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9 novembre 2024 6 09 /11 /novembre /2024 20:20
Monsieur Hubert - Un chauffeur (très) particulier, de Serge Heughebaert

Il est curieux que l'enfant abusé sexuel soit jugé, adulte, pour abus de confiance. Tu ne trouves pas? L'abusé devient abuseur. La vie, pour lui, n'est qu'une comédie. Hubert, c'est un comédien avant tout. Il veut qu'on le remarque. Et que ce qu'il a vécu, désormais, serve à quelque chose. Quoi? On n'en sait rien.

 

Serge Heughebaert s'adresse à Pierre Avvanzino, qui, à ses yeux, peut le mieux raconter la vie de Monsieur Hubert, Un chauffeur (très particulier).

 

Romancier, il pense que cet ami chercheur est plus à même que lui d'écrire la biographie d'Hubert, tout en lui conseillant de l'écrire en romancier.

 

Hubert, sa vie le montre, a besoin de reconnaissance. Mais Pierre tire sa révérence avant de se mettre à l'ouvrage et le devoir d'écrire échoit à Serge.

 

La vie d'Hubert est un roman, qui commence mal, qui connaît des hauts et des bas et qui ne se termine pas trop mal, parce que le personnage sait rebondir.

 

Où et quand son histoire commence-t-elle? Hubert naît en 1947. Son père est jardinier et sa mère à l'office du Plongeon, vaste demeure au bord du lac.

 

Cette demeure est celle de grandes familles de l'est de la France qui vivent de la soie, ce qui fait dire à l'auteur qu'Hubert y fut porté aux fonts baptismaux.

 

Les enfants de ce monde, resté en France, sont placés dans une école catholique à Fribourg et les parents d'Hubert Meyer s'en occupent les week-ends.

 

Tous, parents et enfants, se retrouvent au Plongeon pendant les vacances. Les parrain et marraine d'Hubert appartiennent d'ailleurs aussi à ce monde.

 

En 1950, les temps sont durs, son père seul est licencié. Il retrouve un emploi dans une demeure austère, où le petit Hubert perd tous ses repères affectifs.

 

En effet, chaque jour, sa mère retourne sans lui au Plongeon. Petit dernier il vit à l'écart de ses frères aînés. Le remède à son problème sera pire que le mal.

 

En 1955, l'été venu, son père le place à l'Institut catholique de La Salette à Bouleyres, où il est abusé. Au retour, sa mère ne le croit pas: le pervers c'est toi...

 

Le reste de sa jeunesse il sera replié sur lui-même mais son caractère et sa connaissance du grand monde lui permettront de séduire et de surmonter ses avanies.

 

Ainsi fera-t-il des études à l'École hôtelière de Lausanne, sera-t-il  au service de grandes familles, comme celles connues enfant et apprendra à conduire.

 

Il conduira sans permis de luxueuses automobiles, dont il fera, sans vergogne, un usage personnel. À chaque fois que le vent tournera, il s'échappera.

 

Comme il ne peut pas gagner à tout coup, il se retrouvera à plusieurs reprises derrière les barreaux, où cet homme distingué ne restera jamais longtemps.

 

Ce n'est pas pour rien que l'auteur parle de Monsieur Hubert. Monsieur exprime à la fois le respect qu'il lui voue et celui qu'il inspire de par son allure.

 

L'auteur se demande s'il est important que l'histoire d'Hubert serve à quelque chose. Il y a pourtant une leçon que le lecteur pourrait en tirer, à mon sens.

 

Hubert a prouvé, en grandissant, qu'il ne restait pas dans une attitude victimaire, qu'il allait certes abuser de biens mais jamais de l'intégrité de personnes.

 

Il est frappant dans ce récit, que ceux dont il a abusé de la confiance ne lui en veulent pas, ou pas outre mesure, parce qu'il a de l'élégance innée et acquise...

 

Cette élégance le conduit, dans l'épilogue, où il dit se reconnaître dans ce récit, à exprimer ses regrets, à demander des excuses à certains de ses employeurs:

 

Je voudrais aujourd'hui leur donner six mois gratuits. Leur faire les plus belles fêtes qu'un maître d'hôtel, qu'un chauffeur, qu'un majordome, puisse offrir à ces gens-là.

 

Ses patrons ont dû sentir qu'il les aimait, même s'il est difficile de le penser, puisqu'il partait avec leur voiture, leur carte de crédit ou leur carnet de chèques...

 

Cette élégance se manifeste encore à l'égard de ses parents, à qui il pourrait en vouloir. Il aimerait que son père soit fier de ce qu'il a été et qu'il n'a pas connu.

 

À sa mère, il aimerait enfin pouvoir dire: Quelle belle vie on a passé ensemble. Quels bons souvenirs nous avons eus ensemble. [...] On s'est aimés et on a ri.

 

Francis Richard

 

Monsieur Hubert - Un chauffeur (très) particulier, de Serge Heughebaert, 144 pages, Cabédita

 

Livre précédent à L'Âge d'Homme:

Traces (2017)

 

Livre précédent chez Slatkine:

L'ombre de Sissi (2022)

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5 novembre 2024 2 05 /11 /novembre /2024 22:05
Smoothie, de Stéphanie Glassey

- Je pense que tu t'en rends compte toi aussi, nous sommes trop différents, on n'a pas la même philosophie de vie! le temps est trop précieux, je vais m'en aller.

 

La narratrice avait pris rendez-vous sur Tinder avec Clélio. Elle l'avait fait avec l'intention de se remettre de sa rupture deux mois plus tôt avec Adrian, qu'elle connaissait depuis huit ans et avec lequel elle avait vécu pendant six.

