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17 juillet 2021 6 17 /07 /juillet /2021 22:35
Geocratia, de Benoît Rittaud

L'humanité n'a pas su faire de la découverte de sa petitesse dans l'univers une leçon d'humilité. C'est la raison pour laquelle un nouveau renversement est nécessaire: la Terre doit redevenir le Grand Centre.

 

Dans ce roman, qui se situe dans les décennies qui suivent la nôtre, Benoît Rittaud explore les liaisons dangereuses entre l'idéologie et la pseudo-science et montre qu'un jour ou l'autre la science ne peut que mettre fin à leurs ébats.

 

Une nuit, les deux collaborateurs de Serge Nalliens, mènent, dans un laboratoire français, une expérience qui confirme dans un premier temps les résultats que Schwarz, un autre grand scientifique, a obtenus précédemment, en 2025.

 

Ce n'est donc pas encore une découverte. Mais, l'expérience étant poursuivie, les résultats prouvent indubitablement que l'homme n'est pas responsable par ses émissions de CO2 - qui reverdissent la planète - du réchauffement climatique:

 

L'atmosphère est un système mieux régulé que prévu. On ne peut pas bouleverser le climat comme nous le pensions. Des mécanismes correcteurs existent dans la nature pour prévenir les emballements que nous pensions inéluctables.

 

L'annonce de cette découverte peut mettre à mal le soi-disant consensus des spécialistes en matière climatique, dont les écologistes se sont emparés pour donner un vernis scientifique à leur idéologie, afin prétendument de sauver la planète.

 

Si Sonneyer, son directeur, est prêt à tout dévoiler, Niallens se montre hésitant. À sa décharge, il faut dire qu'il s'est fâché grave avec sa fille, laquelle a rejoint des écolos radicaux qui, pour parvenir à leurs fins, ont un projet, Geocratia.

 

Une telle révélation serait de nature à rendre le père et la fille définitivement irréconciliables. Quoi qu'il en soit, pendant que les deux collaborateurs de Niallens lui rendaient compte de leurs résultats, leurs locaux étaient vandalisés.

 

À partir de là, l'auteur emmène le lecteur dans les hautes sphères de plusieurs pays: la France, le Mexique, la Russie, le Portugal, où doit avoir lieu à Lisbonne une énième conférence sur le climat, et dans les coulisses des écolos radicaux.

 

C'est l'occasion pour lui d'écrire des chapitres d'anthologie, basés sur des documents antérieurs au milieu de l'année 2021 et projetés avec une grande plausibilité dans les décennies suivantes. Ainsi en est-il de deux d'entre eux en particulier:

 

- le texte de Richard Simonin intitulé Pour une loi Gayssot sur le climat;

- l'épilogue sous la forme d'une Demande de financement d'un projet de recherche.

 

De la science derrière laquelle tout le monde s'abrite, l'auteur fait dire enfin par Sonneyer qu'elle n'est véritable que si elle s'intéresse au message et non au messager. Il donne un exemple plein de bon sens pour illustrer ce propos essentiel:

 

La théorie de la relativité n'est pas vraie parce que le grand scientifique Einstein l'a dit. C'est parce qu'Einstein a énoncé la théorie de la relativité qu'il est un grand scientifique.

 

Francis Richard

 

Geocratia, Benoît Rittaud, 352 pages, Éditions du Toucan

 

Livres précédents:

 

Le mythe climatique, Seuil (2010)

La peur exponentielle, PUF (2015)

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12 juillet 2021 1 12 /07 /juillet /2021 18:55
L'été froid, de Gianrico Carofiglio

- Tout a commencé le 12 avril, avec l'homicide de D'Agostino Gaetano, dit le Petit. Il a été tué à coups de pistolet dans le quartier de Libertà, où il était allé voir sa mère. Lui, il habitait à Enziteto - un quartier plutôt compliqué, pour employer un euphémisme - et il appartenait au clan de Grimaldi Nicola, dit le Blond, ou Trois Cylindres. 

