Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 janvier 2016 7 24 /01 /janvier /2016 13:30
Superglu pour coeur brisé, de Julie Grêde

Comment recoller les morceaux d'un coeur brisé? Julie Grêde a une superglu pour ça: se faire raconter par d'autres des histoires de chagrins d'amour, vraies ou fausses, réelles ou inventées - cela n'a pas d'importance. L'important est de se sentir moins seule (ou seul) dans son cas. Et de stopper dans sa course le petit vélo qui, dans sa tête, tourne en boucle.

 

Dans son livre amusant, et qui suscite chez le lecteur sinon le rire, du moins le sourire - c'est déjà ça - l'auteur de Superglu pour coeur brisé met en scène un personnage fictif, un hologramme de fille, dénommé Superglu, qu'elle fait converser avec un autre personnage, tout aussi archétypique au fond, Toi, c'est-à-dire celle (ou celui) qui s'est fait plaquer.

 

Avec humour et gouaille, Superglu revisite des amours connues, ou qui devraient l'être, qui permettent donc non seulement d'oublier sa solitude, mais encore de relativiser son problème de coeur. Comme la formation philologique de l'auteur n'est pas si ancienne que ça, elle le fait avec le langage des trentenaires (à la génération desquels elle appartient), c'est-à-dire assez cash.

 

Toutes les histoires qu'elle raconte n'appartiennent pas forcément au registre des anciens - Ravenswood, Twilight ou Friends - ou à celui des modernes - Le journal d'Anne Franck, Roméo et Juliette, Mourir d'aimer, BB et Serge, Braveheart ou Le Montespan -, mais toutes déclinent une vérité que Monsieur de La Palice n'aurait pas contredite: l'amour est partout.

 

Prenons l'exemple des amants de Vérone. Superglu raconte à Toi la version de Baz Luhrmann  (1996) avec Leonardo di Caprio et Claire Danes dans les rôles-titres. Cela donne dans le langage de Grêde:

"L'équation du film est originale. Tu prends Shakespeare, tu transposes en plein nineties, dans une ville imaginaire, mais qui fait quand même vachement Mexico, pop et fluo, mais tu conserves la langue victorienne... Le choc est immédiat et puissant."

 

Les amours de Brigitte Bardot et de Serge Gainsbourg l'inspirent en ces termes, genre idéal:

"Le jour de l'enregistrement de Je t'aime moi non plus, ils sont en plein dans la passion. Ils ont chacun un micro, à un mètre l'un de l'autre. Les lumières sont tamisées. Ils imitent les bruits et mots d'un couple faisant l'amour dans la pénombre. Ils se tiennent par la main, leurs doigts s'effleurent. Un des moments les plus érotiques de leur vie, non, de l'histoire de l'humanité! Le jeu dure deux heures, ceux qui sont là comprennent combien ils s'aiment et la force du truc."

 

A propos de Twilight, Superglu est moins romanesque, plus directe:

"Il ne faut jamais se dire qu'il était trop bien pour toi. C'est idiot et jamais vrai. Quand on vit un chagrin d'amour, on a toujours l'impression d'être une crotte, que tout le monde est mieux, mais ça ne doit être que passager, il ne faut pas s'y enfermer."

 

Il faut en quelque sorte en sortir, après avoir tiré la chasse...

 

Francis Richard

 

Superglu pour coeur brisé, Julie Grêde, 168 pages, Éditions La Boîte à Pandore

Partager cet article
Repost0
21 janvier 2016 4 21 /01 /janvier /2016 22:30
Un si dangereux silence, de Harry Koumrouyan

Le 24 avril 1915, à Constantinople, capitale de l'empire ottoman, 600 notables arméniens sont assassinés sur ordre du gouvernement. C'est le début d'un génocide, aux victimes innombrables, et d'une diaspora, pour les survivants.

 

Les règles d'or des survivants, selon Becca Simonian? "Règle numéro 1. Pas d'archéologie dans le passé de peur qu'il ne t'enterre. Règle numéro 2 (qui découle de la première). Avance quoi qu'il arrive. Un avenir meilleur t'attend."

 

La fratrie Simonian - Kevork, Aram et Becca - émigre et s'installe à Genève. Kevork en part quelque temps après, pour le Brésil. Seul Aram est marié, à Victoria. Ils ont deux enfants: Anoush et Arthur. Becca est, semble-t-il, une célibataire endurcie.

 

Quand le récit commence, Arthur, qui vit à New-York, se rend à Genève. Sa soeur l'a prévenu que leur père n'a plus longtemps à vivre. Mais il arrive trop tard. Comme le lui dit Anne, qui n'a plus voulu être appelée Anoush: "Tu n'y es pas parvenu."

 

Dix-huit ans plus tôt, Anne s'est mariée avec Eric Landolt, un avocat genevois. Elle a fait sa rencontre à la clinique un jour où, médecin, elle était de garde. Cycliste, Eric avait été renversé par un automobiliste. Son accident était heureusement sans gravité.

 

Eric et Anne ont un fils, Joseph, qui leur a donné bien du souci. Ni l'un ni l'autre ne s'occupaient de lui. Ils l'avaient confié à une jeune femme brésilienne, Lolo, qui était préoccupée par ce garçon solitaire, pouvant être tour à tour timide et agressif avec les autres enfants.

 

Dans Un si dangereux silence, Harry Koumrouyan raconte l'histoire, avant et après le décès d'Aram, de cette famille arménienne, hantée par un passé, vécu ou transmis, et il le fait avec un vrai talent de conteur et de lecteur des âmes.

 

Au cours de leur vie de descendants directs de survivants du génocide, Anne et Arthur essaient de prendre leurs distances avec cette Arménie, qu'ils ne connaissent pas, mais dont ils éprouvent et redoutent la présence invisible et silencieuse.

 

Dans son cahier bleu, dans lequel il note ce qu'il apprend de la vie, Joseph résume très bien les sentiments mélangés que son oncle Arthur peut avoir, s'il a pu prendre goût aux déplacements, sans doute parce que ce sont déjà les siens:

 

"On est à la fois de partout et de nulle part. La famille Simonian s'est habituée à l'immigration. Au départ, c'était la survie; ensuite, on choisit. On a une valise prête dans le couloir; on n'attend pas d'être chassé pour partir.

 

Il apprendra plus tard que sa mère, lorsqu'elle était âgée de vingt-six ans, a renoncé à un fiancé ottoman, Mehmet, après avoir tenté d'annoncer à ses parents son mariage avec lui, un 24 avril... Sa "mère-maman-Anoush-Anne, maintenant je ne sais plus très bien" ne lui en aura jamais vraiment parlé...

 

Il comprendra en mûrissant, grâce à une rencontre déterminante, qu'il n'est pas "besoin de choisir entre les différents lieux, entre le passé et le présent":

 

"Ne pas les séparer, au contraire, les réunir. Ajouter, jamais soustraire. Eviter le confinement. Confinement, quel mot affreux, cousin d'isolement, de fermeture. On nous a virés de nos terres. Sans pitié et sans espoir de retour. Tant pis, car aujourd'hui, le monde nous appartient.

