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10 mars 2022 4 10 /03 /mars /2022 20:15
Voyages de non-retour, de Matylda Hagmajer

- Vous refaites le même chemin, mais vos points de départ et d'arrivée sont différents analysa le drogman.

- On ne revient jamais vraiment d'un voyage, acquiesça Henri.

- J'appelle cela des voyages de non-retour, conclut le drogman...

 

Ce dialogue illustre le propos de Matylda Hagmajer, dont le roman Voyages de non-retour se déroule sous le règne de Louis XIV, de 1682 à 1692, et dont les voyageurs sont trois jeunes Marseillais, Guillaume, son frère jumeau Henri, et Violaine.

 

Précédemment, la Compagnie des Indes orientales a été créée par Jean-Baptiste Colbert avec pour objet, entre autres, de rivaliser commercialement avec les Anglais. Son directeur s'est établi à Surate. Pondichéry est son premier comptoir en Inde.

 

Pour qu'une sordide situation tombe dans l'oubli, les parents de Guillaume et d'Henri, les envoient aux Indes pour suivre une formation dans le commerce des indiennes en plein essor: il n'y a pas de meilleure moyen au monde que de l'apprendre sur place.

 

Quel est le coupable de ladite situation, ils ne le savent pas. Aussi ne veulent-ils pas qu'ils voyagent ensemble. L'un, Henri, empruntera la voie terrestre, l'autre, la voie maritime, sous prétexte que la Compagnie des Indes orientales puisse les comparer.

 

L'un comme l'autre seront recommandés par Jean-Baptiste Colbert lui-même grâce à leur cousin, directeur au bureau général de la Compagnie à Paris. Guillaume et Henri, résignés, ont cependant l'heureuse perspective de se retrouver un jour aux Indes.

 

Violaine Ortolano, orpheline, a été élevée par sa tante Hilda, qui l'a abreuvée de récits de voyage. À la mort de celle-ci, elle s'est retrouvée dans un orphelinat. Quand elle en sera mise dehors, elle sait que la suite de sa vie sera vouée à la prostitution.

 

Violaine commence à faire l'orphelinat buissonnier. Sur le port elle assiste à la mort violente du petit Philippe, qui, mais elle ne le sait pas à ce moment-là, est liée à la sordide situation évoquée plus haut, où l'un des deux jumeaux Montferré est impliqué.

 

N'attendant pas d'être chassée de l'orphelinat, Violaine prend les devants et la fuite et, à son tour, part pour les Indes. Elle embarque sur le même bateau que l'un des deux jumeaux, Henri... Elle fera la connaissance de l'autre, Guillaume, bien plus tard...

 

Les voyages, à cette époque-là, sont de véritables aventures. Le hasard, ou le destin, y fait souvent bien les choses. L'auteure en fait si bien le récit en en restituant le contexte que le lecteur, pourtant dépaysé, n'est pas surpris que les héros se croisent.

 

La Révocation de l'Édit de Nantes, le 18 octobre 1685, et l'édit du 26 octobre 1686 prohibant le commerce et le port des indiennes, ces cotonnades illustrées, où les couleurs dominantes sont le rouge et le bleu, auront infléchi l'existence des trois héros.

 

Ces interventions publiques s'avéreront d'ailleurs plus néfastes que le mal qu'elles prétendaient indûment combattre et inciteront à leur contournement, ce que l'auteure fait bien de montrer, comme elle a raison de dire avec Violaine, ce à titre individuel:

 

Qu'importe ce qui est inéluctable. Ce qui compte, ce sont les choix que l'on fait pour soi. 

 

Francis Richard

 

Voyages de non-retour, Matylda Hagmajer, 392 pages, Slatkine

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6 mars 2022 7 06 /03 /mars /2022 23:45
Discours de réception à l'Académie française de François Sureau

Le 3 mars 2022, François Sureau était reçu à l'Académie française et y prononçait un discours où il faisait l'éloge, comme c'est la coutume, de son prédécesseur, Max Gallo.

 

Étant plutôt du côté de chez Proust que du côté de chez Sainte-Beuve, il n'a pas raconté la vie de cet homme qui avait dû d'appartenir à la Compagnie à raison de son oeuvre.

 

Le nouvel académicien a eu six mois pour explorer cette oeuvre. Ce n'était sans doute pas de trop, puisqu'elle compte une centaine d'ouvrages consacrés peu ou prou à l'histoire.

 

Gallo était historien, mais aussi romancier, la fiction lui permettant de donner vie à l'histoire. Il s'agissait là d'une fiction telle qu'on l'aime, populaire, descriptive et rêveuse.

 

Ce qui est le plus intéressant, dans ce discours, est ce que dit François Sureau de la liberté, qu'il compare à la France, qui est, comme elle, insaisissable pour qui veut l'appréhender:

 

La liberté est une étrange chose. Elle disparaît dès qu'on veut en parler. On n'en parle jamais aussi bien que lorsqu'elle a disparu.

