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18 juillet 2023 2 18 /07 /juillet /2023 18:30
Un enfant sans histoire, de Minh Tran Huy

La vie de Temple sera le support sur lequel je m'appuierai pour évoquer Paul parce que tout en partant du même point que lui, elle a abouti à l'opposé.

 

La dédicace du livre de Minh Tran Huy est mystérieusement libellée ainsi: Pour Paul, qui ne lira pas ce livre.

 

Le livre est tout aussi mystérieusement construit ainsi: les chapitres sont intitulés Temple et Paul, alternativement.

 

Ceux intitulés Temple racontent l'histoire de Temple Grandin, ceux intitulés Paul l'absence d'histoire de son fils:

 

Dramaturgiquement parlant, Paul était dépourvu d'histoire.

 

Temple, tout comme Paul, partent pourtant du même point: ils sont tous deux diagnostiqués TSA, c'est-à-dire atteints de troubles du spectre autistique.

 

La grande différence est que l'une a fabuleusement évolué depuis son diagnostic et que l'autre pas; il est Un enfant sans histoire:

 

Le personnage principal, non seulement fait du surplace, mais ne communique que par images et ne dévoile rien de ce qu'il pense, au point que ses propres parents l'ignorent et se demandent même s'il pense.

 

La méthode pour sortir de leur mutisme est finalement la même, une fois que l'on a compris que l'autisme n'est pas dû  à un traumatisme psychologique.

 

Un autiste l'est non pas parce qu'il ne veut pas parler mais parce qu'il ne peut pas parler. Il faut donc lui enseigner scientifiquement ce que les autres enfants font et apprennent spontanément.

 

La grande leçon du livre est que tous les autistes ne sont pas égaux et que seul un petit nombre finit par apprendre ce qu'apprennent spontanément les enfants qui ne le sont pas, les neurotypiques.

 

L'autre leçon est que, même si la réussite n'est pas au bout du chemin, cet apprentissage vaut la peine d'être tenté, car, sans l'entreprendre, il est impossible d'en connaître l'issue.

 

Enfin, en dépit des difficultés que connaissent les parents avec leur enfant différent des autres, ils ne l'en aiment pas moins quand bien même ils échouent à lui apprendre à parler.

 

Quel que soit son handicap, physique et/ou mental, en conclusion, tout être humain est digne de vivre et d'être aimé. Merci donc à l'auteure de le faire comprendre aux ignorants.

 

Francis Richard

 

Un enfant sans histoire, Minh Tran Huy, 208 pages, Actes Sud

 

Livre précédent:

 

Les inconsolés (2020)

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11 juillet 2023 2 11 /07 /juillet /2023 17:40
Les deux Beune, de Pierre Michon

Je ne crois guère aux beautés qui peu à peu se révèlent, pour peu qu'on les invente; seules m'importent les apparitions. Celle-ci me mit à l'instant d'abominables pensées dans le sang. C'est peu dire que c'était un beau morceau.

 

Pierre est instituteur. En 1961, il a été nommé à Castelnau, un bourg entre Les Martres et Saint-Amand-le-Petit, sur la Grande Beune, en terre périgourdine.

 

L'apparition est celle d'Yvonne qui tient le bureau de tabac et à qui il achète tous les jours un paquet de Marlboro. C'est peu de dire qu'il fantasme sur elle.

 

Le diable se cache dans les détails: les talons hauts, le fard impeccable, un port de reine, les ongles peints, les sequins d'or, et ce qu'il ne voit pas et devine:

 

J'étais joli garçon pourtant, sans doute aimable, et ce qui me poussait au ventre était bien suffisant pour la convaincre - ou l'aurait été plutôt, on l'apprendra, si son coeur, comme on dit n'avait pas été pris.

 

Il a pris pension Chez Hélène. Qui est vieille et massive comme la sibylle de Cumes, et la mère de Jean Le Pêcheur, qui sert chez Jeanjean, Jean Leborgne.

 

Le roman comprend deux parties: La Grande Beune, publiée en 1996, qui laissait le lecteur sur sa faim, et La Petite Beune, qui lui donne une fin, explicite.

 

Car Les deux Beune dévoile ce que sont les deux frères, Jean et Jeanjean, ce qu'ils ont et ce qu'ils n'ont pas, et si le narrateur imaginatif pourra se conforter:

 

Je n'étais pas un chien mais un homme, vir et homo.

 

La caverne toute blanche de Pierre Michon n'est pas apparence trompeuse. Elle est charnelle comme l'est Lascaux ou le mur de Pompeï où se trouve inscrit:

 

Hic fututa sum... 

