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21 mai 2011 6 21 /05 /mai /2011 07:35

fukushimaSerait-il du dernier cri d'écrire un petit texte, plus grand qu'un article, moins long qu'un livre, pour exprimer ce que l'on pense d'un sujet ?

 

Emboîtant le pas de Stéphane Hessel, qui a tracé le chemin avec son Indignez-vous, Daniel de Roulet a écrit une vingtaine de pages sur le nucléaire, intitulées Tu n'as rien vu à Fukushima, publiées par Buchet-Chastel ici.

 

Le titre provient d'une réplique d'un acteur japonais à Emmanuelle Riva dans le film Hiroshima mon amour, laquelle y joue le rôle de la Française venue tourner un film. Cette réplique signifiait que le malheur, qui avait suivi le lâchage de la bombe américaine sur Hiroshima, ne regardait pas les étrangers et devait rester affaire strictement nippone.

 

Ces vingt pages prennent la forme d'une lettre écrite par l'auteur à une jeune japonaise, Kayoko, rencontrée tout juste un an auparavant à Tokyo. C'est l'occasion pour l'écrivain suisse Daniel de Roulet, militant anti-nucléaire de longue date, de succomber aux amalgames faciles que dénonce Claude Allègre dans son dernier livre [voir mon article du 19 mai 2011 sur Faut-il avoir peur du nucléaire ?].

 

Au moins ne sera-t-on pas surpris par l'ensemble des propos de l'auteur, qui verse dans le catastrophisme de bon ton chez ses semblables. Ce catastrophisme adopté, après l'accident survenu à Fukushima, par l'ensemble des médias, qui ne suscitent d'intérêt chez les lecteurs qu'en leur faisant peur, repose sur la double ignorance scientifique de ceux qui écrivent et de ceux qui les lisent.

 

D'avoir travaillé dans une centrale suisse, dans un service informatique, ne donne évidemment aucune autorité scientifique à l'auteur sur le nucléaire. Aussi est-il contraint de jouer davantage dans le registre du coeur que de la raison, en ne soulignant que les aspects négatifs d'une technologie énergétique qui aura pourtant fait au total moins de victimes que d'autres. La mémoire ne se fait-elle pas curieusement courte pour le besoin de certaines démonstrations ?

 

Quand un écrivain joue dans ce registre de l'émotion, il lui échappe bien évidemment des sentences propres davantage à séduire le lecteur par la force du verbe qu'à le convaincre par la réflexion. Ainsi Daniel de Roulet écrit-il cette phrase reprise partiellement en quatrième de couverture :

 

"Nous sommes pris à notre piège, nous avons collaboré à un système que nous savions porteur d'une mort atroce et nous n'avons eu qu'un courage intermittent pour nos propres idéaux."

 

Le propos de la missive de l'auteur s'y trouve résumé, y compris le sentiment de culpabilité que cultivent volontiers certains suisses.

 

Il va tout de même beaucoup trop loin pour demeurer crédible - il s'en rend compte d'ailleurs, ce qui n'est pas une excuse - quand il écrit :

 

"Je sais ce qu'il y a d'indécent à dire que les camps de concentration sont les monuments de la folie de la première moitié du XXe siècle et les centrales ceux de la démesure de sa seconde, mais c'est exactement ce que je ressens malgré - ou à cause de - l'ordre et la rationalité qui président à leur architecture."

 

Qui disait que ce qui est excessif est insignifiant ?

 

C'est pourquoi en dépit de qualités littéraires indéniables le lecteur, surtout s'il a vu à Fukushima autre chose que ce qu'y a vu Daniel de Roulet, se réjouira-t-il de ne pas avoir trop passé de temps à lire son opuscule, tant il est vrai que les meilleures plaisanteries macabres sont les plus courtes.

 

Francis Richard

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19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 21:25

Nucléaire AllègreClaude Allègre est un véritable scientifique, membre de l'Académie des sciences française, ce qui devrait être une référence, parmi d'autres, à son actif.

 

En tout cas, il ne laisse pas indifférent, parce qu'il n'a pas sa langue dans sa poche et qu'il n'hésite pas à prendre des positions à contre-courant des modes intellectuelles.

  

Quelle que soit l'opinion que l'on ait de lui, il est donc instructif de le lire parce qu'il manifeste une véritable indépendance d'esprit et que ses arguments de poids nourrissent les débats scientifiques auxquels il prend part.

 

Cela ne plaît évidemment pas aux conformistes de tout poil. Même si je suis loin d'être d'accord en tous points avec lui, cela me plaît [voir mon article du 30.12.2009 sur son livre La science est le défi du XXIe siècle].

 

Claude Allègre a écrit son dernier livre, Faut-il avoir peur du nucléaire ?, paru chez Plon ici, avec le journaliste Dominique de Montvalon, qui lui a posé les questions pertinentes que le citoyen lambda ne peut manquer de se poser sur le nucléaire depuis l'accident survenu à Fukushima.

 

L'ancien ministre français de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie souligne que la centrale nucléaire japonaise a résisté à un séisme de grande magnitude,  8.9 sur l'échelle de Richter, et que c'est un tsunami, et non pas une cause due à la technologie nucléaire, qui l'a endommagée et qui a provoqué un grand nombre de victimes.

Claude Allègre nous invite à raison garder tout au long de ce dialogue entre un scientifique et un journaliste, et s'en prend aux amalgames faciles, et dénués de fondements scientifiques, qui ont tout de suite été faits entre Fukushima et Hiroshima, en jouant sur leur consonance et sur l'émotion.

 

Le nucléaire militaire, autrement plus inquiétant que le nucléaire civil, constitue une véritable menace tandis que ce dernier présente un véritable risque, ce qui n'est pas la même chose. Pour fabriquer une bombe il faut de l'uranium très pur, ce qui n'est pas le cas pour réaliser un réacteur moderne.

Le professeur se fait pédagogue pour expliquer en termes simples, et à la portée du pékin moyen, ce que sont la radioactivité, les atomes et leur composition, électrons et noyaux, eux-mêmes composés de neutrons et de protons, les réactions nucléaires, les rayonnements - qui peuvent avoir des effets bénéfiques -, les isotopes, la fission nucléaire, les bombes...

Quels sont les véritables problèmes posés par le nucléaire ? Parlant des centrales françaises, Allègre répond :

"Ce ne sont ni les séismes ni les tsunamis comme au Japon qui menacent nos centrales. Ce sont les déchets et aussi le futur, mais c'est une question d'une autre nature.

 

Les déchets, parce que des solutions actuelles sont insuffisantes et que cette question reste préoccupante.

 

Le futur du nucléaire est lié aux réserves d'uranium et a sa place dans le problème général de l'énergie avec l'émergence de nouvelles technologies de production d'énergie."

 

Quel est donc l'avenir de cette technologie ? Il passe par "des filières nouvelles qui produisent moins de déchets et moins dangereux."

 

Allègre explique ainsi l'intérêt des surgénérateurs de petite taille, qui ont pour vertu de consommer 100 fois moins d'uranium et de réduire l'activité des déchets, mais qui posent encore le problème du refroidissement et de la sécurité de celui-ci. Dans cet esprit il évoque également le réacteur à thorium "dont on n'a pas encore construit de protype". 

A propos du projet ITER à Cadarache, Allègre ne mâche pas ses mots :

"Malheureusement pour l'instant, c'est une idée totalement chimérique. C'est un projet pour le siècle prochain."

Pour Allègre l'EPR est un réacteur classique modernisé et sécurisé, "excellent réacteur de transition entre les centrales actuelles et ce que sera la quatrième ou la cinquième génération."

Allègre résume ainsi le programme des écologistes qui veulent diviser par deux  la consommation de combustibles fossiles et supprimer le nucléaire :

"Nous nous sommes goinfrés, nos enfants doivent vivre d'une manière frugale."

Allègre constate que le chauffage des immeubles d'habitation et industriels représente 45% des dépenses d'énergie. Il faut donc isoler davantage, développer la géothermie et le photovoltaïque.

Il est convaincu que le nucléaire va donc rester essentiel ainsi que la production d'électricité, notamment dans les transports terrestres, mais que ce sera sous une autre forme, plus petite, plus facile à contrôler, et que les sources d'énergie seront diverses :

"Par exemple, on associera dans une ville donnée un petit réacteur nucléaire, un peu d'éolien, un peu de géothermie, peut-être aussi un peu de biocarburant, et on jouera sur chaque touche du piano."

 

Allègre passe en revue d'autres sources d'énergie :

 

- les combustibles fossiles qui n'ont pas dit leur dernier mot

 

- les gaz de schistes qui représentent déjà 20% de la consommation énergétique des Etats-Unis, mais qui suscitent des oppositions en Europe

 

- l'hydrogène qu'il faudrait pouvoir mieux préparer et stocker de manière sûre

 

- les éoliennes qui produisent une électricité chère et intermittente

 

Allègre conclut donc à propos du nucléaire :

 

"Il n'y a pas de raison d'avoir peur du nucléaire, il faut simplement bien le contrôler !"

 

N'est-ce pas sage ?

Francis Richard

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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 01:15

Les veuves de santiagoPublié il y a près de 50 ans, en 1962, Les veuves de Santiago est le deuxième roman de Jean Raspail., après Le vent des pins, qui se passe au Japon. S'il est à nouveau disponible aujourd'hui, il faut en remercier la préfacière, Anne Brassié, qui n'a eu de cesse d'obtenir l'autorisation de l'auteur de le rééditer, ce qui est chose faite depuis l'an passé chez Via Romana ici.