 

Découvrant peu à peu les secrets familiaux, il pourra se dire que le silence n'est décidément pas une réponse aux interrogations et qu'il peut même s'avérer dangereux s'il est employé... sans modération. 

 

Francis Richard

 

Un si dangereux silence, Harry Koumrouyan, 280 pages, Éditions de l'Aire

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

Partager cet article
Repost0
16 janvier 2016 6 16 /01 /janvier /2016 23:55
Le Royaume des oiseaux, de Marie Gaulis

Objets inanimés avez-vous donc une âme

Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer?

 

C'est par ces vers qu'Alphonse de Lamartine termine la première partie de son poème dédié au château de Milly, qu'il considère comme sa terre natale et qu'endetté jusqu'au cou, il sera un jour contraint de vendre.

 

En lisant Le Royaume des oiseaux, de Marie Gaulis, de tels vers viennent spontanément à l'esprit. Ce livre est en effet le récit des vies de celles et de ceux qui ont précédé la narratrice sur Terre et qui ont habité la demeure familiale savoyarde avant qu'un de leurs descendants ne doive se séparer de ce royaume "étroit et merveilleux". 

 

Après la mort en couches de sa femme Jeanne, Max de Foras, l'arrière-grand-père de la narratrice, en 1895, épouse en secondes noces Mary Read, une riche héritière américaine. L'argent qu'elle apporte va permettre au château de ne pas s'écrouler et à la famille Foras de dépenser, en réceptions, danses et banquets.

 

Marie de Foras, pieuse catholique, fait construire une chapelle. Autant son mari est indolent, autant est entreprenante cette fille de John Meredith Read, "qui fut général et consul des Etats-Unis en Grèce et en France". C'est elle qui surveille les travaux d'entretien et de modernisation du château. Après qu'elle y a installé des salles de bains, Max devient adepte du long "bain matinal et quasi quotidien"...

 

Max, libre penseur, chasseur et fumeur de pipe, regrettant le "silence d'avant le téléphone et la radio, silence d'avant toute cette machinerie électrique qui a depuis envahi l'espace", perpétue la tradition velléitaire de la famille: "Les comtes, depuis plusieurs générations et avec quelques exceptions, n'étaient pas simples d'esprit, ils étaient simplement paresseux avec des élans désordonnés vers l'action ou plutôt [...] le simulacre d'action." ...

 

Joson de Foras, fils de Max, aime l'aventure. Il abandonne ses études de droit à l'université de Princeton pour partir vers le nord, "faire le trappeur en Alaska" prétend-il. Il ne retourne à New-York que lorsque, partageant "la couche de peaux" d'une femme de tribu, il s'entend parler d'union par la famille de celle-ci... Rappelé par son père, de retour en Savoie avec Dora, sa jeune et belle femme, il est pris au piège dans le château...

 

Dora, en fait Théodora, aurait pu faire tout autre chose que d'être châtelaine en Savoie et d'épouser Joson, ce nobliau apathique et défaitiste. Elle n'est pour autant pas uniquement, comme c'est la destinée féminine de son temps, maîtresse de maison, épouse et mère. Artiste dans l'âme, elle devient "peintre malgré tout": "C'était une forme de résistance tout autant que de création [...], c'était la façon pour moi d'exister et de tenir ma vie."

 

Cette histoire, qui restitue plusieurs époques, est racontée par les défunts Marie, Max, Joson et Dora, et par leur bien vivante descendante.

 

Les défunts regardent le monde depuis leur poste d'observation, qui n'a rien à voir avec la croyance inculquée "depuis l'enfance, en la vie éternelle et l'immortalité de l'amour": ils flottent, dans un "présent sans limite", au-dessus du royaume, "dans les nuées, devenus oiseaux peut-être, ou nuages ou vent". La narratrice elle rassemble ses souvenirs et les traces laissées par les défunts.

 

Bien après eux tous, resteront "les pierres, couvertes de mousse, lézardées ou descellées":

 

"Les pierres sont résistantes, elles s'adaptent, supportent la pluie, la neige, le vent. Et même si les toits s'écroulent, ce qu'ils finissent par faire - on ne connaît pas de monument très ancien qui ait gardé sa toiture, les temples laissent passer l'air et la lumière - demeurent longtemps, plus longtemps que nos vies, celles de nos aïeux et celles de nos héritiers, les murs avec leurs traces de fenêtres et de portes, les tours, les escaliers qui ne mènent plus qu'à la vaste trouée du ciel."

 

La modernité n'efface jamais complètement les vestiges des mondes anciens...

 

Francis Richard

 

Le Royaume des oiseaux, Marie Gaulis, 128 pages Zoé (janvier 2016)

 

Livres précédents chez le même éditeur:

Le rêve des naturels (septembre 2012)

Lauriers amers (avril 2009)

Partager cet article
Repost0
13 janvier 2016 3 13 /01 /janvier /2016 20:00
Le dragon du Muveran, de Marc Voltenauer

Gryon est un village des Alpes vaudoises, un véritable microcosme où tout le monde ne peut que se connaître... Marc Voltenauer y a situé son roman, Le dragon du Muveran.  Un roman policier, qui démarre très vite et très fort, le vendredi 7 septembre 2012...

 

Dès le prologue, ce jour-là, l'auteur met en scène un personnage dont il ne donne pas le nom, mais dont le lecteur se doute qu'il est important (les prologues de polars doivent toujours être lus religieusement, c'est le cas de le dire) puisque la première phrase du livre est celle-ci:

 

"L'homme qui n'était pas un meurtrier se tenait sur la terrasse de son chalet d'alpage."

 

Cet homme écoute sur son téléphone portable un morceau, pour lui incontournable, du Requiem de Mozart, Lacrimosa, dont se détache, pour le lecteur attentif, un vers, parmi d'autres, qui ne peut pas figurer dans ce prologue par hasard:

 

"L'homme coupable sera jugé."

 

En regardant le Grand Muveran, qui culmine à trois mille mètres,  cet homme sans nom se remémore l'histoire que lui a racontée sa grand-mère, il y a quelque quarante ans, et dont elle ne pouvait se douter que le héros serait un jour bien davantage qu'une légende:

 

"Derrière la montagne habite un dragon. Lorsque le soir de la pleine lune se prépare et que le soleil vient de se coucher, il prend son envol. Dans le ciel, il crache du feu. D'immenses flammes qui laissent des traînées tout autour de la montagne. Au printemps il fait fondre la neige et la glace sur les lacs."

 

Deux jours plus tard, le dimanche 9 septembre 2012, dans le temple de Gryon, la pasteure du village, Erica Ferraud, découvre, juste avant le culte, un corps nu, allongé sur la table de communion:

 

"Les bras étendus étaient perpendiculaires au corps. Les jambes, attachées ensemble à l'aide d'une corde. C'était l'image du Christ crucifié. Un homme. La cinquantaine probablement. Un énorme couteau était planté dans le coeur. Autour de la plaie, du sang séché formait comme un réseau de ruisseaux du haut de la poitrine jusqu'à son sexe. Ses yeux avaient été enlevés. Les orbites ressemblaient à deux trous noirs. A l'extrémité du couteau, une cordelette avec un morceau de papier."