 

Qu'aurait pensé Gallo aujourd'hui, où la fièvre des commémorations nous tient, pendant que d'un autre côté le sens disparaît des institutions que notre histoire nous a léguées:

 

Une séparation des pouvoirs battue en brèche, les principes du droit criminel rongés sur leurs marges, la représentation abaissée, la confusion des fonctions et des rôles recherchée sans hésitation, les libertés publiques compromises, le citoyen réduit à n'être plus le souverain, mais seulement l'objet de la sollicitude de ceux qui le gouvernent et prétendent non le servir mais le protéger, sans que l'efficacité promise, ultime justification de ces errements, soit jamais au rendez-vous.

 

Les oreilles du stagiaire de l'Élysée, situé sur l'autre rive de la Seine, ont dû siffler quand ces paroles ont été prononcées, en présence de sa dame, qui fut auparavant son professeur...

 

François Sureau ne s'en est pas tenu à ces propos, qui n'ont pas provoqué, semble-t-il, le moindre frémissement dans l'assistance, que ce soit chez les immortels ou dans le public:

 

Non, je ne crois pas que ce disciple de Voltaire et de Hugo se réjouirait de l'état où nous sommes, chacun faisant appel au gouvernement, aux procureurs, aux sociétés de l'information pour interdire les opinions qui les blessent; où chaque groupe se croit justifié de faire passer, chacun pour son compte, la nation au tourniquet des droits de créance; où gouvernement et Parlement ensemble prétendent, comme si la France n'avait pas dépassé la minorité légale, en bannir toute haine, oubliant qu'il est des haines justes et que la République s'est fondée sur la haine des tyrans. La liberté, c'est être révolté, blessé, au moins surpris, par les opinions contraires.

 

Pour ce qui est de la République, il précise, après avoir [décrassé] ce terme qu'on emploie ces jours-ci à tout propos, au prix [...] d'une grande confusion concernant les principes:

 

Gallo pour sa part ne l'a jamais vue comme cet étrange absolu qu'on nous présente parfois au mépris de toute vérité.

[...]

Aujourd'hui que la République nous appelle moins qu'elle ne nous sermonne au long d'interminables campagnes de propagande frappées de son sceau, il se serait inquiété je crois de notre docilité.

 

Comme si cela ne suffisait pas, le nouvel académicien enfonce le clou encore plus profond sans que Compagnie et public, sans doute saisis, n'émettent le moindre murmure:

 

Je ne crois pas que Gallo eût souscrit à cette substitution du lapin de garenne au citoyen libre que nous prépare cette formule imbécile, répétée à l'envi depuis vingt ans, que la sécurité est la première des libertés. À cette aune, pas de pays plus libre sans doute que le royaume de Staline ou celui de Mussolini.

[...]

Et l'on s'en va répétant que les temps sont difficiles. Mais les temps, comme Max Gallo nous l'a rappelé pendant un demi-siècle, sont toujours difficiles pour ceux qui n'aiment pas la liberté.

 

Francis Richard

 

Réception de François Sureau à l'Académie française, le 3 mars 2022

 

Livres précédemment chroniqués, édités chez Gallimard:

 

Ma vie avec Apollinaire (2021)

 

L'or du temps (2020):

- Livre I, Des origines à Draveil

- Livre II, Mystiques parisiennes

- Livre III, Mes cercles dérangés

 

Sans la liberté (2019)

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

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4 mars 2022 5 04 /03 /mars /2022 23:50
Des sirènes, de Colombe Boncenne

Ma grand-mère, ma mère, Reine... et moi? Les violences que j'avais subies trouvaient-elles leur place dans ce triste enchaînement? Des événements extérieurs pouvaient-ils être reliés à des tragédies endogènes? Ploc.

 

La narratrice est documentariste de radio. Sa mère a élu domicile sur une île bretonne. Son amoureux, Farell, vit sur une autre île, l'île de Bowen, en face de Vancouver. Elle l'a rencontré lors d'un festival de documentaires:

 

J'y présentais mon travail sur Clipperton, l'île déserte de possession française appelée île de la Passion, premier volet d'une série que je comptais réaliser sur les îles.

 

Sur l'île de sa mère, dix ans auparavant, elle s'était rendue une petite dizaine de fois chez Eugène, un rebouteux, qui l'avait guéri, ou pas, de plaques qui lui mangeaient les jambes. Il lui avait dit, apprenant quel était son métier:

 

Co, un jour, il faudra que tu racontes la vie d'Eugène.

 

Co y repense alors qu'elle vient chercher sa mère malade qui doit être hospitalisée et ne peut rester sur son île. Ce ne sera pas pour tout de suite. Car, pour l'heure, elle doit s'occuper de sa mère qui est diagnostiquée leucémique.

 

C'est lors du vernissage d'une exposition de photos sur le corps, à laquelle elle va pour se distraire, au sortir de l'hôpital, qu'elle fait la connaissance de Selma, qu'elle revoit alors de manière régulière pour aller voir une exposition.

 

Une des expositions présente des vêtements suspendus à des cintres: Il s'agissait des tenues que portaient des victimes le jour où elles avaient été agressées sexuellement. Co raconte à Selma celle qu'elle portait quand elle l'a été à 12 ans.