Avec ce grand voyageur qu'est Jean Raspail - dans mon jeune temps, j'ai assisté à ses conférences de Connaissances du monde -, le dépaysement est toujours au rendez-vous de l'univers romanesque, même lorsqu'il se passe en France. Cette fois, il nous transporte dans la puna, une région située dans la cordillère des Andes.

 

Santiago est le nom d'une hacienda de là-bas, dont les Maîtres depuis deux cents ans appartiennent à la famille Almagro. Ils règnent sur des villages d'Indiens quetchoas, chrétiens qui ont gardé des superstitions païennes. Ils ont des troupeaux de moutons et de vastes terres, sur lesquelles il n'est pas rare de voir passer des harems de vigognes.

 

Le roman commence par l'enterrement de Juan Almagro, grand consommateur d'alcool et d'Indiennes, comme son aïeul Hernando, tout en étant marié à la belle et blonde Aurora, qu'il considère comme une oie blanche et avec laquelle il se comporte comme un goujat pendant l'année que dure leur mariage, interrompu par sa mort. Il a en effet prématurément péri des mains de celui qu'il a tué lors d'un duel. S'il avait survécu, il aurait subi les foudres de la loi, représentée par un officier de la Guardia Civil, le Lieutenant Mendoza, un métis :

 

"La loi est la loi : on ne tue plus pour une injure et les hommes perdent leur honneur".

 

Le général Ortiga est le président de la république andine où se déroule l'histoire. Il vient de décréter une réforme agraire qui doit être appliquée dans les trois mois qui suivent les obsèques de don Juan. Diego de Almagro, le Maître de Santiago, ne pourra garder qu'un quart de ses biens, mais pourra éventuellement acquérir un autre quart, s'il en a les moyens, les Indiens recevant en principe les trois quarts de tous les biens, sous une forme ou une autre.

 

Diego a pour maîtresse une ravissante et clairvoyante Indienne, Vicuña, qui a des yeux de vigogne, d'où son surnom, qui s'est élevée au-dessus de sa condition. Manuel, le cousin de Diego et le raté de la famille, qui a échoué comme garagiste, a pour femme l'intelligente Elena qui ne supporte pas sa médiocrité et a foi dans le domaine des Almagro, que dirige sereinement cet aristocrate de Diego, auquel elle s'efforce de ressembler de plus en plus, au fil des trois ans qui s'écoulent depuis son arrivée. Aurora et Elena sont en quelque sorte "veuves toutes deux, mari mort ou vivant" de Santiago.

 

Pour acquérir le deuxième quart, don Diego a l'idée d'envoyer Manuel à Puerto-Azul y vendre la laine des moutons de l'hacienda et les toisons d'un certain nombre de vigognes. En effet "les cours de la laine n'ont jamais été aussi élevés" et "les cargos anglais arrivent en meutes, les courtiers de Londres achètent au plus haut prix". Cinq camions sont loués pour l'opération qui va durer six semaines et qui ne peut que réussir, l'hacienda ayant en la personne de Manuel "le meilleur mécanicien des Andes".

 

Manuel part donc. En son absence, don Diego se retrouve désoeuvré, en la compagnie d'Indiennes, pour qui c'est un honneur de partager la couche du Maître, et des trois belles,Vicuña, Aurora et Elena. Il boit du pisco, il se débauche, ne s'occupe plus que de dames. Après avoir écarté Vicuña, il cède à Aurora, qu'il n'aime pas et qui le lui rend bien, qui n'est décidément pas une oie blanche, et à Elena, qui l'aime et qu'il aime peut-être, qui tente de sauver Santiago et de déjouer les manoeuvres de Mendoza. Le métier d'homme n'est-il pas de succomber à la faiblesse de la chair et de suivre les volontés du beau sexe ?

 

Sans dévoiler la fin de ce livre, magnifiquement illustré par Yan Méot, tous les ingrédients sont réunis pour que l'histoire finisse mal, mais en beauté, pour le personnage principal, détenteur de l'honneur et du titre. Tout un monde de tradition s'achève et entraîne dans sa chute ceux-là mêmes qui devaient profiter de sa disparition, thème récurrent dans les oeuvres suivantes de l'auteur, où la même musique, d'un style qui parle à l'imagination, s'est prolongée, en se bonifiant, pour notre plus grand bonheur.

 

Francis Richard          

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10 mai 2011 2 10 /05 /mai /2011 22:45

Oskar et les minaretsSlobodan Despot n'est pas seulement éditeur (il dirige les éditions Xenia ici), il est également écrivain, sa prose pouvant faire éventuellement merveille dans le registre poétique. J'ai parlé ici, il y a un an et quelque, de son magnifique Valais mystique, préfacé par Jean Raspail, qui en est l'insigne illustration.

A l'automne dernier il a écrit un livre sur un tout autre sujet, polémique à souhait, à savoir Oskar Freysinger, un homme méconnu en réalité, à la mauvaise réputation dans les médias, pour la mauvaise raison qu'il a été l'artisan politique de l'interdiction de la construction de nouveaux minarets en Suisse depuis la fin 2009.

 

Le titre du livre fait immanquablement penser à celui d'une bande dessinée, dans la lignée de Tintin et le Lotus bleu : Oskar et les minarets, paru non pas chez Xenia mais chez Favre ici. Le fait est qu'Oskar, "souriant, flanqué d'une queue de cheval légendaire et d'une dégaine de hippie" a tout d'un personnage de BD, incarnant un trublion mythique au sein d'une classe politique volontiers compassée, voire constipée.

 

L'auteur raconte par le menu le jour où la Suisse a osé approuver l'initiative anti-minarets, à la surprise générale, y compris à celle d'Oskar, son porte-parole le plus célèbre, qui attendait le résultat inattendu - tenez-vous bien - à la mosquée de Lausanne... où il comptait faire bonne figure quand serait connue la défaite annoncée de son camp, et d'où ... il a dû prendre la poudre d'escampette, pour échapper à un mauvais sort, une fois avérée la victoire nette, indiscutable et décisive de ce 29 novembre 2009.

 

Le récit des joies de la campagne référendaire, qui a précédé ce résultat détonnant, rafraîchira la mémoire de tous ceux qui ont oublié les entorses à la liberté d'expression qui l'ont emmaillée et qui ont entouré le débat d'alors, sous les prétextes les moins défendables. Les médias aveuglés par leurs préjugés n'ont pas compris que ce vote n'était pas de la part du peuple suisse la traduction d'un repli identitaire, expression qui leur vient automatiquement aux lèvres, mais plutôt entre autres la traduction d'une résistance à l'islamisation, par une sorte d'instinct de conservation préventif, au regard de tout ce qui se passe dans les pays voisins.

 

Comme le peuple avait mal voté, il fallait remettre en cause la démocratie directe qui avait permis une telle abomination. Les soi-disants démocrates reniaient tout soudain leurs convictions. Le débat se déplaçait sur un autre terrain que celui de la cohabitation religieuse. Oskar devenait le porte-parole des peuples qui en Europe n'ont pas la possibilité de s'exprimer sur de tels sujets, qui les préoccupent pourtant et les intéressent au premier chef, et sur la bouche desquels, par précaution, l'établissement médiatico-politique s'empresse de poser un bâillon.

 

Rien ne prédisposait ce professeur d'allemand, passionné de lecture et d'écriture, à devenir homme politique. Il aura fallu que le Conseil d'Etat du Valais, où il enseigne, s'apprête à lancer une réforme scolaire soviétisante pour le voir se lancer pour la première fois dans une bagarre publique, qu'il gagnera d'ailleurs haut la main. Après un rapide passage au sein du PDC local, qu'il quittera parce qu'il vomit les tièdes, il créera l'UDC Valais. Une satire écrite par lui sur le Conseil fédéral l'obligera à en quitter la présidence pour un temps, avant d'en reprendre les rênes avec une fougue décuplée.

 

Oskar Freysinger est écrivain, davantage qu'il n'est homme politique. C'est pourquoi il dérange énormément:

 

"Voilà le grand secret protégé par l'incrédulité publique: ce n'est pas tant l'élu de l'UDC qui gêne que l'homme de lettres assoiffé de provocation qui a trouvé le dernier moyen qu'il reste aux poètes pour heurter le bourgeois: s'afficher dans les rangs d'un parti réactionnaire."

 

Il écrit des nouvelles, des poèmes, des chansons, qui démontrent qu'il est réellement écrivain, ce qui ne suffit pas à le faire admettre par la Société suisse des auteurs... qui ne veut pas de lui sous le mince prétexte qu'il n'est pas fréquentable, ce qui montre toute son indépendance d'esprit... A propos de son monologue, Le nez dans le soleil, préfacé par Marc Bonnant, j'écrivais sur ce blog le 28 juin 2010, ici:

 

"Il faudrait, je pense, que le monologue d’Oskar soit dit à haute voix. Est-ce de la prose poétique ou de la poésie en prose ? Je ne sais, mais il fait rêver, réfléchir sur la vie, sur l’essentiel. Il ne lui manque que la parole. C’est un véritable petit bijou littéraire qui ne demande qu’à trouver une voix chaude et claire pour donner tout leur éclat aux mots qu’Oskar compose, comme un virtuose."

Seulement comme l'auteur de ce Nez s'appelle Oskar Freysinger, il ne peut évidemment pas avoir de talent. Quand on ne sait pas que c'est lui l'auteur, il est pourtant inévitablement reconnu comme écrivain de talent. Quand l'éditrice d'Oskar fait ainsi lire Le nez dans le soleil à Jacques Chessex, sans lui en indiquer l'auteur, celui-ci lui confie que le livre est "splendide" et qu'il révèle "une écriture typiquement féminine"...

