée. La nouvelle de Zweig qu'il traduit parallèlement est aussi sur les échecs. Selon ce perfectionniste, la vocation de la littérature n'est pas de raconter des histoires; l'écrivain n'a pas non plus à délivrer de message; la littérature est un art:

 

Dans le meilleur des cas, il peut se dégager d'un livre une vision du monde, un rythme, une énergie, et un échange d'intelligence et de sensibilité peut s'opérer entre l'auteur et le lecteur.

 

Dans ce livre inclassable, l'auteur essaie de mettre au jour quelque chose d'enfoui, pour délier en [lui] quelque chose de noué. Il s'y emploie avec une autre méthode de connaissance de soi que l'écriture romanesque et joue une partie subtile où le lecteur touche du doigt pourquoi il n'est pas devenu joueur d'échecs, mais écrivain.

 

Francis Richard

 

L'échiquier, Jean-Philippe Toussaint, 256 pages, Les Éditions de Minuit

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Nue  (2013) 

Football (2015)

La clé USB (2019)

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9 septembre 2023 6 09 /09 /septembre /2023 19:25
Trois âmes soeurs, de Martina Clavadetscher

Notre plus grand pouvoir est celui d'inventer.

 

Cette vérité n'est pas réservée à l'invention littéraire, elle est comme une loi de la nature humaine. C'est elle qui permet au genre humain d'échapper aux contraintes de son environnement.

 

Dans ce roman, Trois âmes soeurs ont fait cette découverte. Il se trouve que ce sont des femmes qui, au cours des deux derniers siècles, sont en quête d'une liberté qui leur a été ôtée.

 

Iris vit à notre époque. Dans un penthouse new-yorkais, lors de rendez-vous à six heures et demie, elle raconte des histoires, à deux dames, Godwin et Wollstone, qui lui sont tout ouïe.

 

Avant de revenir à celle d'Ada Augusta Lovelace, qu'elle évoque seulement et qui, à l'époque victorienne, eut une folle vision qu'elle décida de suivre, elle commence par celle de Ling.

 

Ling travaille dans une usine qui fabrique des poupées, mais des poupées dont les corps immaculés ont des formes féminines et qui sont envoyées aux clients après avoir été conditionnées.

 

La pose de leurs têtes est la dernière étape. À ces machines anthropomorphes, il ne manque plus que la parole. Ling participe, sous la supervision de Nian, au développement d'un prototype.

 

À cette poupée de nouvelle génération, que Nian a baptisée Harmony, il s'agit en fait d'inculquer des combinaisons langagières pour qu'elle apprenne, jusqu'à ce qu'elle devienne autonome.

 

Ada, fille de Lord Byron, a fait la connaissance d'un inventeur d'une machine grandeur nature: il en étudiait une autre, une machine à penser, et lui avait proposé d'y apporter contribution.

 

Ada avait travaillé pour la postérité, car elle ne devait pas bénéficier, à son époque, de reconnaissance. Ling prendra le relais et donnera son prénom à son humanoïde intime et personnel. 

 

Pour Éric, le compagnon d'Iris, ces histoires sont terribles: il est possible de ne pas subir d'emprise en inventant, le meilleur chemin pour se réveiller dans un espace autre et totalement libre:

 

Les choses sont en mouvement. Toutes les choses.

Hommes et bêtes, plantes et champignons, planètes et étoiles.

Parce que tout vit.

 

Francis Richard

 

Trois âmes soeurs, Martina Clavadetscher, 272 pages, Zoé (traduit de l'allemand par Raphaëlle Lacord)

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7 septembre 2023 4 07 /09 /septembre /2023 19:50
Frères, d'Alexandre Jardin

Redécouvrir Emmanuel, le tirer de l'effacement, c'est donner son vrai nom à la liberté. Trois décennies après son exécution, je suis endeuillé de sa joie, veuf de notre tendresse.

 

Emmanuel Jardin, le grand frère d'Alexandre, s'est donné la mort le 11 octobre 1993, il y aura bientôt trente ans. L'approche de cet anniversaire lui a donné le courage de faire un livre sur leur fraternité.

