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27 avril 2017 4 27 /04 /avril /2017 21:45
De si rudes tendresses, de Tomaso Solari

Enfin de compte, il faut savourer la tendresse autant que l'on peut, à tous les âges, pas seulement dans le grand âge. Entre hommes et femmes, entre hommes, entre femmes, avec ses enfants [...], avec ses parents, entre amis.

 

De si rudes tendresses est un recueil de nouvelles de Tomaso Solari, où toutes ces formes de tendresse ont droit d'être citées. Ces tendresses sont la part lumineuse de ces relations, qui ont leur part d'ombre, inavouable et inavouée.

 

Dans toutes ces nouvelles, les apparences sont trompeuses. Les êtres sont doubles, voire multiples. Ils peuvent être tendres en paroles, en pensées et en caresses, comme ils peuvent être rudes quand ils passent à l'acte, surtout sexuel.

 

Si la plupart du temps, ils cachent ce qu'ils font, seuls ou avec d'autres, c'est qu'ils en ont honte ou qu'ils se sentent coupables. Cela ne les empêche pas d'y trouver du plaisir charnel ou ce trouble plaisir que procure la transgression.

 

D'aucuns aimeraient ne rien se cacher entre eux, mais ils laissent passer l'occasion de se parler de vive voix ou de se comprendre avec le corps. Ils reculent devant la difficulté de communiquer avec l'autre ou la peur de le blesser.

 

D'autres voient leur passé refaire surface et commencent à trembler au souvenir de leurs méfaits qu'ils ont bien sûr tendance à minimiser. Sinon, comment supporter le poids de la culpabilité qui continue de les étreindre? 

 

D'autres encore cherchent à dissimuler leur seconde nature. En catimini ils finissent par y céder et en arrivent à inverser les rôles parce que pour eux ce n'est pas seulement leur jouissance qui les anime mais d'en donner aux autres.

 

D'autres encore compensent une souffrance extrême par une quête d'aventures sans fin et sans lendemain, comme si l'exultation du corps permettait de mettre l'esprit en veilleuse ou, du moins, sous analgésie temporaire...

 

L'auteur raconte toute cette humanité avec beaucoup de crudité et de poésie, de calme plat et de haute tension: il souffle sur eux le chaud et le froid; il leur fait sortir les griffes et, dans le même temps, faire pattes de velours...

 

Francis Richard

 

De si rudes tendresses, Tomaso Solari, 200 pages Éditions Encre Fraîche

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25 avril 2017 2 25 /04 /avril /2017 22:55
Un jour en ville, de Daniel Tschumy

Ce jour-là, Loïc, le narrateur, la cinquantaine, fait une balade après qu'il a quitté son ami Robin, placé dans une institution. Il fait une échappée loin de sa famille et suit un itinéraire qui n'a rien d'improvisé, à travers Lausanne, désencombrée.

 

Pour lui, ce dimanche de septembre est Un jour en ville, un jour de pause, [sa] mémoire survolant le passé à sa guise pour ignorer certaines zones et zoomer au contraire sur d'autres, leurs détails approchés de tout près.

 

Ce sont trente-cinq ans de sa vie qui remontent à la surface de sa mémoire: des lieux où il a habité, des lieux où a habité son ami Robin, des lieux qu'ils ont fréquenté ensemble, depuis qu'en 1978, ce dernier a initié Loïc à la course à pied...

 

Robin et Loïc étaient alors devenus fans de deux athlètes britanniques rivaux, qui leur ressemblaient, ou à qui ils cherchaient à ressembler. Robin était fan de Steve Ovett, un talent brut comme lui; Loïc, de Sebastian Coe, un artiste, fluide, aérien.

 

Depuis cette époque, pendant près de vingt ans, les deux amis vont courir ensemble jusqu'à ce que Robin connaisse des problèmes de couple, puis de santé, alors que c'était lui le sportif infatigable, qui incitait Loïc à toujours se dépasser...

 

Dans sa vie personnelle, Loïc ne va pas non plus être épargné et sa balade dans certaines zones de la ville lui rappellera les vicissitudes qu'il a traversées lui aussi. La fin novembre 2008 étant d'ailleurs douloureuse pour les deux amis...

 

Peut-être que ce qui sauve Loïc, à cinquante ans passés, c'est de pouvoir encore courir, même s'il n'accomplit pas d'exploits. A la course qui aura rythmé son existence pendant des lustres, il ajoutera un autre rythme, à la fin, celui de l'écriture:

 

Le bonheur de ces deux rythmes, l'un prenant le relais de l'autre lorsque je me trouve à bout de souffle, sur mon sentier ou sur ma page. Oui, chaque fois que possible, il faut écrire après la course et courir après l'écriture.

 

Le troisième rythme, celui de la lecture, procure du bonheur à son ami Robin... et au lecteur, qui, s'il connaît bien Lausanne, la revisite volontiers avec Daniel Tschumy: qu'il la connaisse ou non, ce roman l'incite vivement à la parcourir à son tour...