 

Quand il participe anonymement à un concours de poésie, organisé par le Festival Rilke de Sierre, en Valais, dans la catégorie amateurs, il emporte le premier prix ex aequo, mais les théâtreux du coin ne veulent pas lire son texte lors de la remise du prix et se bouchent virtuellement ... le nez en jouant l'épouvante.

Le livre, qui au fil des pages est assorti de commentaires en italiques d'Oskar, se termine par un dialogue entre Slobodan Despot et Oskar Freysinger sur l'islam.

 

Ce que reproche en premier lieu Oskar Freysinger à l'islam ?

"Le système répressif de l'islam a quelque chose de délibérément cruel et insoutenable [...]. Quand je vois ces flagellations, ces lapidations, ces exécutions publiques, que la technique moderne nous rend soudain plus visibles et plus "plastiques", je suis révulsé."


En second lieu son totalitarisme :

"La quête du pouvoir - le triomphe d'Allah, c'est-à-dire l'islamisation planétaire - est une fin en soi. Le royaume d'Allah est de ce monde."

Il ne peut que constater "la spécificité de l'attitude européenne face à l'islam" :

"Une soumission préalable à la contrainte. Une dhimmitude préventive."

Du coup:

"Ceux qui malgré tout essaient d'affirmer une position de refus ou de prudence vis-à-vis de l'islamisation de notre société sont diabolisés non par les musulmans, mais par leurs propres faiseurs d'opinion: médias, politiques, autorités religieuses. Cela donne aux fanatiques musulmans une carte blanche morale pour l'élimination physique des récalcitrants les plus durs."

Ce qui différencie le droit suisse et le droit religieux islamique ?

"En Suisse, chaque loi est démocratiquement légitimée. Cela signifie que nos lois peuvent changer, à l'inverse du droit religieux islamique qui, lui, est irréversible et autonome, car il est considéré comme d'origine divine; il est donné une fois pour toutes et ne doit de comptes à personne."

Et les minarets ?

"En fait, le minaret est avant tout le symbole bien visible d'une soumission totale à une doctrine et à l'intolérance qui en découle - même si cette dernière suscite des controverses entre les différents courants islamiques."

Dans la conclusion de son livre, Slobodan Despot souligne ce paradoxe :

"Le système de pouvoir occidental se sert, selon le contexte, de deux images radicalement différentes de l'islam. Dans un contexte géostratégique, il brandit un islam-épouvantail, terroriste et violent, et dénonce à l'occasion (au nom du "droit d'ingérence") sa légitimité à gouverner des terres historiquement musulmanes. C'est le "mauvais" islam, l'islam "11 septembre" qui justifie la dérive sécuritaire, le surarmement, les guerres coloniales et la suppression des libertés individuelles dans les pays mêmes qui les ont inventées. Dans un contexte de proximité, le même système entretient une image angélique de l'islam en refusant d'entrer en matière sur les incompatibilités entre ce système théocratique et les principes de la démocratie. C'est le "bon" islam."

 

Ce qu'il résume ainsi :

 

"Comble de paradoxe, l'islam apparaît donc, dans cette vision du monde, aussi indéfendable "chez lui" qu'il est inattaquable "chez nous"."

 

Paradoxe ou ... incohérence ?

 

Francis Richard

L'internaute peut écouter ici sur le site de Radio Silence mon émission sur le même thème.

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7 mai 2011 6 07 /05 /mai /2011 11:35

Au bal de la vieLe Salon du Livre de Genève est le dernier salon où l'on cause. Pour ceux qui aiment la littérature c'est en effet un salon à taille humaine, qui, au contraire de celui de Paris, beaucoup plus vaste, permet de discuter et de parler vraiment très facilement avec les auteurs et les éditeurs.

 

Au détour d'une allée du Salon, samedi 30 avril 2011, j'ai ainsi fait une heureuse rencontre, celle de Roger Cuneo, l'auteur de Maman, je t'attendais, dont j'ai parlé sur ce blog il y a tout juste deux ans ici et qui s'en souvenait très bien. 

 

Ce livre m'avait ému aux larmes, parce que l'auteur y faisait preuve d'authenticité en racontant ses malheurs, sans se livrer pour autant à des jérémiades, alors qu'il y aurait eu vraiment de quoi.

 

Peu de temps après la mort de leur père, leur mère, très belle femme, mais malade du jeu, les a en effet, lui et sa soeur Anne, l'écrivain et journaliste bien connue, placés dans des orphelinats religieux où les mauvais traitements moraux et physiques ébranleraient la foi la plus solide de n'importe quel charbonnier.

 

Il faut croire qu'Anne et Roger avaient l'un et l'autre une trempe peu commune pour survivre à une telle situation. Il n'empêche que Roger me semble en avoir davantage souffert qu'Anne, parce qu'il était plus jeune quand leur mère les a mis dans cette situation, et qu'en conséquence il devait être plus vulnérable encore.

 

A 73 ans la blessure est encore ouverte chez Roger. Il ne se remet toujours pas de la phrase qu'a écrite sa mère, âgée alors de 60 ans, dans le résumé de sa vie (il n'a pas pu se retenir de me la répéter d'entrée lors de notre rencontre), sur laquelle il était tombé en en faisant une lecture moins négligente qu'auparavant :

 

"Si ma vie était à refaire, je la recommencerais exactement de la même manière, je ne regrette rien."

 

C'est cette phrase qui a poussé Roger à écrire le premier livre dans lequel il raconte sa version des relations d'amour-haine envers sa mère, qui ne regrette rien, y compris donc d'avoir abandonné ses enfants à des hommes et femmes ignorant l'affection que l'on doit naturellement donner à des enfants. Le Seigneur ne demandait-Il pas pourtant de les laisser venir à Lui ?

 

Le premier livre nous raconte la vie de Roger dans des orphelinats, alors qu'il a de 7 à 16 ans. Le second, Au bal de la vie, paru chez Favre ici, en est la suite. Roger a donc 16 ans au début du livre et il est livré à lui-même. Il est admis à l'Ecole de Commerce de Lausanne, mais il doit travailler pour vivre et se loger. Il ne peut pas compter sur l'argent que sa mère lui envoie aléatoirement.

 

C'est au contraire la mère de Roger qui finit par lui emprunter de l'argent, sans jamais le lui rendre, maintenant qu'il a des rentrées, pourtant tout juste suffisantes pour lui, profitant de ce sentiment ambigu d'amour-haine qu'il éprouve pour elle... et qu'il sera nécessaire pour lui de mettre à plat en écrivant ces deux livres. 

 

Dans ces conditions il est bien difficile de faire des études. Travailler au bas de l'échelle sociale, en dehors des heures de cours et pendant les vacances - pour gagner donc peu de chose - et jouer au football parce qu'on est doué, qu'on vous a remarqué et qu'on vous apprécie, vous laissent en effet peu de temps pour les réussir.

 

S'il finit par les réussir, en dépit de toutes ces vicissitudes, après avoir évité le pire, c'est-à-dire la délinquance, il le doit à l'amitié vraie qu'il suscite autour de lui et qui n'a rien à voir avec la pitié ou la compassion, mais surtout à voir avec l'exemple qu'il donne aux autres. Il les épate par sa bonne humeur et sa force qui ont toujours finalement raison de sa fragilité.   

 

Peu à peu, grâce à ces amitiés, qu'il fait naître très naturellement autour de lui, il découvre la vie et l'affection dont il a été tant privé, à commencer par sa propre mère.

 

Ainsi sa soeur le pousse-t-elle dans ses études; son camarade d'école, Maurice l'initie-il à la littérature; Ferdinand, le marchand d'antiquités, lui trace-t-il la voie exigeante de la musique; ses co-équipiers de football lui font-ils fête; ses camarades d'école l'accueillent-ils dans leur groupe d'entraide; Louise, sa collègue de travail, lui dévoile-t-elle l'âme féminine et lui ouvre-t-elle d'autres perspectives en dansant avec lui; Danièle, sa première épouse, lui offre-t-elle, pour ses 20 ans, le somptueux cadeau d'un fils.

 

Pour ceux qui ont eu, comme moi, une jeunesse et une adolescence dorées, sans souci matériel, bénéficiant de l'affection jamais démentie de leurs parents, ce livre ne peut que susciter l'admiration pour l'auteur qui s'en est aussi bien sorti, même s'il lui "a fallu trois mariages pour parvenir à une stabilité affective".

 

Le récit de ces années de galère, comme on dit aujourd'hui, qui se déroulent dans les années 1950, est une véritable leçon d'énergie, à l'usage de ceux, qui, à un moment donné ou à un autre dans leur vie, seraient tentés de désespérer.

 

Francis Richard

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5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 22:40
en retard au paradisLes éditions Xenia ici dirigées par Slobodan Despot, fêtaient samedi dernier leurs cinq années d'existence au Salon du Livre de Genève. Un apéritif était servi aux visiteurs, comme il l'avait déjà été au Salon du Livre de Paris, le jour de mes 60 ans.
 
Un des auteurs-maison était là, à Genève, Brigitte Perrin, journaliste, qui, il y a un peu plus d'un an maintenant, a dialogué avec Paul Grossrieder autour du génie helvétique. Ces dialogues ont fourni la matière d'un livre très instructif, En retard au paradis, comme le montrent les citations qui suivent.

Rien de ce qui est helvétique ne m'étant étranger et la co-auteur étant une blonde jeune femme, ma foi fort sympathique et fort savante, quoique volontiers modeste, je n'ai pas résisté longtemps à l'envie de me plonger dans ce livre.
 
Tandis que, la Suissesse Brigitte Perrin réside désormais en France depuis 10 ans et s'y plaît, le Français que je suis réside en Suisse depuis 10 ans et s'y plaît tout autant. Nos chemins se sont donc croisés inopinément, puisque nos destinations étaient bien opposées.
 