 

Emmanuel est plus âgé qu'Alexandre de quelque trois ans. Parler publiquement de lui après tout ce temps est une manière d'exorciser sa disparition, qu'il aurait dû et pu empêcher, il en est encore persuadé:

 

Seule l'écriture rend le dernier mot face au réel glaçant et dégrippe l'âme. Mais j'écris moins pour révéler la connaissance fragile que j'ai d'Emmanuel que pour approfondir son mystère.

 

Le portrait qu'Alexandre Jardin trace de son frère depuis leur enfance jusqu'à sa mort tragique est contrasté, parce qu'Emmanuel est à la fois son opposé et son semblable, son anti-moi et tellement lui.

 

Il reste ambivalent face à ce frère tant estimé, tant oublié, tant critiqué, tant nié crétinement et condamné pour cette scène poisseuse d'abus sexuel, mais par ailleurs tant admiré pour sa poésie subtile.

 

Frères est le récit de leurs différences, Alexandre étant d'accord avec la vie et Emmanuel avec la mort, et de leurs similitudes, étant tous deux, comme tous les membres de la tribu Jardin, des extravagants:

 

Nés de cinglés, nous nous croyons du sang des héros, de celui des dieux voués à trottiner sous les étendards de la gloire.

 

Ce qui permet de surmonter la fripouillerie du destin qu'est la mort, de même que les sombres secrets que ce récit révèle sur le clan Jardin, c'est l'amour que les deux frères tiennent en haute estime.

 

Emmanuel est le frère mort, Frédéric, le vivant, dont Alexandre fait l'éloge funèbre anticipé: il laissera une empreinte alors que lui laissera des traces. S'il le veut, il dînera avec lui le 11 octobre prochain:

 

À table, nous ferons dresser trois couverts, dont un pour toi. Tu auras ta place, Emmanuel.

[...]

Ce soir-là, on sera des frères.

 

Francis Richard

 

Frères, Alexandre Jardin, 170 pages, Albin Michel

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Laissez-nous faire!, Robert Laffont (2015)

Le roman vrai d'Alexandre, Éditions de l'Observatoire (2019)

Française, Albin Michel (2020)

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6 septembre 2023 3 06 /09 /septembre /2023 18:45
Un vélo pour Noël, de Pierre-Yves Maillard

Ce ne sont pas des mémoires, juste des histoires. Elles sont vraies, autant qu'un souvenir peut l'être. Je les ai vécues ou entendues de proches, qui m'ont aidé à les préciser. Elles m'ont marqué, instruit, alors j'ai eu envie de les raconter.

 

Dans l'avant-propos, dès la première phrase, Pierre-Yves Maillard annonce ce qu'est Un vélo pour Noël. Même si le lecteur n'a pas la même philosophie de la vie que lui, il ne peut qu'être intéressé, s'il est humaniste, par ce qui l'a marqué et instruit pour qu'il devienne le syndicaliste et l'homme politique socialiste qu'il connaît.

 

Car, au fond, on ne connaît que très peu de choses d'un homme tel que lui. On ne connaît que ce qu'en disent les médias et ce qu'on a pu retenir de manière bien imprécise de ses déclarations publiques. Raconter d'où il vient, les études et les rencontres qu'il a faites, est on ne peut plus révélateur de ce qui le fonde et de ce qu'il est.

 

Son grand-père maternel, Yves, est parti de chez lui à quatorze ans après avoir frappé le régent de son école. Xavier, dont le père a le plus gros domaine de la région, lui donne un jour sa chance alors qu'il est domestique chez de vieux paysans du village de son frère. Il devient le neuvième enfant de la famille, puis le gendre.

 

Si sa mère a des origines paysannes, celles de son père sont ouvrières. Son grand-père paternel, Alfred, qu'il n'a pas connu, maçon devenu contremaître, était un syndicaliste, mais chrétien. Aussi Pierre-Yves Maillard a-t-il eu une enfance entre ouvriers et paysans, dont la rivalité était réelle, mais qui s'est peu à peu estompée:

 

Je suis de ce monde du travail.

 

Pierre-Yves Maillard a habité le canton de Vaud, dans les quartiers populaires et immigrés, mais il a continué à fréquenter la campagne et son village d'origine dans le canton de Fribourg, pendant les vacances et les week-ends. Il était en quelque sorte étranger dans les deux lieux et a appris à ne pas juger trop vite les autres:

 

C'est la connaissance concrète des gens entre eux qui affaiblit les préjugés, pas les discours moralisateurs.