 

Francis Richard

 

Les deux Beune, Pierre Michon, 160 pages, Verdier

 

Livre précédent:

 

Tablée suivi de Fraternité, L'Herne (2017)

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9 juillet 2023 7 09 /07 /juillet /2023 18:50
Un couple, d'Éliette Abécassis

Mon histoire C'est l'histoire d'un amour Ma complainte C'est la plainte de deux cœurs Un roman comme tant d'autres Qui pourrait être le vôtre

Histoire d'un amour, Dalida, 1958

 

On ira où tu voudras, quand tu voudras
et on s'aimera encore, lorsque l'amour sera mort
toute la vie sera pareille à ce matin
aux couleurs de l'été indien

L'été indien, Joe Dassin, 1975

 

Ces deux extraits de chansons résument très bien Un couple. D'ailleurs Éliette Abécassis mentionne leurs titres en tête de son roman, sans doute parce qu'elles ont trotté dans sa tête tandis qu'elle l'écrivait.

 

Ce roman d'amour entre Alice et Jules a une particularité: il est antichronologique (ou antéchronologique). Autrement dit il commence par la fin, en mai 2022 et se termine par le début, le 8 mai 1955.

 

Aussi n'est-ce pas dans l'épilogue que réside l'intérêt de ce livre, mais dans le chemin qui y ramène, une boucle en quelque sorte. À l'arrivée comme au départ, l'auteure les situe avec les mêmes mots:

 

Ils sont au jardin du Luxembourg: c'est là qu'elle aime venir, toujours au même endroit, à droite quand on fait face au bassin, à côté des rangées de chaises vertes.

 

Leur chemin n'est pas de tout repos. Ils se prennent et se déprennent pendant ces deux tiers de siècles. Tous deux sont infidèles, se disputent mais ils ont des scrupules: ils sont intranquilles tout du long.

 

Tous deux sont de leur époque. Lui se targue d'être de gauche, elle d'être féministe, mais leurs comportements sont tout simplement intemporels même s'ils revêtent les formes et habits d'aujourd'hui.

 

Ils évoluent l'un comme l'autre et, en même temps, ils restent eux-mêmes. Leur amour a été fructueux puisqu'ils ont un fils, Alexandre, et une fille, Émilie. Mais ce ne sont pas leurs enfants qui les soudent. 

 

En dépit de toutes les tribulations qu'ils traversent, auxquelles leurs origines juives, à l'un comme à l'autre, ne sont pas complètement étrangères, leur amour transcende les corps, la vieillesse et le temps.

 

Le déclic de leur amour se trouve dans la lettre que Jules écrit à Alice juste après l'avoir rencontrée. En attendant de la lire à la fin du roman, il suffit au lecteur de savoir ce qu'en dit Alice en août 2018:  

 

C'est une lettre authentique et pourtant incroyable. Sincère, amoureuse et séduisante. Réelle et imaginaire. Visionnaire et folle. Enfin c'est un message auquel il m'était impossible de ne pas succomber.

 

Francis Richard

 

Un couple, Éliette Abécassis, 200 pages, Grasset

 

Livres précédents:

 

Chez Albin Michel:

Et te voici permise à tout homme (2011)

Le palimpseste d'Archimède (2013)

Alyah (2015)

Le maître du Talmud (2018)

L'envie d'y croire (2019)

 

Chez Flammarion:

Philothérapie (2016)

L'ombre du Golem (2017)


Chez Grasset:

Nos rendez-vous (2020)

 

Chez Robert Laffont:

La transmission (2022)

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8 juillet 2023 6 08 /07 /juillet /2023 12:00
Frappes courtes, de Jean-François Berger

Dans ce recueil, Jean-François Berger frappe quinze fois. Ce sont des Frappes courtes et bien ajustées. Elles nourrissent les réflexions du lecteur qui les reçoit comme il peut.

 

À l'instar de l'auteur, ces nouvelles, qui remontent parfois le temps, le font voyager de par le monde, en conservant des attaches en Suisse: Val de Ruz, Genève, Vallée de Joux.

 

Attentisme en France en 1958, évasion en Crète, démarches, jeux et immersion en Inde, farniente en Malaisie, missions à Timor, en Roumanie ou dans les Balkans, le dépaysent.

 

Malmené parfois, pour son bien de lecteur, même s'il n'a pas quitté un jour la Suisse, il est comme Corinne: Dans son for intérieur, plénitude et insécurité cohabitent en alternance.

 

Pestant contre la bureaucratie de son pays et de ses voisins, de plus en plus empêtrés dans la paperasse, il se console en découvrant les tribulations d'un récipiendaire de colis à Delhi.

 

Face à la pauvreté des pays lointains, il se dit que dans nos pays développés, on n'est pas forcément plus heureux. La prière d'Oscar Wilde, frappée au coin du bon sens, le tempère:

 

Mon Dieu, débarrassez-moi de la souffrance physique, je me charge de la souffrance morale!

 

S'il est au soir de sa vie, qu'il a fait partie des puissants, lui est destinée la fable du serveur qui transmet son plateau à son client sidéré par la note qu'il lui présente et qu'il a attendue:

 

Nous autres tenanciers du monde, nous oublions parfois de régler l'addition...

 

Francis Richard

 

Frappes courtes, Jean-François Berger, 136 pages, Éditions de L'Aire

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2 juillet 2023 7 02 /07 /juillet /2023 18:30
Mon ami Pierre, de Jon Ferguson

Pierre et moi avons été voisins pendant quinze ans dans le quartier de Montchoisi à Lausanne.