Si Brigitte Perrin est journaliste à la Télévision suisse romande, et politologue, Paul Grossrieder a été dominicain, diplomate, puis directeur du Comité international de la Croix-Rouge et vit aujourd'hui retraité à Charmey, en Gruyère, après une vie bien remplie.

Ces deux Suisses qu'une génération sépare - exactement trente ans - abordent dans ce livre quelques grands thèmes qui n'ont rien à voir avec les images d'Epinal de vaches paissant dans de verts pâturages ou de chocolat incomparable, fabriqué par Lindt ou Nestlé.

L'action humanitaire est une des caractéristiques helvétiques. Comme il y a beaucoup à faire dans ce domaine on ne sera pas surpris que Paul Grossrieder s'afflige que la Suisse ne consacre que 0.44% de son PIB à l'aide au développement, oubliant que ce genre d'aide publique n'est pas très morale puisqu'elle n'a rien à voir avec la générosité, mais tout à voir avec la charité forcée. Il ne faut pas oublier que les Suisses restent par ailleurs fort généreux, à titre privé, en dépit de la pression fiscale qu'ils subissent. 
 
On peut, de toute façon, s'interroger sur le bien-fondé d'une telle aide, qui permet de se donner bonne conscience, alors que dans le même temps d'aucuns s'affligent, comme Brigitte Perrin, que des produits en provenance de pays émergents viennent remplacer des produits suisses; alors que dans le même temps l'on empêche, par des mesures protectionnistes, des produits agricoles de l'hémisphère sud d'être vendus ici. Il faut savoir si l'on veut vraiment que ces pays se développent, sans leur faire l'aumône...
 
Paul Grossrieder regrette que le concept de neutralité ait été contesté ces dernières années et considéré comme incompatible avec les intérêts suisses :
 
"Le terme évoque facilement un comportement un peu terne et pas très courageux [...]. Pourtant, la neutralité est aussi le catalyseur de la médiation diplomatique."
 
Brigitte Perrin ne pense pas que la Suisse, avec sa neutralité active dans les Balkans, soutenue par Paul Grossrieder, "ait la moindre crédibilité en dehors du cadre strict de l'ONU".
 
Paul Grossrieder n'aime pas le premier parti de Suisse, l'UDC :
 
"[Il] ne veut pas du tout le bien des paysans et du petit peuple comme il veut le faire croire, mais bel et bien un pouvoir accru des grandes puissances économiques."
 
Il emploie même l'adjectif qui tue à propos de ses positions économiques. Selon lui elles seraient "ultra-libérales"...
 
Quand il parle du secret bancaire, l'ancien directeur du CICR est plus signifiant, parce que moins excessif :
 
"En général, les attaques qui visent à le supprimer sont machiavéliques. Ce ne sont nullement des préoccupations morales de transparence qui motivent ces attaques, mais un intérêt matériel et financier."
 
Sur le réchauffement climatique il commence mal :
 
"Le consensus scientifique rend le réchauffement climatique et ses conséquences difficilement contestables."
 
Il continue plutôt bien :
 
"Les perspectives ne sont pas roses, mais elles ne signifient pas un changement brutal et immédiat. N'oublions pas qu'il s'agit de moyen et de long terme, 2030, 2050, 2100. Durant cette période, bien des imprévus peuvent survenir, et l'espèce humaine s'adaptera comme le passé l'a démontré."
 
Sur l'écologie il fait montre de bon sens :
 
"C'est nous qui donnons du sens à la nature et non l'inverse. On ne va pas sacrifier les êtres humains au bénéfice de l'écologie."
 
Brigitte Perrin n'est pas d'accord avec le choix du tout et de la partie :
 
"Je ne crois pas qu'il faille choisir entre détruire la nature et détruire l'être humain."

Paul Grossrieder a raison :

"Le goût du travail bien fait, de la qualité, est typique de la mentalité suisse. Cela implique une volonté d'investir ou de s'investir pour y parvenir."

Les deux co-auteurs estiment que c'est incompatible avec "les méthodes cassantes" et "les stratégies de rupture" venues d'outre-Atlantique...
 
Brigitte s'insurge contre un monde où règnent des milliers de normes. Paul Grossrieder renchérit :

"Je partage entièrement votre critique du calibrage auquel on nous contraint. Cela correspond à une sorte d'infantilisation de la société. Chaque individu est implicitement considéré comme un perturbateur potentiel. On met au rebut la responsabilisation des individus. On préfère fabriquer des sortes de robots prévisibles, imperméables à toute déviance."

Paul Grossrieder s'éloigne de la religion, devient agnostique et lui substitue la philosophie :

"L'incarnation me parlait beaucoup plus que l'hypothétique résurrection, car elle met la confiance en l'homme au coeur des convictions chrétiennes."

En début d'ouvrage n'a-t-il pas dit :

"Ce dont nous avons hérité c'est d'une Suisse des Lumières (XVIIIe siècle) qui n'est pas rattachable à celle de la fin du XIIIe siècle [allusion au serment du Grütli du 1er août 1291]. Les Lumières et Kant ont fait espérer la construction d'une société universelle pacifique, aux dimensions de l'humanité."

Par charité chrétienne je me garderai de citer ce qu'il dit de Benoît XVI à qui il reproche d'avoir écrit que "la raison sans la foi ne peut pas atteindre sa complétude"...

Brigitte Perrin fait l'éloge des orthodoxes :

"Dans leur majorité, les orthodoxes ont conservé le sens de la beauté de la vie et de la création."

Comment se structurer ? Paul Grossrieder répond :

"J'ai toujours été ennemi de l'ascèse, du sacrifice, même si on m'a beaucoup inculqué cette culture. Je prônerais plutôt une culture de la mesure [valeur typiquement suisse] , de l'équilibre, contraire aux cultures de l'excès." 

Les deux auteurs finissent par parler de la ponctualité proverbiale des Suisses, qui n'est pas un vain mot. Ce n'est pas un hasard si les montres sont une spécialité helvétique...
 
Le livre ne tire-t-il pas également son titre d'une sentence que le grand-père de Paul Grossrieder lui répétait parce qu'il était lent et souvent en retard :

"Dépêche-toi, sinon tu arriveras trop tard au Paradis"

J'en connais d'autres...

Francis Richard
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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 05:40

L'embrasureUn ami vous dit du bien de L'embrasure de Douna Loup, édité par Mercure de France ici. Vous vous trouvez au bon endroit et au bon moment, puisque vous êtes au Salon du Livre de Genève et que nous sommes samedi 30 avril 2011, en début d'après-midi.

 

En passant devant un stand vous apercevez une jeune femme derrière une pile de livres bleus. Son nom est justement Douna Loup. Vous prenez un des volumes de la pile bleue dans les mains. Vous lisez la quatrième de couverture. Elle reproduit les premières lignes du livre.

 

Ces premières lignes sont des lignes fortes sur la forêt qui est "quelque chose comme une femme qui voudrait l'homme sans lui dire". Vous avez envie d'en savoir davantage. Vous faites dédicacer le livre pendant que vous y êtes.

 

Quand vous dites votre nom, la jeune femme qui vous le dédicace fait le rapprochement avec le blog que vous tenez. Même si vous n'êtes pas vaniteux cela flatte quelque peu votre ego, surtout de la part d'une jeune femme. Il n'y a pas, Seigneur, que la chair qui soit faible...

 

Dans le train qui vous ramène à Lausanne, vous plongez dans cette forêt de mots et vous n'en sortez que bien plus tard, longtemps après être arrivé chez vous, en ayant perdu le boire et le manger. Vous avez jeté un coup d'oeil par l'embrasure et vous n'avez pas résisté à entrer tout entier dans le livre, à l'habiter jusqu'à ce que la dernière page soit tournée.

Le narrateur est plutôt du genre sauvage et solitaire. Il travaille à l'usine - il faut bien vivre - mais il n'aspire qu'à une chose, à répondre à l'appel de la forêt qui veut de lui sans qu'elle n'ait besoin de le lui dire. Aussi, chaque samedi, s'y perd-t-il et y chasse-t-il, seul ou avec son ami catalan Nello. A ce moment-là seulement il a l'impression d'être vivant.

A vingt-cinq ans il a déjà des habitudes de vieux garçon. Il trinque le samedi soir avec des potes au bistrot. Dans son intérieur il ne supporte pas de présence féminine. Il prend seulement quelques amantes - il faut bien que le corps exulte, ce qui permet aussi de se sentir vivant - mais à condition de se rendre chez elles ou de s'accoupler vite fait, bien fait, bonjour, bonsoir, en voisin, voisine, comme des bêtes.

Un beau jour cette vie, sans histoires, est bouleversée. Dans sa forêt le narrateur fait une rencontre improbable. Avec Nello il y découvre un cadavre. L'homme qui gît, Leandro Martin, a réussi, en venant mourir là, une sorte d'accomplissement biblique de sa destinée. Ce qui va nourrir chez le narrateur, jaloux de sa tranquillité, des interrogations sur la vie.

 

Une seconde rencontre, dans un bar, va tout autant bouleverser la vie du narrateur. Il s'agit cette fois d'une jeune femme de vingt ans, qui s'est prénommée elle-même très symboliquement Eva et qui est d'autant plus vivante qu'elle a survécu à bien des vicissitudes dès son plus jeune âge, quand elle s'appelait Zora. Elle n'est pas comme les autres, bien entendu, et, du coup, rien ne sera plus comme avant, ni pour l'un, ni pour l'autre.