 

Le cadavre est celui d'un habitant du village, Alain Gautier, agent immobilier de son état. Sur le morceau de papier, relié au couteau par la cordelette, sont écrits les mots suivants: "Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres!"

 

L'enquête est menée par l'inspecteur Andreas Auer, de la brigade criminelle de Lausanne. Il habite justement Gryon, avec son compagnon, Mikaël, journaliste indépendant, qui lui donne un coup de main discret dans ses enquêtes.

 

L'équipe d'Andreas comprend Karine, une collègue, Christophe, de la police scientifique, Doc, le médecin légiste (féru d'expressions latines), auquel viendra en renfort, Nicolas, un policier proche de la préretraite. Cette équipe est sous les ordres d'une commissaire et sous la surveillance malveillante d'un procureur.

 

Le lecteur a un avantage sur les enquêteurs. Du moins le croit-il. Parallèlement à l'enquête, il est mis peu à peu au courant, par l'auteur, de ce qui s'est passé à Gryon quarante ans plus tôt et qui ne peut donc avoir qu'un lien avec l'affaire. Mais il ne sera pas plus avancé qu'eux quand le récit prendra des détours inattendus.

 

L'auteur prend en effet un malin plaisir à faire croire au lecteur qu'il est dans la confidence du noir passé des protagonistes, mais, quand ce passé sera entièrement révélé, il s'avèrera n'être que la pointe d'un iceberg, dont la masse principale est complètement immergée, comme c'est le cas pour tous les icebergs.

 

Ce qui fait l'originalité de ce polar c'est qu'il y est bien sûr question de violence, de sexe, de détails forensiques (très réalistes), mais aussi de religion. Les extraits bibliques succèdent aux extraits bibliques tout au long de l'histoire, dans cette commune où protestants et catholiques vivent en bonne intelligence.

 

Ces citations de l'Ancien et du Nouveau Testament sont semées, comme les cailloux du Petit Poucet, par le criminel (certes d'une grande intelligence mais, à l'évidence, plus attaché à la lettre des Ecritures qu'à leur esprit) et commentées savamment par Andreas et Mikaël, capables d'en faire des lectures de plusieurs degrés.

 

Le criminel et l'enquêteur se livrent, tout du long de ce livre, à un terrible duel, si bien que l'auteur peut écrire dans l'épilogue: "L'enquête avait duré deux semaines seulement, mais elle avait été éprouvante, physiquement et mentalement. Andreas avait juste envie d'être au calme. Et surtout de laisser toute cette histoire derrière lui et de passer à autre chose. Mais en même temps il ressentait un grand vide."

 

Le lecteur aussi ressent un grand vide après avoir lu ce fort volume, mais il en redemande. Sans doute pour combler ce vide dont il est dit, depuis Aristote que la nature a horreur. Sans doute, aussi, tout simplement, parce que, s'il lit nombre de polars bien noirs et bien sanglants, c'est qu'il aime être malmené. A quand donc la suite des aventures de l'inspecteur Auer? 

 

Francis Richard

 

Le dragon du Muveran, Marc Voltenauer, 670 pages Plaisir de lire

Partager cet article
Repost0
10 janvier 2016 7 10 /01 /janvier /2016 18:20
La mer des Ténèbres, d'Elisabeth Horem

Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres.

 

En épigraphe à son roman, d'où le titre, Elisabeth Horem a mis ce vers tiré du Voyage de Charles Baudelaire. Il est le trait commun des trois récits de voyage qui le composent et qui se correspondent, ce qu'on ne sait qu'en lisant le troisième, même si une brève allusion est faite au premier récit dans le deuxième.

 

Dans le premier récit qui s'intitule "Ta langue est ta monture", un proverbe arabe (Lisânak, hisânak) qu'aime Johann Ludwig Burckhardt,(1784-1817), l'auteur raconte les voyages au Proche-Orient et en Afrique de ce voyageur singulier et solitaire, né à Lausanne, originaire de Bâle et mort au Caire.

 

Johann Ludwig Burckhardt est investi d'une mission d'exploration des sources du Niger par l'African Association. Sa mer des Ténèbres à lui n'est pas seulement celle que connaissent les marins de Baudelaire, mais celle métaphorique de routes terrestres tout aussi ténébreuses, qu'il parcourt souvent à pied, dans le dénuement, alors qu'il n'est pas miséreux...

 

Route faisant - il a appris l'arabe et se fait appeler Ibrahim -, en Syrie, en Egypte, en Nubie, au Soudan, Johann prend des notes, furtivement, pour que cela ne soit pas mal interprété. Ceux qu'ils rencontrent sont bien souvent analphabètes et sont d'autant plus soupçonneux. Il doit alors se contenter de noter des yeux et n'est pas toujours bien vu.

 

Sur la route de Souakin: "Tu lis l'horreur dans le regard des femmes, le dégoût pour ton teint blême, tu t'étais approché de leurs huttes, tu voulais juste leur acheter un peu de lait, un peu d'eau, et elles te chassent avec de grands gestes affolés comme un insect répugnant. Elles savent bien que c'est la maladie qui décolore la peau des Blancs, que Dieu les préserve de leur contact."

 

Dans le deuxième récit, qui s'intitule Les bâtisseurs et qui se passe un siècle plus tard, l'auteur raconte ce qu'il advient à deux enfants, Ben et Fanny, dont la mère, devenue veuve, a démissionné de son emploi pour ne pas céder aux avances de son chef d'atelier. Sans ressources, elle croit bon de confier provisoirement ses enfants à des religieuses.

 

Les conditions de vie de ces enfants sont déplorables: peurs, malnutrition, froid. Fanny redevient énurétique, on ne lave pas ses draps, on la traite de pisseuse, on lui confisque sa poupée. Ben n'est pas mieux loti, on lui tond le crâne qui se couvre de plaies, on l'oblige à boire du lait, avec sa peau, qu'il régurgite, on lui fait croire que sa mère est morte et on fait croire à sa mère qu'il est mort.

 

Bref, ces religieuses font tout pour rompre les liens entre les parents et leurs enfants qui leur sont confiés. Elles emploient un moyen imparable et ignoble pour les séparer définitivement. Elles les expédient dans l'hémisphère sud où, considérés comme une main d'oeuvre bon marché, ils sont employés qui dans des fermes, qui sur des chantiers, d'où le titre du récit.

 

Dans le troisième récit, qui s'intitule L'impossible reconstitution de l'Abbaye de Westminster, l'auteur raconte le voyage accompli par une femme, qui, considérée comme une orpheline de la même manière que les enfants du deuxième récit, a été déportée dans son enfance et qui, aujourd'hui, voyage en relisant les journaux de Johann Ludwig Burckhardt, en prenant la même direction que lui.

