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8 août 2025 5 08 /08 /août /2025 19:10
Satie, de Patrick Roegiers

Éric Satie n'avait pas un bon souvenir de sa petite enfance. Il était né à Honfleur, à 9 heures du matin, le 17 mai 1866, l'année où Gustave Courbet peignait L'Origine du monde, aussi illustre que La Joconde.

 

Sa mère était morte quand il avait six ans, sa grand-mère paternelle quand il en avait douze. Il avait été élevé par ses grands-parents.

 

Enfant, il était replié sur lui-même. Il le serait toute sa vie et, de même, considérerait le monde à sa façon

 

Ce qui est bizarre l'attirait et le fascinait. Ce qui est commun l'irritait et le mettait en colère.

 

En 1878, il avait quitté Honfleur et avait retrouvé son père, Alfred, à Paris. En 1884, il avait choisi d'ôter l'accent de son prénom, de remplacer le "c" qui le terminait par un "k" final comme dans Kafka, kiosque ou klaxon:

 

En s'appelant Erik Satie, il s'appropriait son prénom et devenait un autre puisque le nom que l'on porte indique au monde qui on est.

 

Ayant appris la musique au Conservatoire National, où, contre son gré, l'avait inscrit sa belle-mère - son père n'était pas longtemps resté veuf - il ne concevait pas la musique sans fantaisie ni liberté.

 

La sienne, parce qu'il avait le sens des chiffres et des mathématiques, serait influencée par les nombres. Et, à vingt-deux ans, il composerait les Gymnopédies et se déclarerait gymnopédiste...

 

Satie n'est pas une biographie, c'est un roman, qui vient à point nommé puisqu'il paraît tout juste cent ans après la mort de celui qui ne se prétendait pas musicien et pour lequel Patrick Roegiers a une véritable dévotion.

 

Aussi celui-ci bouscule-t-il la chronologie à laquelle un historien serait attaché:

 

En porte-à-faux par rapport à la vie et aux autres, Satie, solitaire et incompris, privé de tout, vivait à plusieurs époques successives et parfois simultanées.

 

Ce roman n'est pas non plus une hagiographie, même si l'auteur ne cache pas son affection pour son héros, mais ce serait le trahir que de celer ses excentricités, qu'il était ombrageux et susceptible:

 

Satie était impersonnel par excès de personnalité.

 

Après avoir habité Montmartre, Satie déménagea à Arcueil, en 1898, où il continua de mener une existence routinière: il était un homme de manies, de rangement, de classement...

 

Gnome barbichu, il composait sa musique - Satie était en avance sur son temps, mais on ne le reconnaissait pas - dans un café-tabac de la place Denfert-Rochereau, en fumant des crapulos 1... 

 

Roegiers respecte là la chronologie, celle de ses créations 2

  • les Trois Gymnopédies,
  • les Six Gnossiennes,
  • les Trois morceaux en forme de poire,
  • Parade 3, dont l'idée était venue à Jean Cocteau, avec la participation de Picasso,
  • Relâche 4, née de l'imagination de Picabia.

 

Mais l'auteur fait définitivement fi de la chronologie quand il fait défiler dans sa chambre de l'hôpital Saint-Joseph non seulement des contemporains (Picasso, Brancusi, Derain, Milhaud, BraqueDebussy 5 ou Allais 6), mais aussi des admirateurs posthumes (John CagePhilippe Glass ou Bob Wilson).

 

Ou quand les mêmes, et d'autres, telles que sa mère, sa grand-mère ou sa soeur décédées, l'accompagnent jusqu'à sa dernière demeure, au cimetière d'Arcueil:

 

Il entrait dans l'inconnu, mais lui ne l'était pas. Il ne l'était plus. Satie était connu. Il n'était plus un inconnu. Tout le monde l'aimait.

 

Francis Richard

 

1 - Cigares très bon marché...

2 - La création était sa seule consolation, son unique occupation.

3 - Première: le 18 mai 1917.

4 - Première: le 27 novembre 1924.

5 - Mort en 1918.

5 - Mort en 1905, dont l'auteur cite notamment ce bon mot: La mort est un manque de savoir-vivre...

 

Satie, de Patrick Roegiers, 216 pages, Grasset

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2 août 2025 6 02 /08 /août /2025 18:20
Escarpées, de Marlène Mauris

Après toutes ces années à courir derrière les brebis, à les disperser au lieu de les rassembler, à les mordre au lieu de les protéger, le père a décidé qu'il était temps. Il a octroyé aux filles quelques heures pour se séparer d'un chien dont elles n'ont rien su faire.

 

Bienvenue dans la famille de Henri et Annette ! Qui ont trois filles: Léonie, Marion et Lucie, et habitent un village de montagne en Valais, dans les années 1990.

 

Henri est un sans-terreIl loue les champs contre de la laine et des agneaux. Annette ne travaille pas, enfin elle s'occupe de la maison. Léonie est l'aînée: après l'été, elle ira au collège. Marion, qui prend Lucie sous son aile et a son franc-parler, ira avec elle à l'école. 

 

Un dimanche, comme les autres - la petite famille est allée à l'église: lors de la communion, pas d'hostie pour les petits, juste un signe de croix qui dérange la frange -, les cinq se rendent le soir au milieu du village où est dressée une tente et où joue un orchestre.

 

Pendant que les trois filles s'éclipsent vers la grand place où il y a une fête foraine, le ton monte sous la tente entre Henri et son voisin Francis, si bien qu'ils en viennent aux mains. Il n'y aura finalement que des perdants, parmi lesquels Viviane, la femme de Francis...