 

C'est sur une île grecque, encore une île, où sa mère l'emmenait en vacances depuis l'enfance qu'elle avait été agressée, à 16 ans cette fois. Elle n'avait pas été furieuse; elle s'était détestée; elle s'en était voulue et avait eu honte.

 

Selma lui avait dit alors: Il faut rendre de la dignité à tes paroles et à ton corps, à nos paroles et à nos corps. Il faut inverser les forces. Tu fais partie de notre troupeCette troupe est celle Des sirènes, qui doivent parler et agir...

 

Parler, oui. C'est ce que plusieurs générations de femmes de sa famille font, discrètement, entre elles, avec elle. Cela reste jusque-là dans la famille. Agir, pour celles qui l'ont précédée, non. Co le fera, parce qu'elle est la fille d'après...

 

Pour pouvoir raconter, Co prend des notes, notamment quand elle s'entretient avec Daphné, la femme sirène, qu'en compagnie de Farell elle est allée voir évoluer dans le grand aquarium et pour laquelle l'organe vocal est une arme.

 

Parallèlement, tout en menant à bien différents documentaires, elle se dévoue à sa mère quand elle l'héberge chez elle ou qu'elle lui rend visite d'un hôpital l'autre, tandis que la maladie de celle-ci connaît rémissions et rechutes.

 

Les sirènes ne meurent pas, elles deviennent écume, lui a écrit Selma. De fait Co ne craint plus les hommes menaçants depuis qu'elle a enregistré l'un d'entre eux et qu'elle en fera un documentaire, mais, avant, elle retrouvera Farell...

 

Francis Richard

 

Des sirènes, Colombe Boncenne, 208 pages, Zoé

 

Livre précédent:

 

Vue mer, 128 pages, Zoé (2020)

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2 mars 2022 3 02 /03 /mars /2022 20:00
Qu'une seule âme sur la Terre, de Raphaël Aubert

Ainsi c'est avant tout la musique qui les avait réunis Antonin et elle. Elle avait représenté leur seule assurance; l'unique certitude à laquelle se raccrocher, telle une planche de salut, alors que la guerre faisait rage autour d'eux.

 

Qu'une seule âme sur la Terre doit son titre à deux vers de L'Hymne à la joie de Friedrich von Schiller, poème qui est repris en partie dans le quatrième mouvement de la 9e Symphonie de Beethoven, lequel avait justement tant impressionné Antonin.

 

Raphaël Aubert reproduit ces deux vers avec celui qui les précède et les met en épigraphe à son roman. C'est dire son intention d'y rendre un hommage vibrant à la poésie et à la musique qui la transcende et apporte ainsi l'espérance à tous ceux qui l'écoutent.

 

Le roman retrace la vie d'Antonin Tcherniakowski, qui a passé son enfance à Grodno, suivi des études musicales à Vienne à partir de 1936, accompli son service militaire en 1938, et s'est engagé dans la division polonaise en 1940 avant d'être interné en Suisse.

 

Cette histoire qui se déroule pendant la Deuxième Guerre mondiale, puis pendant la guerre froide, est construite comme une symphonie avec une ouverture et un finale, une première partie en deux mouvements et une deuxième en trois, initiés fin du XXe siècle.

 

En ouverture, Antonin, qui n'a entendu qu'à la radio, en 1942, la 9e Symphonie, dirigée par le grand Wilhelm Fürtwangler ne veut pour rien au monde manquer d'assister à l'inauguration du festival de Bayreuth neuf ans plus tard où sera jouée cette même symphonie sous la direction du prestigieux chef d'orchestre allemand injustement calomnié.

 

Antonin se remémore son internement en Suisse, où il a fait la connaissance d'Alberte, cette femme qu'il aimait peut-être toujours. Elle était alors institutrice, avait été son professeur de français pendant deux ans. Il lui avait appris à jouer du violon, avant de rejoindre les forces polonaises en Angleterre puis les forces soviétiques en Allemagne.

 

Dans les deux parties qui suivent, le narrateur (dont le lecteur n'apprend que peu à peu les liens qu'il a petit garçon, puis adulte avec Antonin) se souvient, non sans mal1, à la fin des années 1990, de ses rencontres avec lui et avec sa soeur Ana, si bien qu'il se met à revisiter la période de la guerre froide, sur fond musical, à Lucerne, Rome et Berlin.

 

Le finale a lieu, au port du Basset à Clarens où est inauguré un buste (dû à Bernard Bavaud) du chef d'orchestre, dont les exécutions de la 9e Symphonie, auront procuré tant de vie, de joie et d'espérance à Antonin, qu'il les aura transmises au narrateur, si bien que ce dernier tiendra à se substituer à lui pour rendre au musicien un dernier hommage.

 

Francis Richard

 

1 - Une deuxième épigraphe l'annonce:

La mémoire est un miroir à fantômes. Elle montre parfois des objets trop lointains pour être vu, et parfois les fait paraître tout proches.