 

Francis Richard

 

Un jour en ville, Daniel Tschumy, 184 pages  Bernard Campiche Editeur  

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23 avril 2017 7 23 /04 /avril /2017 21:30
La petite fille dans le miroir, de Marie Javet

Au moment où elle se releva, elle rencontra dans le miroir, un autre regard que le sien. Elle se figea. Derrière elle se tenait une petite fille en robe blanche, qui fixait sur elle deux grands yeux bleus et se tenait parfaitement immobile.

 

Avant de disparaître...

 

Celle qui a cette vision de La petite fille dans le miroir, s'appelle June Lajoie. Elle est un écrivain américain à succès. Elle a quarante ans. Elle se trouve en villégiature à Interlaken, au mois d'août 2012. Elle croit devenir folle. Elle se souvient des deux dépressions qu'elle a eues, en 1992 et en 1996...

 

Sa mère est morte quand elle était encore bébé. A dix ans déjà, en 1982, elle voulait être écrivain. Elle avait un précepteur, comme dans toutes les grandes et très riches familles de Nouvelle Angleterre. Elle serait une jeune fille accomplie quand elle serait allée parfaire son éducation en Suisse, en 1986.

 

C'est à son retour de Suisse aux États-Unis, en 1992, qu'elle avait eu sa première dépression nerveuse. Après avoir approché le bonheur de très près cette année-là: Pour la première et la dernière fois, elle avait connu la liberté... et l'amour. Pendant quelques semaines, entre le printemps et l'été.

 

L'écriture avait permis à Lizzie Willow de s'en sortir. Elle était devenue June Lajoie. Quatre ans plus tard, elle avait pourtant fait une rechute, après avoir vu le film Trainspotting, qui suivait les mésaventures d'un groupe de junkies écossais: les psychiatres ne découvrirent pas le lien de cause à effet.

 

Marie Javet restitue par séquences les trois âges de la vie de Lizzie: la petite fille remplie de rêves, qui lit Jane Eyre, Les petites filles modèles et Les quatre filles du docteur March, la jeune femme confiante en l'avenir, sur laquelle un voile noir un jour est tombé, la femme mûre et fragile qu'elle est devenue. 

 

Une fois qu'elle a reconstitué le puzzle de la vie tourmentée de Lizzie à partir des pièces éparses de son passé et de son présent, l'auteur réserve à la fin encore quelques surprises au lecteur, lesquelles font naître en lui d'autres d'émotions, après qu'elle a su lui rendre très attachante son héroïne.

 

Francis Richard

 

La petite fille dans le miroir, Marie Javet, 222 pages, Plaisir de lire

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22 avril 2017 6 22 /04 /avril /2017 22:55
Le pas de l'éléphant, de Pierre Crevoisier

A chaque tombée du jour, lorsque les rumeurs du bâtiment s'estompaient, il passait la voir. En écoutant les murs, elle avait fini par deviner son arrivée longtemps avant son entrée, à la démarche qui était la sienne. Un pas lent, profond, comme un pas d'éléphant à la rencontre de l'eau dans le désert du Serengeti.

 

Elle, c'est une prisonnière. Elle a été torturée, violée. On la laisse tranquille maintenant qu'elle est enceinte. Lui, c'est un officier, mutique. Qui l'a examinée. Quand elle le lui a demandé, il lui a donné de quoi écrire: un crayon et un cahier d'écolier, un de ceux qu'elle avait enfant, un cahier aux feuillets jaunes, chaque ligne tracée par trois fins guides imprimés.

 

Julien Moreau, journaliste, a pris l'avion, après avoir quitté Louise, comme il les quitte toutes, au bout de deux saisons. C'est sa règle, sa mesure, à cet honnête salaud (elles sont prévenues). Il se trouve en Afrique du Sud. Madiba, Nelson Mandela, vient de mourir. Il est là pour assister à la cérémonie de ses funérailles.

 

Avec son fixeur, Malan, qu'il connaît depuis dix ans, il se rend dans une colonie de vieux flics échoués dans l'un des townships à la peau blanche. Ce bidonville s'appelle Swierige Hoekie, le coin des fleurs en affrikaans. Ce reportage ne se passe pas du tout comme prévu et... Julien est remis manu militari dans un avion.

 

Dans un phare de la côte bretonne un corps carbonisé est découvert le 19 mars par un photographe animalier, intrigué que la porte n'en soit pas fermée. Traumatisé, il met un jour pour s'en remettre et alerter la police. La mort remonte au 16. Le commissaire Andràs Werther est chargé de l'enquête.

 

L'enquête s'avère difficile. Le corps carbonisé est celui d'une inconnue, entre soixante-cinq et soixante-dix ans. Tout porte à croire qu'elle s'est immolée. Le 16, un pêcheur a aperçu un lâcher de papiers du haut des falaises. Le vieux couple des Brouillard, qui garde la Maison-Blanche, toute proche, n'a rien vu.