 

Comme Eva n'est pas comme les autres, mais lui ressemble, le narrateur a peur de se comporter avec elle comme avec les autres. Il aimerait bien que le charme né de leur rencontre ne soit pas rompu et qu'ils restent ensemble côte à côte, chastement, comme frère et soeur. En attendant ils partent à la recherche de ce qu'a été vraiment Leandro Martin avant de venir échouer dans l'herbe de la forêt. Et cette quête va les mener plus loin qu'ils ne pensaient.

Pourquoi est-il aussi difficile de se déprendre de ce livre ? Certes parce que l'intrigue ne laisse pas de répit, mais surtout parce que le style est d'une sensualité gourmande, agréable à lire, et qu'il ne fait que traduire celle des personnages. Sur le fond d'ailleurs cette sensualité des personnages ne s'avère pas incompatible avec l'indépendance des volontés. La vie et la forêt nous réservent ainsi parfois de bonnes surprises.

 

Francis Richard

 

Le 2 mai 2011, le Prix Michel-Dentan a été décerné à Douna Loup pour L'embrasure ici   

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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 08:00

Les désenchantésAlain Cresciucci, nous dit la 4ème de couverture du livre Les désenchantés (édité par Fayard ici), est professeur de littérature du XXe siècle à l'université de Rouen : 

 

"Spécialiste de Céline et des auteurs peu reconnus par l'institution universitaire, il a consacré une biographie à Antoine Blondin (Gallimard 2004)."

 

Qui sont les désenchantés dont il s'occupe cette-fois-ci ? Roger Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon, et...toujours Antoine Blondin, c'est-à-dire effectivement des écrivains que les universitaires français reconnaissent du bout des lèvres en public, et encore pour mieux les ostraciser, les qualifier de ... fascistes ou, plus modérément parfois, d'écrivains de droite.

 

Ces quatre écrivains, pourtant bien différents les uns des autres, ont été mis un jour dans le même sac par Bernard Franck dans un article de décembre 1952 des Temps Modernes. Il les y qualifiait de Hussards, avec la ferme intention de leur coller une étiquette infamante, alors que, bien involontairement, il ne faisait que leur rendre hommage et leur donner une existence improbable.

 

L'auteur s'occupe d'une période de l'histoire littéraire somme toute assez courte, puisqu'elle commence en 1945 et s'achève en 1962. Cette période est elle-même subdivisée en trois :

 

- le lendemain de la Libération qui se caractérise par la mise à l'index par le Comité national des écrivains d'un certain nombre de confrères leur faisant de l'ombre et ayant eu le grand tort de ne pas faire partie de la résistance intellectuelle

 

- les années 1946-1956 pendant lesquelles le quatuor de désenchantés va briller de mille feux après des débuts difficiles

 

- les cinq dernières années pendant lesquelles leur étoile ne va cesser de décliner faute de commettre des écrits majeurs

 

C'est l'occasion pour Alain Cresciucci de situer dans leur contexte ces Hussards, auxquels il préfère d'ailleurs le terme de Désenchantés, d'où le titre du livre :

 

"Qu'est-ce qu'un "désenchanté" ? Antoine Blondin en donne une définition dans sa préface à Gatsby le magnifique : c'est "une âme bien née", qui, le jour de ses trente ans, "à l'instant de persévérer dans la conquête de plaisirs dont elle a déjà reconnu la vanité", s'avoue que "tout est fini"."

 

Le désenchantement est en effet, citations à l'appui, un des traits qui dessinent ces quatre écrivains dissemblables. Mais il en est d'autres qu'ils ont en commun, ce qui autorise l'histoire littéraire à leur faire un même sort.

Ils se reconnaissent ainsi une même filiation avec des écrivains comme Paul Morand ou André Fraigneau, dont ils ont préfacé tous les quatre L'amour vagabond, et ils éprouvent un même attachement pour Alexandre Dumas, et ses trois mousquetaires qui, comme chacun sait, étaient quatre, tout comme eux. 

 

Ils ferraillent ainsi "contre l'asservissement de la littérature à la politique au nom de la liberté et de l'élégance, au nom du plaisir d'écrire et de lire" et prônent la désinvolture qu'ils opposent à l'engagement d'un Sartre ou d'un Camus.

 

Ils partagent ainsi une même filiation avec Stendhal, le premier désenchanté moderne :

 

"Stendhal incarne d'abord un écrivain qui rend tout son pouvoir à l'imaginaire; dans une époque où la littérature est aliénée, Stendhal incarne le romanesque jusque dans ses transpositions autobiographiques."

 

"Les Hussards retiennent d'une part la morale du bonheur, qui traverse son oeuvre et l'égotisme qui fait du moi la mesure de toute chose et réclame la distance vis-à-vis du monde."

 

Les Hussards sont tous quatre de fieffés individualistes, qui se font du "monde de leurs idées et de leurs affections" une représentation bien différente du "monde tel qu'il est", et que rassemble un goût partagé pour le dandysme, le style classique, par anti-modernisme, et l'ironie, qui, elle, est "porteuse d'une forme moderne".

 

Ils sont écrivains de droite en ce sens, que donnait Stephen Hecquet, qu'écrivains d'humeur et de nature ils écrivent pour leur "plaisir et pas du tout pour réformer le genre humain ou pour réformer la planète".

 

Ils "parlent beaucoup du temps, de l'épreuve immédiate du temps" :

 

"On est étonné de l'importance accordée au climat d'une époque, aux effets de l'âge, à l'importance des générations."

 

Au temps de mes vingt ans j'ai lu, parus à quelques mois d'intervalle, Les poneys sauvages de Michel Déon, Interallié 1970, Les bêtises de Jacques Laurent, Goncourt 1971, et Monsieur Jadis d'Antoine Blondin. Les deux premiers ont commencé alors une oeuvre littéraire qui les a conduits à l'Académie française, le dernier a jeté avec ce dernier livre un dernier feu éclatant - il est mort en triomphe.

 

Ces livres sont devenus des livres cultes pour ceux de ma génération, en rupture avec leur époque et épris de liberté d'esprit. J'ai été alors incité à lire les suivants de Déon et de Laurent, à découvrir leurs livres précédents et ceux de Blondin, et, de fil en aiguille, à découvrir Roger Nimier (disparu dans un accident de voiture en 1962) et son Hussard bleu.

 

Fabrice Lucchini, qui est du même millésime que moi, 1951, disait dans L'Express du 8 mai 2010 :

 

"Je ne suis pas de gauche parce que je pense que l'homme n'est pas ce que les gens de gauche pensent qu'il est. Je n'aime pas, dans la gauche, l'angélisme, l'enthousiasme. Je ne suis pas de droite parce qu'elle a oublié qu'il y a eu une droite qui n'était pas affairiste, parce qu'elle a oublié les hussards : Antoine Blondin, Roger Nimier, Jacques Laurent..."

 

Il oublie Déon, qui, il est vrai, a toujours fait un peu cavalier seul et qui est en quelque sorte le d'Artagnan de ces mousquetaires...

 

En tout cas c'est le grand mérite d'Alain Cresciucci de les avoir sortis de l'oubli où on essaie de les maintenir, en restituant toute l'époque où ils ont fait leur apparition. La conception de la littérature était encore un champ de batailles. Les écrivains engagés, les expérimentateurs du nouveau roman et les hussards désenchantés, s'y faisaient une jolie guerre, par revues littéraires interposées...

 

Francis Richard 

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18 avril 2011 1 18 /04 /avril /2011 18:35

Conversations du soirGeorges Haldas est un écrivain francophone majeur, qui a vécu longtemps - né en 1917, mort en 2010 -, qui a écrit beaucoup, aussi bien des essais que des chroniques, des carnets que des poèmes, mais qui reste injustement méconnu en dehors de la Suisse romande.

 

Jean-Philippe Rapp est un ancien journaliste de la Télévision suisse romande qui a eu le privilège de travailler avec Georges Haldas, qui a surtout eu celui de converser des dizaines de fois avec lui, pendant 20 ans :

"Complexité de la relation qui ne nous vit jamais entrer dans le tutoiement. Ecrivain et journaliste, amis complices, filiation élective, maître et disciple, transmission à garder à l'intérieur de soi." 

Ces Conversations du soir sont un premier devoir de mémoire dont s'acquitte le journaliste envers l'écrivain, quelques mois après la mort de ce dernier survenue le 24 octobre de l'an passé. Il sera vraisemblablement suivi d'un livre beaucoup plus volumineux. Tel quel, le présent livre, publié par les Editions Favre ici, contient ce que le journaliste considère comme l'essentiel des conversations qu'il a eues avec l'écrivain.

 

Jean-Philippe Rapp a réuni les propos de Georges Haldas sur quelques grands thèmes qui lui étaient chers et, en premier lieu,  l'Etat de Poésie, qui lui venait, disait-il, de la familiarité de son père avec la grande poésie homérique :

 

"C'est un état de réceptivité au sein duquel les moindres choses prennent de l'importance et deviennent poétiques, justement dans la mesure où, à première vue elles ne le sont pas."

 

Pourquoi ? Parce que le sentiment poétique est "synthèse de la personne humaine. Il comprend l'inconscient, le conscient, l'affectif et le mental."

Et ce sentiment n'est pas propre à quelqu'un en particulier. Gérard de Nerval, cité par Haldas, ne disait-il pas : "la vie du poète est celle de tous" ?

 

Georges Haldas avait compris que l'essentiel de la vie se trouvait dans les petites choses :

 

"[Elles] sont vécues par tous, c'est à partir d'elles qu'on fait son chemin vers les grandes. Si l'on saute cette étape on a l'air de faire l'abstraction du quotidien alors que tout y est inscrit."

Il disait aussi :

"Il faut avoir le sens de la minutie pour descendre dans le coeur des choses car ce sont les multiples petites choses qui composent les grandes."