 

Cette femme voyage à bord d'un cargo, un porte-conteneurs, en Méditerranée, en Mer Rouge. Ce voyage est l'occasion pour elle d'évoquer sa famille, dont elle a surtout pris connaissance par des cartes postales, par des lettres et par des photos mises dans des cartons. Dans une boîte à biscuits elle a aussi retrouvé un puzzle, en mauvais état:

 

"Comment savoir si toutes les pièces y étaient, comment être sûre qu'aucune n'avait été perdue au cours des années, tombée par terre, balayée ensuite par inadvertance et jetée au feu dans la cuisinière en même temps qu'un vieux journal froissé sali par les épluchures de pommes de terre, disparaissant sans retour parmi les boules de coke incandescent et rendant à jamais impossible la reconstitution de l'Abbaye de Westminster?"

 

Les voyageurs de Baudelaire s'embarqueraient volontiers sur la mer des Ténèbres "avec le coeur léger d'un jeune passager". Ce n'est pas vraiment le cas ici. Et la fin du poème peut-être éclaire, si j'ose dire, le propos du roman, où la mort joue un rôle à la fois charmant et funèbre:

 

Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !

 

Francis Richard

 

La mer des Ténèbres, Elisabeth Horem, 304 pages Bernard Campiche Editeur    

Partager cet article
Repost0
5 janvier 2016 2 05 /01 /janvier /2016 16:00
1352 - Un médecin contre la tyrannie, de Philippe Favre

Les renommées, qui importent, résistent à l'épreuve du temps, dit-on. C'est souvent vrai, mais pas toujours - il faut se méfier des généralisations parce qu'elles souffrent inévitablement d'exceptions qui les remettent en cause, ne serait-ce que partiellement. Le roman historique de Philippe Favre, 1352 - Un médecin contre la tyrannie, en est un exemple par excellence.

 

Qui se souvient en effet de Guillaume Perronet? Philippe Favre a choisi de ressusciter ce médecin qui s'est dressé au XIVe siècle contre la tyrannie en Valais. Le mot de tyrannie n'est pas trop fort pour qualifier les exactions commises alors, contre les Valaisans, par l'évêque de Sion, Guichard Tavel, et par le comte de Savoie, Amédée, dit le Comte vert.

 

Plutôt que de raconter l'histoire de ce roman très documenté et plein de rebondissements, comme peuvent l'être les romans historiques d'Alexandre Dumas père, qu'il faut donc lire en prenant à la fois de l'instruction et du plaisir, il semble que ce soit les leçons à en tirer qui vaillent le retour de près de sept siècles en arrière.

 

"Un bienfait n'est jamais perdu".

 

Ce proverbe s'applique au jeune Guillaume Perronet. Simple pâtre, à quinze ans, en 1331, n'écoutant que son coeur, il sauve un jour de la noyade, au péril de sa propre vie, un jeune chevalier en armure, tombé accidentellement dans le Rhône. Il apprendra qu'il s'agit de Charles, héritier du royaume de Bohême, qui sera plus tard sacré empereur à Rome.

 

Cet exploit change sa vie. En reconnaissance, il recevra de la part de celui qu'il a sauvé, de quoi suivre des études de physicus (médecin) à Bologne. Rentré au pays en 1334, il aura l'occasion d'être reconnu en opérant des guérisons parmi les personnes qui sont au pouvoir dans le pays et qui lui témoigneront de la reconnaissance.

 

Quand un événement incompréhensible se produit à l'époque, il est tellement facile de trouver un bouc émissaire. Plutôt que de raisonner et de déterminer s'il ne s'agit pas de quelque chose de naturel, la chasse aux sorcières est ouverte. C'est ainsi qu'une guérisseuse est accusée d'avoir changer la couleur de la neige, qui de blanche, par ses sortilèges, serait devenue rouge comme le sang...

 

De même, à l'époque, aux maladies sont attribuées bien souvent des causes surnaturelles, contre lesquelles il ne peut être remédié que par les prières ou les processions. Devant les ravages des épidémies les hommes  se livrent soit à une dernière débauche, soit à des dévotions, en ayant toujours la perspective de l'enfer, tandis que la science accroît peu à peu son domaine, distinct de la croyance.

 

Car la médecine occidentale n'en est encore qu'à ses débuts. Guillaume s'avère cependant un excellent élève de ses maîtres de Bologne et obtient la guérison de patients en conduisant des raisonnements appropriés, et, quand il se rend compte que son savoir est impuissant, il prend des mesures pour que la maladie ne s'étende pas. Comme le dit Charles, son ami princier, le savoir est un pont jeté entre les hommes...

 

Aux exactions sur les personnes physiques s'ajoutent les atteintes aux droits de propriété des Valaisans, qui se voient accablés par des impôts et taxes par les tyrans que sont évêque et prince. La prospérité, contrepartie des franchises accordées aux communes, disparaît avec la liberté qui leur est confisquée...

 

Alors qu'en tant que médecin, rien ne le prédispose à prendre les armes contre les tyrans, par deux fois, Guillaume Perronet se lance dans l'aventure, en entraînant par son charisme, par son honnêteté, par sa détermination et par sa vaillance, les Valaisans derrière lui. Si un moment le médecin cède le pas au guerrier, c'est tout de même le médecin qui reprend le dessus à la fin.

 

Un résumé de l'histoire de Guillaume Perronet est donc peut-être ce médaillon qui lui a été remis un jour par un vieil hospitalier: à l'avers le symbole de l'Ordre du Temple avec sa devise Memento finis,  "Pense à ta fin", et au revers la marque des hospitaliers de l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem avec sa devise T*F*O*P, pour Tuitio Fidei et Obsequium Pauperum, "Défense de la foi et assistance aux pauvres".

 

Bref, Guillaume est un résistant, qui lutte contre la tyrannie et contre la maladie...

 

Le roman historique de Philippe Favre n'est pas pour autant le seul récit de ses exploits d'homme de guerre et d'hospitalier, il est aussi aussi le récit de bien d'autres choses et notamment celui d'un homme, comme les autres, en proie à des émotions physiques et sentimentales, capable même de pleurer par moments, se souvenant alors de ce que lui disait Hélécha:

 

"Lorsque l'on pleure, c'est toujours sur soi-même; parfois les histoires des autres sont comme un miroir qui déclenche nos émotions, mais nos larmes nous les versons toujours sur nous, jamais vraiment sur autrui."

 

Francis Richard

 

1352 - Un médecin contre la tyrannie, Philippe Favre, 456 pages, Favre

Partager cet article
Repost0
27 décembre 2015 7 27 /12 /décembre /2015 12:00
L'ordonnance respectueuse du vide, de Marie-Jeanne Urech

Dans L'ordonnance respectueuse du vide, les choses, au détriment des êtres, sont bien rangées, dans un ordre qui respecte le vide, omniprésent si j'ose dire, un peu comme un silence peut être assourdissant, cet inusable oxymore, dont d'aucuns, dont je suis, parfois se laissent aller à user et abuser.

 

Marie-Jeanne Urech situe en effet l'action - ou l'inaction - de son dernier roman dans une localité pratiquement vide d'habitants, au nombre théorique de vingt-six mille, dont la plupart n'habitent pas leurs habitations, vides par conséquent, ornées toutefois d'une boître aux lettres rutilante...