 

Pierre Crevoisier prend un malin plaisir à entortiller les fils de ces trois récits liminaires du Pas de l'éléphant avant que la maïeutique de son commissaire ne finisse par les dénouer. Il malmène le lecteur ravi jusqu'au bout, jouant avec le feu et la mer, la violence (inspirée de faits réels ou imaginée) et l'amour tendre, la prose clinique et la poésie:

 

Avant de tourner le dos au vent du large, je veux attendre l'envol des guillemots, ces drôles d'oiseaux élégants qui ne vivent qu'au milieu de la mer et reviennent ici en hiver pour prolonger leur lignée, ici et nulle part ailleurs, à l'endroit où ils sont nés, retrouvant chaque fois le lieu de leur naissance, le même piton rocheux, la même saillie, au centimètre près.

 

Francis Richard

 

Le Pas de l'éléphant, Pierre Crevoisier, 192 pages Slatkine

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21 avril 2017 5 21 /04 /avril /2017 22:55
Beauté, de Philippe Sollers

L'avantage d'être l'ami d'une musicienne, c'est un afflux d'intervalles, dans les relations.

 

Lisa, l'amante du narrateur de Beauté, le dernier roman de Philippe Sollers, est pianiste et, voyageant beaucoup, crée ces intervalles: Elle a du temps, elle n'a pas le temps, elle est loin, elle me téléphone, elle est de retour.

 

Lisa est grecque, native d'Égine. Sur cette île se trouve le temple d'Athéna Aphaia, dans lequel se trouve cette inscription, mise en épigraphe du livre: Immortelle est la beauté... Que Lisa soit grecque n'est pas fortuit pour lui qui aime Homère:

 

Au fond, il y a deux livres à ouvrir, et tout le reste s'ensuit: la Bible et Homère.

 

Les variations Sollers?

 

J'aime quand Lisa, très doucement, la nuit, me parle grec. Je comprends sa voix et sa mélodie, mais rien de ce qu'elle me dit. Quand elle est au piano, en revanche, je deviens tout de suite son interlocuteur de vie.

 

Un poète allemand a dans sa poche un volume en grec de Pindare et se rend, à pied, de Francfort à Bordeaux: Hölderlin, à Bordeaux, du fond de l'allemand et du grec, parlait la langue du silence et du vin...

 

Au coeur de ce roman sans récit, palpitent donc la musique (sont reproduites dans le livre des partitions autographes, textes sacrés, de Bach, Mozart et Webern), la Grèce et ses dieux, la poésie et... Bordeaux.

 

Ce grand lecteur à la dérobée, un dinosaure, que Lisa sait être fou mais qui a son charme, cite volontiers Georges Bataille, Louis-Ferdinand Céline, Arthur Rimbaud ou Jean Genet, qui, à la prison de la Santé, écrit, en 1943, Miracle de la rose:

 

Je vis son visage éclairé par la verrière du toit de la prison. Une sorte de paix m'envahit, c'est-à-dire que je me sentis fort de sa beauté qui pénétrait en moi. J'étais sans doute en état d'adoration...

 

En 2017, Sollers écrit: Inutile de dire que Lisa, dans sa beauté naturelle brune, ne se maquille jamais. Pas de rouge à lèvres, pas de vernis à ongles, pas de fond de teint, rien, une peau mangeable...

 

Après avoir cité Friedrich Nietzsche (L'oeil du nihiliste idéalise en laid, il est infidèle à ses souvenirs), lui qui distingue avec René Guénon Infini métaphysique et Indéfini mathématique, renchérit:

 

Quand il ne la détruit pas, ou ne la falsifie pas, le nihiliste, c'est-à-dire presque tout le monde, laisse tomber la beauté...

 

Francis Richard

 

Beauté, Philippe Sollers, 224 pages Gallimard

 

Livres précédents chez Gallimard:

Trésor d'amour (2011)

L'éclaircie (2012)

Médium (2014)

L'école du mystère (2015)

Mouvement (2016)

 

Livre précédent chez Grasset, avec Franck Nouchi:

Contre-attaque (2016)

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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 21:45
Le sel de l'histoire, de Laurence Deonna

De septembre 2000 à décembre 2001, chaque quinzaine, Laurence Deonna  a écrit des chroniques, dans La Tribune de Genève, sous le label Papier Mâché. Ces chroniques viennent d'être réunies dans un recueil quasiment sans modification.

 

En préambule l'auteur se décrit assez bien en chroniqueuse: une femme qui philosophe sur l'état du monde depuis chez elle et si possible sans trop moraliser, poil à gratter et rebrousse-poil recommandés...

 

Dans ces vingt-sept chroniques, qui ne sont pas sans sel, Laurence Deonna parle de beaucoup de choses et de manière qui peut effectivement être urticante pour celles ou ceux qui ne sont pas de son avis ou leur rebrousser le poil. 

 

Laurence Deonna n'aime pas les religions et c'est son droit. Elle les critique et c'est son droit. On est aussi en droit de relever quelques inexactitudes relatives à la religion catholique et à la religion orthodoxe.