 

Puis cela a continué avec la disparition, depuis le 23 avril, de Capocchiani Michele, un des lieutenants de Grimaldi, et l'homicide de Carbone Gennaro et la tentative d'homicide contre Andriani, tous deux des affiliés de Grimaldi.

 

Ce qui est curieux, c'est que deux autres affiliés de Grimaldi ont disparu, Losurdo Simone et Lopez Vito, un autre lieutenant du chef de clan. On parle d'une scission au sein de celui-ci, ce qui expliquerait les homicides et les disparitions.

 

Les carabiniers de Bari enquêtent sur la mort de Carbone, plus précisément le maréchal Fenoglio, sous la direction d'une magistrate, la dotoressa D'Angelo. À ce moment-là, le bruit court que le fils mineur de Grimaldi a été enlevé.  

 

Tout accuse les rebelles du clan de s'en être pris à cet enfant, sauf que celui qui est le principal visé, Lopez Vito, se livre à la police, ne pouvant à la fois lutter contre celle-ci et la mafia locale, déclarant n'être pour rien dans cet enlèvement.

 

Se livrer pour bénéficier de la protection judiciaire ne se fait évidemment pas sans contrepartie, ce qui permettra aux carabiniers de lancer une opération qui sera appelée Été froid parce qu'elle débute alors qu'il fait noir et pluvieux...

 

Si ce n'est pas Lopez Vito et ses complices, qui a commis cet enlèvement contre rançon? C'est tout le ressort de cette intrigue qui se passe en 1992 et qui fait pénétrer le lecteur dans les arcanes de la mafia, ses rites, ses codes, et... l'omerta.

 

Ce qui frappe, c'est l'intelligence avec laquelle sont préparés et accomplis tous ces crimes, mais être intelligent n'empêche pas de commettre des erreurs fatales, même dans un État de droit où il faut tout prouver avant de pouvoir condamner. 

 

Francis Richard

 

L'été froid, Gianrico Carofiglio, 464 pages, Slatkine &  Cie (traduit de l'italien par Elsa Damien)

 

Livre précédent:

 

Trois heures du matin (2020)

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8 juillet 2021 4 08 /07 /juillet /2021 19:15
L'Impasse au loup, de Gilbert Pingeon

Alex pourrit la vie de ce quartier de la Vieille Ville, à cause de son existence éclatée en mille morceaux.

 

Alex est malheureux, désoeuvré. L'abandon est le maître-mot de son existence, si on peut appeler cela une existence: il a notamment subi l'abandon précoce de son père, tardif de sa mère.

 

Dans son jeune temps, il s'est adonné à la drogue, à l'alcool. Depuis, il cumule les étiquettes sur son bocal fêlé. Il est à la fois paranoïaque, mythomane, schizophrène. Rien que ça.

 

Paranoïaque, il se sent en permanence observé. Mythomane, il ne casse pas les objets qui l'entourent, il les punit. Schizophrène, il est Alex, celui qui dit MOI, et Axel, celui qui dit NON.

 

Il devrait être hospitalisé, mais non. Il vit dans L'Impasse du loup, où il se terre quand il en a assez de déambuler dans la ville. Et là, loup urbain, il hurle la nuit, réveillant ses voisins.

 

Le portrait que dresse Gilbert Pingeon de ce marginal est celui d'un possédé, dont personne ne peut chasser le démon, d'un prisonnier de son corps et de l'incompréhension des autres.

 

Bien que fou, celui-ci n'en est pas moins lucide: Je sais mes propos incohérents aux yeux des hommes, mais en harmonie avec mon désordre intérieur. Je parle vrai. Je ne suis pas un faux jeton. 

 

Se mettre dans la tête d'Alex, et dans celles de ceux qui l'entourent, est la prouesse à laquelle l'auteur se livre. A-t-il lu quelque part la métaphore correspondant à son délabrement?

 

Quoi qu'il en soit, Alex, dédoublé en Axel, la reprend à son compte, conscient que son existence éclate en morceaux et que cela finira mal, c'est inéluctable, comme le lecteur s'y attend: 

 

Je suis comme une bouteille Thermos, qu'on a laissée tomber. Extérieurement, elle semble intacte, mais elle ne contient plus que des milliers d'éclats de verre brisé.