 

La localité s'appelle Z. Cette petite ville est un chantier permanent où les bois et les prairies cèdent toujours davantage le terrain à une forêt de grues, sortes de vivants piliers penchés sur des édifices en devenir, qui accueilleront le vide, comme l'ont fait leurs prédécesseurs en ce lieu.

 

Z était naguère inaccessible en hiver. Un glacier, que domine une chapelle, en barrait l'accès. Depuis quelques années, il ne remplit plus cet office. Comme de juste, le réchauffement climatique en est la cause... L'étranger pénètre donc dans Z, sans difficulté, un 15 février...

 

(Les quelques citoyens du lieu ont demandé au Pape d'intercéder auprès du Créateur pour qu'il rétablisse le glacier dans sa fonction...)

 

Artisan-meublier l'étranger est convaincu que la petite ville a besoin de lui pour meubler tous ces édifices vides et que Z sera pour lui un véritable petit paradis sur Terre, où il pourra fortune faire, après avoir pris pour enseigne le nom de Modeste que lui a donné, il le jurerait, la patronne de la Croix d'Or, sa maîtresse d'une nuit.

 

Les autorités de Z sont représentées par un personnage au genre indéterminé. Pour les quelques réels habitants, bien mal lotis, de la petite ville, il est le Mairesse, un nom, nous dit l'auteur, en forme de compromis, tout à fait propre à désigner ce personnage, dont le sexe ambigu est dissimulé derrière une médaille. 

 

Le constructeur du vaste complexe immobilier de Z est Monsieur Island, au nom aussi glacial que lui. Pour des raisons obscures, qui, à la fin, deviendront lumineuses pour ceux qui ne les auraient pas devinées avant, Island est considéré par le Mairesse comme le bienfaiteur de sa petite ville, auquel il faut donc rendre hommage en tous temps.

 

Un endroit cependant résiste encore à l'occupation des terrains de la commune par le bâti. C'est un couvent, qui, jadis, comptait huitante moniales et qui possède la dernière prairie. Les unes après les autres, les moniales disparaissent de ce monde et la Mère supérieure attend, semble-t-il vainement, que de jeunes recrues prennent la relève...

 

Le décor ainsi planté, les protagonistes ainsi décrits, le récit peut se dérouler en prenant les allures et le ton d'un conte, dont l'issue ne peut qu'être apocalyptique, pour rester dans l'air du temps. Le pire y est en effet sûr, en dépit de tous les efforts prodigués par Modeste pour combler un vide, dont on sait, depuis Aristote que la Nature a horreur.

 

Tout n'est pas sombre dans cette histoire édifiante. Modeste rencontre Elytre, qui sera la couleur de son âme et son avenir, comme toute femme l'est pour l'homme selon le poète. Son amour pour sa bien nommée, lui donnera même des ailes le moment venu de s'éclipser. Tout n'est pas sombre non plus parce que Marie-Jeanne Urech est volontiers ironique et que, de ce fait, l'adjectif satirique convient bien à son conte d'aujourd'hui.

 

Francis Richard

 

L'ordonnance respectueuse du vide, Marie-Jeanne Urech, 184 pages, L'Aire

 

Livre précédent chez le même éditeur:

 

Le train de sucre (2012)

Partager cet article
Repost0
17 décembre 2015 4 17 /12 /décembre /2015 23:55
Le retour des choses, de Sabine de Muralt

"Dans la vie, il n'y a pas de jours plus remplis que ceux qui n'ont peut-être pas été vécus, mais qui se sont égarés dans les pages d'un livre."

 

Cette phrase élégante (qui le résume si bien que l'éditeur l'a choisie pour en illustrer la quatrième de couverture) est l'avant-dernière du récit imaginé, que Sabine de Muralt vient de publier sous le titre Le retour des choses.

 

Dans le sens qu'il serait brusque, ce retour des choses, épilogue de ce récit tout en finesse, ne peut être qualifié de juste. Dans le sens qu'il serait inattendu, il peut l'être. A l'instar de la vie, vécue ou rêvée la plume à la main, s'amusant de surprendre toujours.

 

Dans les plis de ce récit se cachent les éléments d'un puzzle. Ce que le lecteur pourrait prendre pour des digressions, faites sous la forme de courts chapitres, n'en sont que des morceaux indispensables à sa compréhension.

 

Une fois reconstitué, ce puzzle dessine, sur quelques décennies, l'histoire, plus longue qu'elle ne se présente de prime abord, de Cordélia, dont la famille, pendant quatre cents ans, a habité une demeure située à Uchtenwil, occupée en dernier par son grand-père.

 

Dans cette demeure se trouvent encadrés d'or et accrochés au mur les personnages de sa famille qui se sont illustrés sur les champs de bataille et dont les noms font que c'est leur passé qui donne de l'épaisseur au présent...

 

Cordélia a seize ans. Elle fait un séjour inoubliable, conclu par un drame, chez sa marraine Othonie, en Bavière, à Neubeuern; assiste en Bretagne au mariage de sa cousine Charlotte avec Saint-Ketoël; se rend au festival Mozart à Salzburg pour le bicentenaire de sa naissance...

 

Peu à peu, apparaissent dans le tableau les deux soeurs de la mère de Cordélia, sa tante Anne, dont elle est proche, mariée à Gilles et mère de Charlotte, et sa tante Nathalie, qui n'est guère aimable avec elle de son vivant. Ces deux tantes sont indéniablement de fortes personnalités. Bon sang ne saurait mentir.

 

A propos de personnalité, à sa tante Anne, dont la tristesse est latente depuis que son fils aîné, Jocelyn, s'est marié, Cordélia a dit un jour qu'elle n'était pas sentimentale: "J'ai trop de sentiments pour ça."... Mais elle a un point d'ancrage, la maison de famille, à Uchtenwil.

 

A seize ans, on peut dire que "cette maison incarnait pour elle une immuabilité rassurante, si différente de la vie mouvementée de ses parents et de son existence de jeune fille oisive, mais elle ne devinait pas de combien d'abnégations, de quels tourments, cette calme immuabilité était faite."

 

Son existence de femme va se charger de lui apprendre ce qu'elle ne pouvait effectivement deviner derrière les apparences...

 

Francis Richard

 

Le retour des choses, Sabine de Muralt, 116 pages, Editions de l'Aire

Partager cet article
Repost0
9 décembre 2015 3 09 /12 /décembre /2015 23:30
Innocent, de Gérard Depardieu

"Etymologiquement, l'innocent, c'est celui qui ne nuit pas."

 

C'est ainsi que Gérard Depardieu se définit, Innocent.

 

Il développe:

"L'innocent ne juge jamais les gens.

L'innocence, c'est le respect des autres.

C'est un débile aussi, un innocent, il a un côté pur et sans malice."

 

Il précise encore:

"Ce n'est pas une façon de voir la vie, non, c'est une façon de la recevoir.

Et ce n'est pas une façon de la connaître non plus, mais de la reconnaître."

 

Le fait est que, dans ce livre éponyme, Gérard Depardieu se livre, sans malice, et qu'il est bien pur d'une certaine manière, lui qui ne voit pas le mauvais côté des choses.