 

La rupture avec Adrian était due peut-être à la routine, que le confinement n'avait pas améliorée, plus certainement au fait qu'il avait rencontré quelqu'un d'autre, en l'occurrence une blondeur insolente, qu'elle croisa peu après.

 

Tandis qu'Adrian travaillait dans l'aménagement du territoire, elle faisait des études en philosophie et avait commencé, après un master, une thèse de doctorat, dans laquelle elle se disait embourbée depuis au moins quatre ans.

 

Entre un athlète tel que Clélio, ne pensant qu'à entretenir son corps, et une intellectuelle telle que la narratrice, férue de Schopenhauer, il y avait un abîme que leur rencontre devant un Smoothie1 ne risquait pas de combler.

 

Comme on n'apprend que de ses échecs, la narratrice se demande ce qu'elle peut bien faire pour séduire comme elle le faisait naguère encore, avant de connaître Adrian, et s'adresse à sa très franche amie Mélodie, pour l'éclairer.

 

Celle-ci lui explique que le monde a changé pendant qu'elle filait l'imparfait amour avec Adrian et, éternelle étudiante, vivait dans sa bulle, en dehors du véritable bouleversement sociétal qui s'est produit. Elle lui mentionne:

 

L'écoanxiété, la crise du logement, l'inflation, la perte de sens et de confiance, la solitude, la difficulté de trouver ou de garder un travail, les relations de consommation et surtout le cynisme omniprésent.

 

Face à ce bouleversement, qu'ont fait les gens? Ils ont commencé à prendre soin d'eux. Intérieurement comme extérieurement. Ils ont abandonné l'idée d'avoir le moindre contrôle sur le monde alentour ou sur leur trajectoire de vie.

 

En résumé, il fallut qu'ils positivent, comme on dit. Intellectuelle un jour, intellectuelle toujours, elle fait des recherches sur Internet et prend la ferme résolution de prendre soin d'elle, comme tout le monde le fait maintenant.

 

Mais elle ne se contentera pas de prendre soin d'elle, ne trahira pas Arthur 2. Elle donnera un sens à sa nouvelle manière de vivre, conciliera son droit de souffrir et de se questionner, tout en essayant d'aller bien, ou pas trop mal.  

 

Francis Richard

 

1 - Boisson crémeuse d'origine américaine à base de fruits entiers et de légumes frais, mélangés à des jus de fruits...

2 - Schopenhauer.

 

Smoothie, Stéphanie Glassey, 80 pages, OKAMA

 

Livres précédents aux éditions Plaisir de lire:

 

Confidences assassines (2019)

La dernière danse des lucioles (2021)

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3 novembre 2024 7 03 /11 /novembre /2024 20:45
Le français, parlons-en !, de Boualem Sansal

Ce petit manuel est destiné aux personnes qui ont le tort de ne pas s'interroger sur l'étrange inclination des hommes à se satisfaire de ce qu'on leur apprend dans le but premier d'aggraver leur ignorance et de les maintenir dans la servitude heureuse.

 

Boualem Sansal exprime cette intention dans ce qu'il appelle Note de cadrage, puis, En guise de préambule, à la fin d'une interview qui n'a pas eu lieu, il la résume par cette pensée télescopique:

Il n'y a de peuple que dans une culture et une langue, de culture et de langue que dans la liberté, de liberté que dans le courage et l'honneur, de courage et d'honneur que dans l'amour de son pays et des siens. La rupture de la chaîne signe la mort du peuple et la dislocation du pays.

 

Que constate-t-il?

  • Que les démocraties ne sont plus ce qu'elles étaient: la liberté y est désormais rationnée, confinée, contingentée, masquée, coupable.
  • Que nos lointains ancêtres communiquaient avec les dieux par le langage de la pierre et que nous sommes plus modestes: notre histoire est purement terrestre, douloureuse et éphémère, celle de l'écriture sur papier et de la parole portée par le vent et les ondes hertziennes.
  • Que la moitié de ce qui se dit dans les rues de France et le quart de ce qui se lit dans les journaux, papier et électronique n'est pas du français certifié. Il s'entend et se comprend, mais de moins en moins.
  • Que la surdité qui en résulte ne vient pas que des oreilles, elle vient des maladies de la langue et des yeux, elle vient aussi des dérives sociétales et des méfaits du gouvernement dont la maladie est l'incompétence chronique.

 

Comment en est-on arrivé là?

L'accoutumance à l'insignifiance fait que l'on ne se voit pas glisser dans la trappe de l'ignorance. À l'inverse de la colonisation culturelle par le haut, imposée par les armes, qui est une agression à laquelle naturellement on résiste, la colonisation par le bas est une pénétration en douceur.

 

La conséquence pour l'auteur, Algérien vivant en Algérie, quand il se rend en France?

Ce qui me reste de mon bon français m'handicape, je commence à me sentir étranger en France, ce que je suis officiellement. C'est désagréable.

 

Il n'y a pas si longtemps, la France et l'Algérie révolutionnaire acharnée mais francophone, pratiquaient le même français, à l'accent près... Mais l'Algérie s'est arabisée et la France américanisée. Et l'esprit de Babel souffle à nouveau sur le monde...

 

Pourtant, en matière de grandeur, la langue est la clé, elle est magique, elle ouvre toutes les portes, de la terre et du ciel, elle est la pierre philosophale qui révèle, nomme, exalte, enclenche les processus de libération qui mènent à la sapience et à l'éternelle jouvence.

 

D'où vient le français? L'auteur évoque les différentes origines possibles: latine, grecque, gauloise, franque, etc. Mais il reconnaît humblement qu'on ne sait pas d'où vient le français. Il émet encore les hypothèses royale ou céleste, mais avoue que le français comme le Sphinx garde son secret.