Yukio Mishima

La mer de fertilité

 

Qu'une seule âme sur la Terre, Raphaël Aubert, 224 pages, Buchet-Chastel (à paraître)

 

Livres précédents:

 

Malraux & Picasso - Une relation manquée, 124 pages, Infolio (2013)

Cet envers du temps - Journal 2013, 292 pages, L'Aire (2014)

Sous les arbres et au bord du fleuve, suivi de Toro, Toro!, 76 pages, L'Aire (2014)

Un voyage à Paris - Un carnet de Pierre Aubert, 114 pages, Art & Fiction (2017)

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20 février 2022 7 20 /02 /février /2022 18:15
Presque étranger pourtant, de Thilo Krause

D'ici en haut, je peux regarder en avant et en arrière. D'un côté la maison, où Christina met en ce moment la Petite au lit. De l'autre le village de mon enfance.

 

Le narrateur de Thilo Krause retourne, avec Christina et la Petite qu'ils ont eu ensemble, sur les lieux de son enfance, quelque part en Allemagne, où coule l'Elbe, près de la frontière tchèque.

 

Il n'est pas sûr que ce soit une bonne idée, mais il cède à un besoin irrépressible de se confronter à son passé, au temps où lui et Vito étaient les meilleurs amis du monde, jusqu'à l'accident.

 

Ils étaient montés comme chaque jour dans la forêt, à leur ville de grès, puis ils s'étaient attaqué à un roc différent des autres. Lui était parvenu à l'escalader, mais, derrière lui, Vito était tombé:

 

Soudain, il était en bas, couché par terre. J'étais à mon poste d'observation, en spectateur extérieur, l'espace de quelques secondes, le temps de comprendre que mon meilleur ami gisait là en bas, immobile.

 

Il est revenu pour lui-même, pour se retrouver, ce qui ne peut se faire qu'en retrouvant Vito qui est resté au bord de l'Elbe, Vito qui n'est pas sorti indemne de l'accident, dont il s'attribue la faute.

 

Les retrouvailles ne se passent pas comme il l'espérait. C'était sans doute une idée idiote de revenir ici, où il était chez lui, mais où maintenant, quoi qu'il fasse, il est Presque étranger pourtant.

 

Comme il n'est plus lui-même et qu'il ne s'est pas retrouvé pour autant, il risque de se perdre et de perdre tout à la fois son amitié ancienne avec Vito, son amitié nouvelle avec Jan et Brigitte.

 

Le plus grave serait peut-être encore qu'il perde Christina et la Petite, parce qu'il manque à tous ses devoirs envers elles; qu'elles le quittent parce qu'il les a quittées et se ressaisirait trop tard.

 

Jadis, le refuge c'était la grotte où il avait fugué avec Vito; hier, c'était la maison où ils s'étaient installés, tous les trois. Mais peut-être que les éléments déchaînés finiront par lui être favorables...

 

L'auteur malmène le lecteur avec ce va-et-vient que le narrateur lui fait subir entre passé et présent, où les événements dramatiques vont crescendo, avant qu'ils ne se relativisent, vus depuis le roc...

 

Francis Richard

 

Presque étranger pourtant, Thilo Krause, 208 pages, Zoé (traduit de l'allemand par Marion Graf)

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16 février 2022 3 16 /02 /février /2022 20:10
Déracinements, exils et renaissances, de Françoise Gardiol

Les Gardiol,

une épopée en lettres minuscules

qui court les siècles,

traverse les continents,

chemine sur les traces des vaudois,

chante l'évangile des pauvres,

danse au rythme des persécutions,

fuit sur des sentiers d'exil...

 

Tel est le début de l'épilogue de Déracinements, exils et renaissances, où le patronyme d'une famille, Gardiol, qui est celui de l'auteure, se trouve mêlé à l'Histoire.

 

Ce n'est pas seulement un nom qu'elle porte:

 

Je porte aussi une communauté de valeurs, une terre, une langue.

Comme une aventure qui me dépasse,

en voyage dans le temps et l'espace

avec un héritage séculaire qui me traverse.

 

Comme elle le dit à la fin du prologue...

 

Le temps est celui qui va du XIIe siècle à aujourd'hui; l'espace, celui dont l'origine se trouve en Languedoc et Piémont et s'étend à l'Europe du Nord et du Sud, aux nouveaux mondes des Amériques du Sud et du Nord.

 

La communauté de valeurs est celle des vaudois, qu'il faut entendre dans le sens de cette église chrétienne dissidente, considérée comme hérétique, alliée à l'église réformée pour combattre celle du pape et des catholiques.

 

La terre, c'est surtout celle des vallées piémontaises, où les vaudois se sont réfugiés à une époque, puis, d'où d'aucuns, à une autre, sont partis en exil avant que d'autres ne reviennent parce qu'ils avaient bien trop le mal du pays.

 

La langue, c'est le gardiol:

 

Une langue qui a survécu

à travers les siècles

en un seul lieu sur la planète,

une "espèce" menacée,

c'est la surprise

des linguistes découvreurs du gardiol

au sud de l'Italie

il y a environ trois décennies!

 

Ce récit est donc celui de persécutés pour leur foi et leurs idées.