 

Il appartient à une autre France, celle d'avant 1968, s'il faut la dater, à une autre époque "où on pouvait encore vivre ses passions, faire de sa passion un art".

 

Depuis, a été remise au goût du jour "la France de l'épuration, de la dénonciation, la France du "oui mais", celle où il faut que tout soit propre, cette soi-disant propreté dans laquelle nous sommes tous en train de crever".

 

Sa conception de l'art, qui n'est utile que s'il est dangereux, du cinéma qui doit être vrai et témoigner d'une culture, d'un pays, d'une identité, n'est bien sûr pas compatible avec la bienveillance et l'hypocrisie calibrées d'aujourd'hui.

 

Les hommes de pouvoir? "La seule chose qui leur fait peur, c'est l'honnêteté."

 

Les gens de France? Ils ne disent plus rien: "On est dans un pays muet. On les désespère tellement, on leur fait tellement peur, on les abrutit tellement à force de conneries qu'on a fini par leur couper la parole, ce qui, pour moi, est la pire des violences."

 

Il ne faut rien attendre des politiques: "Il y a simplement à vivre les choses qui nous arrivent et à se démerder seul pour essayer de les vivre au mieux."

 

Les politiques traitent la diversité humaine et naturelle en bloc: "Ils veulent que tout le monde se conforme aux mêmes choses, ils nous balancent des règles et des lois à n'en plus finir, comme s'ils ne comprenaient pas ou ne supportaient pas que chacun soit différent."

 

Il y a en lui du Audiard, cet anar littéraire qu'il aime, quand il écrit: 

"Changer de trottoir pour éviter les cons, j'ai toujours fait ça.

La différence c'est qu'il y a de plus en plus de cons, alors je suis obligé d'aller de plus en plus loin.

Enfin, quand je dis des cons... je parle de ceux qui prétendent des choses, qui prétendent prendre votre vie en main, vous informer, faire votre bien, diriger.

Je parle de ces masses-là, pas des individus."

 

Il va donc de plus en plus loin, sans valise. Il ne s'installe pas. Il ne l'a jamais fait. Il passe. Il s'émerveille. Ça le tient en vie:

"Et ce qui m'émerveille par dessus-tout, ce qui a toujours guidé mes pas, ce sont les autres.

Quelqu'un qui est fatigué, c'est quelqu'un qui ne regarde plus les autres.

Je suis sans arrêt en train de regarder les gens, leur terre, là où ils vivent, comment ils vivent."

 

L'histoire le fascine. Ce qu'il aime en elle, c'est la création, qui le fascine depuis toujours. Aussi l'histoire est-elle "le contraire de l'ignorance", "le contraire de la bêtise". Le fascine également depuis toujours le mystère de la vie et de la nature. C'est de là que lui vient son sens du sacré.

 

Il n'a rien contre la foi: "Le vrai danger, ce n'est pas la foi, ça n'a jamais été la foi, le vrai danger c'est quand l'homme avec toute son arrogance, sa perversion et son ignorance se met à interpréter les textes sacrés dans le seul but, pas forcément conscient, de se mettre à la place de Dieu."

 

Il n'a rien pour la raison: "Avec ça tu n'es jamais en paix, tu es toujours plus ou moins en conflit avec ton prochain. Les textes des Lumières sont des textes politiques, des textes de combat souvent, des textes qui en tout cas nous éloignent de l'innocence."

 

Il est vrai que, dans les Lumières, tout n'est pas lumineux... et qu'il faut du discernement pour séparer le bon grain de l'ivraie...

 

Au-delà de la politique, au-delà de la raison, au-delà de ce qui est formulable, il y a sa relation avec le cosmos. Il est citoyen du monde dans le sens qu'il est:

"Citoyen d'un monde dans lequel les gens, où qu'ils soient, peuvent éprouver, par instants au moins, un lien avec les autres et le cosmos, une foi en tout ce qui les entoure.

Eprouver cet état d'innocence et de confiance."

 

La mort n'a rien d'encombrant pour lui. Ce qu'il en dit pourrait même lui servir d'épitaphe:

"Ma mort, je la vois comme une belle paix.

Et d'une certaine façon comme un soulagement aussi pour ceux qui sont autour de moi.

Je ne les ferai plus chier, ils vont pouvoir m'aimer tranquillement, enfin."

 

Francis Richard

 

Innocent, Gérard Depardieu, 192 pages, Cherche Midi

 

Livre précédent:

 

Ça s'est fait comme ça, 176 pages XO Editions (2014)

Partager cet article
Repost0
5 décembre 2015 6 05 /12 /décembre /2015 20:30
Les deux vies de Louis Moray (Gérimont III), de Stéphane Bovon

Après Gérimont et La lueur bleue (Gérimont II), voici la suite du cycle, imaginé par Stéphane Bovon. Enfin, la suite c'est vite dit, puisque, dans ce volume de ce qui se veut un "projet littéraire épique, baroque et postmoderne", il s'agit d'un retour en arrière, sur les Deux vies de Louis Moray, le roi de Gérimont.

 

Pour le lecteur qui n'aurait pas lu Gérimont, ou qui en aurait oublié la trame, Stéphane Bovon fait précéder Gérimont III des résumés des deux épisodes précédents. Lesquels se déroulent dans une Suisse fantasmée, d'après la Montée des eaux, réduite à une peau de chagrin, le royaume de Gérimont, capitale Lachaude.

 

Le premier épisode, comme le titre l'indique se déroule à Gérimont, qui "vit en paix entre les montagnes et la mer": "Tout y est réglé par un système utopique et bienveillant", où les habitants n'ont pas la liberté du choix de leur métier, prédéterminé à leur naissance... Cet épisode commence par un meurtre élucidé et se termine par un autre qui ne l'est pas.

 

Le deuxième épisode est la quête de la veuve de la seconde victime pour découvrir whodunit le crime... Cette quête, aux multiples rebondissements, est une véritable odyssée, où Pénélope a échangé son rôle avec celui d'Ulysse et dont le dénouement, dit l'auteur, est "initiatique, cruel et très érotique".

 

Le troisième épisode se passe de nos jours, à Vevey, juste avant la Montée. Les deux vies de Louis Moray sont celles de son apprentissage politique et religieux, ce qui est indispensable à la connaissance d'un tel personnage. Le sous-titre du volume en résume assez bien le contenu: Roman politique et naturaliste.

 

Pour la compréhension de ce que sera Louis Moray il faut en effet savoir qu'il subira, dans ses deux premières vies successives, d'abord l'influence de l'actuel premier parti politique suisse, à savoir l'UDC, dont le narrateur retrace l'irrésistible ascension, puis celle de l'Eglise réformée de la Riviera.

 

A vingt ans, le timide et maladroit Louis Moray a rejoint les jeunes UDC de Vevey, adhérant sans mal aux positions du parti contre l'administration, la culture et, surtout, les étrangers. Le narrateur s'étonne cependant qu'il soit possible d'être "jeune et UDC", parti dont l'idéologie "prône le cloisonnement , l'ordre et le respect des traditions".