 

Quelques jours après, Annette, qui n'est pas heureuse en ménage, sort de la maison, arrive au bord de la rivière, s'enfonce dans l'eau, ne se méfie pas du tumulte du flot qui l'emporte et contre lequel elle ne lutte pas, sans penser à ses filles, sinon elle aurait eu la vie sauve.

 

Grâce à tante Agathe, les filles ne vont pas se retrouver toutes seules avec leur père dont les deux semaines de vacances ouvrières se terminent. Elle a tout organisé pour qu'une jeune femme, Feodora, une Française de Grenoble, vienne s'occuper des trois filles.

 

Feodora a voulu s'octroyer une sorte de retraite essentielle, à la montagne pour enrichir [son] processus créatif etc., ce qui passe par dessus la tête de Henri: il a retenu qu'il la réglerait tous les mois et qu'elle le préviendrait au moins quinze jours avant si elle voulait partir.

 

Au début, Feodora regrette d'avoir accepté cette proposition, mais, elle s'habitue peu à peu à sa nouvelle vie, où, comme l'en avait prévenu Henri, elle a maille à partir avec Marion, la plus maligne des trois filles, et où Léonie, la plus mature, puis Lucie, la rassérènent.

 

Au bout de quelques mois, la famille a pris son rythme. Même Henri, qui n'est jamais d'une humeur égale, se félicite finalement d'avoir accepté l'offre de sa belle-soeur Agathe. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et Henri mettra un mauvais jour les pieds dans le plat.

 

Rien ne dure, même si Feodora s'est attachée aux trois filles et à Henri, tout bourru et soupe au lait qu'il est. L'épilogue est toutefois là pour confirmer ce qu'a dit Feodora à Marion quand elle a perdu son porte-bonheur sur le chemin de la maison à l'école, ou l'inverse:

 

L'espérance, c'est ne pas savoir.   

 

Francis Richard

 

Escarpées, Marlène Mauris, 208 pages, Favre

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31 juillet 2025 4 31 /07 /juillet /2025 18:30
La fin du week-end, de Michaël Perruchoud

Il avait avancé d'un pas pour mieux comprendre et senti une présence étrangère. Il avait plissé les yeux dans la pénombre à l'instant où deux pointes métalliques s'enfonçaient dans son ventre. Il avait lâché la bonbonne. À sa grande surprise, le tuyau ne s'était pas décroché. Mais l'air n'arrivait plus.

 

Le prologue, où un homme de soixante-trois ans, sous oxygène, est estourbi, crée l'ambiance. Mais, pour mieux comprendre, le lecteur devra patienter.

 

Sans transition, il fait alors connaissance avec Jocelyn Mervelet. Celui-ci n'est pas un vrai flic. Certes il travaille au commissariat de police judiciaire de Genève, boulevard Carl-Vogt, mais c'est juste un statisticien qui aligne des chiffres sur des tableaux Excel à destination du Grand Conseil.

 

Pourtant, un jour, il est réveillé à 2h 24 du matin par son collègue, Darbellay Michel, qui lui demande de se rendre sur les lieux d'une agression à deux pas de chez lui: 

Tu peux arriver avant nous. Tes frocs, fonce !

 

Seulement il n'est pas homme de terrain... Quand il aperçoit l'agresseur, un petit grosil le poursuit, péniblement. Celui-ci l'attend au tournant et lui assène de grands coups sur la tête avec une planche... Bref, il est retrouvé dans un sale état et conduit à l'hôpital où le lecteur fait connaissance avec sa petite famille venue lui rendre visite.

 

Car Jocelyn, Joss pour son entourage, a une compagne, Valentine, et un enfant, P'tit Ju, Julien, qui est le fils de celle-ci. Laquelle est sévèrement dopée à son travail si bien que leurs fiches de salaire ne sont pas comparables et qu'il ne fait aucune remarque quand elle consulte son téléphone par la bande:

Mon amour est d'une beauté ravageuse, le tailleur avantageux, les lèvres avenantes mais la voix aigre.

 

L'agresseur a poignardé à quatre reprises Thérèse Johau, une retraitée de soixante-dix-sept ans, d'origine suisse allemande, de Braunwald, Glaris, un endroit que tu as peu de chances de visiter si tu n'y est pas né... 

 

Incapable de décrire précisément l'agresseur rondouillard, Joss n'est décidément pas homme de terrain, mais il peut tout de même dire quand un suspect ne lui correspond pas et, pendant son arrêt de travail, cherche comment l'agresseur a pu entrer chez la vieille dame, sans doute avec un double de sa clé... 

 

Quand un deuxième meurtre, celui du prologue, se produit près de la Joux, dans le canton de Fribourg, c'est cette fois Pernilla Wiberg, la scientifique suédoise de la police judiciaire genevoise, qui emmène Joss. Points communs avec le premier: il a fallu une clé pour entrer dans le local et c'était à La fin du week-end...

 

Les collègues fribourgeois, qui avaient trop rapidement conclu à un accident, n'ont pas apprécié cette escapade, qui remet en cause leur travail. La hiérarchie genevoise de Pernilla et Joss non plus. Mais un nouveau meurtre est commis en Valais, dont Darbellay informe Joss.

 

Pernilla sort son agenda et fait remarquer à Joss qu'entre chaque meurtre se sont écoulés quatorze jours: les trois victimes ont été tuées chez elles, sans vol et sans pulsion sexuelle apparente. Toutefois le mode opératoire a changé: le dernier, c'était avec chloroforme puis couteau...

 

En tout cas la théorie d'un tueur en série n'est pas prise au sérieux par leur hiérarchie, qui croit tenir un coupable: ils ont quitté la logique pour entrer dans le fantasme, l'imaginaire, la théorie du complot... Sauf si un quatrième meurtre, qui ressemble au troisième est commis...