 

Le premier reproche qui pourrait lui être fait serait la façon manichéenne de raconter l'Histoire avec d'un côté le camp du Mal, celui des catholiques, et de l'autre le camp du Bien, celui de tous les autres, ligués contre lui.

 

Le second serait de juger les faits du passé à l'aune de l'esprit de notre temps, en oubliant le contexte qui non pas le justifie mais permet de le comprendre, et qui ne peut être rendu par les seuls témoignages à charge d'un seul camp.

 

Pour éclairer ce propos je citerai, à titre d'exemple, un fait historique soigneusement effacé des mémoires et qui montre que l'Histoire est toujours plus complexe que celle que l'on trouve dans les livres de l'Histoire dominante.

 

Tout le monde connaît le massacre de la Saint-Barthélémy, mais qui sait que, six ans auparavant, à Nîmes, à la Saint-Michel, nombre de catholiques ont été massacrés, des prêtres et des religieux égorgés par des... protestants?

 

L'an passé, j'ai chroniqué Clothilde au temps de la Saint-Barthélémy d'Henri Gautschi, auquel un tel reproche de simplification ne peut être fait. Mais cela ne veut pas dire que le souffle épique de celui-ci ne m'emporte pas...

 

L'épigraphe d'Antonio Gramsci, en tête du prologue, dit au lecteur que le dessein de ce récit transcende toutes querelles puisque nous sommes, nolens volens, des héritiers, qu'il ne faut jamais l'oublier, sans en être responsables:

 

Celui qui ne sait pas d'où il vient ne peut savoir où il va.

 

Francis Richard

 

Déracinements, exils et renaissances - Des routes Gardiol, Françoise Gardiol, 224 pages, Éditions de l'Aire

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11 février 2022 5 11 /02 /février /2022 20:40
Regardez-nous danser, de Leïla Slimani

Mathilde avait vieilli et sans doute par sa faute, sa faute à lui, elle faisait plus que son âge.

[...]

Avec l'âge, Amine était devenu encore plus beau. Ses tempes avaient blanchi et il s'était laissé pousser une fine moustache, poivre et sel, qui lui donnait des airs d'Omar Sharif.

 

La propriété dont Amine Belhaj a hérité de son père est devenue florissante et s'est agrandie sous sa direction. Il s'est enrichi. Il est devenu un notable, si bien qu'en 1965, il est sollicité pour adhérer au Rotary Club, consécration pour lui, preuve d'intégration de la part des autres membres.

 

Une autre preuve de sa réussite est la construction d'une piscine sur la propriété. Amine a consenti à la réalisation de ce signe extérieur de richesse: Au fond, il était le chef, le patron, celui qui donnait de quoi manger aux ouvriers de la ferme et ils n'avaient rien à dire sur son mode de vie.

 

Les deux enfants d'Amine et Mathilde, Aïcha et Selim, ont grandi. Si Aïcha donne pleine satisfaction à ses parents - elle fait des études à Strasbourg et devient médecin -, Selim est un grand sportif - il a hérité de sa mère sa blondeur et ses épaules larges -, mais n'aime pas les études et déçoit.

 

Dans ce volume, Regardez-nous danser, de cette trilogie (qui porte le titre du premier, Le pays des autres), Leïla Slimani raconte l'histoire des Belhaj, à la fin des années 1960 et au début des années 1970 dans un Maroc qui a prospéré après les années de guerre, puis celles d'indépendance.

 

Cela ne signifie pas qu'il n'y ait plus de tensions - les tentatives de coup d'État des étés 1971 et 1972 en sont les manifestations les plus spectaculaires -, mais le pays change, sous la double influence marocaine et française, dont la famille d'Amine et Mathilde Belhaj est représentative.

 

Si Selim et Aïcha subissent naturellement cette double influence, la belle-famille de Mathilde n'y échappe pas vraiment non plus. Aussi ce volume, très instructif sur l'histoire du pays natal de l'auteure, parce que très documenté, confirme-t-il que celui-ci est pour tous celui des autres.   

 

Francis Richard

 

Regardez-nous danser, Leïla Slimani, 368 pages, Gallimard

 

Volume précédent:

 

Le pays des autres (2020)

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6 février 2022 7 06 /02 /février /2022 20:55
Le Chemin des Limbes, de Frédéric Lamoth

- Messieurs, c'est un jour de deuil. Notre camarade Didier Torrens nous a quittés. Nous n'aurons pas de cours aujourd'hui. Tous les élèves et enseignants du collège se réuniront à neuf heures à la chapelle pour un temps de recueillement.

 

Gilles, jeune prêtre de 28 ans, enseigne le latin au collège Saint-Michel de Fribourg. Didier est l'un de ses élèves, brillant, qui a su traduire une citation de Saint-Augustin, sans l'identifier:

 

Dilige, et quod vis fac.

Aime, et fais ce que tu veux.

 

Quelque temps auparavant, involontairement, Gilles a troublé l'intimité d'un garçon et d'une fille, près de la fontaine de Notre-Dame du Rosaire, sur la place du Marché-aux-Poissons.