 

Le narrateur comprendrait a contrario qu'à vingt ans d'aucuns s'engagent à gauche: "Idéologiquement et physiologiquement, la gauche a les vertus, c'est le poncif, du coeur. La gauche est généreuse, elle veut le bien de tous, protège les faibles, les ostracisés, les étrangers"...

 

Cette vie de Louis Moray est tout aussi fantasmée que la Suisse de Bovon. Y apparaissent des personnalités politiques veveysannes bien réelles, telles que le syndic Laurent Ballif et la présidente de l'UDC Vaud, Fabienne Despot, auxquelles sont prêtés des intentions et des actes imaginaires, mais non sans fondements...

 

La vie de Louis Moray dans la communauté évangéliste de Vevey ne l'est pas moins, fantasmée. Le couple charismatique, formé par Eva et Jean-Corinne Kocher, qui se trouve à sa tête, ne se révèle pas moins persusasif que ne l'a été, dans sa vie précédente, Fabienne Despot, laquelle sait user et abuser de son charme...

 

Ces deux vies révèlent Louis Moray à lui-même, mais cela veut-il dire que, ce roi en devenir ne fait pas et ne fera pas le tri parmi les influences ainsi reçues? En tout cas, le lecteur se réjouira d'une telle inventivité de l'auteur, qui lui permet d'éclairer d'un jour cru cet essentiel protagoniste de l'épopée.

 

Le lecteur devra toutefois être patient. Après une parution jusque-là annuelle des volumes, il devra attendre un peu pour la suite. Lachaude (Gérimont IV) est en principe programmé en 2018... En attendant, il pourra toujours lire, l'an prochain, l'opus XI, intitulé Vevey sous les eaux et signé par un certain Karl-Reinhard Übersax-Müller...

 

Francis Richard

 

Les deux vies de Louis Moray (Gérimont III), Stéphane Bovon, 248 pages, Olivier Morattel Editeur

 

Episodes "précédents" chez le même éditeur:

 

Gérimont (2013)

La lueur bleue (Gérimont II) (2014)

Partager cet article
Repost0
3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 23:55
Les meurtres de la Saint-Valentin, de Jean-Marie Reber

Le 14 février 1929, le jour de la Saint-Valentin, sept personnes sont assassinées à Chicago. Le commanditaire est un certain Al Capone... Les meurtres de la Saint-Valentin, de Jean-Marie Reber, sont en nombre plus modeste.

 

Il n'y a en effet que deux victimes dans ce polar et elles sont mortes la veille de la Saint-Valentin, un samedi, le 13 février donc, dans "une petite ville qui se situe au coeur de l'Europe géographique et qui, par modestie, souhaite rester anonyme".

 

Le premier crime est commis à 20 heures dans une petite cour intérieure, "située au milieu d'un petit passage d'une quarantaine de mètres qui reliait la rue du Seyon à la place du Marché". La victime, Sylvie Meier, est une jeune fille de dix-sept ans. Elle a reçu un coup de couteau en plein coeur.

 

Sylvie a été découverte aussitôt après la commission du meurtre, d'abord par Raoul Pardon, professeur de mathématiques, lequel a été d'autant plus choqué qu'il a cru reconnaître en la victime une ancienne de ses élèves, et par une vieille dame de 84 ans, fort diserte, Brigitte Poret.

 

Le second crime est commis la même soirée, vraisemblablement entre 22 heures et minuit. La scène de ce crime-ci est un studio occupé par une autre jeune fille, Chloé Frossard. Cette fois, c'est la mère de celle-ci qui l'a découverte, gisant derrière la porte et baignant dans son sang.

 

Le mode opératoire de ce second crime est différent du premier. Cette fois, la victime a reçu deux balles de 9 mm en plein coeur. Un voisin a vu un bel homme, "méditerranéen d'allure", quitter les lieux, semble-t-il vers 21 heures. Mais ce n'est qu'estimatif.

 

La meilleure amie de Sylvie, c'est Chloé, mais cela ne veut pas dire que les deux crimes soient liés. Sylvie a un petit ami attitré, Sébastien Burnier, avec lequel elle n'est pourtant jamais passé à l'acte, et un amant, Paolo Bianchi, la quarantaine, qui l'a mise enceinte et qui se trouve être le mari de la marraine de Sébastien, Léa, et, également, l'amant de... Chloé.

 

La mère de Sylvie, Nathalie, est divorcée. Son mari, Sylvius, vit en Allemagne. Les parents de Chloé, Pierre et Marinette, n'ont pas accepté de gaieté de coeur que Chloé prenne son indépendance et habite seule un studio. Maintenant ils regrettent amèrement de ne pas l'en avoir empêchée... 

 

L'enquête est menée par l'inspecteur Fernand Dubois et son équipe, composée de Karen Jeanneret, célibataire, et de Jésus Minder, en couple instable avec Julie. L'inspecteur Dubois, 50 ans, est marié avec Giselle. Ils ont deux enfants, des jumeaux de 8 ans, les "jujus", Grégoire et Francine.

 

Tout cela pour dire que, parallèlement, à l'enquête, l'auteur ne cache rien de la vie privée de ceux qui la mènent, les rendant familiers au lecteur et les présentant somme toute comme des personnes ordinaires, ayant une vie ordinaire en dehors de leur vie professionnelle qui l'est beaucoup moins.

 

Comme dans tout bon whodunit, l'auteur explore toutes les pistes possibles: Sébastien Burnier, Paolo Bianchi-Girardin, le coupable idéal, vers lequel convergent tous les indices et toutes les présomptions, sa femme Léa, riche héritière de la famille horlogère Girardin... Quel motif a guidé la main du ou des meurtriers? La jalousie? La réputation compromise? L'argent?

 

Ce polar est bien construit, et bien écrit, ce qui ne gâte rien. Le lecteur attentif, qui prend des notes en lisant, a sous les yeux tous les éléments pour résoudre l'énigme. Mais l'auteur prend un malin plaisir à brouiller les pistes de manière à l'égarer jusqu'au moment où il dénoue l'affaire. De la belle ouvrage...

 

Ce polar vient après un premier opus où déjà l'inspecteur Dubois menait l'enquête. La parution de deux autres volumes avec ce protagoniste est prévue en 2016. Fernand Dubois, inspecteur couleur locale, pourrait bien, si ses apparitions se poursuivent à ce rythme, s'inscrire dans la lignée d'un Jules Maigret ou d'un Antoine Bourrel...

 

Francis Richard

 

Les meurtres de la Saint-Valentin, Jean-Marie Reber, 252 pages, Nouvelles Editions

 

Livre précédent chez le même éditeur:

 

Le parfum de Clara (2015)

Partager cet article
Repost0
3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 21:20
A ce stade de la nuit, de Maylis de Kerangal

C'est le 3 octobre 2013.

 

Un bateau venu de Libye, chargé de plus de cinq cents migrants, a fait naufrage ce matin à moins de deux kilomètres des côtes de l''île de Lampedusa; près de trois cents victimes seraient à déplorer.

 

Dans A ce stade de la nuit, Maylis de Kerangal raconte comment elle a vécu cette catastrosphe humaine quand elle l'a appris, juste après les douze coups de minuit, à la radio, dans sa cuisine.