 

Un jour de 1995 (?) Jon y croise Pierre. Il sait qu'avant de se marier il a été dresseur de chevaux en Angleterre pendant quelques années et que son anglais est excellent.

 

Sorti d'hôpital, Pierre a dû s'arrêter de travailler. Jon lui propose de traduire en français un livre sur Friedrich Nietzsche intitulé Nietzsche au petit déjeuner 1 qu'il vient d'écrire.

 

Pierre a beaucoup de temps libre: sa sclérose en plaques sape son corps de forces et de mouvements, lentement mais sûrement. Sur la même longueur d'onde, il accepte:

 

J'ai écrit le livre pour le plaisir et il l'a traduit pour le plaisir.

 

Les années passent. Ils se perdent de vue. Un jour de 2012, Jon apprend que Pierre a été placé à la Fondation Clémence à Lausanne. Il lui rend visite et pense ne jamais le revoir.

 

Dix ans plus tard, rendant visite à une autre personne qui lui est chère, il s'enquiert de savoir si son ami Pierre est toujours là, on lui dit que oui et il revoit cet iconoclaste discret.

 

À la suite de cette visite, au cours de laquelle il se rend compte que son ami Pierre aurait le droit de se plaindre mais ne le ferait pas s'il le pouvait, Jon décide d'écrire ce livre:

 

Pour que les gens réfléchissent à deux fois avant de râler et de se plaindre et pour les aider à réaliser à quel point ils sont ingrats pour tous les avantages et toutes les opportunités qu'ils ont en ce monde.

 

Pourtant Jon, comme Pierre, son contemporain - ils sont de 1949 -, sait qu'il est impossible de donner un sens au monde, que la vie n'est jamais juste, qu'il aime faire l'amour:

 

Avant que Pierre ne soit vidé de toutes ses forces par la sclérose en plaques, il aimait sentir, toucher et explorer la peau des jolies femmes, ou des femmes qu'il aimait, ou des femmes qui l'aimaient...

 

Qui peut savoir ce qui est le mieux pour les autres? Même si Pierre ne le lui a jamais dit expressément, Jon pense qu'il serait d'accord pour dire que l'existence n'a pas de but:

 

Les "buts" humains sont généralement fonction de la culture dans laquelle on est immergé.

 

Cela ne veut pas dire que l'un et l'autre n'aient pas d'objectif dans la vie. Si cet objectif existentiel n'avait pas été le même, Mon ami Pierre n'aurait certainement pas vu le jour:

 

Aimer autant que possible et faire l'amour aux femmes que nous aimions. 

 

Dans ce livre, Jon Ferguson pose davantage de questions qu'il n'apporte de réponses. Ce sage se demande si son ami Pierre Bourquin n'est pas plus heureux que lui finalement:

 

Qui est vraiment "heureux"? Qui est triste et insatisfait? Qui a une vie agréable? Et qui est jamais en mesure de juger la vie d'un autre?

 

Francis Richard

 

1 - Publié à L'Âge d'Homme en 1996.

 

PS

Une partie des droits seront versés à la lutte contre la sclérose en plaques.

 

Mon ami Pierre, Jon Ferguson, 96 pages, Favre

 

Livres précédents chez Olivier Morratel Éditeur:

La dépression de Foster (2013)

La Bête (2015)

Les joyaux de Farley (2016)

 

Livre précédent chez Dashbook:

"2020" Réflexions (2021) (traduit de l'américain par Valérie Debieux)

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1 juillet 2023 6 01 /07 /juillet /2023 19:30
Pas perdus, d'Éric Rochat

La Suisse a un Parlement de milice. En tout cas, en théorie, tous les élus sous la Coupole exercent une autre activité professionnelle. Blick.ch du 4 mars 2023

 

Ce n'était pas une théorie dans le cas d'Éric Rochat, qui était médecin généraliste de 1977 à 2015, à Saint-Légier. Parallèlement il a été élu au Grand Conseil vaudois de 1990 à 1995, puis au Conseil des États de 1995 à 1999.

 

Comme le dit dans sa préface l'ancien président de la Confédération Suisse, Hans-Rudolf Merz, ce livre est un collier de perles composé d'anecdotes, d'événements et de personnages si vivants qu'éclaire un langage souple, une forme de tapisserie au petit point. Comme le précise l'auteur dans son prologue, ce livre n'est pas un livre sur la politique vaudoise ou suisse.

 

Il rappelle que, depuis plus de cinquante ans, femmes et hommes, quelles que soient leurs formations ou leur fortune, peuvent accéder [en Suisse] aux postes politiques les plus élevés. L'article du Blick.ch cité plus haut fait le tour de leurs revenus et défraiements qui leur permettent cette accession.

 

Le véritable objet de ce livre est contenu dans son sous-titre: Il y a une vie après l'élection ! L'auteur veut simplement relater ce que devient la vie des politiques une fois qu'ils sont élus, indépendamment des causes défendues et de l'énergie investie. Les vies privée et professionnelle ne sont pas encore trop perturbées quand l'engagement est municipal ou cantonal. Il n'en va pas de même quand il est fédéral...