 

Comme, dans tout bon polar, encore faudrait-il alors, si tueur en série il y a, une fois qu'il serait démasqué, découvrir quel serait son mobile, ce qui relierait ses cibles et comment se seraient présentées ses opportunités de passer à l'acte. Jusqu'à la fin, Michaël Perruchoud laisse le lecteur dans l'incertitude ...  

 

Francis Richard

 

La fin du week-end, Michael Perruchoud, 256 pages, Okama

 

Livre précédemment chroniqué et publié à L'Âge d'Homme:

Sa préférée (2017)

 

Livre précédemment chroniqué, coécrit avec Sébastien G Couture, et publié aux éditions Cousu Mouche:

Ceux de Corneauduc (2015)

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29 juillet 2025 2 29 /07 /juillet /2025 18:50
Du sang sur les miens, d'Yves Paudex

Je m'appelle David Dormond, dit "Dado". Ce dimanche 2 octobre 2011, j'ai 28 ans et je suis seul. Mal dans ma peau, je vivote.

 

La mère de Dado est morte d'un cancer quand il avait douze ans. Son père s'est vite consolé avec une coiffeuse, qui s'est avérée être une marâtre.

 

Le père de Dado, Gabriel Dormond, est avocatTout à ses affaires, il ignore complètement son fils. Et sa compagne ne cesse de dénigrer celui-ci.

 

C'est justement elle qui appelle Dado le lendemain de son spleen, pour lui annoncer que son père, 56 ans, est à l'hôpital de Lausanne, mourant ...

 

Dado rend visite à son père qui lui susurre:  Mon Dado, si tu savais le plaisir que tu me procures! Ce père si distant est enfin devenu humain...

 

Ce père a laissé une lettre à son intention, qui le bouleverse. Il apprend entre autres que son patronyme, Dormond, est la francisation d'un nom juif.

 

Dès lors Dado se met en quête de ses origines et emporte seulement de la demeure familiale une dizaine d'agendas en cuir remplis par son père.

 

Le 10 décembre 2011, Dado, photographe de métier, oeuvre lors de la remise des masters au Titanic, l'École des sciences criminelles de Lausanne1.

 

Parmi les récipiendaires, il repère une femme au charme singulier. Le temps d'achever ses prises de vue, l'inconnue qui lui a souri a disparu. Il panique:

 

Jamais quelqu'un ne m'a mis dans un tel état.

 

Trois mois après, il se rend au musée de l'Hermitage où sont exposés les chefs-d'oeuvre de la collection Bührle. Elle est là, face à une toile de Van Gogh.

 

Cette fois, Dado aborde l'inconnue. Ils se parlent brièvement. Il est conquis et lui laisse son numéro. Mais deux semaines passent sans qu'elle l'appelle.

 

Après s'être recueilli sur la tombe de sa mère, au cimetière de Montoie, un jour il aperçoit au loin la belle inconnue qui arrose des fleurs sur une tombe.

 

Après qu'elle est partie sans l'avoir vu, il s'approche de la tombe, relève le nom. Mais il n'y a pas d'étudiante qui porte ce nom à l'Université de Lausanne.

 

Peu après, elle l'appelle enfin. Ils se donnent rendez-vous à l'auberge du Lac de Sauvabelin. Il apprend que son prénom, qu'elle n'aime pas, est Angelika,

 

Pour Dado, elle sera Angie, comme sa chanson préférée 2. Leur idylle commence. Ils ne savent pas que leurs origines à tous deux la contrarieront.

 

Dado et Angie ont un points commun: leurs mères sont mortes quand ils étaient adolescents. Quant à leurs pères, ils préfèrent ne pas en parler...

 

Yves Paudex se révèle redoutable pour le lecteur, qui a pourtant été alerté à plusieurs reprises, sur l'importance des origines dans cette histoire.

 

À commencer par l'épigraphe:

Le jour où je suis né n'a guère d'importance. Quant à mes origines, j'ai longtemps tenu pour vrai ce qui n'était que vraisemblable. Il m'a fallu bien du temps pour apprendre qu'il y a, en chacun de nous, bien plus que nous-mêmes.

 

Puis par cette réflexion d'Angie, au début de leur idylle:

Il est parfois préférable de ne pas connaître l'histoire de ceux qui nous ont précédés.

 

Enfin, quand cette histoire, à laquelle leurs pères ont été mêlés, s'avère horrible, par la réflexion de Dado à Angie:

Ni toi ni moi ne sommes responsables des actes commis par nos ancêtres.

 

En effet l'auteur convoque les heures sombres du XXe siècle comme toile de fond à cette histoire d'amour qui ne peut se terminer qu'en tragédie 3.

 

Ce roman n'est pas seulement un thriller: il donne matière à réflexions sur ce que les hommes acquièrent en existant et ce dont ils héritent en naissant:

 

Bien des parents oublient qu'ils vivent encore en nous, après leur décès.

 

Francis Richard

 

1 - Située dans le Batochime: un bâtiment aux allures de paquebot surmontée de trois cheminées.

2 - Interprétée en 1973 par les Rolling Stones.

3 - En 1986, les Rita Misouko chantaient: Les histoires d'amour finissent mal en général...

 

Du sang sur les miens, Yves Paudex, 272 pages, éditions montsalvens

 

Livres précédents aux éditions Plaisir de lire :

 

Crimes sacrés, sacrés meurtres (2019)

Le train des brumes (2021)

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27 juillet 2025 7 27 /07 /juillet /2025 19:45
Les réprouvées, d'Alexandre Regad

L'histoire se passe dans la seconde moitié du XIXe siècle à Morzine, village de Haute Savoie, qui compte à l'époque deux mille âmes, ce qui n'est guère moins qu'aujourd'hui.