 

Pourquoi le français recule-t-il dans le monde? Par peur de la sanction et de la moquerie:

Son art du contournement disruptif et du dysfonctionnement impromptu fait de lui le langage/la langue le/la plus difficile au monde.

 

En France même, le français cède devant des parlers hautement débilitants:

  • le globish de quincailler,
  • le wesh-wesh des quartiers,
  • la langue inclusive qui exclut tout, n'inclut rien,
  • le langage binaire de l'informatique,
  • le bilinguisme élyséen à somme nulle,
  • la langue européenne.

 

Qui sauvera le français?

Notre langue sera grande quand nous-mêmes, ses enfants, serons grands. Mais n'exagérons pas notre influence sur elle, elle est grande sans nous. elle ne parle pas qu'aux hommes, nouveaux venus dans le vaste univers, elle parle aux anges, aux esprits et aux oiseaux du ciel 1.

 

Et la France?

Plus un pays maîtrise sa langue et l'entretient avec la passion du jardinier amoureux de ses plantes, mieux il respire la force, nourrit ses neurones, aiguise son regard et son intelligence, son imaginaire et son flair, et au bout fortifie sa personnalité et la télépathie qui interconnecte les individus.

 

Francis Richard

 

1 - L'auteur se dit athée, mais non apostat car il est né libre de religion et l'est resté contre vents et marées...

 

Le français, parlons-en !, Boualem Sansal, 192 pages, Les éditions du Cerf

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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2 novembre 2024 6 02 /11 /novembre /2024 19:00
La vie des choses, de Marc Agron

Il avait oser rêver de gloire en dépit d'une voisine qui lisait dans le marc de café et lui avait rappelé que la gloire était une notion post-mortem, à ne pas confondre avec la célébrité.

 

Yann Mendelec était un écrivain célèbre. Tous ses livres s'étaient bien vendus. Son éditeur et complice, Louis Van Berg, avait fait fortune grâce à eux.

 

À l'origine professeur d'histoire, Louis s'était laissé convaincre par Yann d'être son éditeur. Longtemps, les deux larrons n'avaient pu que s'en féliciter.

 

Seulement le dernier livre de Yann n'avait pas eu de succès. Les critiques l'avaient éreinté et considéré comme mauvais. Yann en avait été meurtri.

 

Pendant trois ans, Yann s'était alors isolé dans sa propre maison, ne s'occupant plus guère de sa femme, Rosemarie, et de ses jumeaux, Jean et Yvan:

 

Il avait passé son temps à écrire et à dormir.

 

Un jour, toutefois, il avait rendu visite à Louis, un manuscrit sous le bras, à l'hôtel particulier, devenu maison d'édition, acquis grâce à ses livres.

 

Yann avait apporté à Louis La vie des choses et celui-ci lui avait dit, comme à n'importe quel auteur, qu'il le soumettrait au comité de lecture.

 

Yann ne s'attendait pas à un tel traitement. Il partit. Prisonnier de son désir et conscient de la folie qui le menaçait, il poussa un long cri de rage...

 

Ce livre ne devait pas être si mauvais que ça puisque Louis, un jour, l'appela. Mais la communication fut coupée. Il lui fallut donc le rappeler:

 

On l'informa insolemment que son texte présentait certaines qualités. On lui fixa un entretien.

 

La vie des choses ne ressemblait à aucun de ses livres précédents. Il n'y avait pas de personnages, mais des objets, qui avaient donc une âme.

 

Ce livre était si différent que Louis ne le publierait qu'à une seule condition, ne pas être signé du nom de Mendelec, désormais synonyme d'échec.

 

Quelques semaines plus tard, Yann reçut en lettre recommandée le contrat d'édition, où une somme importante lui était proposée, à donner le tournis.

 

Le jour de la signature venu, ce contrat fut relu à Yann par Louis, un notaire et un avocat, et Yann accepta cette convention léonine sans discuter:

 

La convention était à la fois un acte de naissance et un certificat de décès: Yann s'engageait à ne plus apparaître en tant qu'auteur et à ne jamais divulguer sa paternité de La vie des choses.

 

Il respecta cet engagement, disparut avec la coquette somme qu'il convertit en liquidités. Son double connut la célébrité, et peut-être la gloire...

 

L'histoire ne s'arrête pas là. Marc Agron, imagine un possible et diabolique retour de l'auteur, dont le lecteur ne saura qu'à la fin s'il se réalisera. 

 

Francis Richard

 

La vie des choses, Marc Agron, 224 pages, La Veilleuse

 

Livres précédents à L'Âge d'Homme:

 

Mémoire des cellules (2017)

Carrousel du vent (2018)

Rêver d'Alma (2020)

 

N.B.

Ce roman a été sélectionné pour Le prix du livre de la ville de Lausanne. Une rencontre avec son auteur aura lieu le 14 décembre 2024 à l'Auditorium MCBA (Musée cantonal des beaux-arts), Plateforme 10, à 11h. Entrée libre sur inscription.

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25 octobre 2024 5 25 /10 /octobre /2024 16:30
Houris, de Kamel Daoud

Dans la lumière, j'apparais comme une femme élancée, exténuée, à peine vivante, et mon immense sourire figé ajoute au malaise de ceux qui me croisent. Ce sourire, illimité, large, presque dix-sept centimètres, n'a pas bougé depuis plus de vingt ans. Il est un peu plus bas que le bas de mon visage et étire mes mots, mes phrases.

 

Cette jeune femme a vingt-six ans. Elle s'appelle Fajr dans sa langue extérieure, Aube dans sa langue intérieure. Dehors, elle est muette. Dedans, elle parle, à sa fille qu'elle porte dans son ventre.

 

Que s'est-il passé il y a vingt ans? Le 31 décembre 1999, à la fin de la décennie noire que l'Algérie a connue, elle a été égorgée sans être achevée, emmenée dans une ambulance jusqu'à Oran.