 

Tout engagement, même lorsqu'il y a des compensations pécuniaires, ce qui n'est pas toujours le cas, demande souplesse, adaptation, éclectisme, disponibilité, des qualités qui ne sont pas innées mais qui s'apprennent pas à pas.

 

Même s'il a accepté, fin 1989, de figurer sur la liste libérale de [son] arrondissement pour l'élection au Grand Conseil vaudois, il prend le risque d'être élu et il l'est à sa stupéfaction. C'est le premier imprévu, qui sera suivi d'autres, comme, par exemple de s'entretenir dix minutes à Berne, en 1998, avec la princesse Anne, fille de la reine d'Angleterre, qui ne connaît âme qui vive, lors des festivités du cent cinquantième anniversaire de la Constitution fédérale...

 

Autre exemple, ironique: Fichu soldat, puisqu'il a été soldat complémentaire - donc dispensé d'instruction militaire - le premier jour de la session de décembre 1995 du Conseil des États, peu après sa prestation de serment, il est désigné vice-président de la SiK (Sicherheitspolitische Kommission), autrefois dite Commission militaire... 

 

Au cours du livre, il livre quelques-unes de ses réflexions personnelles d'ordre général, par exemple:

- sur l'histoire: Elle n'est pas un monument intangible. Ancienne ou contemporaine, elle est périodiquement relue avec les yeux d'aujourd'hui et les mêmes documents fondateurs prennent des significations différentes.

- sur la loi: La Constitution définit les principes fondamentaux, la loi précise les lignes essentielles et c'est le règlement qui s'occupe des détails. Compte tenu des dérives réglementaires et de la jurisprudence prolixe des tribunaux des différents niveaux, le pouvoir réel du politique élu sur la gestion concrète du pays paraît alors bien mince.

 

Hans-Rudolf Merz parlait dans sa préface de forme de tapisserie au petit point à propos de ce livre. Comme en écho, il se termine par l'acceptation par l'auteur, après ses quatre années passées au Conseil des États à Berne, de porter sur les fonts baptismaux et de présider une fondation destinée à gérer, promouvoir et étudier les tapisseries anciennes et contemporaines du canton de Vaud1...

 

Francis Richard

 

1 - Il s'agit de la Fondation Toms Pauli

 

Pas perdus, Éric Rochat, 152 pages, Éditions de l'Aire

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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 18:35
Cruel, de Nicolas Verdan

Cruel est le mot-clé, et le titre, du roman noir de Nicolas Verdan. Les deux premiers chapitres, qui se passent en 1990, le troisième, en 1997, doivent être lus comme des signes avant-coureurs et explicatifs de ce petit mot.

 

Dans le premier et le deuxième chapitre, il est question d'un enfant qui a été kidnappé et à qui l'un de ses ravisseurs, Paul, pour le faire taire, lui dit que sa maman l'a abandonné et lui  donne le conseil d'ami: tu peux l'oublier.

 

Dans le troisième, le dialogue est plus énigmatique, mais là encore il s'agit d'une personne à qui l'on dit que sa maman a fait quelque chose d'inacceptable pour elle et qui ne lui aurait pas été dit si elle ne l'avait pas demandé.

 

Les faits relatés ces années-là préfigurent les événements qui se déroulent, de nos jours, du mercredi 14 novembre au jeudi 29 novembre. Une petite recherche dans le calendrier indique que nos jours se situeraient en 2018... 

 

Le 14, un détenu sort de la prison de Bochuz; une vieille dame, Gisèle Armand, est tuée à Gollion; Stefan, fils de Vesna Meyer, la directrice de l'Hôpital Vaud-Valais, est enlevé pendant sa leçon d'équitation avec une activiste.

 

Vesna Meyer est candidate des Verts Libéraux au Conseil fédéral. Sa pire ennemie, cheffe de l'UDC Suisse, Regula Wyss, est, ce qu'elle ignore, la maîtresse de Patrick, son mari, qui est entrepreneur dans les énergies vertes.

 

Yên Pham, qui travaille à Helvetic News, a obtenu un entretien avec Vesna Meyer. Elle veut la confondre pour sa gestion calamiteuse de l'hôpital intercantonal quand, appelée sur son portable, celle-ci abrège et s'en va.

 

Le même jour l'inspecteur Flynn Gardiol est pris d'un fou rire inexplicable sur la scène du crime perpétré contre Gisèle Armand... Il n'y a pourtant pas de quoi rire. L'explication de son comportement ne vient que plus tard.

 

Un enlèvement, un meurtre, c'est un bon début pour un polar au décor familier, et bien décrit, celui du canton de Vaud. On apprend alors qu'un troisième meurtre est commis à Aigle, qu'un autre les a tous précédés à Genève.

 

Il y a un lien entre les trois meurtres: c'est le même mode opératoire, et il est particulièrement cruel pour les victimes. Reste à savoir qui et pourquoi. Le pourquoi est connu en premier et le terme cruel y prend tout son sens:

 

Cette cruauté dont il a subi l'outrage, il l'incarne désormais. L'avoir vécue ne fait pas forcément de vous un être cruel. En revanche, le fait qu'on vous la dénie vous transforme en son messager.