 

L'héroïne est une jeune femme à la longue chevelure rousse. Elle a pour compagnon un chien, qui s'est, un jour, précipité vers elle, qui l'a aimée de suite, à qui elle s'est offerte.

 

À cette jeune femme, une femme massive, aux cheveux gris filasse, a donné du travail, sans se faire d'illusion sur elle, qui ne peut être qu'une traînée, au sens propre comme au figuré.

 

Dans ce microcosme tout se sait. Aussitôt arrivée de nulle part, l'inconnue est l'objet de ragots de la part de la gent féminine et de regards insistants de la part de la gent masculine.

 

La belle rousse travaille dur, elle est plutôt taiseuse. Les hommes se contentent de la regarder, ce qui n'empêche pas les commères, à l'esprit mal tourné, de médire à l'envi sur elle.

 

La belle rousse est née jeune femme. Elle ne se souvient de rien, ou si peu, de sa vie d'avant. Sa présente vie a juste commencé sur le chemin qui l'a menée jusqu'au village:

 

Le chien court autour de moi. Les hommes avancent dans les rues. La rivière coule sous le pont. La vieille me donne des ordres. C'est ma vie.

 

Cette vie change avec la maladie qui la prend. La vieille, prévenue par le chien, a appelé le médecin, avec lequel elle peut discuter. Car la vieille quitte sa chambre quand il est là:

 

Personne ne s'est jamais adressé à moi avec autant de douceur. Je prends plaisir à l'entendre et à le regarder. J'aime sa bouche et son nez droit. 

 

Mais, pour les femmes du village qui ont une fille, le médecin aux boucles noires est un beau parti... jusqu'à ce qu'elles apprennent qu'il va se fiancer et plaignent la belle promise...

 

Un jour, sans crier gare, la belle rousse semble prise de démence, alors qu'elle s'avançait au coeur de la ville. Le curé prend sur lui de la faire ramener chez elle par deux hommes:

 

La rousse est désormais la possédée. (...) La rousseur est la marque évidente de sa noirceur. Une sorcière.

 

Le mal qui la frappe se répand. Des petites filles et des jeunes femmes en sont atteintes. Les hommes semblent épargnés. Encore qu'il y aura un cas, celui du gentil Pierre...

 

Tous les remèdes seront essayés pour venir à bout de cette épidémie démentielle, qui font d'elles Les réprouvées d'une histoire vraie, survenue il y a environ un siècle et demi.

 

Exorcismes, amulettes, onguents, enfermements, ne pourront rien contre ce mal. Pourtant, après une existence faite de peurs et d'interdits, au fil des mois, tout rentrera dans l'ordre... 

 

La belle rousse aura au moins appris qu'une vie sans mémoire peut être une vie pleine. Elle aura eu un passé riche, non en nombre d'années, mais en intensité, et aura un avenir...  

 

Francis Richard

 

Les réprouvées, Alexandre Regad, 152 pages, Presses Inverses

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14 juillet 2025 1 14 /07 /juillet /2025 17:00
Des gens sensibles, d'Éric Fottorino

J'avais vingt ans et j'avais écrit le plus beau roman du monde. C'est Clara qui le disait. Je croyais tout ce que disait Clara.

 

Trente après, Jean Foscolani se souvient. Pour son premier roman, il s'était adressé à Charles Follet, éditeur à l'ancienne, qui présidait aux destinées des Éditions du Losange et lui avait fait remettre plusieurs fois son ouvrage sur le métier.

 

Pour les relations presse, il vit avec Clara, que Charles Follet lui présenta au printemps 1994. Elle n'était pas seule. Saïd, l'écrivain algérien que tout le Maghreb adulait, était là. Dès lors, avec eux deux, il allait former un trio un an durant.

 

Follet avait proposé le titre Des gens sensibles à son livre: Mon esprit chancela. Bientôt mon nom s'étalerait en lettres rouges sur la couverture plein sable à losange bleu. Une consécration pour ce fils de Berbère inconnu, selon sa mère... 

 

Clara était d'une quinzaine d'années son aînée. Elle n'allait avoir de cesse de le lancer, en organisant des dîners chez elle, en lui donnant rendez-vous dans des lieux huppés où il rencontrerait des critiques littéraires et des attachés de presse.

 

L'écriture de Saïd faisait trop de bruit en Algérie aux yeux des islamistes, des militaires et des dirigeants du FLN. Après la mort de son fils Djamal, il était sans illusion, bien que protégé en France, où il vivait auprès de Clara et de... Fosco:

 

Je ne l'ai jamais entendue prononcer mon prénom. Juste le diminutif de mon nom qu'elle avait d'emblée adopté.

 

Saïd ferait un jour partie de la liste tragique des écrivains algériens qui mettaient toute leur vie dans leurs mots. Quand il était loin, auprès des siens, à Tanger, Fosco restait avec Clara. Et quand Clara n'était pas là, Saïd l'était. Qui lui avait dit: 

 

Tu dois connaître l'amazigh. Ses mots sont les globules de ton sang. Les Berbères étaient installés en Afrique du Nord bien avant les Arabes, bien avant les Français. Quand je te regarde, avec tes cheveux qui frisottent et ton petit sourire en coin, je sais que je connais bien des visages comme le tien en Kabylie.

 

Trente ans après, Jean Foscolani se souvient. Peu lui importe qu'il soit Berbère du Maroc ou d'Algérie, lié à Jo Attia ou à Mouloud Ferraoun, il a choisi sa naissance, il sera l'enfant de ses livres. Il ne racontera pas sa vie. Il l'inventera en l'écrivant.    