 

Depuis la loi de Réconciliation, s'il est interdit de parler de la guerre imprécise de 1990 à 2000, la sienne, il est licite de parler de la guerre de libération, du 1er novembre 1954 au 5 juillet 1962.

 

Khadija, cinquante-huit ans, trouvée le 5 juillet 1962 dans un berceau à la porte d'une mosquée à Alger, est sa mère depuis le 1er janvier 2000. Aube est née ce jour-là, Fajr morte la veille. 

 

Khadija est partie en Belgique à la recherche d'un chirurgien pour opérer Aube. Elle ne sait pas qu'elle attend une Houri 1, elle ne sait pas non plus qu'elle veut retourner sur les lieux du crime.

 

Fajr Djama habitait en haut du village de Had Chekala. Dans un hangar, elle et sa soeur Taïmoucha ont été égorgées, mais elle seule a survécu, après avoir fermé les yeux, comme morte.

 

Elle retourne sur place pour demander que faire à son Houri de soeur, décider si elle et son Houri d'enfant doivent vivre. Houris est le récit de ce périple, semé d'embûches, riche en rencontres.

 

La rencontre avec Aïssa, autre survivant, sera décisive. Il suffit de lui donner un chiffre pour qu'il raconte un massacre de la décennie dont le nombre de victimes correspond à ce chiffre.

 

Elle est pour lui un signe, la preuve, qu'il n'a pas inventé ce qu'il raconte sur les massacres des terroristes islamistes, faute de savoir en faire un livre. Sur place, elle comprendra, parlera enfin:

 

Tu es tombée du ciel un jour de l'Aïd et ce n'est pas pour être égorgée mais pour témoigner, lui dira Aïssa.

 

Francis Richard

 

1 - Houri, nom féminin: beauté céleste du paradis d'Allah (Larousse)

 

Houris, Kamel Daoud, 416 pages, Gallimard

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21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 20:55
Au coeur de la bête, de Lorrain Voisard

- Sutter abattoirs.

- Oui, bonjour, Arthur Jolissaint. Euh, je vous appelle pour savoir si vous avez encore besoin de main-d'oeuvre.

- Du boulot, il y en a. C'est toi qu'es venu faire une journée à l'essai?

- C'est ça, le printemps passé.

 

Arthur va travailler six mois, à partir du début février, dans ces abattoirs moyens, passer par tous les postes.

 

Arthur rentre dans les détails de ce métier, où il est du bon côté, celui des vivants, et où les bêtes meurent.

 

Pour l'essentiel il s'agit de cochons qui sont menés à l'abattoir, mais il y a aussi des bovins et des ovins.

 

Compte tenu de sa dimension, cette usine ne fonctionne pas tous les jours et le travail commence dans la nuit.

 

Au début, les gens qui y bossent pensent qu'ils ne s'habitueront pas, mais peu à peu ils ne réagissent plus.

 

Arthur raconte leur vie de gens tout à fait ordinaires et qui, il le dit sans ambages, souffrent avec les bêtes.

 

Il est venu pour travailler, mais aussi pour savoir, et pouvoir raconter ce [qu'il aura] vécu, pendant six mois.

 

Quand, dehors, il raconte l'abattoir, les gens, ça les dégoûte, sachant que c'est nécessaire si on mange de la viande.

 

Alors il défend ceux qui y travaillent parce qu'il sait qu'ils font leur maximum pour que les bêtes ne souffrent pas.

 

Avec eux, certes il baigne dans l'horreur et le froid mais malgré tout ils s'amusent, ils sont tous vraiment ensemble:

 

Une bonne journée est une journée sans vagues. Un bref signe de tête suffit à se comprendre. On limite le mouvement, on limite l'émoi. On causera à la pause.

 

Ils perdent de vue le tableau qu'ils doivent donner à ceux qui, dehors, veulent de la viande sans se salir les idées... 


Alors Arthur se place Au coeur de la bête et raconte ce qui se passe dans les abattoirs, i.e. comment c'est vraiment:

 

Tout le monde devrait savoir, pour manger des bêtes, savoir ce que ça fait à ceux qui les tuent.

 

Francis Richard

 

Au coeur de la bête, Lorrain Voisard, 216 pages, Éditions d'en bas

 

N.B.

Ce roman a été sélectionné pour Le prix du livre de la ville de Lausanne. Une rencontre avec son auteur aura lieu le 7 décembre 2024 à l'Auditorium MCBA (Musée cantonal des beaux-arts), Plateforme 10, à 11h. Entrée libre sur inscription .

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16 octobre 2024 3 16 /10 /octobre /2024 19:45
L'enlèvement de Sarah Popp, de Rose-Marie Pagnard

Comme elle a aimé voyager à travers la Lituanie en compagnie d'autres écrivains! Aimé se battre contre le froid, venir à bout des nuits férocement noires, aimé aussi parler français, allemand, anglais, ses grosses lunettes de soleil sur le nez!

 

Sarah Popp, dans sa chambre d'hôte du vieux Vilnius, se réjouit cependant de retourner le lendemain chez elle, à Bâle, en Suisse, après avoir participé à ce Festival de littérature qui a pris fin ce soir.

 

Mais les lendemains ne chantent pas tous: À l'aéroport de Vilnius, tous les vols sont annulés. Trop de neige, trop de gel. Sarah devra patienter, trois jours. En attendant, elle prend un bus au hasard.

 

Elle joint son mari Tobie par téléphone pour le prévenir de ce contre-temps. Il n'a pas l'air de trop s'inquiéter, prend même la chose avec philosophie: il a répété promène-toi, accepte ce qui arrivera.