 

Il n'avait pas la fibre romancière. Il se voulait modestement "petit scribe bénédictin qui ne fait que concilier la formidable richesse de la vie et qui est plus grande encore que tout ce qu'on peut imaginer":

"J'ai découvert très tôt que je ne pouvais vivre qu'en disant les choses que je vivais. Et le dire ce n'est pas pour soi mais en témoignage de la vie des autres." 

 

Une chose le surprenait, le peu de place accordé par ses semblables au royaume invisible, qui devrait être pourtant essentiel à chacun :

 

"Le plus important est caché mais nous continuons à nous en tenir au visible."

 

Pourtant disait encore Georges Haldas :

 

"Je garde le sentiment qu'admirables sont les choses visibles, encore plus admirables les choses de l'invisible qui me porte."

 

Nous sommes tous  condamnés à mort, cette blessure essentielle, mais nous n'y pensons pas, pris que nous sommes par les choses ordinaires, trop pris au piège de l'espace-temps pour nous intéresser au non-espace-temps.

 

Pourtant, la mort,  le sens de la vie, ne sont-elles pas les grandes interrogations, auxquelles nous devrions chercher des réponses tout en sachant fort bien qu'elles ne pourront jamais être définitives ?

 

Le père de Georges Haldas se posait ces questions métaphysiques devant son fils alors âgé de sept ans, tandis qu'ils se trouvaient à Céphalonie, cette île grecque dont ils étaient originaires. 

 

Georges Haldas, qui a beaucoup réfléchi à ces questions, ne croit pas un seul instant à la sérénité devant la mort :

 

"On peut penser avec sérénité à la mort mais le moment venu apparaît ce qu'on est réellement et qui éclate contre tout ce qu'on avait pensé."

 

C'est pourquoi Georges Haldas ne voit pas la mort d'un bon oeil :

 

"Dire adieu à tout ce qu'on aime, non !"

 

Il ne croit pas que l'on possède la vérité mais qu'elle nous est donnée, que c'est le résultat de la grâce, qui revêt autant de formes qu'il y a d'être humains; il croit également qu'"on la découvre au fur et à mesure des événements, et [que] c'est ce qui rend la vie à la fois attractive, mystérieuse et parfois inquiétante". 

Pourquoi Georges Haldas a-t-il passé sa vie à écrire et a-t-il laissé une oeuvre considérable ? "Parce que" tout simplement.

 

Il a répondu à une nécessité et il y a consacré sa vie, souvent aux dépens du reste :

 

"Le grand fond c'est remplir une tâche dont on sait qu'on ne peut pas l'éviter et à laquelle on consacre son existence comme une obligation. La mienne, je l'ai appelée l'état de poésie, que j'ai essayé d'exprimer mon existence durant. Et la petite graine, c'est cette nécessité à laquelle je n'ai pu échapper et qui s'est imposée à moi."

 

Pour lui, réussir sa vie, que son père disait, à tort, avoir raté :

 

"C'est être simplement un homme vraiment humain, qui rayonne auprès de ceux qui l'approchent, qui donne du courage à vivre, qu'on aime fréquenter, qui nous aide à chercher plus de libertés, plus de vérités."

 

Il cite à plusieurs reprises dans ce livre cette phrase d'un moine oriental :

     

"Au fond, l'essentiel, c'est d'être homme pour les autres ."

 

Georges Haldas a certainement été " homme pour les autres ". Il l'a été au travers d'une œuvre gigantesque. Comme le dit Jean-Philippe Rapp, "il suffit de s'y plonger". Pour ceux qui hésiteraient à faire le grand plongeon, les Conversations du soir peuvent être une bonne initiation.

Toutefois rien ne remplace évidemment la lecture de l'oeuvre elle-même dont une grande partie des titres a été publiée par L'Age d'Homme ici, que dirige "Dimitri, l'éditeur fidèle, et stimulant", dixit Rapp.

Francis Richard

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10 avril 2011 7 10 /04 /avril /2011 20:15

2089 PoncinsMichel de Poncins s'investit désormais dans le roman d'anticipation, comme si de se projeter dans le futur lui permettait de prolonger encore une longue vie consacrée à combattre le socialisme, sous toutes ses formes.

 

Après La luxure régnait sur la ville et la ville était bleue, il vient en effet de faire paraître 2089 ou le temps de la grâce aux éditions Godefroy de Bouillon ici, qui est à la fois une réflexion sur notre présent et sur notre avenir et un hymne à l'Amour sans lequel il n'est que dessèchement de la vie.

 

Se retrouver près de 80 ans plus tard, soit dix ans de plus que la durée d'un régime communiste soviétique, donne l'occasion à l'auteur de considérer notre époque avec un regard tour à tour amusé et incisif, et de relativiser les modes intellectuelles d'aujourd'hui.

 

Ainsi le réchauffement climatique et l'importance des activités humaines dans ce réchauffement apparaissent avec ce recul anticipé pour ce qu'elles étaient, deux chimères, mises clairement en évidence par la période glaciaire qui s'est ensuivie. Ces chimères avaient conduit à introduire l'adjectif ridicule de durable, "passeport incontournable pour parler de n'importe quel sujet, n'importe comment et n'importe où.

 

Les ressources de la planète ne se sont pas épuisées, contredisant les Cassandre :

 

"Les éléments dont la planète est pourvue sont sans limites. Elles ne deviennent des ressources que grâce à l'ingéniosité humaine et celle-ci aussi est sans limite. En 2080 on avait compris que pour libérer cette force la liberté était le meilleur levier."

 

L'auteur s'en prend à la Halde, cette entreprise totalitaire de délations des discriminations :

 

"Discriminer est un acte normal de l'intelligence. Savoir discriminer est même une condition nécessaire, quoique non suffisante, à la pratique habituelle de l'intelligence."

 

Il est vrai que "briser la pensée des gens est depuis la nuit des temps l'objectif et le moyen des dictatures"... 

 

L'idée de retraite a disparu, chacun étant à même de prévoir ses vieux jours. Dans les écoles de management on étudie sous le nom de "retraite à la Madoff" la défunte retraite par répartition...

 

L'enrichissement des chefs syndicaux a été démasqué. 

 

Contre l'attente des tenants de la pensée économique unique d'antan, il y a dès lors, grâce à la liberté du marché, de plus en plus de riches et de moins en moins de pauvres. Dans ces conditions il est d'autant plus incongru que des politichiens continuent de sévir, même si leur rôle est de plus en plus réduit...

 

Dans les années 2080 le monde a donc bien changé. Il n'est plus qu'une ville, la Ville Universelle, dont les grandes villes actuelles sont les faubourgs. Les nations, qui sont pourtant "des relais pour les hommes" ont disparu et sont devenues des districts. La liberté de l'économie, qui permet de tout résoudre, est complète, mais, au sommet règnent encore - pour combien de temps ? - les Saigneurs, héritiers des grandes organisations du mondialisme triomphant.

 

Les "flots impétueux de la liberté ayant permis à chacun de se nourrir", les foules restent affamées de Vérité. La découverte providentielle des Tables de la Loi avec, tracé par le doigt de Dieu, le commandement "Tu ne voleras pas" justifie pleinement le capitalisme, s'il en était besoin :

 

"Le capitalisme n'était pas justifié parce qu'il réussissait mais il était justifié parce qu'il était moral."

 

Sur cette toile de fond se noue une idylle entre Clovis, un multimillionnaire, et une de ses modestes employées, Judith, une petite VIP, "vendeuse d'idées paranoïaques". Ce qui donne l'occasion à l'auteur de nous promener dans les faubourgs de la Ville, de Manhattan à Chambord, de Stockholm à Amsterdam, de Saïgon à Saint-Petersbourg, de Rio à Istanbul, et même de nous emmener sur la lune et dans les fonds sous-marins.

 

Grâce à Judith, juive sur le chemin de la conversion, grâce à sa mère Myriam, catholique qui croit en la Providence divine, et grâce au pape Pierre-Paul 1er, un ancien businessman, Clovis va petit à petit trouver la foi de son baptême catholique, bien malgré lui. Le dénouement à Rome de cette histoire qui a lieu le 14 juillet 2089, date ô combien symbolique, ne surprendra pas ceux qui connaissent Michel de Poncins. Une nouvelle ère s'ouvre pour une civilisation chrétienne que d'aucuns croyaient morte et enterrée.

 

"L'Amour ne peut mourir, Il continue d'aimer sans limite de temps", disait si bien Marcel Van, ce prêtre rédemptoriste vietnamien, mort dans un camp de rééducation vietminh en 1959, dont la spiritualité illumine plusieurs passages de ce livre plein d'espérance, et qui est un fervent plaidoyer pour la liberté des enfants de Dieu.

 

Francis Richard

L'internaute peut écouter ici sur le site de Radio Silence mon émission sur le même thème.

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8 avril 2011 5 08 /04 /avril /2011 17:00

L'interrogatoireDans L'interrogatoire, publié chez Grasset ici, Jacques Chessex répond à un inquisiteur qui n'est autre que lui-même et qui ne lui fait pas de cadeaux. Ce n'est pas à proprement parler une introspection. L'auteur se connaît bien et il n'a pas vraiment besoin de fouiller profond en lui-même pour en extirper les secrets.

 

Cet interrogatoire ressemble plutôt à une confession publique où l'auteur joue les deux rôles, celui de l'interrogateur et celui de l'interrogé, avec autant de plaisir non dissimulé dans les questions que dans les réponses. Il s'agit moins d'ailleurs de se repentir de ses fautes que de les donner en spectacle, de s'en enorgueillir.