 

Francis Richard

 

L'Impasse au loup, Gilbert Pingeon, 100 pages, Éditions de l'Aire

 

Livres précédents:

 

T, L'Âge d'Homme (2012)

Bref, Éditions de l'Aire (2015)

Oh, Éditions de l'Aire (2018)

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7 juillet 2021 3 07 /07 /juillet /2021 21:45
L'homme qui peignait les âmes, de Metin Arditi

Il se pouvait que le bois ait été coupé au XIe et que l'oeuvre n'ait été réalisée que trois siècles plus tard. Mais la probabilité qu'il soit resté intact étant quasi nulle, cette hypothèse est écartée.

 

Quel iconographe de génie a peint le Christ guerrier, cette icône qui se trouve aujourd'hui au monastère de Mar Saba, à une vingtaine de kilomètres au sud de Bethléem?

 

Metin Arditi raconte son histoire dans L'homme qui peignait les âmes, dans le contexte reconstitué de la fin du XIe en Terre Sainte, avant et pendant les deux premières croisades.

 

Reproduire l'image d'un être vivant n'était permis ni aux musulmans ni aux juifs. Pour ce qui concerne les chrétiens, ils le pouvaient mais à condition de respecter des canons.

 

Quand frère Anastase du monastère de la Sainte Trinité, laisse percevoir par Avner, qui est juif, une icône, puis d'autres, dans l'église, celui-ci repart avec l'esprit en feu.

 

Il ne le sait pas encore, mais il a trouvé sa vocation, celle d'écrivain d'icônes. Car Anastase lui a dit qu'on ne peint pas une icône qui est une représentation du divin, on l'écrit.

 

Pour ce faire, il est prêt à tout, à commencer par l'apprentissage des techniques de bois: d'abord le choisir, ensuite le découper en planches, enfin rendre lisses celles-ci.

 

Ces trois premières portes franchies, pour franchir les suivantes, il doit apprendre le grec, connaître les Textes, recevoir le baptême, buts qu'il ne peut atteindre sans tricher.

 

Bien qu'il ne soit pas animé par la foi, malgré qu'il en ait, il se fait baptiser, devient Petit Anastase et franchit les dernières portes pour être un écrivain d'icônes digne de ce nom:

 

Peu lui importait qu'il eût ou non la foi, il croyait en la beauté, en celle des icônes, en la consolation qu'elles offraient.

 

Seulement cette foi en la beauté, qu'il exprime dans ses icônes, n'est pas ce qui lui est demandé. On considère qu'il peint plutôt qu'il n'écrit. En avance sur son temps, il est rejeté.

 

Qu'importe qu'il honore le Seigneur à sa façon, en écrivant des icônes pour chanter l'Homme, la plus grande merveille de la Création. Ce n'est pas la foi qui convient...

 

Quoi qu'il en soit, cette façon d'honorer le Seigneur, si elle exalte les uns, exaspère les autres, surtout ceux qui dictent aux autres ce qu'ils doivent penser et... les jaloux.

 

Ce Juif est non conformiste, c'est-à-dire hérétique. Si la Terre Sainte est celle des trois religions du Livre, il ne peut que choquer en voulant les concilier et en disant sincèrement:

 

Notre religion dit la Loi. J'ai beau l'avoir abandonnée, sa rigueur et sa majesté m'impressionne. La vie du Christ m'enseigne la charité, et l'Islam me rappelle l'importance de l'humilité et de la soumission. Pourquoi devrais-je refuser l'hospitalité de l'une de ces maisons en faveur d'une autre?

 

Découvrir la beauté de chacun - sa part divine -, en faire une source de joie, lui faire confiance au lieu de le contraindre par la peur ou la violence, sont sa mission d'homme.