 

Elle espère que Tobie informera leur fille Matild qu'elle rentrera en Suisse un peu plus tard ... Plutôt que de profiter de ce temps libre pour écrire, elle préfère vagabonder, faire l'écriture buissonnière.

 

Dans un café en sous-sol où elle boit du thé et mange une crêpe à la confiture de fraise, la serveuse, Karola, qui parle français, lui propose de lui trouver une chambre pour la nuit chez l'habitant.

 

Le lendemain de cette onzième nuit en Lituanie, elle aperçoit par la fenêtre de sa chambre, qui est située au rez-de-chaussée, un homme tête nue marchant précipitamment tout au bord de la maison...

 

Cet homme est entré dans la maison et en sortant de sa chambre elle se trouve nez à nez avec lui dans l'étroit couloir. Ce n'est pas un inconnu, il n'est pas là par hasard, car c'est monsieur Anders...

 

Monsieur Anders est un ami de son père Andrik, un de leurs voisins dans la petite ville suisse où elle habitait enfant. Il n'a jamais cessé de s'intéresser à elle, à ses romans, en Suisse et Lituanie...

 

Anders, qui connaît et la serveuse et la logeuse, veut obliger Sarah à écrire les injustices qu'elle a subies quand [elle] était encore [sa] petite voisine et surtout plus tard [...] avec Tobie et son enfant:

 

Un écrivain peut les clouer dans l'officialité du livre.

 

Sous la menace, elle entre donc dans la maisonnette roulante, où ce bûcheron compte la contraindre à écrire son autobiographie de femme enceinte sans être mariée, dans leur petite ville, en 1963.

 

Pourquoi cet illuminé l'a-t-il enlevée pour écrire son autobiographie? Parce que, si elle n'est pas allée en prison comme sa mère à lui, ils ont été punis, elle et son amoureux, autrement, bien injustement.

 

Elle sera délivrée, lui rendra justice à sa mère. Mais peut-il la forcer à écrire des histoires si personnelles qu'elle voudrait les garder pour elle? Encore que ce soit toujours un réel bonheur pour elle d'écrire...

 

Francis Richard

 

L'enlèvement de Sarah Popp, Rose-Marie Pagnard, 192 pages, Zoé

 

Livres précédents chez le même éditeur:

 

Jours merveilleux au bord de l'ombre (2016)

Gloria Vinyl (2021)

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12 octobre 2024 6 12 /10 /octobre /2024 17:30
Le cahier d'Anthéa, de Marie Javet

Je m'immolerai dans cette maison que nous avons fait bâtir, mon défunt époux et moi, sur les hauts de Lausanne. Je partirai dans un grand feu de joie, et ce récit brûlera avec moi. Vous ne le lirez pas, mes fils, pas plus que vous, lecteurs.

 

Les lecteurs apprécieront donc d'être mis dans la confidence de ce récit en quatre actes, supposé détruit, qui se déroule de 1912, date de naissance de la narratrice, jusqu'en 1936, qui n'est cependant pas la date de sa mort1.

 

Le cahier d'Anthéa apprend aux lecteurs que c'est Rowena, la mère de la narratrice, qui a choisi ce prénom peu commun, qui signifie "fleur" en grec, que le château de Brocelane et son parc furent sa demeure et son jardin.

 

Brocelane, située en Occitanie, est une maison de maître plus qu'un château. Rowena est morte en 1918 et les deux frères aînés d'Anthéa, qu'elle n'a pas connus, sont  morts pour la France: Pierre, en 1916, Valéry, en 1918.

 

Anthéa est donc fille unique. Mais elle ne vit pas seule avec son père à Brocelane. Hormis la femme de ménage, Suzanne, et Marlène, la cuisinière, y vivent bientôt Nancy, fille-mère, accompagnée de sa fille, Éléonore.

 

Peu de temps après le décès de Rowena, son père a en effet ramené d'Angleterre Nancy pour qu'elle parle à Anthéa dans sa langue maternelle, l'école primaire publique qu'elle fréquente ne donnant pas de cours d'anglais.

 

Nancy et Éléonore, qui a six mois de moins qu'Anthéa, habitent séparément, dans un cottage, sur la propriété. Car Éléonore, de santé fragile, devenue asthmatique, doit vraiment éviter d'être contaminée par des maladies.

 

Bien que du même âge, Anthéa et Éléonore ne se rencontrent donc pas avant l'été 1922. Cette année-là, dans la bibliothèque Anthéa découvrit - ce ne fut pas sans conséquences - Racine, Molière, Corneille et Shakespeare:

 

Rien, pour moi, ne surpassa jamais la tragédie racinienne, que je trouvais bien plus puissante que le dilemme cornélien.

 

Le cahier que les lecteurs ne sont pas supposés lire un jour, mais qu'ils ont entre les mains, est le récit des relations tumultueuses entre Anthéa et Éléonore, celle-ci semblant trouver un malin plaisir à pourrir la vie de celle-là.

 

Quand leur antagonisme apparut pour une énième fois à la suite de la mort d'un chat qu'elles aimaient toutes deux mais était dangereux pour Éléonore, en raison de son asthme, son père avait toutefois cherché à calmer le jeu:

 

J'étais emplie d'espoir pour l'avenir: Papa avait raison, le monde était assez grand pour nous deux.

Je ne mesurais pas à quel point nous nous trompions.

 

Quel que soit l'endroit où elle ira, Éléonore s'y rendra et cherchera à rivaliser avec Anthéa et à lui nuire. En fait, son père, Anthéa, les lecteurs, et même Éléonore, eh oui, ne mesureront pas à quel point ils auront tous tout faux...

 

Francis Richard

 

1 - Les lecteurs fidèles de l'auteure savent, dans un autre livre, que ce fut bien plus tard, en 1968...