 

Dans sa chronique du 14 septembre 2000, elle montre qu'elle ne connaît pas la distinction entre béatification et canonisation... Puis elle reprend à son compte l'expression employée par Le Monde du 2 septembre précédent:

 

Marie qui conçut sans péché

 

Or il ne s'agit pas de cela du tout: de tous temps, bien avant Catherine Labouré évoquée par Le Monde, bien avant que le pape Pie IX ne proclame le dogme de l'Immaculée Conception, il s'est agi de la conception de Marie et non pas du Christ. Il faudrait donc dire plutôt:

 

Marie conçue sans péché

 

De même Laurence Deonna n'a-t-elle pas cherché, dans le même article, à savoir pourquoi le tsar Nicolas II avait été canonisé par l'Église orthodoxe russe. En fait il a été considéré par elle comme strastoterptsy, c'est-à-dire comme ayant accepté la mort... en chrétien, ce qui ne signifiait pas approbation de la répression sanglante du dimanche 9 janvier 1905...

 

Laurence Deonna a bien sûr raison dans d'autres chroniques de dire qu'au nom de Dieu des Américains, chrétiens pourtant, ont commis beaucoup de crimes (28 septembre 2000) ou que des musulmans, appliquant le Coran à la lettre, se croient encore investis aujourd'hui de la mission de mettre à mort des apostats (21 juin 2001).

 

Comment ne pas être d'accord non plus avec elle quand, à la fin de sa chronique du 15 mars 2001, qui commence pourtant par un débinage (guère convaincant) de la poupée Barbie mais qui se continue par une recension du livre de Jacques Secrétan, Condamné à mort au Texas, elle conclut:

 

Des Chrétiens jetés aux lions dans les arènes de Rome, aux électrocutés des glauques pénitenciers américains, en passant par la guillotine de la Révolution française, dont le sang giclait sur les mailles des tricoteuses venues zyeuter le spectacle, l'humain est un voyeur incurable.

 

Dans sa chronique du 11 octobre 2001, Laurence Deonna écrit à propos des atteintes aux libertés individuelles aux États-Unis, et notamment à la liberté d'expression, après les attentats du 9/11, ces paroles fortes, qui pourraient tout aussi bien s'appliquer à l'actuel état d'urgence en France:

 

Vous me direz que je n'y comprends rien. Que la démocratie, la liberté d'expression, c'est pour quand tout va bien. Pas maintenant que ces affreux terroristes nous terrorisent !

 

Des copies de ces chroniques qui s'en étaient allées depuis bien longtemps emballer les salades du marché ont été redécouvertes par l'éditeur en 2016 dans la mansarde qui sert de bureau à la chroniqueuse. L'éditeur a eu raison de les publier en volume parce qu'elles sont, quoi qu'on en pense, l'expression d'un sacré tempérament.

 

Laurence Deonna, féministe de la première heure n'a en effet pas sa plume dans sa poche et ne manque pas une occasion de sortir son drapeau, pardon, sa petite musique de combattante des années 1970. Et, comme elle le fait avec talent, le lecteur ne peut pas lui en vouloir de s'être ainsi défoulée régulièrement dans le quotidien genevois.

 

Francis Richard

 

Le sel de l'histoire - Chroniques, Laurence Deonna, 120 pages L'Aire

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16 avril 2017 7 16 /04 /avril /2017 22:30
2148 (Requiem Écologie), de Robin des Champs

On était bien loin des prospectives rassurantes du début du siècle sur le réchauffement de la planète; les "un ou deux" degrés prévus par siècle s'étaient plutôt transformés en 10°C.

 

Telle est la situation climatique en 2148: en conséquence, la population doit vivre sous terre et ne sortir en surface qu'équipée de combinaisons contre les UV...

 

Mais il n'y a pas que le climat qui ait changé. 

 

L'économie a changé:

- Les grandes structures "mixtes", publiques et privées [sont] devenues le modèle universel et la règle générale.

- Les employés sont donc quasiment tous devenus fonctionnaires. On peut parler de dictature fonctionnaire.

 

La société a changé:

- Le développement de l'informatique [a rendu] la force physique obsolète dans la plupart des entreprises.

- La main d'oeuvre, masculine et musclée, [est] devenue inutile.

- Les robots de plus en plus polyvalents [sont] moins chers et surtout moins revendicatifs...

- La société s'est féminisée, surtout depuis l'adoption en 2118 de la loi IPN (Interdiction de procréer naturellement) qui a permis aux femmes de ne plus être des reproductrices et, du coup, d'occuper les emplois les plus élevés.

 

(La loi IPN interdit les rapports sexuels destinés à engendrer une descendance, ce qui permet un contrôle efficace sur la qualité des générations futures et évite les conceptions artisanales et aléatoires d'individus mal adaptés à la société moderne...)

 

Bref la société de croissance est devenue étatique, technocratique, fonctionnarisée à l'extrême (l'individu n'y a plus sa place), et s'est traduite par un gâchis économique et, par conséquent, écologique sans précédent dans l'histoire de l'humanité...