 

Ce garçon, c'était Didier. Cette fille, c'était Céline. Il ne sait pas encore à quel point cette rencontre fortuite et gênante va changer sa vie. Mais il le saura bien assez tôt, malgré qu'il en ait.

 

Si Didier s'en est allé, c'est qu'il a mis fin à ses jours, ce que l'Église condamne sans que quiconque, même un prêtre, puisse juger un tel acte, qui est, dans la plupart des cas, désespéré.

 

Alors, Gilles, qui n'a pas eu le courage de rendre visite aux parents de Didier, un jour, se rend au cimetière pour se recueillir sur sa tombe et c'est là qu'il aperçoit Céline devant sa sépulture.

 

Elle lui apprend qu'elle est enceinte. Didier voulait qu'elle avorte. Elle n'était pas décidée. Pour un prêtre tel que Gilles, elle doit mettre l'enfant au monde, ne pas le garder, pour sa réputation.

 

En cette année 1960, dans un canton catholique, c'est la meilleure solution pour une fille-mère que d'abandonner anonymement son enfant à une institution et de commencer une autre vie.

 

C'est cette autre vie que reconstitue la narratrice de Frédéric Lamoth, qui ne se hâte pas de révéler son identité, non plus que les liens que Gilles entretiendra avec Céline après ce choix.

 

Un tel choix, dicté par les convenances, encore de mise dans un monde où la chrétienté n'en est pas à sa fin, sera pour Céline, sinon chemin de croix ou purgatoire, Le Chemin des Limbes.

 

Francis Richard

 

Le Chemin des Limbes, Frédéric Lamoth, 144 pages, Bernard Campiche Editeur

 

Livres précédents:

Sur fond blanc (2013)

Lève-toi et marche (2016)

Le cristal de nos nuits (2019)

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2 février 2022 3 02 /02 /février /2022 20:00
Le chant de Shilo, de Sébastien Ménestrier

J'ai eu plusieurs noms, j'ai été fille, puis garçon et ce n'est pas important, tu verras ça.

 

Il ne s'agit pas d'une transgenre, comme le laisserait supposer le début du prologue de ce récit, qui se situe aux confins de la tradition homérique et de la modernité poétique.

 

Celle qui dit ce récit, en quarante-deux chapitres, est fille anonyme, mais, comme le feront plus tard d'autres héroïnes, elle se travestit et prend habit d'homme pour guerroyer.

 

Elle a donc été prise pour un garçon, sous le nom d'Achéménide1, et fait partie des troupes d'Ulysse qui se sont emparées de Troie en y entrant dans un grand animal de bois.

 

Après quoi, elle, Ulysse, et trois hommes sont repartis en mer et sont arrivés sur ce qui deviendrait [son] île. Ils ont pénétré dans une caverne, attendant celui qui y vivait:

 

[La créature] était puissante et demeurée, avait des milliers d'années, un seul oeil au milieu du front.

 

Sébastien Ménestrier prend alors quelques libertés poétiques avec la mythologie grecque et le récit fait intervenir une femme, Shilo, qui se trouve au-delà de la frontière.

 

Car Achéménide, oubliée par Ulysse, est restée sur l'île, qui avait deux pays, celui de pierres et de buissons où [elle était] et cet autre là-bas, d'arbres larges et hauts.

 

Là-bas, elle fait la connaissance de créatures, grandes et fortes, à l'oeil unique. Ce sont des filles comme elle et, parmi elles, Shilo, qui se distingue par son chant, très beau.

 

Celle-ci se méprend sur son rôle dans l'éborgnement de l'habitant de la caverne, Polyphème, réduit à un chiot, et l'incite à faire de même avec les trois mâles restants.

 

Partir ou rester sur l'île? Elle est libre. Le chant de Shilo pourrait pourtant bien être déterminant dans sa décision, mais pas seulement, car il y a aussi celle qui l'interprète... 

 

Francis Richard

 

1 - Achéménide est bien un compagnon d'Ulysse, mais il est fils d'Amadatus et fut recueilli par Énée...

 

Le chant de Shilo, Sébastien Ménestrier, 96 pages, Zoé (sortie le 3 février 2022)

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31 janvier 2022 1 31 /01 /janvier /2022 19:55
Le Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne 2022

Le Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne 2022 sera remis dans deux mois jour pour jour, le 31 mars 2022, à 19 h, au Casino de Montbenon. Ce prix est dédié à l'encouragement de la lecture et à la valorisation de la littérature de Suisse romande.

 

(pour la cérémonie de remise du prix, on peut déjà s'inscrire ici)

 

Pour cette huitième édition, cinq romans, parus en 2021, ont été sélectionnés. Ils l'ont été par les professionnels des Bibliothèques et Archives de la Ville de Lausanne sous la conduite de la Déléguée à la politique du livre, Isabelle Falconnier:

 

- Inflorescence de Raluca Antonescu (La Baconnière)

- Illégaliste de Thierry Luterbacher (Bernard Campiche Editeur)

- Gloria Vinyl de Rose-Marie Pagnard (Zoé)

- Longues nuits et petits jours d'Anne-Frédérique Rochat (Slatkine)

- Septembre éternel de Julien Sansonnens (Éditions de l'Aire)

 

La nouveauté, c'est que tous les lecteurs1 de la Suisse romande et de la francophonie sont invités à voter pour le roman de leur choix. Ils pourront le faire dès le 15 février jusqu'au 15 mars en utilisant ce lien: http://www.lausanne.ch/prixdeslecteurs.