 

Le cahier d'Anthéa, Marie Javet, 296 pages, Plaisir de Lire

 

Livre précédent chez Gore des Alpes:

Tunnel pour l'enfer (2022)

 

Livres précédents aux éditions Plaisir de lire:

La petite fille dans le miroir (2017)

Avant que l'ombre (2018)

Les roses sauvages (2020)

 

Livre précédent aux éditions Solar:

Toute la mer dans un coquillage (2020)

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8 octobre 2024 2 08 /10 /octobre /2024 18:20
Divorce à la française, d'Éliette Abécassis

Monsieur Antoine Maurepas et Madame Margaux Lunel se sont mariés le 20 juin 2007 à Paris.

De leur union sont issus:

- Maxime, né le 2 juin 2008, à Paris (10e)

- Emma, née le 10 août 2012, à Paris (13e)

Le divorce des époux a été prononcé le 21 septembre 2015...

 

Dans un premier temps, le domicile des enfants a été fixé chez leur mère. Mais, en 2021, à la requête du père, il l'a été, en alternance, chez les deux parents. Enfin, la mère, devant déménager en province pour raisons professionnelles, a demandé qu'il soit à nouveau fixé chez elle.

 

Divorce à la française est le récit de la suite donnée à cette dernière requête. Mais Éliette Abécassis, pour ce récit, fournit les pièces du dossier, qui devraient permettre au lecteur de se faire une opinion sur le bien-fondé de la requête de Margaux Lunel pour vivre avec ses enfants.

 

Quelles sont ces pièces où la demanderesse est Margaux Lunel et le défendeur, Antoine Maurepas?

  • La déclaration orale à l'audience du 9 juillet 2023 de l'ex-mari, médecin de son état,
  • la déclaration écrite à la même audience de son ex-femme, écrivain de son état, naguère à succès,
  • l'audition du fils,
  • la lettre de la fille,
  • treize attestations, les unes produites par la demanderesse - dont une faite par une connaissance du lecteur -, les autres par le défendeur,
  • les plaidoiries de l'avocate de la demanderesse et de l'avocate du défendeur,
  • le jugement rendu le 4 janvier 2024,
  • les quatre pièces exclues des débats.

 

Après avoir lu toutes les pièces du dossier qui précèdent le jugement, le lecteur a du mal à se faire une opinion, parce que l'auteure lui donne des informations contradictoires sur les deux divorcés et sur lequel serait le plus à même d'assurer, pour leur bien, la garde des deux enfants.

 

Une fois lus le jugement, les pièces exclues des débats, l'épilogue, dernière pièce froide versée du dossier, le lecteur aura bien du mal à avoir jamais confiance en aucune justice humaine et se demandera peut-être si le fabuliste n'avait pas une nouvelle fois raison quand il disait crûment:

 

Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir

 

Francis Richard

 

Divorce à la française, Éliette Abécassis, 288 pages, Grasset

 

Livres précédents:

 

Chez Albin Michel:

Et te voici permise à tout homme (2011)

Le palimpseste d'Archimède (2013)

Alyah (2015)

Le maître du Talmud (2018)

L'envie d'y croire (2019)

 

Chez Flammarion:

Philothérapie (2016)

L'ombre du Golem (2017)


Chez Grasset:

Nos rendez-vous (2020)

Un couple (2023)

 

Chez Robert Laffont:

La transmission (2022)

 

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

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5 octobre 2024 6 05 /10 /octobre /2024 22:25
Le Lotus jaune, d'Hélène Jacobé

On m'appelait la sainte mère du Lotus jaune. J'ai eu un autre nom aussi, Lotus d'or, lorsque j'étais prostituée, mais ces années de boue ne sont pas celles que je préfère. Longtemps, j'ai été Lin Hei'er.

 

L'histoire se passe en Chine à la fin du XIXe siècle. La narratrice d'Hélène Jacobé est née en 1870. Elle est la fille du batelier Lin li. Sa mère est morte quand elle était si jeune qu'elle ne se souvient pas d'en avoir souffert.

 

À la suite d'une famine, son père s'adressa à une société d'entraide. Ayant été surpris à piocher dans les marchandises qui lui étaient confiées pour vivre lui et sa fille, il dut choisir entre la prison et un commerce illicite.

 

Ayant été remarqués au festival des chrysanthèmes, où, habitués à grimper aux mâts, ils participèrent au concours d'agilité, Li et Hei'er se firent embaucher l'hiver par un maître qui dirigeait une troupe de cirque ambulant:

 

Mon père resterait batelier pendant la belle saison.

 

Son père meurt lors d'une représentation, après avoir fait une chute de quatre mètres. Hei'er a quatorze ans et, pour lui donner une sépulture honorable, accepte d'emprunter une fortune à ce maître, de loin pas philanthrope:

 

Combien de temps mettrai-je à le rembourser? Probablement toute ma vie.

 

Un soir, la troupe donne une représentation privée chez un riche marchand de Tianjin. Seulement son public se réduit à ce concupiscent, à son maître et à un domestique. Elle n'est pas naïve et sait le sort qui l'attend:

 

J'étais en danger, pas seulement parce que j'allais de toute évidence être violée, mais parce que dans ce monde où les jeunes ont besoin de la protection des adultes, on trichait.

 

Submergée par l'émotion, prise de colère, elle envoie la lampe au visage de l'esclave et l'instrument de musique à celui du maître, et, parce que le gros monsieur rit, elle lui plante une épingle de son chignon dans la gorge.

 

Devenue criminelle, elle s'enfuit, trouve refuge dans un bordel, dont la maîtresse, qu'elle avait un jour éconduite, lui offre protection et ne la retient pas si elle veut s'en aller. C'est ainsi qu'elle prend le nom de Lotus d'or.