 

Ayant fait des études universitaires, il en retire des savoirs et de fortes amitiés, qui aident à passer les phases de doutes et emplissent l'année de moments heureux. Et continue son voyage enrichissant dans la société, acquérant un tour d'esprit sceptique, dans lequel il ne se laisse pas enfermer: il faut des convictions pour agir.

 

Comme son père, il respecte ceux qui reçoivent peu de la société et lui donnent beaucoup, constate que le travail rassemble et que les identités ont un pouvoir de division, en conclut que la seule force des perdantes et des perdants de toujours au casino truqué de notre système économique est l'union, se lance dans les combats.

 

Un tiers du livre est consacré à des récits de combats: ma cause, ce sera le service de ma classe sociale, se dit-il à la fin de ses études. Il n'est pas étonnant qu'il ne voie dans celle des entrepreneurs que poursuite de plus-values et de profits ou mauvaise gestion: il faut donc maintenir des emplois ou obtenir des plans sociaux.

 

Dans ces Petites histoires de la classe ouvrière, il serait injuste de ne pas reconnaître dans ses héros, hommes et femmes, du courage, de la détermination et de l'organisation. Ils ne font grève qu'en dernier ressort et font de réelles propositions d'amélioration et de développement quand ils sont possibles: on est bien en Suisse...

 

Mais le casino truqué dont l'auteur parle est une caricature du capitalisme qui est surtout prises de risques et qui, quand il n'est pas entravé par l'État et ses réglementations, ou quand il n'est pas de connivence avec les politiques, génère progrès et libertés comme l'histoire des deux derniers siècles le montre abondamment.

 

Francis Richard

 

Un vélo pour Noël, Pierre-Yves Maillard, 212 pages, Éditions de l'Aire

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1 septembre 2023 5 01 /09 /septembre /2023 22:55
Tombola, de Jérémie Gindre

Ce recueil de sept nouvelles porte bien son titre, qui n'est pas celui de l'une d'entre elles. Sept jeunes femmes y participent à un voyage bien préparé (dans un but précis), mais qui se révèle imprévisible, comme une Tombola.

 

Zita est ébéniste et habite Gap1 avec Karim. En ce mois d'avril, elle décide de partir faire une randonnée au départ de Rabou jusqu'au plateau de Bure où depuis la fin des années 1980 un observatoire astronomique est installé.

 

Karim lui reproche souvent de ne pas choisir le bon moment pour faire les choses. Le fait est que la météo n'est pas celle qui était prévue et qu'elle interprète mal le sifflet entendu lors de son ascension solitaire et éprouvante...

 

Willa a la bonne ou mauvaise idée de se lancer sur des traces de ses parents, trouvées sur l'ordinateur maternel: sur une photo, relativement récente, ils posent nus et elle découvre que c'est au cercle de pierres de Castlerigg 2.

 

Sur place, elle rencontre des touristes, une mannequin sud-coréenne qui pose pour une marque de montres, un homme propriétaire d'un lévrier qui n'a pas plus de nom que son maître: le souvenir de ses parents lui échappe...

 

Espe(ranza) est peut-être la seule de la famille à aimer se rendre au chalet. Elle n'est pas venue depuis octobre. En le quittant elle a respecté les instructions dont la liste a été dictée par son père à sa mère. Mais ça n'a servi à rien.

 

Un sapin est tombé sur le chalet. Que peut-elle y faire, au milieu de nulle part, où l'on n'accède qu'à pied? Heureusement, un voisin bienveillant vient à son aide, mais ce n'est pas le seul imprévu naturel auquel elle est confrontée...

 

Anna travaille au Ranch des Rapaces, qui n'est pas un ranch comme les autres puisqu'il s'agit d'un parc animalier, dans le Jura bernois, où faucon pèlerin, buse, chouette lapone, vautour urubus ou grand-duc tiennent la vedette.

 

Après le spectacle de fauconnerie, à la fin de la journée, comme il pleut, plutôt que de partir en scooter pour aller prendre son train, un collègue lui propose de la raccompagner et ils s'arrêtent à la kermesse du village: fatale erreur...