 

Francis Richard

 

Des gens sensibles, Éric Fottorino, 160 pages, Gallimard

 

Livre précédemment chroniqué:

 

Dix-sept ans (2018)

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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13 juillet 2025 7 13 /07 /juillet /2025 17:00
Le revenant d'Albanie, de Jean-Christophe Rufin

Aurel Timescu, consul adjoint, végète dans un bureau à Paris entre deux affectations, ce qui n'est pas si dérangeant. Mais c'est sans compter avec un sénateur qui lui veut du bien.

 

Le sénateur Mauginier lui a obtenu un poste en Albanie, où il était allé quand il était enfant: un  endroit au monde plus triste, plus misérable et plus fou que sa Roumanie natale...

 

Trois semaines après, Aurel se retrouve à Tirana où l'ambassadrice n'est autre qu'Amélie, qu'il a connue quand elle était consule générale à Bakou1 et qui est heureuse de le revoir.

 

Aurel n'est pas un bourreau de travail. Aussi est-il rassuré quand il apprend qu'il n'y a pas beaucoup de problèmes dans les affaires consulaires, même s'il ne peut vivre sans inquiétude.

 

Pour conjurer l'ennui, Aurel a trois remèdes: la musique - il joue du piano - le vin blanc, les enquêtes. Or, au bas de Chamonix, un Franco-Albanais, Marc Lumière, vient d'être assassiné.

 

L'autre affaire en cours est la disparition d'une jeune femme partie seule dans la montagne. Pour tenter de la retrouver un drone du ministère de l'intérieur a été prêté, mais il s'est crashé.

 

Fausse joie pour Aurel: Amélie s'en occupe. Bonne surprise pour lui: Elmira, son assistante, lui apprend que Lumière est mort deux fois: ce 17 juillet 2024 et ... le 3 juillet 1997. 

 

Pour le commissaire Grobert, flic attaché à l'ambassade, l'affaire sera classée sans suite. Toutefois rentré dans son appartement, Aurel découvre sur le Net le visage de la victime...

 

Quelques temps plus tard, il apprend par Elmira que Lumière, alias Marsel Rustemi, dont la femme et la fille françaises sont mortes, avait été marié ici et était père d'une fille, Alma:

 

Un frisson délicieux parcourut l'échine d'Aurel. La passion qu'il croyait ne plus pouvoir retrouver lui était de nouveau offerte.

 

Aurel ne se doute pas où va l'entraîner sa passion d'enquêteur manqué dans un pays où pèsent le passé communiste, les mafias, un code d'honneur dont il existe une version écrite.

 

Francis Richard

 

1 - Voir Le Flambeur de la Caspienne.

 

Le revenant d'Albanie, Jean-Christophe Rufin, 224 pages, Calmann-Lévy

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Aux Éditions Équateurs:

Un été avec Alexandre Dumas (2025)

 

Chez Calmann-Lévy:

D'or et de jungle (2024)

 

Chez Flammarion:

Le Suspendu de Conakry (2018)

Le Flambeur de la Caspienne (2020)

La Princesse au petit moi (2021)

 

Chez Gallimard:

Sept histoires qui reviennent de loin (2011)

Le collier rouge (2014)

Check-point (2015)

Le tour du monde du roi Zibeline (2017)

Les sept mariages d'Edgar et Ludmila (2019)

Les flammes de pierre (2021)

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11 juillet 2025 5 11 /07 /juillet /2025 19:10
Le Bâtard du Roussillon, de Jacques de Villiers

Un jour le comte avait ordonné que l'on traite comme son fils un enfant qui venait d'on ne sait où, arrivé soudainement au château dans des conditions mystérieuses.

 

Cet enfant, c'est Le Bâtard du Roussillon, le héros du premier roman de Jacques de Villiers. Et le comte qui l'avait recueilli, Nuno Sanche de Rousillon, mort quand il était adolescent.

 

L'histoire se passe en 1285. Trois ans plus tôt avaient eu lieu les Vêpres siciliennes mettant fin à la souveraineté de Charles d'Anjou1 sur la Sicile, permettant à Pierre d'Aragon de s'en emparer.

 

Le Pape Martin IV avait alors décidé d'engager une croisade contre le roi d'Aragon, menée par le roi de France, Philippe III le Hardi, auquel il avait adjoint son légat, le cardinal Jean Cholet.

 

Dans cette croisade, le roi de France est accompagné de ses deux fils, Philippe 2 et Charles. C'est une armée immense qui se met en marche depuis Perpignan et s'approche de la ville d'Elne.

 

Le gouverneur d'Elne n'est autre que le bâtard du Roussillon, Estefan le ruseur, qui, après s'être formé auprès des chanoines de la cathédrale, devenu adulte, avait disparu pendant des années...

 

Estefan est homme de fidélité, très attaché aux habitants de sa ville. Il ne comprend pas que Jacques, frère de Pierre d'Aragon, ait pris fait et cause pour la croisade contre ce dernier.

 

Il n'est pas au bout de ses peines en matière de trahison, puisqu'elle viendra de son suzerain; et il mettra un point d'honneur à venger jusqu'au bout la mort des personnes qu'il a trahies.

 

Estefan saura susciter la confiance, et la méritera, de la part d'un de ses jeunes adversaires à qui il confiera que le bien dépend de celui qui le fait, et du but pour lequel il l'accomplit... 

 

Aussi, une fois remplie la mission qu'il s'est donnée, songera-t-il à lui-même et décidera-t-il de vivre, plutôt que, sa ruse aidant, de survivre, comme il l'a fait jusque-là, en ce bas monde.

 

Francis Richard

 

1 - Frère de Louis IX et oncle de Philippe III.

2 - Le futur Philippe IV le Bel.