 

Cette maîtresse fait venir, à chaque nouvelle lune, une guérisseuse. Bien que, s'attendant à quelque chose de spectaculaire quand elle la rencontre, elle ne tarde pas à avoir une relation privilégiée avec Shi, qui lui révèle:

 

- Tu es médium.

- Médium?

- Tu peux parler aux esprits.

 

Dès lors, elles se voient tous les mois. Hei'er lui apporte à chaque fois une somme importante, cinq taëls, qui sont dans ses moyens. À partir de ce moment l'argent pleut sur Lotus d'or, ses prix ne décourageant pas ses clients:

 

Cinq taëls, c'est beaucoup, c'est ce que tu vaux et c'est le prix à payer pour racheter le contrat que tu as passé avec le destin.

 

Quand elle aura racheté ce contrat, elle quittera le bordel à vingt ans, sera guérisseuse à son tour et soignera les affligés de son temps, riches et pauvres, créera un refuge pour femmes, pour celles dont personne ne s'occupait.

 

Ce lieu, recevant des aumônes et de la nourriture de ses consultants, sera Le Lotus jaune, une école où ces femmes jardinent, préparent des nouilles, lavent le linge, font le ménage, cousent des vêtements, apprennent à boxer.

 

Pendant les années 1890, la Chine est en proie à de terribles convulsions entre rebelles, étrangers des huit nations, convertis au christianisme, armée chinoise, triades. Ce ne sont que trahisons, défenses de ses seuls intérêts.

 

Pour vaincre, ceux qui l'appellent désormais sainte mère, aimeraient qu'elle les fasse profiter de sa voyance, de ses facultés, de ses pouvoirs. Mais elle ne possède aucun de ces dons, pas davantage que celui de l'invincibilité:

 

La seule faculté utile à faire la guerre est le courage.

 

Car le surnaturel n'a pas sa place dans le monde. Hei'er aura délivré un enseignement millénaire, apporté un soutien, offert une protection, développé l'ouverture et les aptitudes. Aussi ce qu'elle a accompli ne disparaîtra pas:

 

Mon existence n'est qu'un souffle dans l'univers, mais ce souffle a fait de la place. À Tianjin, des filles ont appris la boxe et bien d'autres choses. Elles s'en souviendront. Elles seront habitées d'or et de souffle.

 

Francis Richard

 

Le Lotus jaune, Hélène Jacobé, 368 pages, Éditions Héloïse d'Ormesson & Favre

 

N.B.

Ce roman a été sélectionné pour Le prix du livre de la ville de Lausanne. Une rencontre avec son auteure aura lieu le 9 novembre 2024 à l'Auditorium MCBA (Musée cantonal des beaux-arts), Plateforme 10, à 11h. Entrée libre sur inscription.

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2 octobre 2024 3 02 /10 /octobre /2024 10:10
Les mensonges du pasteur Jacot, de Jean-Marie Reber

- J'aimerais que ta recherche se fasse dans la discrétion. Officiellement, je ne t'ai rien demandé. Je ne suis pas ton client. Tu ne fais jamais allusion à ma personne. Nous n'avons que des rapports officieux, les plus confidentiels possibles. Tu comprends, je suis pasteur et personne dans la paroisse ne doit être au courant de mon initiative.

 

C'est en ces termes que Samuel Jacot, pasteur de son état, s'adresse à Max, le narrateur, avocat de son état, avant que celui-ci n'accepte la mission insolite qu'il veut lui confier.

 

La mission? Retrouver sa locataire qui a disparu la veille... et qui lui a envoyé un texto de détresse auparavant. Pour honoraires, le pasteur Jacot lui a préparé une enveloppe.

 

Il l'accepte plus par curiosité que pour l'argent. En effet est bien cousue de fil blanc l'histoire de ce camarade qu'il n'aimait guère enfant et n'apprécie pas davantage adulte.

 

Redevenu détective pour l'occasion, Max démonte les uns après les autres Les mensonges du pasteur Jacot mais n'est pas plus avancé. Il le sera quand une vérité lui échappera...

 

En attendant, la disparition de Shirley Huguenin amène Max à s'entretenir avec les relations de cette dernière: les hommes de sa vie, une amie, sa mère et son ex-belle-mère...

 

Dans le même temps, la vie de Max est perturbée par l'annonce par sa compagne d'un heureux événement. Car, pour Jean-Marie Reber, Max est un homme comme les autres... 

 

Ce sont l'intimité et les motivations des êtres que ce romancier affectionne d'explorer. Certes l'intrigue, bien construite, a son importance mais elle n'est peut-être pas l'essentiel.

   

Le lecteur appréciera le ton ironique que son narrateur emploie pour décrire les situations et rapporter les dialogues entre des personnages ordinaires, qui, du coup, le sont moins.

 

Francis Richard

 

Les mensonges du pasteur Jacot, Jean-Marie Reber, 224 pages, Éditions Mon Village

 

Livres précédents aux Éditions Mon Village:

Relax Max ! (2021)

Le serment de Treptower Park (2023)

 

Livres précédents aux Éditions Attinger:

La vie de château (2009)

Le parfum de Clara (2015)

Les meurtres de la Saint-Valentin (2015)

Rira bien qui rira le dernier (2016)

Le valet de coeur (2016)

Coccinelle, jolie coccinelle (2017)

Un suspect bien maladroit (2017)

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30 septembre 2024 1 30 /09 /septembre /2024 19:10
Histoire de l'homme qui ne voulait pas mourir, de Catherine Lovey

Il était une fois un homme, un brave homme audacieux qui ne voulait pas mourir. Cet homme savait que la mort existe. Il savait même qu'elle se manifeste tous les jours. Seulement, il ne pouvait pas croire qu'elle le menaçait, lui, personnellement.