 

Christine, Venise et Joanne sont trois amies parties de Montréal. Leur destination, à vélo, est d'aller voir des baleines, après avoir parcouru de hauts lieux touristiques. Bientôt elles ne sont plus que deux, Christine devant rentrer.

 

Une enfant de celle-ci est malade. Puis c'est au tour de Joanne de connaître des tribulations, qui ne la font pourtant pas renoncer à aller au bout, en dépit de sa mésentente avec Venise qui n'est pas son amie, mais celle de Christine...

 

Une crise a tenu séparés Saskia et son père, Wim, pendant des années. Elle est venue, pour discuter, se réconcilier: Mais par où commencer? Par les reproches ou par les explications? Les excuses d'abord ou les accusations?

 

Saskia ne trouve pas le bon moment. Au contraire les comportements de son père l'indisposent. Il faut qu'un événement inattendu se produise sur un lieu où son père travaille pour que, écoutant son coeur, elle se précipite vers lui...

 

À la bibliothèque, Cherline et Brad sont chargés de composer une présentation dans les vitrines du hall d'accueil, sur le thème, ce mois-ci, des chutes du Niagara, ce qui ne les inspire guère, bien qu'ils y soient allés l'un et l'autre.

 

Brad invite Cherline à voir chez lui le film Niagara 3 (avec Marylin Monroe), qu'elle n'a jamais vu, ce qui la plonge dans ses souvenirs du lieu, avec sa tante et sa cousine venues de Haïti, qu'elle avait bien volontairement occultés... 

 

Jérémie Gindre emmène le lecteur dans des lieux différents, qui ont en commun de le dépayser - faune et flore y jouent un rôle singulier et bien décrit -, et de le faire réfléchir sur les aléas de l'existence, qui n'épargnent personne.

 

Francis Richard

 

Tombola, Jérémie Gindre, 176 pages, Zoé (sortie en Suisse le 31 août 2023)

 

1 - Dans les Hautes-Alpes

2 - Au Royaume-Uni

3 - 1953

 

Livres précédents chez le même éditeur:

 

Pas d'éclairs sans tonnerre (2017)

Trois réputations (2020)

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23 août 2023 3 23 /08 /août /2023 20:30
Psychopompe, d'Amélie Nothomb

Psychopompe: Conducteur des âmes des morts. (Larousse)

 

En faisant du grec ancien, la narratrice de ce roman, dont le titre vient de ce substantif, se rend compte qu'elle en est un. Mais avant de s'en apercevoir, elle explique que sa vocation d'écrivain lui vient de son observation des oiseaux.

 

Elle commence d'ailleurs son récit d'alter ego d'Amélie Nothomb (elle a écrit les mêmes livres qu'elle et son père se prénomme Patrick comme le sien) par un conte traditionnel nippon où un oiseau révélait à l'homme sa bassesse.

 

Au cours des pérégrinations de son père diplomate, elle raconte l'attention qu'elle leur porte et, plus particulièrement, à leurs chants et à leurs vols. De cette observation elle conclut très jeune que l'oiseau [est] la clé de [son] existence.

 

Voler la fascine par la patience que cela a supposé, qu'elle explique par le désir: Depuis l'apparition du dinosaure jusqu'à celle du premier dinosaure volant, que l'on appelle archéoptéryx, s'écoulèrent quatre-vingts millions d'années.

 

Très tôt elle lit des livres d'ornithologie qui lui ont été offerts et qui la confortent dans son obsession aviaire. Cette obsession est telle qu'elle cherchera à s'inventer une manière de voler. En attendant, son caractère aura été influencé:

 

La contemplation perpétuelle d'un être furtif m'enseigna l'art d'aimer l'insaisissable.

 

Sa manière de voler, elle va la trouver en devenant psychopompe d'elle-même, un oiseau psychopompe qui aura échappé un jour aux mains de la mer et se sera sorti d'une anorexie voulue pour s'alléger le squelette, comme le dinosaure:

 

Désormais écrire, ce serait voler. Je ne suggère pas que me lire soit un exercice d'altitude, je sais que quand j'atteins mon écriture, je vole.

 

Romancière, elle écrit tous les jours, tenant compte du paysage plus que du but. Écrire est un privilège absolu: il n'y a pas de grâce plus élevée. Ce n'est pas sans danger: L'écriture comporte l'énorme péril de la chute, parce qu'elle est un vol.  