 

Francis Richard

 

L'homme qui peignait les âmes, Metin Arditi, 304 pages, Grasset

 

Romans précédents:

 

Le Turquetto, 288 pages, Actes Sud  (2011)

Prince d'orchestre, 380 pages, Actes Sud (2012)

La confrérie des moines volants, 350 pages, Grasset (2013)

Juliette dans son bain, 384 pages, Grasset (2015)

L'enfant qui mesurait le monde, 304 pages, Grasset (2016)

Carnaval noir, 400 pages, Grasset (2019)

Rachel et les siens, 512 pages, Grasset (2020)

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2 juillet 2021 5 02 /07 /juillet /2021 18:20
Les voisins, de Fiona Cummins

Personne ne voit la petite fille - la plus jeune du groupe - s'éloigner du théâtre de marionnettes, trébucher dans ses plus belles chaussures et marcher jusqu'à une réserve dont la porte aurait dû être fermée.

 

Il faut lire attentivement le prologue de ce roman policier bien ficelé. Tout n'y est pas dévoilé, mais le lecteur y trouve des éléments essentiels, qui remontent au passé et dont toute la suite découle.

 

En l'occurrence la petite fille ouvre un coffre dans la réserve du magasin à l'enseigne du Palais de la Poupée et de la Panoplie, y voit quelque chose qu'elle n'aurait pas dû voir et qui la fait hurler.

 

Trente-trois ans plus tard quatre cadavres sont trouvés dans un bois proche de l'Avenue, où, au numéro 18, se trouvait le magasin, devenu entre-temps une boutique en ligne de poupées très prisées.

 

Trefor Lovell, l'artisan qui fabrique ces poupées avec amour - chacune nécessitait des jours et des jours de travail -, habite lui-même, à deux pas, au numéro 32 de l'Avenue, située à Rayleigh, Essex.

 

Au numéro 27 de l'Avenue, habitent Audrina Clifton, une invalide en chaise roulante, dont les pâtisseries sont légendaires, et son mari Cooper Clifton, qui est retraité et qui s'y connaît en jardinage.

 

Au numéro 26 de l'Avenue, habitent Dessie Benedict et Fletcher Parnell, qui passe beaucoup de temps l'oeil rivé à son télescope qu'il n'oriente pas seulement vers les étoiles mais aussi vers les fenêtres.

 

Au numéro 25 de l'Avenue, au début de l'histoire, s'installent Garrick et Olivia Lockwood (qui ont la ferme intention de reconstruire leur couple en péril), avec leur fille Aster et leur petit garçon Evan.

 

L'enquête piétine mais est relancée après la découverte d'une cinquième victime, l'inspecteur Adam Stanton, mari de l'inspectrice Wildeve Stanton, qui ne va rien lâcher quand elle en sera écartée.

 

Les victimes ont été maquillées au pinceau, les yeux remplacés par des billes de verre, comme des poupées. Trois d'entre elles ont succombé à une crise cardiaque et deux à une détresse respiratoire.

 

Le récit chronologique des jours précédents le dénouement est ponctué de réflexions de l'assassin qui sont toutes datées d'aujourd'hui. L'auteure lui fait dire beaucoup mais pas assez pour l'identifier.

 

En dehors des membres de la police et des voisins, l'auteure fait apparaître un personnage, un postier, dont le rôle est ambigu, ce qui ne facilite pas la tâche du lecteur, décidément perdu en conjectures.

 

Difficile de se déprendre de ce livre où, le hasard faisant bien les choses, le Doll Maker, comme la presse l'appelle, est enfin démasqué, en même temps que sont révélés comment et pourquoi il a tué.

 

Francis Richard

 

Les voisins, Fiona Cummins, 512 pages, Slatkine & Cie (traduit de l'anglais par Jean Esch)

 

Livre précédent:

 

Le collectionneur (2018)

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30 juin 2021 3 30 /06 /juin /2021 19:15
Le vieil homme et le livre, de Michel Moret

Le petit livre que je publie aujourd'hui n'a qu'une seule ambition, c'est de servir la cause de la lecture.