 

Mais, avant de voter, ils ont d'ores et déjà la possibilité de lire en ligne les cinq romans sélectionnés: https://www.lausanne.ch/agenda-et-actualites/prix-des-lecteurs/romans-en-lice.html ou, bien sûr, de les acquérir dans leur librairie préférée.

 

Si lire ces cinq livres ne leur suffit pas, ils peuvent faire connaissance avec leurs auteurs1 en regardant les vidéos dans lesquelles ils s'entretiennent avec Isabelle Falconnier lors de rencontres qui se déroulent depuis octobre au Lausanne Palace:

Chacun des auteurs se présente lui-même et présente son roman:

Chers lecteurs, faites-vous une religion sur chacun de ces romans et votez dès le 15 février 2022 pour exprimer votre préférence. Lisez-les, tous les cinq. Vu le temps qui vous reste, en lire un par semaine, par exemple, ce n'est pas une gageure...

 

Francis Richard

 

1 - Il s'agit d'un masculin pluriel... neutre.

 

Mis à jour le 15.02.2022.

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26 janvier 2022 3 26 /01 /janvier /2022 22:20
Les Déshérités, de Valentin Decoppet

On a deux victimes avec des blessures par balle, un couple. Ça s'est produit hier soir, il y avait les tirs obligatoires dans le stand d'à côté. Personne n'a rien entendu. L'homme est dans l'étable, la femme au salon.

 

Chacune des deux victimes a été tuée de trois balles, une à la tête, une à la poitrine, une au ventre: Les victimes ont été abattues selon le même rituel, constate donc l'inspecteur Gross arrivé sur place en voiture. Lequel apprendra que l'arme utilisée, militaire, est du genre fusil d'assaut.

 

Le tueur a d'abord pris l'homme pour cible et l'a abattu, de loin, d'une première balle dans la tête. Ce ne peut être qu'un excellent tireur. L'homme s'appelle Alexandre Rochat, la femme, Marie, née Walser. Leur ferme se trouve dans un village, La Rochaz, au-dessus d'Aigle.

 

Cette ferme appartenait au cousin d'Alexandre, Jean Rochat, qui la leur a vendu il y a quatre mois, qui habite le village et travaille au Volg. L'information est donnée à l'inspecteur Gross par un paysan, Emanuel Jotterand, qui se rendait à l'étable pour traire les vaches et les sortir.

 

Tandis qu'il sort de la ferme, l'inspecteur Gross aperçoit un homme de taille moyenne, manteau brun, à l'orée du bois. Ils se regardent. L'homme saute une barrière, s'enfonce dans le bois. L'inspecteur se lance à sa poursuite, mais l'homme le distance. Il finit par perdre sa trace.

 

Or, justement, cet homme pourrait bien être Jean Rochat. Il a disparu et ne s'est pas présenté à son travail. C'est le coupable idéal, d'autant qu'il est membre de la société de tir du village. Reste à savoir pour quel motif il aurait commis ce double crime. C'est là toute la question.

 

L'inspecteur Gross enquête sur les familles Rochat et Walser. Il apprend ainsi que le grand-père Rochat s'était présenté au Conseil communal et que Georges Walser, le beau-père d'Alexandre, l'avait emporté sur lui; mais qu'il avait acquis la ferme, promise de vente à ce dernier.

 

Les Déshérités, ce sont John, un des fils du grand-père Rochat, et sa descendance: l'aïeul avait dévolu la ferme à son autre fils Eugène, après le décès de son aîné, Laurent. Jean est un des deux fils d'Eugène et c'est de cette manière qu'il est devenu héritier légitime de la ferme.

 

On ne voit toutefois pas pourquoi Jean aurait tué son cousin Alexandre et sa femme après leur avoir délibérément vendu la ferme. Apparemment, il se pourrait qu'il ait rechuté: Gross apprend en effet qu'il a fait par le passé un séjour psychiatrique volontaire d'un an et demi.

 

Rien n'est simple dans un tel microcosme, où tout s'entremêle. Aussi, quand Jean est appréhendé, l'inspecteur Gross veut-il tout vérifier pour donner l'image la plus exacte des faits, comme le lui dira sa mère, qui sait d'expérience que les choses ne sont jamais ou noires ou blanches.

 

Francis Richard

 

Les Déshérités, Valentin Decoppet, 176 pages, Bernard Campiche Editeur

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25 janvier 2022 2 25 /01 /janvier /2022 23:00
Galel, de Fanny Desarzens

Galel est plus robuste que Paul et il marche mieux que Jonas. Mais quand on pense à lui on pense: il est doux. Et en fait le bon mot, celui qu'il faudrait utiliser pour parler de Galel, c'est réconfortant.