 

Qu'ils soient publiés ou non, ses manuscrits incorporent la mort de plus en plus. Psychopompes, ils escortent sans prétendre abolir le fossé qui sépare un individu d'un autre: L'oiseau est parfait pour ce rôle, présence fraternelle et pudique à la fois.

 

Consciente de leurs imperfections et insatisfaite des résultats obtenus, elle conclut: La grande mission d'un oiseau consiste à approfondir son pouvoir psychopompe. J'en suis encore au stade du bricolage. Je n'ai pas dit mon dernier mot.

 

Francis Richard

 

Psychopompe, Amélie Nothomb, 162 pages, Albin Michel (sortie le 23 août 2023)

 

Livres précédents chez le même éditeur:

 

Le voyage d'hiver (2009)

Une forme de vie (2010)

Tuer le père (2011)

Barbe bleue (2012)

La nostalgie heureuse (2013)

Pétronille (2014)

Le crime du comte Neville (2015)

Riquet à la houppe (2016)

Frappe-toi le coeur (2017)

Les prénoms épicènes (2018)

Soif (2019)

Les aérostats (2020)

Premier sang (2021)

Le livre des soeurs (2022)

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21 août 2023 1 21 /08 /août /2023 19:30
Le vieil incendie, d'Elisa Shua Dusapin

Nos derniers échanges remontent à l'an passé pour son déménagement à Périgueux. Jusqu'alors elle avait vécu ici avec mon père, même après sa mort. Je l'ai aidée à distance. Le studio était déjà meublé, elle ne voulait rien emporter de notre maison d'enfance sans mon accord. Maintenant que la vente est signée, Véra comptait sur ma présence pour la vider.

 

Agathe, la narratrice, qui n'aime pas son prénom, et sa soeur Véra ont encore neuf jours, du 6 au 14 novembre, pour vider leur maison d'enfance sise dans un village périgourdin.

 

Agathe, partie à New-York, il y a quinze ans, quand elle en avait quinze, pour y poursuivre ses études de lycéenne, y est restée. Elle a trois ans de plus que sa soeur, aphasique.

 

Véra devait avoir six ans quand elle a perdu l'usage de la parole, à peu près au moment où leur mère les a quittés, elles et leur père, sans qu'il y ait de lien de cause à effet.

 

Agathe parle à Véra. Véra lui répond en pianotant sur le clavier de son téléphone. Aussi les dialogues sont-ils singuliers entre les deux soeurs, en raison du décalage, inévitable.

 

Depuis un remaniement parcellaire, leur maison n'est plus considérée comme la métairie du château voisin, le Pigeon Froid. Elle sera rasée pour faire place à un camping.

 

Le propriétaire du château, Gustave, souhaite en récupérer les pierres pour la réfection de son pigeonnier, qui a subi Le vieil incendie qui donne son titre à ce roman intimiste.

 

Agathe, devenue scénariste, s'isole de temps en temps pour écrire une adaptation de W ou le souvenir d'enfance, de Georges Perec dont le tournage est prévu dans deux ans.

 

Véra, qui s'ennuyait en boutique, se forme en stabilisation florale: elle fait des fleurs qui ne se fanent pas grâce à la chimie... Ce qui poussera Agathe à se renseigner sur le Net...

 

Remuer meubles, livres, vêtements, tous destinés à la décharge, fait remonter chez Agathe des souvenirs: n'avait-elle pas promis un jour à Véra qu'elle serait toujours là pour elle?

 

C'était sans doute aberrant. Le dernier jour Agathe ne sait pas comment dire à Véra combien elle l'aime, voudrait qu'au moins elle ne la déteste pas quand elle devra s'en aller... 

 

Francis Richard

 

Le vieil incendie, Elisa Shua Dusapin, 144 pages, Zoé (sortie le 22 août 2023)

 

Livres précédents:

 

Hiver à Sokcho (2016)

Les billes du Pachinko (2018)

Vladivostok Circus (2020)

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8 août 2023 2 08 /08 /août /2023 19:15
Les Vertueux, de Yasmina Khadra

Yacine Chéraga est le narrateur de cette histoire, qui se déroule sur un quart de siècle, de la Première Guerre mondiale à la Seconde, en Algérie puis en France, de nouveau en Algérie.