 

Quelques héritiers des objecteurs de croissance des années 2000, rétrogrades du progrès, vivent en marge de cette société et sont tolérés (et surveillés) par elle parce qu'ils sont peu nombreux. Deux cents d'entre eux vivent ainsi dans une grotte près de la calanque marseillaise de Devenson...

 

Un virus, qui sera baptisé H15N11, a été concocté par des scientifiques iraniens, qui veulaient pouvoir écouler les réserves pétrolières de leur pays. Ce faisant, bien involontairement, ils ont joué les apprentis-sorciers.

 

Certes ce virus, mi-biologique, mi-électronique, a bien permis de rendre inutilisables des biocarburants qui sont des produits concurrents du pétrole, mais il a contaminé les eaux usées rejetées dans la mer et provoqué une pandémie:

 

Ce virus était, une fois de plus, une création humaine. Une fois encore, la puissance de l'outil informatique avait démultiplié le pouvoir naturellement destructeur de l'homme...

 

Ironie de l'histoire, pour lutter contre le fléau, les scientifiques de la Commission européenne de l'eau, CELE, et de la Transgenian Oil and Medics, TOM (qui fabrique des bio-carburants et des alicaments), se voient contraints de collaborer avec le chef des marginaux de la grotte de Devenson...

 

Le paradoxe de ce livre est de présenter une société de croissance comme vouée à l'étatisme, à la servitude volontaire et au gâchis, et une micro-société de rebelles à la croissance comme résolument autonome, fonctionnant sur un mode tribal, patriarcal et démocratique...

 

Francis Richard

 

2148 (Requiem Écologie), Robin des Champs, 290 pages Le Terminal

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

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15 avril 2017 6 15 /04 /avril /2017 19:20
Eaux troubles, de Philippe Lafitte

L'adrénaline se diffusait comme un sérum dans les battements frénétiques, le corps se tendait  dans un effort continu, fendant l'eau comme une proue, stimulé par les cris des supporters. Puis l'accélération finale où un mélange de volonté et de conquête de soi arrachait les derniers mètres, l'organisme en ébullition s'extrayant de la pesanteur dans un sursaut animal, l'impact jouissif de la main frappant le rebord, signalant la fin de la course.

 

Mélanie aura au moins connu ça: l'exaltation que procure la compétition de natation à celles et ceux qui s'y adonnent, les souvenirs de maîtrise de l'eau par le corps, qui marquent pour la vie. Mais c'était avant. Avant la puberté. Quand son corps, à quatorze ans, se transforme, ses formes restent frêles et elle ne peut retrouver les sensations de sa pré-adolescence où elle faisait merveille dans les bassins avec son dos crawlé.

 

Un beau jour d'été, elle regarde un garçon, de six ans plus âgé qu'elle, qui fait des plongeons depuis la plateforme de cinq mètres dans un des bassins extérieurs. C'est une révélation pour elle. Elle est subjuguée par cette discipline spectaculaire. Le plongeon est désormais la voie qu'elle va suivre pour retrouver le sourire. Le garçon qui a lui fait forte impression deviendra son entraîneur et elle se mariera avec lui trois ans plus tard.

 

Il faut croire qu'il est difficile pour qui a fréquenté les bassins de s'en éloigner complètement. Mélanie tient maintenant la caisse d'une piscine municipale: c'est une petite blonde à peine quadragénaire, au sourire déjà froissé. Qui traîne la jambe, au physique et au mental: un accident a réduit à néant sa carrière de plongeuse; elle a donné naissance à un garçon, Martin, au moment où elle divorçait, son mari, disparu depuis, étant devenu violent...

 

Il faut croire aussi que le sort s'acharne parfois sur les mêmes. Lors d'une nocturne, un soir de novembre, Mélanie, après le départ des derniers clients, nage seule, continûment, dans la piscine, pour ne pas faire cesser ce long moment d'apesanteur où elle [oublie] sa jambe, à défaut du passé, puis, au plongeoir de trois mètres, elle enchaîne les sauts avant, les culbutes arrière, les plongeons renversés et les saltos carpés...

 

Arrivé à ce point de l'histoire de Mélanie, le lecteur comprend bientôt pourquoi le titre Eaux troubles a été donné au micro-roman de Philippe Lafitte. L'auteur, avec malice, emploie les éléments qui permettent de maintenir le suspense et l'effroi: une femme seule dans la nuit aquatique, un personnage inattendu et inquiétant, un personnage attendu et rassurant, un dénouement auquel le lecteur captivé ne peut guère s'attendre... 

 

Francis Richard

 

Eaux troubles, Philippe Lafitte, 64 pages BSN Press

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14 avril 2017 5 14 /04 /avril /2017 20:00
Cent jours, cent nuits, de Lukas Bärfuss

Cent jours, cent nuits, c'est le temps qu'il a fallu, d'avril 1994 à juillet 1994, pour exterminer 800 000 Tutsis au Rwanda. Le roman puissant de Lukas Bärfuss décrit la vie au Rwanda d'un administrateur suisse de la  Direction du Développement et de la Coopération pour l'aide humanitaire, DDC, de fin juin 1990 jusqu'à ces cent jours funestes de 1994.