 

Les trois amis se retrouvent au moins une fois l'an à la Baïta, une cabane dans la montagne, tenue par Paul, qui, maintenant, n'est plus guide, tandis que Jonas et Galel le sont toujours. La Baïta comprend en fait trois maisons de pierre toutes pareilles:

 

L'étable au milieu, l'auberge à droite, les douches à gauche.

 

Les trois amis se ressemblent beaucoup: Ce sont les yeux qui sont presque les mêmes. Ceux de Jonas sont noirs et ceux de Paul sont bleus, les yeux de Galel ont cette couleur sableuse un peu étrange. Mais tous ces yeux sont comme plissés, toujours.

 

Un peu plus loin, il y a une autre cabane, l'ancien hôtel Alsane, tenue par Vinciane et sa fille Viviane. Ils s'entraident, de cabane à cabane: Vinciane apporte à Paul des herbes, des saucissons, des oeufs; il lui fournit du lait, du fromage, des pains.

 

Au moment de la désalpe, Paul retrouve son village, son magasin, sa ferme, où il ramène Petite Étoile, sa vache, et Ariel, sa jument. Jonas retourne à sa ville, son appartement, son travail à l'usine; Galel à son village qui n'est que quelques chalets.

 

Cette fois-là, Vinciane discute avec Paul. Elle sait que Galel est venu. Elle lui demande s'il ne lui a pas semblé un peu bizarre. Non: Il était comme d'habitude. Inquiet, il lui demande: Mais pourquoi? Elle ne sait pas: C'est simplement une impression.

 

Peu à peu les passés de Paul et de Jonas sont dévoilés, mais surtout la raison pour laquelle Vinciane a eu l'impression que Galel, le guide infatigable, jusque-là leur armure contre leur propre abattement, n'était décidément plus tout à fait le même.

 

Une fois révélée cette raison, Fanny Desarzens laisse planer le doute jusqu'au bout sur l'issue de ce récit où Galel, profondément en accord avec tout ce qui se trouve autour de lui, marche indéfiniment, parce que c'est ce qu'il sait faire de mieux.

 

Francis Richard

 

Galel, Fanny Desarzens, 138 pages, Slatkine

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24 janvier 2022 1 24 /01 /janvier /2022 18:45
Les fantômes du presbytère, de Daniel Sangsue

Le narrateur et sa femme Isabel ont décidé de vendre leur maison de Bioulac, située dans l'Aveyron, devenue trop exiguë et inconfortable pour [leur] âge, pour en acheter une plus grande.

 

En surfant sur Internet, Isabel tombe sur une annonce pour un presbytère du XVIIIe siècle sur le site de l'agent immobilier chargé de vendre leur maisonnette. Or il ne le leur a pas proposé.

 

Ce dernier explique que, situé au pied de l'Aubrac, en vente depuis un moment, il n'a pas trouvé acquéreur, accolé qu'il est à l'église du hameau et donnant sur le cimetière, un atout pour le narrateur:

 

J'ai toujours aimé les cimetières. [...] Ce sont les seuls endroits un peu tranquille qui restent dans les villes...

 

Ils visitent le presbytère, tombent sous son charme, donc sa magie: c'est la maison qu'il leur faut. La chance leur sourit puisqu'ils enchaînent vente de leur maisonnette de Bioulac et cet achat.

 

Il se trouve que le narrateur est intéressé par les fantômes, plus précisément par la pneumatologie, qu'il en fait part aux anciens propriétaires avec lesquels ils trinquent pour fêter leur acquisition.

 

Il a alors l'impression que la femme empêche son mari de parler, fait part après de son soupçon à Isabel qui se moque de sa monomanie: les Delage ne l'auraient pas habité pendant quinze ans...

 

Le narrateur est singulier. Non seulement il lit tout ce qu'il trouve sur les fantômes mais il a de réelles connaissances littéraires qui lui permettent de faire en tous temps des rapprochements judicieux.

 

S'il n'est plus confit en dévotion, sa formation religieuse catholique l'a prédisposé à s'intéresser aux fantômes, qui ne le sont que parce que quelque chose s'est mal passé au moment de leur décès...

 

Il aimerait bien que le presbytère abrite des fantômes. Or lui et Isabel sont vite témoins de manifestations sonores, de jour comme de nuit, qui constituent en quelque sorte un délice caché du lieu.

 

Recherches dans les archives, dires des voisins, découvertes de documents dans le séjour et dans la sacristie, décryptages des messages sonores permettent au narrateur d'en élucider le mystère.

 

Que le lecteur croit ou non au surnaturel, il ne peut qu'être captivé par ce récit élégant et plein d'esprit(s), qui pose les éternelles questions du bien et du mal, de ce qui advient, ou pas, après la mort.

 

Francis Richard

 

Les fantômes du presbytère, Daniel Sangsue, 144 pages, Éditions La Baconnière

 

Livres précédents:

 

Journal d'un amateur de fantômes, La Baconnière (2018)

À la recherche de Karl Kleber, Favre (2020)

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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