 

Une fois connu qui a subi l'outrage, reste à l'identifier. C'est la loi du genre, il faut attendre la fin pour le savoir. Quant à l'épilogue il se rapproche d'aujourd'hui dans le temps, car il se situe le 7 décembre de l'année suivante...   

 

Francis Richard

 

Cruel, Nicolas Verdan, 456 pages, BSN Press - OKAMA

 

Livre précédent chez Bernard Campiche Éditeur:

Le mur grec  2015)

 

Livre précédent chez BSN Press:

La coach (2018)

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27 juin 2023 2 27 /06 /juin /2023 17:30
Pendez-le haut et court !, de Reda Bekhechi

Le roman de Reda Bekhechi se passe dans les années 1960 à Oran, un peu avant et juste après l'indépendance de l'Algérie, le 5 juillet 1962.

 

La couverture du livre représente un des deux lions de bronze de l'hôtel de ville, que survolent des élanions blac, rapaces aux yeux rouges.

 

L'auteur restitue l'ambiance de la ville portuaire à une époque où ceux qui avaient rêvé d'un avenir radieux sont bien obligés de déchanter.

 

Le récit est celui de la cavale d'un ennemi public, surnommé l'Assommeur, qui frappe à l'aveugle et sème l'épouvante avec un pilon doré.

 

Il apparaît alors qu'Oran, l'Indépendance déjà lointain souvenir, ressemble à un champ miné d'amertume, de vindictes et de confuses terreurs.

 

L'Huissier est le surnom de Slimane Louissi. Pour ses supérieurs planqués à Alger, ce policier dresse le constat de la désolation de la ville.

 

Le Chroniqueur est le surnom de Lofti Benadi. Ce journaliste, conscient du fiasco prévisible du pays, connaît Oran dans ses moindres recoins.

 

Le Chroniqueur et l'Huissier se demandent qui est cet aventurier aux coups d'éclats ravageurs, justicier pour les uns, engeance pour les autres.

 

Le lecteur a le choix parmi quelques personnages hauts en couleur, que décrit l'auteur. Mais il en est un qui peu à peu se détache du lot...

 

Cet homme qui nargue est à abattre: "Pendez-le haut et court!" tranchèrent quelques haut placés dans la pyramide du pouvoir. Seront-ils exaucés?

 

Francis Richard

 

Pendez-le haut et court !, Reda Bekhechi, 212 pages, Éditions Livreo-Alphil

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24 juin 2023 6 24 /06 /juin /2023 18:00
Tout est vent, de Christine Rebourg Roesler

Quelque chose de durable... ce qu'interdit précisément le mouvement de la vie, cette marche inexorable et chahutée vers la fin.

 

Christine Rebourg Roesler emprunte cette expression à Anna de Noailles qui disait:

 

J'ai voulu toutes choses ici-bas et, si j'y songe, je m'aperçois que je n'ai rien voulu qui ne fût le ciel... quelque chose d'absolu, de profond, de durable.

 

Dans Tout est vent, au titre évocateur, l'auteure s'intéresse à l'impermanence des êtres et des choses. Seuls les écrivains peuvent la contrecarrer. Seuls, armés de mots, ils peuvent en effet lui résister. Comment? En laissant

l'empreinte indélébile d'une vie plus jamais fugace, passagère,

qui, par leur grâce, débordera de son temps imparti.

 

Aussi s'efforce-t-elle d'employer des mots vivants pour dire la vie vivante et éternise-t-elle à leur suite des personnages plus vrais que réels.

 

Assise sur un banc, elle donne ainsi à voir:

 

- des vieux : délestés du poids du corps souffrant, [...] parmi nous en visite courtoise;

 

- deux jeunes femmes, en apparence antagonistes, l'une trop nue, l'autre trop vêtue: ne jamais croire la seule surface du visible;

 

- deux femmes hissées sur des stilletos: cela n'en fait pas des soeurs égales, car ils seront selon leur âme et leur histoire, une grâce ajoutée, un objet de torture, un fétiche brandi.

 

L'époque est aux écrans - aujourd'hui le monde est devenu petit -, à l'avachissement des tissus, des corps, à l'affaissement du langage, à l'incapacité à vivre le temps et l'usure, à la photo de soi. Alors, pour se rasséréner, elle se souvient:

 

- d'Elsa Schiaparelli : si l'on aime Elsa c'est pour la langue parlée de ses robes;

 

- des voix reconnaissables entre toutes de Fanny Ardant, de Simone Signoret, de Philippe Léotard ou d'Anouk Grinberg dont les peintures lui permettent de crier sans gêner ses voisins;

 

- de l'amour sacralisé et son divin visage, pas l'amour absolu, qui appartient à Dieu et non à l'homme, son vassal et qui ne se trouve pas au bout de l'écran;

 

- de la truculence, de la saveur, de la sensualité partagées de Charles Ferdinand Ramuz, de Jacques Chessex et d'Anna de Noailles.