 

Il est l'aîné d'une fratrie composée de quatre filles et trois garçons. Son père Sellam est manchot, ayant perdu une main dans un duel: pour nourrir sa famille, il s'éclipse et mendie.

 

Un jour d'automne 1914, sa vie bascule. Le caïd Gaïd Brahim le fait chercher. Il lui recommande de remplacer son fils qui n'est guère vaillant pour aller combattre les Boches.

 

Il combattra sous le nom de ce fils, Hamza. Au retour, il sera célébré en héros, sera traité par le caïd comme son propre fils, aura des terres et sa famille sera dans l'aisance:

 

- C'est à toi de décider, mon garçon: la gloire et la fortune ou bien l'errance et la mouise pour les tiens.

 

Yacine n'a pas le choix et se retrouve avec une vingtaine de ses semblables dans un camp à Mostaganem, puis sur un bateau jusqu'à la terre de France, enfin sur le front à Verdun.

 

Il appartient au 2e Régiment de tirailleurs, les Turcos. Ceux qui s'en sortiront, comme lui, indigènes ou français, se souviendront, repartiront en Algérie pour de nouvelles déconfitures:

 

Si nous avons été égaux dans le martyre, l'Histoire ne retiendra que les héros qui l'arrangent.

 

Le lecteur devra retenir les noms et les caractères de ceux qui ont partagé leurs souffrances avec Yacine/Hamza. Car il les retrouvera tout au long de sa quête pour retrouver les siens.

 

Le caïd, en fait, l'a dupé. Personne ne le croira jamais quand il dira avoir été envoyé par lui à la guerre à la place de son fils et, naïf, il ne connaîtra dès lors que des tribulations.

 

Toutefois il faut nuancer le propos, parce qu'il fera de belles rencontres, qui, ajoutées à des retrouvailles avec certains de ses camarades du 2e RT, lui permettront de les surmonter.

 

Certes ceux qu'il rencontrera ne seront pas tous des saints, mais il y aura toujours en eux quelque chose de bon et/ou de sage qui lui permettra de ne pas douter de l'humanité.

 

Il ne croira pas - il revient de l'enfer et ne pense pas qu'il soit possible de connaître pire que ce qu'il a connu au front - la voyante qui, au milieu du récit, lui prédira son destin:

 

Les épreuves qui t'attendent sont injustes, mais tu les surmonteras. Tu souffriras le fer et le feu, tu dormiras sur les orties, tu saigneras dans les larmes et dans la sueur, mais tu connaîtras la paix lorsque tu te réveilleras.

 

Au milieu de tant de noirceurs, il reste fidèle aux principes que lui ont inculqués ses parents. Comme le lui dira une de ces personnes rencontrées, qui l'aidera dans ses recherches:

 

Tu es sincère, entier, pur, et ça, c'est pas prudent. On ne peut pas être trop près du bon Dieu sans se mettre à la merci du diable.

 

Au cours de ce récit plein de violences, où Yacine passe par des hauts et, surtout, beaucoup de bas, les amitiés et, surtout, l'amour de Mariem lui seront d'un grand réconfort:

 

Si je me suis cassé les dents à force de mordre la poussière, j'ai aussi rencontré des gens formidables et connu des instants de grâce qui m'ont, parfois, rendu le sourire. À moi de garder, de mon parcours de naufragé, ce que j'estime être essentiel pour mes vieux jours. En fin de compte tout se paie d'une manière ou d'une autre. L'honnêteté se paie très cher, mais elle finit par payer. Comme la patience, la foi dans ce qui est juste, le sacrifice et le don de soi. Quant aux torts que l'on commet, ils n'échapperont pas au retour de flamme, eux non plus. 

 

Francis Richard

 

Les Vertueux, Yasmina Khadra, 544 pages, Mialet-Barrault

 

Livre précédent chez Mialet-Barrault

 

Pour l'amour d'Elena (2021)

 

Livres précédents chez Julliard:

Khalil (2018)

Dieu n'habite pas La Havane (2017)

La dernière nuit du Raïs (2015)

Les anges meurent de nos blessures (2013)

L'équation africaine (2011)

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4 août 2023 5 04 /08 /août /2023 18:50
Il n'y a pas de Ajar, de Delphine Horvilleur

Nous sommes pour toujours les enfants de nos parents. [...] Mais nous sommes aussi, et pour toujours, les enfants des livres que nous avons lus.