 

Le Bâtard du Roussillon, Jacques de Villiers, 496 pages, Fayard

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30 juin 2025 1 30 /06 /juin /2025 18:45
Je vous dédie mon silence, de Mario Vargas Llosa

Mario Vargas Llosa est mort le 13 avril 2025. Ce texte est le dernier qu'il ait écrit. Il a été publié en espagnol en 2023, après qu'il est retourné au Pérou sur les lieux où le récit se déroule.

 

Dans ce roman de Mario Vargas Llosa, écrit à la troisième personne et à la première personne, il s'agit en fait de la même personne, un certain Toño Azpilcueta, journaliste et enseignant:

 

Toño Azpilcueta était un érudit en musique criolla - dans son intégralité, littorale, montagnarde, voire amazonienne -, à laquelle il avait dédié sa vie.

 

Journaliste, il écrivait des articles sur son sujet préféré. Enseignant, il dispensait des cours de dessin et de musique dans un collège tenu par des religieuses où ses deux filles étaient scolarisées.

 

Son seul luxe était ses petits déjeuners au Bransa: il devait parfois, pour les financer, emprunter de l'argent à Matilde, son épouse, qui gagnait sa vie comme blanchisseuse et ravaudeuse.

 

La vie de Toño va être bouleversée quand le professeur José Durand Flores l'invitera à une soirée où Lalo Molfino se produira. Selon le professeur, Lalo est le meilleur guitariste du Pérou.

 

Or Toño n'en a jamais entendu parler. Il ne se doute pas, plus curieux de connaître le professeur que ce Lalo Molfino, que cette invitation lui apportera une vérité qu'il n'avait que pressentie.

 

La musique de Lalo ne ressemblait en rien à ce qu'il avait pu entendre. La foule qui l'écoutait observait un silence révérenciel devant son savoir-faire, sa concentration, sa maîtrise extrême.

 

Quelques mois après cette soirée mémorable, Toño revoit le professeur au Bransa. Celui-ci s'apprête à quitter le Pérou et à ne pas y revenir avant longtemps et lui apprend que Lalo est mort.

 

Son amie Cecilia Barraza, avec qui Toño avait rendez-vous, survient après le départ du professeur et lui confirme la mort de Lalo, qui était peut-être un génie mais aussi un garçon difficile:

 

Un névrosé comme je crois n'en avoir jamais vu. Il refusait de jouer avec ses camarades du groupe, il voulait des morceaux pour lui tout seul.

 

Meurtri, Toño décide d'écrire son livre sur la musique péruvienne, d'y rendre un hommage posthume au guitariste, d'y apporter sa contribution à la résolution des grands problèmes nationaux.

 

Quand le récit est écrit à la première personne, il s'agit d'extraits de ce livre savant. La vérité que Toño avait pressentie et que l'invitation du professeur lui avait confirmée y serait dévoilée.

 

Dans les versions successives de ce livre, il démontrerait de manière de plus en plus détaillée que la musique criolla pouvait venir à bout des préjugés et ouvrir les esprits et les coeurs.

 

L'hommage posthume à Lalo Molfino, dont il reconstituerait la courte vie, laisserait donc une place de plus en plus grande à la résolution des problèmes nationaux par la musique populaire.

 

Toño y rappellerait que le meilleur qui était arrivé au Pérou, et à l'Amérique latine, avait été l'unification par l'espagnol, répandu comme une rosée pour intégrer langages, idiomes et dialectes.

 

Le titre du livre? Lalo Molfino et la révolution silencieuse. Tout un programme, selon lequel la musique populaire unirait davantage la société et permettrait de réduire les conflits sociaux:

 

- Tu ne crois donc plus que les problèmes de ce pays trouveront un jour leur solution ? lui demandera in fine Cecilia.

Un jour, peut-être. Mais nous ne serons plus là, Cecilia, pour le voir, lui répondra Toño.

 

Francis Richard

 

Je vous dédie mon silence, Mario Vargas Llosa, 288 pages, Gallimard (Albert Bensoussan et Daniel Lefort)

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Éloge de la lecture et de la fiction, 56 pages, Gallimard (2011) *

Aux cinq rues, Lima, 304 pages, Gallimard (2017)

L'appel de la tribu, 336 pages, Gallimard (2021)

 

* Mon article, du 13 décembre 2010, était basé sur le texte publié sur le site Nobel.

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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27 juin 2025 5 27 /06 /juin /2025 18:30
Désaccordée, de Florence Cochet

Avec son mètre quatre-vingt-quatre, Tempérance Ballard, seize ans, égale ou dépasse beaucoup de garçons. Ses pieds ont la taille de péniches.

 

Flavio Lorenzini est son ami d'enfance, son meilleur ami. Leur relation dément l'impossibilité d'une amitié fille-garçon. Il l'appelle affectueusement TantPis.

 

Le cercle de famille de Tempérance se compose de sa mère, Olympe, de son père, Pierre, et de son grand frère, Juste, le trop bien nommé:

  • Olympe est responsable qualité d'une chaîne d'hôtels cinq étoiles.
  • Pierre est comptable.
  • Juste, vingt-deux ans, étudie à l'École hôtelière de Lausanne et passe beaucoup de temps avec Minako.

 

Tempérance a été habituée à vivre sans sa mère. Son père l'a élevée. Mais il ne lui est pas possible de tout lui dire pour autant, même s'il y a entre eux une réelle complicité.

 

Deux semaines avant la rentrée scolaire, Tempérance apprend, lors d'un repas familial, que ses parents ont décidé de se séparer et que sa mère s'en va vivre avec une femme, Eva. 

 

Tempérance est folle de rage, mais décide de garder la nouvelle pour elle, d'exprimer sa rage sur un de ses cahiers d'écolier, le troisième depuis ses douze ans, où elle consigne les moments importants, qu'ils soient bons ou mauvais.   