 

L'auteur précise d'emblée que dans ce livre, les faits historiques sont authentiques, les personnages sont imaginaires. En fait, le narrateur de cette histoire laisse la parole à cet administrateur, David Hohl, qu'il présente comme un homme brisé et qui l'est avec tout ce qu'il raconte et - ce qui est encore plus important - avec tout ce qu'il [lui] cache.

 

Pourtant à lire ce qu'il raconte, il ne semble pas que David Hohl cache grand chose à son interlocuteur. En tout cas c'est bien suffisant pour ne pas douter que les années - et plus encore les cent derniers jours -, qu'il a passées dans l'enfer rwandais, aient pu le briser et aient pu lui ôter toutes illusions, s'il en avait, sur la nature humaine et sur lui-même.

 

Les faits, à moins de s'y être intéressé de près, ne sont pas forcément connus dans leur complexité et c'est le grand mérite de l'auteur de les rappeler, sans porter de jugement sur ceux qui en ont été les acteurs: il s'est visiblement agi pour lui de comprendre surtout comment une délégation suisse a pu se rendre, involontairement, complice d'assassins.

 

Bien sûr les coopérants, tels que David, ne pouvaient considérer la dictature du président Hab comme une option valable, mais cela leur suffisait de se dire: Nous étions des experts et nous savions qu'ici ce n'était pas le meilleur des mondes, mais que ce n'était pas le plus mauvais non plus, tout au plus le quatrième ou le cinquième plus mauvais...

 

Les apparences étaient trompeuses pour eux. Les gens auxquels ils avaient affaire, en effet, étaient honnêtes, très peu semblaient accorder beaucoup d'importance à l'argent, et il n'y avait pratiquement pas de corruption: La modestie était une exigence sociale et les bailleurs de fonds internationaux les aimaient bien pour leur modestie.

 

Il n'est donc pas étonnant que ce pauvre pays de montagnes ait reçu beaucoup plus d'aide au développement que bien d'autres. David ajoute: Nous autres Suisses, nous nous reconnaissions dans cette frugalité et cet amour de l'ordre. Cet amour de l'ordre ne suffira toutefois pas pour le maintenir, ce en raison d'un tabou qui a déterminé l'histoire.

 

Si les coopérants étaient incapables de comprendre ce secret, c'est qu'il fallait être natif du pays pour faire la distinction, parmi les habitants, entre Courts, Hutus, et Longs, Tutsis, dans toutes les combinaisons subtiles entre eux, et qu'ils ne pouvaient être sûrs de l'appartenance de quelqu'un à un groupe qu'en voyant la carte identité sur laquelle elle figurait...

 

C'est en tout cas ce tabou qui va petit à petit mettre le pays à feu et à sang pendant quatre ans (quand les Longs, les Tutsis, chassés du pays, voudront y revenir) et être à l'origine du génocide de la minorité tutsie, pendant cent jours, après que l'avion du président Hab, un Hutu, a explosé en vol le 6 avril 1994, avec à bord d'autres personnalités rwandaises et burundaises...

 

David, humain, trop humain, au milieu de ces troubles puis de ce génocide, vit, puis survit. Il en sort brisé non seulement par les événements auxquels rien ne le préparait, mais aussi par ses amours défuntes avec Agathe, la belle africaine, à laquelle il n'aura cessé de penser, depuis qu'il l'a vue à l'aéroport de Bruxelles au moment de son départ en mission... 

 

Francis Richard

 

Cent jours, cent nuits, Lukas Bärfuss, 224 pages L'Arche (2009)

 

Un livre suivant:

 

Koala, 176 pages Zoé (2017)

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13 avril 2017 4 13 /04 /avril /2017 21:50
Les parricides, de Sabine Dormond

Parricide: Celui, celle qui tue son père ou sa mère, son aïeul ou son aïeule, ou quelque autre de ses ascendants. (Littré)

 

Les parricides, qui donnent son titre au micro-roman de Sabine Dormond, le sont bien malgré eux, au sens propre et au sens figuré, et cela fait toute une histoire...

 

La mère d'Emilie, la narratrice, est morte en la mettant au monde. Et pendant longtemps le fantôme de celle-ci va la hanter. Elle a en quelque sorte tué sa mère et ne s'en remet pas.

 

A l'école, Emilie racontait que ses parents étaient divorcés et que son père avait obtenu la garde, ce qui donnait libre cours aux hypothèses les plus farfelues de la part de ses camarades:

 

Elle est toxico, ta mère? En tôle? Dans un asile de fous? Ton père t'a enlevée? T'as été adoptée par un pédé? Conçue in vitro? Clonée?

 

A quinze ans elle a un seul rapport sexuel, avec Diego. Pour un coup tiré, c'est réussi! Car elle n'a éprouvé aucun plaisir: C'est donc ça, le sexe? Et dire qu'on en fait tout un plat!

 

Le coup est d'autant plus réussi que Diego a mis enceinte Emilie. Qui ne s'en apercevra que quelque temps plus tard et qui mettra au monde en l'an deux mille un garçon, Vincent.