 

Cet homme habite l'immeuble dans lequel la narratrice emménage il y a quelques années. Ce n'est pas lui qu'elle rencontre en premier, sortant de chez lui, mais la femme qui vivait avec lui à l'époque et c'est le jour où elle le quittait.

 

Peu à peu ils font connaissance et deviennent de vrais voisins. La preuve en est qu'ils se confient les clefs de leurs appartements respectifs et qu'il lui dépose même le double de ses clefs de voiture pour le cas où elle en aurait besoin.

 

Un jour, elle vient lui faire signer une pétition pour sauver des arbres du quartier, il refuse, prétendant qu'elle ne peut pas comprendre, n'étant pas née sous un régime communiste, qu'il se méfie d'attirer l'attention des pouvoirs publics. 

 

Ce Hongrois d'origine n'en savoure pas moins que des citoyens d'authentiques démocraties signent des pétitions, des initiatives ou des référendums. Et promet, ce qu'il fera, d'aider ceux qu'il appelle sans ironie les Conjurés du Bosquet.

 

L'Histoire de l'homme qui ne voulait pas mourir est le récit de la maladie qui l'atteint un jour et de son comportement face à la dégradation de sa santé. Il se révèle être un battant, croyant en lui-même et en la science pour s'en sortir.

 

Que ce soit sa maladie ou la pandémie, Sándor continue à vivre comme si de rien n'était, pensant que les problèmes de l'une et de l'autre seront bientôt réglés, et à voyager aussi bien pour ses affaires que pour son divertissement.

 

Quand il est au plus mal et qu'il téléphone pour donner de ses nouvelles, il donne à ses interlocuteurs une version contraire aux faits. Ainsi, lorsqu'il fait un séjour à l'hôpital, leur dit-il, invariablement, qu'il retournera bientôt chez lui. 

 

Dès le début de leur relation de voisinage, la narratrice de Catherine Lovey a vu juste sur la façon de Sándor d'être au monde:

 

Ce qu'il pouvait apporter, lui, c'étaient des solutions. Son moteur consistait à en chercher et à en trouver. Des solutions à n'importe quels problèmes...

 

Francis Richard

 

Histoire de l'homme qui ne voulait pas mourir, Catherine Lovey, 176 pages, Zoé

 

N.B.

Ce roman a été sélectionné pour Le prix du livre de la ville de Lausanne. Une rencontre avec son auteure aura lieu le 5 octobre 2024 à l'Auditorium MCBA (Musée cantonal des beaux-arts), Plateforme 10, à 11h. Entrée libre sur inscription.

 

Livres précédents:

 

Un roman russe et drôle (2010)

Monsieur et Madame Rivaz (2016)

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28 septembre 2024 6 28 /09 /septembre /2024 17:10
D'or et de jungle, de Jean-Christophe Rufin

Lorsqu'on s'apprête à rencontrer un des hommes les plus riches du monde, il est vivement conseillé de se composer une attitude digne et même conquérante, surtout si on vient de sortir de prison.

 

À Los Angeles, Ronald Daume propose ses services à Marvin Glowic, le créateur du moteur de recherche Golhoo. Certes ils sont amis, mais ne se sont pas vus depuis trente ans.

 

Ronald ne veut pas rester sur l'échec du coup d'État manqué à Madagascar quand il était employé par l'agence Providence, dirigée par un homme exceptionnel, Archibald, Archie...

 

De se protéger contre l'État fédéral est ce qu'il suggère à Marwin, et à ses semblables1, qui ont un point commun: ce sont des libertariens2 convaincus, croyant à la liberté absolue.

 

Comment mieux se protéger contre l'État, sinon en ayant un, i.e. en prenant le contrôle d'un État existant, ce que, dans le jargon du métier, on appelle un coup d'État clefs en main:

 

Il faut choisir judicieusement sa cible, analyser les forces en présence et mettre en oeuvre toutes sortes de techniques de subversion.

 

Ronald a en effet quitté Providence, une agence spécialisée dans le métier, et a créé sa propre agence, basée à Nice, qui a la particularité, discrétion oblige, de n'avoir pas de nom.

 

Marwin et ses collègues acceptent sa proposition: la cible choisie est le sultanat de Brunei, où règne la charia, au moins de façade, et où la richesse repose sur les hydrocarbures.

 

Comme tout bon manager, Ronald sait s'entourer de spécialistes, si bien que l'agence sans nom grossit et qu'il peut bientôt envoyer des équipes de professionnels sur le terrain.

 

L'intérêt du livre de Jean-Christophe Rufin est que le récit, plein d'aléas, est tout à fait vraisemblable. L'équipe de Ronald, heureusement, réagit très rapidement à ces aléas. 

 

Dans ce genre d'opérations, faites nécessairement dans l'ombre, pertes et doubles jeux sont inévitables. Souvent, hélas, sans le savoir, on fait le travail d'un autre, alors que faire?

 

Il faut savoir se contenter de ce que l'on est.

 

Francis Richard

 

1 - Tels que les GAFAM, Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft.

2 - En fait les libertariens défendent la liberté individuelle conçue comme un droit naturel ou comme le résultat du principe de non agression (voir Wikiberal)...

 

D'or et de jungle, Jean-Christophe Rufin, 450 pages, Calmann-Lévy

 

Livres précédents chez Flammarion:

Le Suspendu de Conakry (2018)

Le Flambeur de la Caspienne (2020)

La Princesse au petit moi (2021)

 

Livres précédents chez Gallimard:

Sept histoires qui reviennent de loin (2011)

Le collier rouge (2014)

Check-point (2015)

Le tour du monde du roi Zibeline (2017)

Les sept mariages d'Edgar et Ludmila (2019)

Les flammes de pierre (2021)

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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