 

Tout y passe dans cet interrogatoire, des choses bien connues de ses lecteurs jusqu'aux replis les plus intimes. Il y a comme une jouissance chez l'interrogé à se dévoiler sans pudeur devant son interrogateur, à transgresser les interdits de son éducation protestante, qu'il revendique à juste titre, éducation qui le caractérise si bien et qui n'a pas été altérée, mais enrichie, par un séjour chez ses maîtres catholiques de Fribourg.

 

Cette éducation protestante explique son goût pour l'austérité et la luxure qui vont si bien de pair l'une avec l'autre, parce qu'elles sont toutes deux les formes exacerbées des intransigeants de la vie. Dans cette vision du monde il n'y a pas opposition entre extrêmes. Dieu et le sexe y font un curieux bon ménage, comme le corps est bien obligé de le faire avec l'âme, comme le vice frôle la sainteté.

 

Cet homme qui ne nous cache rien de ses pratiques sexuelles est fasciné par l'énigme du Christ et par le mystère d'une manière plus générale. Il a fait sienne une phrase d'Heidegger, que son appartenance au parti nazi et son esquive devant sa mise en cause ont toujours gêné. Cette phrase résume son sentiment le plus fréquent :

 

"Le simple préserve l'énigme."

 

Car pour garantir à un phénomène "sa puissance formidablement énigmatique" il faut de la simplicité.



L'écriture est la vie de Chessex. Il a l'impression souvent de trahir son métier en ne lui réservant pas l'exclusivité de ses travaux et de ses jours. La lecture fait aussi partie de sa vie parce qu'il a appris à lire "en faisant lire" quand il enseignait au Gymnase de Lausanne. C'est ainsi qu'il a pu sentir "les textes qui marchaient, Villon, Racine, Voltaire, Laclos, Rousseau, Constant, Baudelaire, Poe, Flaubert, Maupassant, Verlaine, Rimbaud, Proust, Gide, Céline, Giono,  Ramuz et le très protestant Ponge".

 

Que lit en somme cet assidu du remords ?

 

"Je lis ce qui me ressemble, je ressemble à ce que je lis, et le fond calviniste fait le reste."

 

 A la fin de L'interrogatoire Chessex évoque son dernier roman publié de son vivant, Un juif pour l'exemple [voir ici mon article du 12 janvier 2009]. Ce livre lui a valu d'être violemment attaqué le jour de son anniversaire le 1er mars 2009, lors du carnaval de Payerne, sa ville natale. Il y revient pour fustiger le mal qui l'a poussé à écrire cette histoire vraie :

 

"Le mal n'est pas tant l'injure à l'écrivain, que la manifestation explicite d'un autre mal autrement plus sale et dangereux, un mal qui rampe, qui se ramifie souterrainement, qui empoisonne le sol et l'air, qui insinue et laidement trouve le moyen d'exploser."

 

L'interrogatoire n'était pas achevé. Il l'a interrompu. De temps en temps il manque d'ailleurs des mots dans le texte, soulignés par l'éditeur. L'interrogé, dans une ultime réponse à l'interrogateur, dit :

 

"Je reviendrai."

 

Nous sommes vraisemblablement à quelques mois de sa mort, survenue le 9 octobre 2009 [voir ici mon article du 12 octobre 2009], et il écrit, dans le chapitre sur la peur, sur la peur de la mort en particulier, ce passage que je fais mien :

 

"Chaque matin, à chaque réveil, j'ai la surprise de pouvoir me dire que ce nouveau jour m'est donné par surcroît. C'est un cadeau qui n'a pas de prix." 

 

Francis Richard

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22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 21:10

Camp des SaintsDébut 1973 paraissait un livre promis à un grand avenir éditorial en dépit du silence gêné qui devait entourer sa sortie et qui ressemblait à s'y méprendre à un enterrement de première classe, Le Camp des Saints, de Jean Raspail, paru chez Robert Laffont ici.

 

Je fus pourtant parmi les quinze mille lecteurs de la première édition, je ne sais trop pourquoi. Toujours est-il que ce livre m'avait ébranlé. J'avais encore 21 ans en ce début 1973, j'allais en avoir bientôt un de plus. Ce qui y était dit ne pouvait laisser quiconque indifférent, a fortiori le jeune homme que j'étais. 

 

Je suis maintenant à l'âge des relectures, 60 ans. C'est pourquoi je me suis décidé à relire ce livre incandescent, comme je me propose de relire prochainement Les Poneys Sauvages, revu et corrigé l'an passé par Michel Déon. Avant cette relecture j'ai d'abord pris en mains la première édition, celle de 1973, pour la comparer à celle de 2011, et j'ai constaté que cette dernière édition se distingue de la première par quatre points.

 

Le directeur actuel de Robert Laffont, Leonello Brandolini, ouvre le livre par une note d'éditeur où l'on peut lire entre autres :

 

"Jean Raspail connaît mon opinion qui n'est pas la même que la sienne. Il connaît surtout la volonté que j'ai de permettre aux auteurs de s'exprimer en toute liberté. La même volonté animait Robert Laffont en 1973 quand il voulait faire découvrir Le Camp des Saints."  

 

Le roman apocalyptique est également précédé d'une longue préface de l'auteur intitulée Big Other, allusion claire au Big Brother de George Orwell, qui est le personnage principal du roman d'anticipation de celui-ci, 1984, alors que la première édition était précédée de ce seul avant-propos :

 

"Je voulais écrire une longue préface, m'expliquer, montrer que tout cela n'est pas tellement utopique et que même si l'action symbolique peut paraître invraisemblable à certains, il s'en présentera, inéluctablement, une autre de même nature. Il suffit de se reporter aux effarantes prévisions démographiques de l'an 2000, soit dans 28 ans : sept milliards d'hommes, dont neuf cent millions de Blancs seulement.

 

Mais à quoi bon ?

 

Cependant, je me dois de signaler au lecteur que de nombreux textes prêtés à la parole ou à la plume de mes personnages, éditoriaux, discours, mandements, lois, reportages, déclarations en tout genre, sont textes authentiques. Peut-être les reconnaîtra-t-on au passage...Appliqués à la situation que j'ai imaginée, ils n'en deviennent que plus lumineux."

 

Des trois citations en exergue du livre, il n'en reste plus qu'une, celle tirée du XXe Chant de l'Apocalypse :

 

"Le temps des mille ans s'achève. Voilà que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la terre et qui égalent en nombre le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la terre, elles investiront le camp des Saints et la Ville bien-aimée."

 

Les deux autres citations sont passées à la trappe :

 

"Mon esprit se tourne de plus en plus vers l'Occident, vers le vieil héritage. Il y a peut-être bien des trésors à retirer de ses ruines...Je ne sais." Lawrence Durell.

 

"A y regarder de l'extérieur, l'amplitude des convulsions de la société occidentale approche du point au-delà duquel cette société devient "métastable" et doit se décomposer." Soljenitsyne.

 

Enfin l'histoire se passe en un temps où le pape imaginé par Raspail s'appelle... Benoît XVI. L'auteur a tenu à préciser dans une note figurant à la fin de l'ouvrage que "le pape de fiction ici mentionné ne saurait d'aucune façon être confondu avec Notre Très Saint-Père le pape Benoît XVI, auquel je fais hommage de ma confiance et de mon respect."

 

Cette dernière note est curieusement datée de janvier 2006, alors que le livre a été réédité en 1978, en 1985 et en janvier 2011... 

 

Camp des Saints 1973Autrement, pas un mot n'a été changé. En le lisant on mesure le chemin parcouru en 38 ans. Aujourd'hui l'auteur ne pourrait plus écrire ce "livre impétueux, furieux, tonique, presque joyeux dans sa détresse, mais sauvage, parfois brutal et révulsif au regard des belles consciences qui se multiplient comme une épidémie", tel qu'il le décrit dans sa préface.

 

Ce brûlot serait "impubliable aujourd'hui, à moins d'être gravement amputé.", souligne-t-il dans cette même préface. Pour preuve, en annexe, est publié l'index des 87 motifs (relevés par deux avocats) de poursuites judiciaires qui pourraient être engagées contre lui en vertu des lois Pleven, Gayssot, Lellouche et Perben, si elles étaient rétroactives, lois qui empêchent les questions de fond, notamment celle de l'immigration, d'être débattues librement et favorisent la montée des extrêmes. 

 

Si en 1973 j'ai été ébranlé, en 2011, 38 ans plus tard, j'ai, par moments, été choqué par la violence du ton et séduit, dans le même temps, par la qualité du style. Aurais-je changé ? Aurais-je été contaminé par la bête dont parle Raspail, ce Big Other qui empêche les occidentaux de se défendre pour leur survie et fait voter des lois pour mieux les en empêcher et les réduire au silence ?

 

L'intrigue est simple. Il y a d'une part le paradis occidental et de l'autre une multitude d'hommes du Gange complètement démunis. Spontanément ces derniers sont près d'un million à embarquer sur une centaine de bateaux qui pourront tout juste accomplir le trajet de l'Inde jusqu'aux rivages méditerranéens du sud de la France, pour mettre un terme à ce triomphe occidental indécent auquel ils opposent "la force triomphante de la faiblesse" :

 

"[Les] armes [de cette flotte d'envahisseurs] sont la faiblesse, la misère, la pitié qu'elle inspire et la valeur de symbole qu'elle a prise dans l'opinion universelle."

 

Car, pendant le trajet qui dure soixante jours, ces hommes, femmes et enfants, qui souffrent et qui puent, suscitent la compassion humanitaire de la plupart des habitants du monde occidental qui voient en eux "l'apport de la civilisation du Gange à l'accomplissement de l'homme" et ne comprendront que trop tard ce que leur réserve réellement cette invasion, c'est-à-dire la servitude.