 

Si elle s'effraye enfin de l'apparition d'un homme nouveau, créé ex nihilo, et d'une nouvelle ère,

celle d'un monde peuplé de créatures hybrides,

ni hommes, ni femmes,

ni jeunes, ni vieux,

peaux et mémoires lissées,

mi humain mi machine,

un humain modifié,

circulant sous le ciel d'une saison unique,

dans un temps jamais compté,

elle place sa confiance dans ce peu d'homme, que les Grands Manipulateurs de l'espèce seront obligés de lui conserver, pour déjouer leur contrôle sur la vie humaine par quelques algorithmes.

 

Les mystiques et les agnostiques, chez qui sera présent ce peu d'homme, leur feront obstacle, dans un même élan de quête de sens:

Si tout est vent, tout est vain,

croyons aussi que tout est vent, tout devient.

 

Autrement dit:

Un peu de vie suffit pour faire revivre un monde.

 

Francis Richard

 

Tout est vent, Christine Rebourg Roesler, 96 pages, Éditions de l'Aire

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22 juin 2023 4 22 /06 /juin /2023 20:50
Le complexe d'Eurydice, d'Antonio Albanese

En voulant trop exister aux yeux de ceux que l'on aime, on se tue, on tue toute possibilité d'être soi-même et d'échapper à la tyrannie des regards, la tyrannie de l'amour.

 

Tel est Le complexe d'Eurydice, qui fut condamnée à retourner aux Enfers, après qu'Orphée n'eut pas résisté à la regarder avant qu'ils ne soient sortis du Royaume des morts.

 

Dans le roman d'Antonio Albanese, c'est un homme, François, qui est atteint de ce complexe et qui finira donc, c'est écrit à l'avance, comme la bien-aimée du poète grec mythique.

 

François a aimé, deux fois: Mathilde son seul amour, son amour de jeunesse; et Lisa, une collègue des classes supérieures de l'établissement scolaire où, lui, il enseigne aux petits enfants.

 

Son problème? En présence d'une femme, ma timidité s'exprimait à travers une certaine brusquerie ou maladresse qui pouvait être mal interprétée. La solution: un site de rencontres.

 

Car un site de rencontres, c'est bien pour ce timide maladif, c'est la solution technologique pour entrer en contact avec des femmes disponibles. Ainsi rencontre-t-il virtuellement Lucrecia.

 

François, 35 ans, comprend très vite au fil de leurs échanges que Lucrecia, 44 ans, recherche un homme qui ne soit pas banal, et lâche un pieux mensonge, qui sera son péché originel:

 

... D'ailleurs, je sors tout juste de prison...

 

Cet aveu donne envie à Lucrecia de le rencontrer en vrai, impressionnée d'être tombée sur quelqu'un qui sort de l'ordinaire. Cela se passe bien, sauf que n'osant pas la décevoir, il précise :

 

 J'avais tué mon amie après des années d'abus.

 

C'est alors que commence la descente aux Enfers de François. Pour se conformer à l'image de mauvais garçon que Lucrecia aime, cet homme doux, jouant un temps le brutal repenti, change.

 

Une phrase attribuée à John Cage le conforte dans sa métamorphose; il adopte en effet sa version révisée de la Règle d'Or classique 1, qui lui paraît autrement plus exigeante et généreuse:

 

Faire à autrui ce qu'autrui voudrait qu'on lui fasse.

 

Mais, au fait, François sait-il vraiment ce que Lucrecia voudrait qu'il lui fasse? C'est pourquoi, plus il y pense, plus la notion de consentement en amour lui paraît sous un jour problématique.

 

Le péché final sera l'écho du péché originel. L'amour de François pour Lucrecia n'aura été qu'un malentendu tragique, fait d'attirances et de répulsions, de caresses et de coups entre amants.

 

Francis Richard

 

1 - Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse.

 

Le complexe d'Eurydice, Antonio Albanese, 152 pages, BSN Press-OKAMA

 

Livres précédents à L'Âge d'Homme:

La chute de l'homme (2009)

Le roman de Don Juan (2012)

Est-ce entre le majeur et l'index dans un coin de la tête que se trouve le libre arbitre? (2013)

La disparition des arcs-en-ciel (2020)

 

Livres précédents chez BSN Press:

Une brute au grand coeur (2014) (sous le pseudonyme de Matteo di Genaro)

Voir Venise et vomir (2016)

1 rue de Rivoli (2019)

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21 juin 2023 3 21 /06 /juin /2023 18:45
Sursis, de Pierre De Grandi

Ce récit autobiographique commence par un mode d'emploi de médicament, qui n'étonnera pas ceux qui savent que l'auteur fut médecin:

 

À ne surtout pas secouer avant l'emploi

Ouvrir les yeux sur le réel à l'inspiration (chapitres pairs)

Fermer les yeux sur l'imaginaire à l'expiration (chapitres impairs)

 

Comme tout mode d'emploi de ce type, il précise la posologie, les contre-indications, les précautions, ce qui révèle un sérieux humour.