 

Vincent, à quatre ans, sait déjà compter sans que personne le lui ait appris. Il fait des rapprochements improbables: son prénom ne lui a-t-il pas été donné parce qu'il est né en deux mille?

 

Pendant un séjour chez son grand-père, celui-ci lui montre les échecs. C'est ainsi qu'à treize ans il affronte le numéro un mondial, Magnus Carlsen, devant lequel il doit s'incliner:

 

Une poignée de main entérine sa défaite. À peine un serrement de mâchoires pour trahir sa déception. Ce n'est que partie remise, d'ailleurs, tôt ou tard, il les détrônera tous.

 

Vincent, le génie des maths de sa maman, ne la décevra pas. Il ne sera pas seulement un grand champion, mais un véritable tueur des échiquiers, que d'aucuns iront jusqu'à payer pour se faire humilier par lui...

 

Francis Richard

 

Les parricides, Sabine Dormond, 64 pages BSN Press

 

Livres précédents aux Éditions Mon Village:

 

Full sentimental et autres nouvelles (2012)

Don Quichotte sur le retour (2013)

Une case de travers (2015)

Le parfum du soupçon (2016)

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12 avril 2017 3 12 /04 /avril /2017 22:25
Jardin d'été, d'Abigail Seran

Sa mère n'avait pas été du genre à faire des tas de choses et, depuis qu'elle avait pris cette pré-retraite, elle s'était mise à des activités qu'on n'aurait pas pu imaginer comme hobby d'une propriétaire et directrice de cabinet de gestion de fortune.

 

Toujours en déplacement de par le vaste monde, la mère d'Agathe, Éléonore, Élé pour les intimes, n'avait guère eu le temps de nouer des relations suivies avec sa fille. C'était, en fait, son père, Charles, enseignant, qui s'était surtout occupé d'elle.

 

Le frère cadet d'Agathe, Julien, ne semblait pas avoir souffert autant qu'elle de l'absence de sa mère au foyer. En tout cas il ne l'avait jamais manifesté aussi ouvertement que sa soeur. Il s'était adapté à la situation et s'en était même accommodé.

 

Quand leurs parents s'étaient établis en Bourgogne et n'avaient pas gardé leur appartement parisien, Julien et Agathe n'avaient pas compris cette décision, prise précipitamment, et Agathe avait été blessée de n'en avoir pas été informée au préalable.

 

Pourtant Agathe, comme Julien, a fait sa vie, à Paris. Elle a épousé Florent, dont le métier l'amène à voyager souvent. Ils ont une fille unique, Iris, qui est leur princesse et qu'Agathe a du mal à confier l'été à ses parents, peu enclins à imposer des règles.

 

Julien est marié à Juddy. Ils ont deux jumeaux, les J, June et John, et vivent à Londres. Au contraire d'Agathe, l'été, ils confient volontiers leur progéniture à leurs grands-parents, qui, peu à peu, aménagent (pour eux) leur propriété bourguignonne.

 

Cet été est le premier qu'Iris passera avec Élé, Charles et ses cousins. En dépit des craintes de sa mère, les choses se passent bien. Avec ses cousins et Marcel, un voisin de leur âge, elle forme bientôt, assez naturellement, un quatuor complice.

 

Cet été ne sera décidément pas comme les autres et sera, de fil en aiguille, celui des tensions que feront naître la révélation d'un secret familial, enfoui depuis des décennies, et les différences de caractère des protagonistes, soumis à l'épreuve de la vérité.

 

L'histoire tourmentée du microcosme familial gardera cependant pour centre de gravité le Jardin d'été de la propriété en Bourgogne, qu'Abigail Seran qualifie de féerique, quand, un soir, y sont allumés des photophores, que l'on ne devine pas le jour:

 

Une fois les bougies illuminées, on était dans une configuration un peu magique. Les lumignons se reflétaient dans la piscine, ceux suspendus aux arbres gigotaient quand un peu d'air venait les balancer.

 

Francis Richard 

 

Jardin d'été, Abigail Seran, 208 pages Éditions Luce Wilquin (sortie le 21 avril 2017)

 

Livres précédents chez Plaisir de Lire:

 

Marine et Lila (2013)

Une maison jaune (2015)

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11 avril 2017 2 11 /04 /avril /2017 22:00
Faire le garçon, de Jérôme Meizoz

Faire le garçon. L'expression employée par Jérôme Meizoz signifie que le garçon n'existe pas préalablement: il se fait; on le fait. Ce qui pose des questions sur son identité sexuelle: est-elle seulement déterminée par le biologique? le contexte socio-culturel est-il sans effet déterminant sur elle?

 

L'auteur répond par la négative aux deux questions dans son roman singulier, où 30 chapitres d'enquête alternent avec 30 chapitres de roman proprement dit. Pour que ses deux non aient quelque chance d'être entendus, il force volontiers le trait afin que les clichés prennent davantage de relief.