 

Elle n'en parlera donc pas tout de suite à ses meilleures amies, Sanna et Julie, pas même à Flavio. Elle refusera de parler avec sa mère. Avec son père, les relations ne seront plus les mêmes.

 

Lors du barbecue de pré-rentrée scolaire, elle et ses amies repèrent un type canon, Lucas. Qui a bien changé, après avoir passé une année en Californie...

 

Tempérance avait refusé de prendre un café avec lui avant son départ: elle n'était pas intéressée par quelqu'un qui serait absent une année.

 

Au moment de rentrer chez elle - elle a la permission d'une heure du matin - Lucas s'adresse à elle: Rentre bien. Maintenant, elle ne cracherait plus sur ce café...

 

Quand elle retrouve Flavio, de retour de deux semaines de vacances, elle se dispute avec lui au sujet de la séparation de ses parents. Il tente en vain de la raisonner.

 

En dehors de leur amitié, que d'aucuns jugent improbable, ils partagent une passion, la musique. Tous deux jouent du violon et rivalisent pour occuper la place de solo dans le même orchestre...

 

La suite montrera que Lucas n'est plus le garçon timide et maigrichon qu'il était avant de partir aux États-Unis, si bien que peu à peu il étend son emprise sur Tempé... qu'il croit bien avoir ferrée.

 

Le petit monde du collège, très bien décrit dans le livre de Florence Cochet, et qui communique sur WhatsApp, est impitoyable et n'a rien à envier à celui des adultes.

 

Dans ce microcosme, où tous se mêlent de tous, les réseaux sociaux amplifient les rumeurs, surtout quand elles sont basées sur des faux...

 

Aussi le titre de Désaccordée pour qualifier la narratrice peut-il être pris successivement, simultanément ou momentanément, dans plusieurs sens: familial, amoureux, musical. 

 

La musique adoucit les moeurs, paraît-il. En l'occurrence le Caprice n°5, de Nicolò Paganini, aura le don de mettre finalement Tempérance en accord avec elle-même et avec l'ami sur lequel elle saura pouvoir toujours compter. 

 

Francis Richard

 

Désaccordée, Florence Cochet, 336 pages, Okama

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24 juin 2025 2 24 /06 /juin /2025 18:30
Insoumission, d'Olivier Chapuis

Tout commence un soir pluvieux de fin octobre 2013, sur la route entre Puidoux et Forel, en pays de Vaud.

 

Une femme, Viviane, au volant de sa voiture en piste une autre, Naomi. Pourquoi? Le lecteur peut attendre.

 

Au volant de son 4X4, tombé en panne, Naomi vient toquer à la vitre, côté conductrice, de sa poursuivante:

 

Naomi Magnin venait de se jeter dans la gueule de la louve.

 

Le bar privé de l'hôtel Bolton de Londres et d'ailleurs, est lieu de débauche et de divertissements pour notables.

 

Viviane et Alain dirigent les Bolton. Ils ont ouvert de tels bars à Paris, bientôt à New-York, Budapest, Madrid...

 

Discrétion oblige, ils appellent stagiaires celles qui s'occupent de divertir hommes d'affaires, écrivains, etc...

 

Pour l'heure, ce soir du 30 octobre 2013, Naomi Magnin s'installe à la place du mort dans la voiture de Viviane.

 

Après avoir attendu, le lecteur apprend que Naomi, journaliste, est la maîtresse d'Alain: tout s'explique donc.

 

Non, pas vraiment. Certes Viviane - le passé récent l'a prouvé - est bien une louve, mais il y a bien autre chose.

 

En effet, le secret des bars privés des Holton n'en est plus un: Viviane a reçu des documents qui l'attestent.

 

À la faveur d'allers et retours dans le temps, les liens entre les trois protagonistes et... les bars privés se révèlent.

 

Dans ce triangle amoureux, Viviane et Naomi se disputent âprement l'exclusivité d'Alain, homme à femmes. 

 

Olivier Chapuis n'épargne pas le lecteur, laissant au hasard le soin de bien ou de mal faire les choses, c'est selon.

 

Deux personnages secondaires, le second surtout, seront les instrument involontaires du dénouement, noir.  

 

Si enfin les choses sont bien faites, ne s'agira-t-il pas plutôt d'ange gardien, de providence, de Dieu sait qui ?

 

Francis Richard

 

Insoumission, Olivier Chapuis, 200 pages, BSN Press

 

N.B.

 

Le 26 juin 2025: vernissage et dédicace d'Insoumission, de 18 à 21h, à la Galerie Analix Forever10 rue du Gothard, 1225, Chêne-Bourg.

 

Livres précédents:

 

Le Parc, 96 pages, BSN Press (2015)

Nage libre, 144 pages, Éditions Encre Fraîche (2016)

Le chat, 272 pages, L'Âge d'Homme (2018)

Les chaussettes en titane, 64 pages, BSN Press (2019)

Balles neuves, 168 pages, BSN Press (2020)

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16 juin 2025 1 16 /06 /juin /2025 16:20
Wanted, de Philippe Claudel

This is the West, sir. When the legend becomes fact, print the legend.1

 

Cette épigraphe tirée du film de John FordL'homme qui tua Liberty Valance, est un bon résumé du livre. En effet ceux qui aiment les westerns en retrouveront l'ambiance dans ce roman.

 

Les deux têtes d'affiche sont Elon Musk et Donald Trump, deux figures emblématiques de l'Amérique du Nord, de jadis et de naguère, auxquelles le reste du monde ne s'habitue toujours pas.

 

Ce roman d'anticipation a paru le 14 mai 2025 et commence le 10 juin 2025... Autant dire que la rupture entre les deux héros n'était pas prévue au programme mais que la satire demeure.