 

Dans les chapitres impairs Pierre De Grandi imagine ce qui lui adviendra quand il sera mort, mais il emploie le présent de l'indicatif:

 

Je suis mort, écrit-il au début du chapitre 1.

 

Dans les chapitres pairs, il est dans le réel, celui du cancer qui l'a attrapé, un sarcome, retour à la surface d'un lymphome disparu naguère...

 

Dans les chapitres impairs, cet agnostique1 se demande si la mort, elle, aurait un sens, tandis que dans les pairs, il observe sa maladie.

 

Son sarcome est rare et disséminé. Est tentée alors une chimiothérapie dont les substances n'ont été utilisées que pour certains mélanomes.

 

Après plusieurs semaines, ce traitement a, sur le cobaye, un effet marqué et extrêmement encourageant, qui laisse espérer une rémission:

 

Je suis en sursis.

 

De Grandi continue d'imaginer ce qu'il adviendra de lui dans l'Au-Delà, sans besoins corporels, mais ses envies pérégrines satisfaites.

 

Quitte à y faire des rencontres, autant que ce soient des personnes de son choix, des proches, des personnalités et même des inconnus.

 

Très rationnel, il relève les incohérences des Écritures. Mais peut-être s'attache-t-il trop à la lettre plutôt qu'à l'esprit qui les a inspirées...

 

Il se pose des questions, ce qui montre son humanité. Et ce qui est remarquable, c'est qu'il ne se plaint pas de son sort pourtant scellé.

 

Dans ce récit, pendant des mois, le lecteur vit avec l'auteur l'évolution de sa maladie et de ses réflexions sur la vie, donc sur la mort.

 

A-t-il raison de penser que, dans l'Au-Delà, le temps se dissout dans l'éternité ou que les souvenirs s'envolent avec la fin de la matière?

 

Un jour, lassé de spéculer, il renonce à décrire les chimères imaginaires d'un éventuel arrière-monde et n'écrit plus que des chapitres pairs.

 

Tout au long du récit, les examens médicaux se succèdent et leurs résultats ne laissent pas d'influencer l'humeur de l'auteur et de ses proches.

 

Depuis le chapitre 7, le lecteur sait que, si l'auteur écrit il pense, donc que s'il écrit il existe, pour paraphraser le brasseur de cartes philosophiques.

 

Il faudrait s'inquiéter s'il ne peut plus écrire et dise: Je n'ai plus la force de séduire les mots ni de les contraindre à m'obéir sinon à me suivre.

 

Francis Richard

 

1 - Il écrit dans le chapitre 25: J'espère que Dieu existe à défaut de pouvoir y croire.

 

Sursis, Pierre De Grandi, 224 pages, Slatkine

 

Livres précédents chez Plaisir de lire:

Le tour du quartier (2015)

Quand les mouettes ont pied (2017)

 

Livre précédent chez Slatkine:

Casimir ou la vie derrière soi (2021)

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17 juin 2023 6 17 /06 /juin /2023 19:55
Un crime couleur rubis en Birmanie, de Sandrine Warêgne

Par hasard, pendant qu'elle buvait un café avec une amie, elle avait laissé son regard vagabonder sur les annonces du mur d'affichage de l'Université et avait aperçu un petit bout de papier:

"2 gars cools cherchent troisième personne pour partir en Birmanie cet été sac à dos. Intéressé/e?". Le mot était suivi d'un numéro de portable et signé Alex et Matt.

 

Vanessa Egger saisit cette opportunité. En effet elle n'a pas envie de voyager seule et le risque ne lui semble pas grand puisqu'il s'agit de deux étudiants de son université helvétique.

 

Cet été 2012, Alexandre Baer, fils de famille aisée genevoise, et Matthias Chiu, fils d'une famille bien plus modeste d'origine chinoise, viennent tous deux d'être diplômés de HEC Genève.

 

Vanessa doit rendre début 2013 un mémoire de fin d'études littéraires où elle se propose de comparer La vallée des rubis de Joseph Kessel et Une histoire birmane de George Orwell.

 

Vanessa a donc choisi la Birmanie pour connaître le pays de ses auteurs favoris, tandis que Matt et Alex veulent y aller parce que c'est un pays fascinant venant d'entrouvrir ses frontières:

 

Les minorités ethniques font l'objet de nombreuses persécutions par la junte militaire. La religion principale est le bouddhisme. Au niveau économique, la Birmanie cultive principalement le riz. Son sous-sol est riche en pierres précieuses, notamment le rubis et le jade, mais aussi en pétrole.

 

À leur arrivée à Rangoon, les étudiants suisses se rendent dans une maison d'hôte tenue par deux Françaises. Vanessa, après avoir pris une douche, rejoint Alex et Mathias attablés à la terrasse.

 

Vanessa aperçoit son ex, Ben, assis quelques tables plus loin avec sa femme Fiona. Cet Anglais volage, connu à Londres lors d'un échange Erasmus, se rend souvent dans ce pays pour affaires:

 

Mais il lui semblait étrange qu'il se trouve dans un petit hôtel plutôt inconnu et recommandé par un guide pour routards français. Tout à coup, elle comprit! Il avait dû voir son profil Instagram, c'était la seule explication possible.