 

Delphine Horvilleur naît l'année1Romain Gary commence à signer du nom de l'Autre, Émile Ajar. Ils ont cessé d'écrire l'année 2 où elle apprend à lire et à écrire.

 

Depuis des années, l'auteure lit Gary/Ajar; elle ne cesse d'y chercher une clé d'accès à [sa] vie, un passe-partout qu'un jour, un homme aux multiples identités a déposé.

 

Il n'y a pas de Ajar est Un monologue contre l'identité, où l'héritière de Gary/Ajar, refuse au fond qu'à un homme soit collé, ou qu'il se colle lui-même, une seule étiquette.

 

À l'instar de Gary/Ajar, en conséquence, elle dit notamment dans ce texte qu'il est permis et salutaire de juger un homme pour ce qu'il fait et non pour ce dont il hérite.

 

Ce monologue, résultat d'une véritable filiation littéraire, est tenu par Abraham, le fils caché d'Émile Ajar, qui n'hésite pas à se prévaloir de son certificat d'inexistence:

 

Je suis ce qu'il en reste.

 

Pourquoi ce monologue? Pour sortir de la binarité, un défi insurmontable. Peut-être, pour ce faire, ne faut-il donc pas croire que l'on n'est rien d'autre que ce que l'on est.

 

Le refus de Romain Gary de se laisser définir par une identité ou une seule définition de soi, pour l'auteure, qui est rabbin et connaît bien la Thora, a à voir avec sa judéité

 

En hébreu, Abraham précise d'ailleurs que le verbe être n'existe pas au présent. Il ne peut se conjuguer qu'au passé ou au futur: on peut avoir été ou être en train de devenir:

 

Tu as été et tu deviendras, mais tu es forcément en pleine mutation.

 

Francis Richard

 

1 - 1974

2 - 1980

 

Il n'y a pas de Ajar, Delphine Horvilleur, 96 pages, Grasset

 

Livres précédents:

Vivre avec nos morts (2021)

Réflexions sur la question antisémite (2019)

 

Sur Gary/Ajar:

Album Gary, Maxime Decout, La Pléiade (2019)

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19 juillet 2023 3 19 /07 /juillet /2023 19:45
Louise ou Madame Maigret, de Jacques-André Reymond

N'est-il pas incongru, presque inconvenant dans la société d'aujourd'hui, où se multiplient les voeux et les efforts d'égalité conjugale et de partage des tâches ménagères, de rendre hommage à une femme qui, sans état d'âme, a vécu heureuse dans le monde du patriarcat qui a régi les humains pendant des millénaires?

 

Jules Maigret, le personnage de Georges Simenon, n'aurait pu vivre heureux sans Louise: La vie sans elle n'aurait pas eu de sens. C'est dire l'importance de son rôle, qui justifie qu'elle ne soit pas oubliée. Que l'auteur parle d'elle.

 

2023 est le cent vingtième anniversaire de la naissance de Simenon, né un vendredi 13 (sic), de février 1903. Quel plus bel hommage, avec ce livre, Jacques-André Reymond pouvait-il rendre au créateur de Jules et Louise?

 

Simenon fut l'un des grands romanciers du vingtième siècle. Son oeuvre ne se limite d'ailleurs pas aux Maigret, i.e., regroupés en dix volumes chez Omnibus, tout de même 75 romans et 28 nouvelles publiés entre 1931 et 1972...

 

Jacques-André Reymond connaît bien Jules qui ne serait rien sans Louise, et réciproquement. Ce qui lui permet de mettre en lumière leur belle histoire d'amour sans enfants, qui est sans doute le grand chagrin de leur existence.

 

Dans ce livre, les imprécisions et les incohérences de Simenon, relevées par l'auteur, confirment qu'il attachait peu d'importance à assurer la rigueur de sa saga et que l'univers particulier qu'il avait créé était distinct du monde réel.

 

Comme Reymond est un lecteur attentif des Maigret, il s'inscrit en faux contre la déclaration de Simenon, lors de l'Apostrophes 1 du 27 novembre 1981, selon laquelle Jules aurait probablement trompé Louise mais qu'il n'en parle pas.