 

Le 10 juin 2025, Elon Musk, dans le bureau ovale de la Maison Blanche, fait une déclaration sidérante; il offre un milliard de dollars à celui qui [butera] ce fils de pute de Vladimir Poutine:

 

Nous sommes un grand pays. Une grande nation. Nous avons une histoire. Et dans cette histoire, jadis, quand il y avait des criminels dangereux pour la société, on mettait leur tête à prix, et les chasseurs de primes faisaient le job, et le pays, ma foi, s'en portait mieux.

 

Elon Musk met aussi à prix sur X la tête de Sergueï Lavrov, pour un million de dollars, et celle de Dmitri Peskov, pour cinq cent mille dollars, qui meurent respectivement le 14 et le 12 juin.

 

L'entretien du 18 juin entre Elon Musk et Tucker Carlson, sur Fox News, est certes caricatural mais il reste plausible, du moins si l'on en croit ce que disent nos médias des deux compères... 

 

Les déclarations de Musk ne sont pas sans effets sur les chaînes d'information, les radios, les journaux, les sites de presse, les réseaux sociaux. Sans parler de l'ONU et des bourses de valeurs.

 

Vladimir Poutine ne peut pas ne pas réagir. Le 20 juin, à 19 heures locales, il prend la parole, revêtu d'une tenue militaire. Dans son allocution, il menace du feu nucléaire les États-Unis...

 

Au moment où, en s'adressant à l'humanité entière, il se veut rassurant, précisant que les cibles sont connues, il est interrompu, assassiné en direct et en mondovision par des hommes en noir.

 

Le lecteur découvrira sans surprise les conséquences bénéfiques, imaginées par Philippe Claudel, aussi bien en Russie qu'en Ukraine, et pour celui qui les a provoquées, Elon Musk

 

Il regrettera que l'auteur abandonne la satire pour la moraline, réservée surtout au couple Musk Trump, sans mentionner nommément le crony capitalism 2, initié par les démocrates américains... 

 

La fin est la rupture imprévisible et imprévue du couple. Elle vaut hélas au lecteur une nouvelle salve de moraline, de comparaisons conformistes 3 et de noires prédictions de la part de l'auteur:

 

Désormais, il n'y aurait plus personne pour jouir des merveilles.

Elles continueraient d'exister, certes, mais sans les humains.  

 

Francis Richard

 

1 - C'est l'Ouest ici, monsieur. Quand la légende devient réalité, imprimez la légende.

2 - Capitalisme de connivence.

3 - La sempiternelle reductio ad Hitlerum, par exemple...

 

Wanted, Philippe Claudel, 140 pages, Stock

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15 juin 2025 7 15 /06 /juin /2025 16:15
Atalante, de Laurence Burger

Le narrateur est juge. Il préside le tribunal de Perth. Il relate les quatre journées d'audience au cours desquelles sont entendus les deux survivants du naufrage de l'Atalante, un voilier qui a essuyé un cyclone.

 

Ron Stephens et Guy Dudley sont jugés pour mise en danger de la vie d'autrui, le troisième marin du bateau, Henry Parker, ne se trouvant pas à bord du radeau de sauvetage, quand ils ont été secourus.

 

Le narrateur et juge n'est pas là pour décider du sort des accusés - c'est le rôle des jurés - mais pour instruire ces derniers sur les questions de droit et décider des points de procédure qui pourront se poser.

 

Il apparaît très vite que Ron Stephens était le seul marin expérimenté de l'équipage de ce navire équipé d'un matériel du dernier cri et qu'il avait embarqué les deux autres à Cape Town pour aller à Perth1.

 

La tempête, qui n'était pas prévue sur leur trajet, est décrite par Ron en termes homériques, si bien que l'assistance retient son souffle pendant toute la durée de son récit lors de l'audience du 20 septembre.

 

Le mât de l'Atalante avait cassé dans la tempête. Aussi Ron raconte-t-il lors de l'audience du 21 septembre qu'il fallait quitter le navire et sauter dans l'embarcation de sauvetage avec un Henry salement blessé.

 

À l'intérieur Guy avait trouvé Henry malade de peur. Au moment où il aurait fallu quitter l'Atalante, celui-ci avait eu la cuisse presque sectionnée par un câble qui fouettait l'air, ce qui avait empiré la situation.

 

Qu'est-il arrivé à Henry Parker? Le lecteur l'apprend au cours des deux audiences suivantes, où les deux accusés sont interrogés en hot-stubbing, c'est-à-dire en même temps par la défense et par l'accusation.

 

Ron Stephens est défendu par Me Horowitz, un avocat aguerri, Guy Dudley par Me Graham, un avocat novice. Le ministère public est représenté par Sarah Fawcett, procureure des territoires de l'ouest.

 

Au cours de l'audience du 22 septembre, la disparition de Henry Parker sera élucidée. Ce sera une surprise pour la défense, mais pas pour l'accusation. De plus amples explications seront données le lendemain.

 

Le verdict sera rendu par les jurés le 28 septembre et sera justifié. Mais l'épilogue, quatre ans plus tard, sera tout aussi surprenant que l'auront été les circonstances de la disparition du malheureux Henry Parker.

 

Ce livre montre l'importance des débats, des procédures, de même que, au-delà des mots, du comportement corporel, ce dont l'accusation aura su tirer profit, en prêchant ce qu'elle a deviné pour savoir le vrai...  

   

Francis Richard

 

1 - Cape Town et Perth sont distants de six mille miles nautiques, soit onze mille kilomètres...

 

Atalante, Laurence Burger, 64 pages, Okama

 

Livre précédemment chroniqué:

 

Le cadavre du 25, 376 pages, Slatkine (2021)

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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