 

À une autre table, un couple de Français, Sam et Diane, attire l'attention du trio: [ils] semblaient plus habitués à des hôtels du type Relais & Chateaux qu'à de modestes chambres d'hôte.

 

Pendant ce temps-là, à Genève, l'inspecteur Camino se demande comment il va fêter ses quarante ans; Monsieur Léonard, directeur de Van Asp & Co accepte une commande du prince Khaled:

 

Une magnifique parure de rubis [que sa troisième femme] porterait le jour de leur mariage.

 

Quel est lien entre tous ces personnages, auxquels s'ajoutera un autre en cours de récit? Le titre du roman de Sandrine Warêgne, Un crime couleur rubis en Birmanie en donne une indication.

 

Un crime y sera bien commis pendant le périple qu'y feront sur le même itinéraire Alex, Mathias, Ben, Fiona, Sam et Diane, avec pour mobile les rubis destinés à la parure commandée par Khaled.

 

Démêler les tenants et les aboutissants de ce crime ne sera pas une mince affaire. Mais le lecteur, malmené, aura la satisfaction d'avoir fait, comme s'il y avait participé, un beau voyage exotique.

 

Francis Richard

 

Un crime couleur rubis en Birmanie, Sandrine Warêgne, 206 pages, Éditions Spinelle

 

Livre précédent:

 

Le banquier du quai du Mont-Blanc, Éditions Mon Village (2015)

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15 juin 2023 4 15 /06 /juin /2023 22:15
Une disparition, de Daniel Bernard

Je suis perdue. Ne me rappelle plus. Je t'embrasse. N.

 

C'est par ce petit texte envoyé à son téléphone portable que Tatsuya apprend que sa compagne Natsumi rompt avec lui: ils avaient rendez-vous ce jour de juillet 2015, à 14 heures, devant le temple d'Asakusa à Tokyo.

 

Le soir même, à 22 heures, Tatsuya se rend au poste de police de ce quartier et demande conseil à son chef, Akira Sano. S'agit-il d'Une disparition? Au lieu de s'apitoyer, le policier expérimenté le fait mettre à l'ombre:

 

Ne disait-on pas que dans 80% des disparitions inquiétantes, celui qui vient en faire part est suspect, et que dans 80% des cas, de nouveau, c'est le coupable lui-même qui vient se confesser.

 

En réalité Natsumi Nakajima a disparu volontairement, comme elle en a eu le projet depuis très longtemps et en a discuté avec son double. En fait plutôt que de parler de  disparition, il faudrait parler d'évaporation.

 

Dans sa vie, il y a déjà eu deux disparitions, celle de son arrière-grand-père qui, en 1941, n'est jamais revenu de sa mission sur Pearl Harbor, et celle de ses parents qui, en 2011, ont été portés disparus à Fukushima.

 

Le plus curieux dans l'évaporation de Natsumi est qu'elle a dit adieu à son passé le jour même où elle a obtenu son diplôme de pilote de locomotive de Shinkansen, le train à très grande vitesse des Japan Railways.

 

À la décharge de Natsumi, son compagnon, Tatsuya, un horloger-réparateur, n'est qu'un employé modeste aux petites ambitions, même s'il rêve de créer une montre qui ne verra jamais le jour par manque d'inventivité.

 

Tatsuya est relâché au bout de quelques mois, faute de preuves de sa responsabilité dans la disparition de Natsumi. Qui vit désormais sous une autre identité, celle d'une journaliste, Nana Nogushi, spécialiste des trains.

 

Les années passent. Akira, qui a été promu, a emporté avec lui le dossier de la fugitive. Celle-ci rencontre fortuitement Tatsuya aux bras d'une femme dont elle ignore qu'elle est sa collègue Yumi et qui paraît bien enceinte:

 

Natsumi écrirait une lettre à Tatsuya. Quelle lettre? Une lettre de repentir? Jamais de la vie! Une lettre d'excuses? En tout cas pas.

 

Cette lettre, Natsumi l'envoie à Tatsuya. Qui s'empresse de la communiquer à Akira, ayant tous deux la certitude qu'elle provient bien de Natsumi, bien que les traits saillants de cette lettre soient pour le moins surprenants:

 

J'ai honte, mon amour, hazukashii, mais je devais changer les mouvements des aiguilles de ma vie. Un jour peut-être nous retrouverons-nous. J'ai sans doute brisé ta vie sans le vouloir. Ne m'en veux pas. J'ai changé de vie, de monde. Me retrouveras-tu un jour? Me pardonneras-tu? N.

 

L'enquête, compliquée, est relancée par Akira qui en fait une affaire de plus en plus personnelle. Il n'est pas sûr que Tatsuya en soit dupe. Quant à Natsumi, c'est peut-être l'occasion de ne faire plus qu'une avec son double... 

 

Francis Richard

 

Une disparition, Daniel Bernard, 288 pages, Favre (Prix du polar romand 2023)

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  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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