 

Il va même jusqu'à dire que les scènes plus ou moins suggestives que décrit Simenon dans certains de ses livres sont destinées, au contraire, à souligner l'abstinence vertueuse de Maigret. En fait Jules aime Louise tout simplement:

 

Au fil des romans, Louise prend de la consistance. À tous points de vue.

 

Louise est la femme de sa vie, une épouse parfaite. Elle tient un ménage impeccable. L'auteur soupçonne qu'en aimant cet homme timide mais vulnérable, elle s'est, peut-être inconsciemment, laissé guider par son instinct maternel...

 

Fort de sa connaissance profonde de la saga, l'auteur peut dire quels sont les amis du couple, qui il fréquente dans la société, comment il se distrait, qu'il se désintéresse des événements de l'époque, qu'il doit être catholique, sans plus.

 

L'auteur dit de Jules que son amour pour Louise est bourru, qu'il lui est fidèle et dévoué, de Louise, un peu maternelle, pas complètement dupe de ses humeurs, qu'elle lui offre un refuge de tranquillité, de normalité et de tendresse.

 

Francis Richard

 

1 - La célèbre émission littéraire de Bernard Pivot sur Antenne 2.

 

Louise ou Madame Maigret, Jacques-André Reymond, 80 pages, Editions de l'Aire

 

PS

J'ai une tendresse particulière, et subjective, pour Simenon, peut-être parce que je suis en train de suivre le même itinéraire existentiel: naissance en Belgique, milieu de vie en France, fin de vie en Suisse, qui plus est à Lausanne...

 

Livre précédent:

 

Souvenirs d'un enfant de Genève (2023)

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18 juillet 2023 2 18 /07 /juillet /2023 18:30
Un enfant sans histoire, de Minh Tran Huy

La vie de Temple sera le support sur lequel je m'appuierai pour évoquer Paul parce que tout en partant du même point que lui, elle a abouti à l'opposé.

 

La dédicace du livre de Minh Tran Huy est mystérieusement libellée ainsi: Pour Paul, qui ne lira pas ce livre.

 

Le livre est tout aussi mystérieusement construit ainsi: les chapitres sont intitulés Temple et Paul, alternativement.

 

Ceux intitulés Temple racontent l'histoire de Temple Grandin, ceux intitulés Paul l'absence d'histoire de son fils:

 

Dramaturgiquement parlant, Paul était dépourvu d'histoire.

 

Temple, tout comme Paul, partent pourtant du même point: ils sont tous deux diagnostiqués TSA, c'est-à-dire atteints de troubles du spectre autistique.

 

La grande différence est que l'une a fabuleusement évolué depuis son diagnostic et que l'autre pas; il est Un enfant sans histoire:

 

Le personnage principal, non seulement fait du surplace, mais ne communique que par images et ne dévoile rien de ce qu'il pense, au point que ses propres parents l'ignorent et se demandent même s'il pense.

 

La méthode pour sortir de leur mutisme est finalement la même, une fois que l'on a compris que l'autisme n'est pas dû  à un traumatisme psychologique.

 

Un autiste l'est non pas parce qu'il ne veut pas parler mais parce qu'il ne peut pas parler. Il faut donc lui enseigner scientifiquement ce que les autres enfants font et apprennent spontanément.

 

La grande leçon du livre est que tous les autistes ne sont pas égaux et que seul un petit nombre finit par apprendre ce qu'apprennent spontanément les enfants qui ne le sont pas, les neurotypiques.

 

L'autre leçon est que, même si la réussite n'est pas au bout du chemin, cet apprentissage vaut la peine d'être tenté, car, sans l'entreprendre, il est impossible d'en connaître l'issue.

 

Enfin, en dépit des difficultés que connaissent les parents avec leur enfant différent des autres, ils ne l'en aiment pas moins quand bien même ils échouent à lui apprendre à parler.

 

Quel que soit son handicap, physique et/ou mental, en conclusion, tout être humain est digne de vivre et d'être aimé. Merci donc à l'auteure de le faire comprendre aux ignorants.

 

Francis Richard

 

Un enfant sans histoire, Minh Tran Huy, 208 pages, Actes Sud

 

Livre précédent:

 

Les inconsolés (2020)

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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