 

Dans les chapitres d'enquête, Jérôme Meizoz étudie le cas de son protagoniste comme le ferait un observateur extérieur et reproduit des documents, certains anciens, d'autres actuels, qui sont destinés à l'éclairer et qui montrent combien le contexte socio-culturel a pu s'exercer sur lui (et sur d'autres).

 

Dans les chapitres de roman, il imagine que son garçon, refusant bohème et ruisseau, fabrique ou bureau, exerce le plus vieux métier du monde, au masculin, avec toutefois un principe intangible: ses clients sont uniquement des femmes et il n'y a pas de rapports. Il précise: je n'entre pas dans le corps...

 

Exemple de préceptes socio-culturels que son garçon, différent des autres, n'est pas le seul à avoir reçus, ou à recevoir, et qui influent sur lui: Un garçon, ça ne pleure pas pour rien, ça s'impose et se défend, ça ne se préoccupe pas des habits, des tissus, ça ne fait pas une affaire de son apparence.

 

Exemple de satisfaction que lui donne son activité de massages, où il se sent compétent: Après tout, il donne une sorte d'amour. Et puis, en quelques heures, il gagne suffisamment pour vivre sa propre vie le reste de la semaine. Lire dans les parcs, passer des heures à la piscine, au cinéma.

 

Le garçon de Jérôme Meizoz est-il devenu un homme, un vrai? Certainement, en un sens. En s'accomplissant, c'est-à-dire en échappant à un contexte socio-culturel qui ne lui convenait pas (encore moins qu'à d'autres), désormais, il s'appartient et est sans honte [...] de ce coeur de fille qui bat en lui au rythme d'une horloge.

 

Francis Richard

 

Faire le garçon, Jérôme Meizoz, 160 pages Zoé (parution le 20 avril 2017)

 

Livres précédents chez le même éditeur:

 

Haut Val des loups (2015)

Séismes (2013)

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9 avril 2017 7 09 /04 /avril /2017 22:55
Dix-sept ans de mensonge, de Bessa Myftiu

Il avait cru aller vers son futur, et maintenant il découvrait son passé.

 

Armand, 17 ans, est l'enfant tardif de deux enseignants: sa mère avait 42 ans à sa naissance. Il n'a jamais compris pourquoi ses parents avaient quitté Korça, la ville albanaise de l'intérieur où il est né, pour s'installer à Vlora, la ville albanaise où ils vivent, au bord de l'Adriatique, et où les habitants sont grossiers.

 

Il ne veut pas rester à Vlora, non seulement parce qu'il ne s'y est jamais senti à l'aise, mais parce qu'il veut devenir boxeur, depuis qu'il a découvert, incidemment, lors d'une bagarre, qu'il a la boxe dans le sang, et qu'elle lui procure une plus grande popularité que sa belle voix et ses chansons, qu'il accompagne à la guitare.

 

La boxe est un sport violent, interdit en Albanie depuis plus de vingt ans. Il n'a donc d'autre possibilité s'il veut réaliser son rêve que de s'expatrier. Une seule chose le fait hésiter: il ne voudrait pas que ses parents restent seuls. Or Elsa, 37 ans, une cousine de sa mère, et son invitée, pourrait demeurer avec eux.

 

Elsa sort de prison. Elle y serait encore si les prisons ne s'étaient ouvertes après la chute du dictateur Enver Hoxha. Elle redécouvre seulement la vie extérieure et elle est ravie d'accompagner Armand à la mer le premier jour et, de nouveau, le lendemain, après son entraînement de boxe qu'il pratique à l'insu de ses parents.

 

Elsa lui raconte sa vie en prison: Tu ne peux imaginer ce que signifie ne pas être libre. Tout est difficile: se laver, dormir, travailler. Quelques-unes faisaient de la couture, d'autres labouraient des champs. On ne se sent pas un être humain, mais un esclave. Armand lui raconte son enfance sans amis et son impression de ne pas être à sa place.

 

En rentrant Armand croise sur la place centrale un jeune homme. Le départ pour l'Italie est pour le lendemain: - On se voit à cinq heures du matin, à la gare. Armand confie son secret à Elsa et lui demande de prendre soin de sa mère. A l'aube il s'éclipse de la maison et, arrivé au port de Durrës, il aperçoit Elsa parmi la foule...

 

Bientôt, une fois en Italie, à Bari, Armand apprend de la bouche d'Elsa, qui a quitté l'Albanie avec lui, qu'il a vécu Dix-sept ans de mensonge et que, pour le protéger d'un passé horrible, il a été emmené de Korça à Vlora. Il sait maintenant qui il est: il n'aurait dû le savoir que lorsqu'il aurait eu 18 ans révolus...

 

A la fin de ce micro-roman sans fard - la vraie beauté n'en a guère besoin -, Bessa Myftiu dit qu'il se met à pleurer en apprenant la vérité qui le fait renaître, comme

 

les enfants pleurent quand ils viennent au monde... 

 

Francis Richard

 

Dix-sept ans de mensonge, Bessa Myftiu, 64 pages BSN Press

 

Livre précédent:

 

Amours au temps du communisme, Fayard (2011)

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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