 

Cette nuit sera longue. Tout le monde dort. Elle ne dort pas. A ce stade de cette nuit tragique, des images viennent assaillir son esprit.

 

Lampedusa évoque pour elle l'auteur du roman Le Guépard, porté à l'écran en 1963 par Luchino Visconti, avec Burt Lancaster dans le rôle titre, celui de Don Fabrizio, le prince Salina. Le même Burt Lancaster incarne cinq ans plus tard Ned Merrill dans The swimmer de Frank Perry:

 

Peu à peu, le prince Salina et Ned Merrill m'apparaissent comme deux versions d'une même humanité, le recto et le verso d'un même homme.

 

Plus elle y pense, plus elle trouve extraordinaire que Burt Lancaster, désigné si souvent comme un "aristocrate" du cinéma, soit né à New-York en 1913, issu de l'immigration anglo-irlandaise, et tienne ensemble ces deux identités qui cohabitent dans le nom de Lampedusa: le prince et le migrant.

 

Le Guépard qu'elle a vu la dernière fois au Reflet Médicis, rue Champollion à Paris, se termine par un bal. En traversant la Seine, ce soir-là, sur le chemin du retour chez elle, elle réalise que Visconti avait filmé le bal du Guépard exactement comme un naufrage...

 

Plus tard, elle fait un autre rapprochement: Salina est aussi un toponyme, désigne aussi une île de la Méditerranée, celle-ci non pas située au sud de la Sicile comme Lampedusa, mais au nord, dans un autre archipel, celui des îles éoliennes: deux noms pour deux îles. D'un nom à l'autre, d'une île à l'autre, la migration se poursuit.

 

Maylis de Kerangal, pour qui les noms véhiculent des paysages, pour qui la mémoire permet de métamorphoser les espaces illisibles en récit, fait celui de son voyage au bout de cette nuit d'octobre, qui lui rappelle d'autres voyages et d'autres nuits:

 

Cette nuit-là, surexcitée, j'ai imaginé que les songlines aborigènes, une fois rassemblées, composaient une représentation quasi intégrale de l'espace australien et servaient de topo-guide à quiconque désirait le pénétrer, et s'y déplacer; j'ai visualisé les parcours innombrables à la surface de la terre, ce maillage choral déployé sur tous les continents, instaurant des identités comme des flux, et un rapport au monde conçu non plus en termes de possession mais en termes de mouvement, de déplacement, de trajectoire, autrement dit en termes d'expérience.

 

La fin d'un monde, le commencement d'un autre...

 

Venant de Libye, des hommes plus pauvres que pauvres se sont mis en mouvement et ce sont des pauvres, moins pauvres qu'eux, mais pauvres tout de même, qui les ont hébergés, les ont relevés et l'humanité entière avec eux. Hospitalité.

 

Maylis de Kerangal conclut: Etrangement, le toponyme insulaire n'avait encore jamais recouvert le nom de fiction qui avait fini par sédimenter en moi - ce nom de légende, ce nom de cinéma -, mais ce matin, matin du 3 octobre 2013, il s'est retourné comme un gant, Lampedusa concentrant en lui seul la honte et la révolte, le chagrin, désignant désormais un état du monde, un tout autre récit. 

 

Francis Richard

 

A ce stade de la nuit, Maylis de Kerangal, 80 pages, Verticales

 

Des livres précédents de l'auteur, chez le même éditeur:

 

Réparer les vivants (2014)

Naissance d'un pont (2010)

Partager cet article
Repost0
1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 23:30
Les feuilles du mal, de Jean-Luc Fornelli

Attention: calembours! A commencer par le titre baudelairien de ce recueil de nouvelles singulières: Les feuilles du mal. Lecteur qui n'aime ni rire, ni sous-rire, passe donc ton chemin, le livre de Jean-Luc Fornelli n'est pas pour toi. Si, au contraire, tu aimes les jeux de mots laids, ou beaux, attarde-toi, lis, relis et gondole-toi, sans qu'il te soit nécessaire d'emprunter le Grand Canal.

 

Les deux premiers textes sont composés de titres. Ceux des nombreux livres d'un romancier, Michel-Ange Tasson, un insignifiant littéraire, qui s'est avéré incapable d'en écrire davantage. Son biographe, Léonard de Pisy, les classe par genre: mystique, policier, érotique, oeuvres de jeunesse etc. et, pour le fun, et pour l'honorer, commet quelques apocryphes.

 

Dans un certain nombre de ces histoires courtes intervient un génie allemand, Teus Exmakina, accent teuton compris. Ce farfadet vient au secours de personnages qui se trouvent dans des situations inextricables et les tire de leurs mauvais pas en se rappelant "au pon moment" d'un adage, d'un dicton, d'une expression "pien connue" ou d'un "proferbe".

 

Eric Semmeur, un des narrateurs, n'est pas un essayiste, c'est un réussitiste: "Je n'aime pas la notion d'essai: bonne pour les losers! Celle de la réussite, en revanche, me convient parfaitement!" Au nombre de ses réussites, il convient de compter "une femme vraiment objet", en robot ménager multi-fonctions. Dans le mode d'emploi figurent des recommandations de Semmeur telles que celle-ci:

 

"Tenez la femme hors de portée des enfants."

 

Se trouvent aussi dans ce recueil les nouvelles les plus courtes du monde, dont voici un tout petit florilège:

 

Le retour à Angkor

- Encore!

 

Vengeance

Jack l'éventré.

 

Réchauffement climatique

Le vent du Nord soufflait du Sud.

 

Dans le genre court, qui plaît bien à l'auteur, ce dernier reproduit quelques haïkus de Shiki Mastero qu'il a traduits brièvement en français et dont voici quelques exemples:

 

Haïku de blanc

Santé

 

Haïku dans l'nez

Permis retiré

 

Haïku d'un soir

Bon ben au revoir Sabri euh Samantha

 

Haïku de grâce

Fin

 

Pour sa première collection, Zahia accorde une interview hot. Extrait de cette nouvelle, et pas la moindre:

 

Journaliste: (...). Mais dites-moi: pour réaliser des modèles, il faut savoir dessiner. Vous êtes bonne...

Zahia: Merci.

Journaliste: Je voulais dire que vous êtes bonne en dessin? Vous pouvez me montrer vos dessins?

Zahia: Je sais, je suis bonne. Quant à mes deux seins: jugez vous-même (...)

 

Les feuilles du mal se ramassent donc à la pelle dans ce livre. Mais elles ne sont pas mortes comme l'écrivait Prévert, chanté par Montand. Elles sont bien vivantes et réjouissantes. Elles composent un recueil de vingt-cinq textes qui attestent que l'auteur ne se prend pas au sérieux et se donne du mal, l'objet de son livre. Le lecteur bien avisé a meilleur temps de faire de même, comme on dit dans nos contrées.

 

Francis Richard

 

Les feuilles du mal, Jean-Luc Fornelli, 112 pages, BSN Press

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
  • Contact

Profil

  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.

Références

Recherche

Pages

Liens