 

Seuls quelques uns d'entre eux ont compris que cette "armada de la dernière chance" allait détruire leur civilisation et préféreront résister à cette invasion, sans se faire aucune illusion, et mourir pour ne pas subir le joug et les humiliations qui leur sont promis.

 

Pour qualifier les pays occidentaux Jean Raspail parle à plusieurs reprises de peuple des Blancs. Il ne faut toutefois pas se méprendre. Il entend par là les "fils spirituels des Grecs, des Latins, des moines judéo-chrétiens et des Barbares de l'Est".

 

A la fin du livre il précise d'ailleurs par la bouche d'un noir de Pondichéry qui fait partie de la poignée d'irréductibles, voués à la mort plutôt qu'à la soumission :

 

"Etre blanc, à mon sens, n'est pas une couleur de peau. Mais un état d'esprit."

 

Pour donner une idée de la violence de certains passages du livre, je me risque à en citer un, qui n'est pas le plus violent. Sur la route de "l'armada de la dernière chance", la Commission de Rome décide de la ravitailler à la hauteur de São Tomé sans se douter d'ailleurs que les européens essuieront de la part de la flotte une véritable rebuffade :

 

"On montrerait à ces malheureux et au monde entier, le vrai visage de la race blanche ! Sur l'aérodrome de São Tomé, ce fut aussitôt la ruée. Le carrousel de la charité, cent avions attendant leur tour d'atterrir sous le ciel plombé de l'équateur. La curée ! Un morceau de choix de bons sentiments. Une pièce montée d'altruisme. Un chef d'oeuvre de pâtisserie humanitaire, fourré d'anti-racisme à la crême, nappé d'égalitarisme sucré, lardé de remords à la vanille, avec cette inscription gracieuse festonnée en guirlandes de caramel : mea culpa ! Un gâteau particulièrement écoeurant." 

 

Comme on le voit, Jean Raspail force le trait, ne fait pas dans la dentelle. C'est comme un cri de rage qu'il pousse, parce que ce pessimiste pense que le monde ancien qu'il a connu ne peut qu'inéluctablement disparaître et qu'il ne peut pas s'y résoudre. Aujourd'hui il ne se renie pas. Agé de 85 ans, il emploie ses dernières forces à lutter contre cette disparition qu'il considère pourtant comme inévitable, démographie oblige.

 

La question qui se pose est la suivante : Jean Raspail a-t-il raison de prophétiser ainsi le déclin de l'Occident, en entendant par là la fin de sa civilisation ? Force est de constater qu'aujourd'hui la richesse du monde se trouve encore entre les mains de cette minorité d'hommes, qui l'ont certes créée par leurs mérites, leurs labeurs, en suant sang et eau, mais qui ne peuvent que susciter l'envie de ceux qui n'ont pas eu la chance de naître sous de tels cieux, baignés dans une telle civilisation.

 

D'un côté les hommes qui se pressent aujourd'hui à Lampedusa, qui se pressaient hier à Melilla, semblent donner raison à Raspail, de même que tous les immigrés extra-européens, hermétiques aux valeurs judéo-chrétiennes, qui se trouvent déjà en Union européenne et qui pourraient bien être majoritaires dans quelques décennies, démographie oblige.

 

De l'autre il ne faut pas oublier que d'autres hommes, dans des pays gigantesques, comme le Brésil, l'Inde ou la Chine, sortent peu à peu de la misère en prenant leur destin en mains. Ils prouvent qu'il est possible d'en sortir mais que cela ne peut se faire que par l'exercice de libertés d'agir toujours plus grandes, semblables à celles qui ont fait prospérer naguère l'Occident. Lequel devrait comprendre qu'il est de son intérêt de ne pas empêcher les pays pauvres, par des protections à sens unique, de commercer avec lui.

 

Et puis, on peut rêver : si les occidentaux se remettaient à faire des bébés ...

 

Francis Richard 

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12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 22:45

l'enfant prodigueLes lecteurs assidus des Carnets de JLK ici ne seront pas déçus, ou alors en bien, par le dernier opus de Jean-Louis Kuffer, L'enfant prodigue, paru aux Editions d'Autre Part ici. Il mérite cependant de dépasser largement ce cercle de happy few, dont je fais partie, même si ce cercle n'est pas négligeable pour et sur la Toile.

 

L'enfant prodigue est un roman, comme peut l'être La recherche. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'un roman où les amateurs d'intrigue seront servis. Il s'agit d'un roman où l'intériorité prime et où les souvenirs prennent une forme rêvée, laissant de surcroît une large place à la créativité du lecteur, qui peut lui aussi partir à cheval sur le rêve.

 

Il n'y a rien d'étonnant à cela puisque l'auteur fait partie de ces rêveurs allumés qui suivent une ligne brisée, irrégulière, avec une cohérence confondante. Il nous mène en son bateau ivre et nous en sommes ravis. Il nous fait emprunter des détours pour arriver au but, mais nous y parvenons.

 

Georges Haldas, dans ses Chroniques de la petite fontaine, ne définissait-il pas ainsi, au détour d'une phrase, de manière indirecte, l'Etat de Poésie qui lui était si cher :

 

"Le propre, dans l'Etat de Poésie, c'est de ne pas nommer directement les choses, pour que, par un détour, elles deviennent plus présentes."

 

Nous retrouvons une partie des personnages du Pain de coucou dans ce nouvel ouvrage, mais il faut dire d'emblée que le ton n'est plus le même à un quart de siècle de distance. Le style a lui aussi changé, il s'est fait plus onirique encore si c'était possible, ce qui prouverait que la maturité n'empêche pas, au contraire, de devenir un éternel enfant, prodigue de ses vagabondages.

 

Le monde de JLK est peuplé de livres, de mots, d'oeuvres d'art, de couleurs, de personnages rencontrés, tout comme de portraits et de photos de famille. JLK est insatiable, curieux de tout, d'une chose et de son contraire. D'ailleurs il reconnaît lui-même qu'il est double. Il y a deux moi en lui, "moi l'un" et "moi l'autre" qui sont loin d'être d'accord l'un avec l'autre, mais qui cohabitent tout de même sous le même crâne.

 

N'est-ce pas d'ailleurs le propre de tout homme d'être double, comme Janus, même si nous ne nous en faisons pas volontiers l'aveu ? "Tout homme est une guerre civile" disait Thomas Edward Lawrence dans Les sept piliers de la sagesse...

 

La plongée dans l'enfance et les émois de l'adolescence, avant et après le sperme chez les garçons, avant et après le sang chez les filles, ne sont pas prétexte à nostalgies. Ils sont quête, qui restera sans réponses définitives, mais qui permettront de reconstituer vaille que vaille ce que nous sommes devenus, ce que nous sommes. La réminiscence des amours mortes ressortit de la même quête qui ne nous rapporte que quelques pièces du puzzle, mais c'est déjà beaucoup et prometteur. 

 

Parmi les personnages rencontrés il y a Alonso Ferrer, que votre serviteur a bien connu en son temps, mais que JLK a quelque peu modifié pour des raisons romanesques évidentes. Il y a Georges Simenon qui se rendait chez un traiteur de la place Saint-François à Lausanne, dont le nom a également été changé pour les besoins de la cause. Le Monsieur Lesage de la librairie du Rameau d'Or emprunte ses traits à diverses personnes que les initiés reconnaîtront. La silhouette de Georges Haldas fait une courte apparition, comme un clin d'oeil amical...

 

Pas davantage que dans La recherche, le décryptage n'a réellement d'importance. Ce qui importe, ce sont les multiples facettes de la vie qu'il est donné au lecteur de retrouver ou de découvrir à travers ces diverses rencontres. Je suis même sûr qu'il n'est pas besoin d'avoir approché ni de près, ni de loin, tel ou tel des personnages rencontrés par JLK pour en apprécier tout le charme et toute la singularité, tels qu'ils nous sont rapportés par lui.

 

Toutes les familles de ma génération ont leurs portraits, sépia ou noir et blanc, ou les deux suivant le temps remonté. Celle de JLK ne fait pas exception. Tous ces portraits sont les masques derrière lequels des vies réelles ou rêvées nous contemplent. De leur foisonnement jaillit la vie tout simplement. A partir de leur évocation nous sont restitués les liens auxquels même les enfants fugueurs, prodigues, sont tentés de se raccrocher pour mieux savoir ce qu'ils sont vraiment, c'est-à-dire à partir d'où ils viennent.

 

Les ascendants, les collatéraux, ne sont pas les seuls miroirs qui nous renvoient l'image de la vraie vie qui nous ressemble. Il y a aussi l'Enfant, pareil aux autres enfants, avant que son rire n'éclate pour s'en distinguer :

 

"Le rire de l'enfant est la preuve qu'on n'est pas rien : qu'on est Quelqu'un."

 

JLK, sur l'Enfant devenu enfant sans majuscule, une fois qu'il est personnalisé par un prénom, écrit de véritables pages d'anthologie qu'il faudrait pouvoir reproduire in extenso.

 

Ceux qui se posent encore des questions, comme les enfants devant le monde qu'ils découvrent, ceux qui restent interloqués par les contradictions de la vie, ceux qui ont baigné peu ou prou dans l'évangile de Luc, à un moment de leur existence, apprécieront ces questions que pose JLK et qui resituent bien les choses dans le contexte de notre condition humaine :

 

"Est-ce parce que tous nous baissons, tous tant que nous sommes, que nous ressentons de mieux en mieux la valeur et la beauté des choses ? Faut-il vraiment baisser pour s'élever un peu, ou n'est-ce pas dès l'enfance que nous nous élevons, et par l'enfance subsistée en nous qu'en baissant nous ne cessons de nous élever, riches de nos expériences et de l'affinement de nos sentiments ?"

 

Francis Richard 

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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