 

Ce petit livre devait s'intituler, s'inspirant du commencement de La Recherche, Longtemps encore je me souviendrai de ce bonheur. Mais un heureux concours de circonstance a fait changer d'avis Michel Moret:

 

J'ai reçu un courriel d'un employé que j'avais dû congédier, me disant que je suis un vieil homme qui ne veut rien lâcher. Le terme vieil homme m'a séduit et, immédiatement, j'ai pensé au roman d'Hemingway, Le vieil homme et la mer, que je relis chaque année en espérant le savoir un jour par coeur.

 

Le lecteur n'aura pas manqué de faire le rapprochement entre les deux titres. Mais il aura considéré que le vieil homme ne l'est pas tant que ça, même si, depuis peu, en admettant que le Journal de Tintin n'ait pas disparu, il ne fait plus partie des jeunes qui sont censés constituer son lectorat.

 

Michel Moret sait de quoi il parle en matière de livre puisque toute sa vie tourne autour de lui: libraire, éditeur et écrivain sont en effet ses trois facettes. C'est pourquoi il ne laisse pas de constater avec bonheur que le livre a résisté au cinéma, au téléphone, à la télévision, et maintenant à internet:

 

On n'enterre pas si facilement les oeuvres des géants que sont Shakespeare, Cervantes, Hugo, Tolstoï, Dante, Pessoa.

 

Le livre donc perdure. Ce qui permet toutefois de séparer le bon grain de l'ivraie, c'est-à-dire de distinguer les écrivains sans intérêt des guides éclairés, c'est de lire tout simplement (j'ajouterais cependant de laisser faire le temps). Pourquoi le livre perdure-t-il? Parce qu'il est irremplaçable:

 

Le livre nous éclaire sur la complexité de l'âme humaine et développe chez le lecteur le goût du paradoxe et le relativisme de certaines valeurs.

 

Michel Moret a, comme tout éditeur, la lourde responsabilité de donner une chance à un livre, ce qu'il fait non pas pour passer le temps ou pour se faire plaisir, mais parce qu'il a de l'enthousiasme et de la curiosité et qu'il pense à tous ces autres qui pourraient faire leur miel de ce qu'ils lisent.

 

Après plus de quarante ans de métier, Michel Moret ramasse les souvenirs littéraires à la pelle pour notre bon plaisir. Car, pendant ce temps-là, il a fait de nombreuses rencontres avec des écrivains et avec leurs livres. Lesquelles confirment la curieuse transsubstantiation opérée par la création:

 

Plus l'écriture sera travaillée, plus elle sera belle et mieux elle vieillira. D'ailleurs, souvent on a l'impression que l'auteur exprime ce qui le dépasse. Ecriture personnelle et message universel, voilà le paradoxe de la création.

 

L'autre paradoxe n'est-il pas que, si leur forme et leur style changent, le fond des livres demeure, alimente la vie intérieure et le goût du beau? Ce paradoxe est celui de l'évolution et de la permanence, qui nous caractérisent, si bien que Michel Moret constate sans qu'il soit possible de le contredire:

 

Les poèmes de Sapho et d'Ovide sont tout aussi modernes que ceux de notre jeune siècle: on invente si peu de choses mon amie la Rose.

 

Francis Richard

 

Le vieil homme et le livre, Michel Moret, 124 pages, Editions de l'Aire

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29 juin 2021 2 29 /06 /juin /2021 18:10
Clothilde: au temps de la Saint-Barthélemy, de Henri Gautschi

- La nuit dernière, il y a eu une sorte de révolution à Paris. Les catholiques se sont soulevés et ont tué des centaines de protestants.

 

Ce lundi 25 août 1572, dans la région de Bourges, après avoir entendu cette parole de son père, Arthur, qui a appris que sa contemporaine de dix ans, Clothilde Burnand, et sa famille étaient protestants, comprend qu'ils sont en danger, décide de rejoindre leur maison et meurt en se faisant piétiner par une troupe de cavaliers.

 

Dix ans plus tard Clothilde, le mardi 22 mai 1582, à Genève, est traduite devant un tribunal, accusée d'avoir assassiné Victor Mugnier. Elle est condamnée à mort, après le témoignage de Fernand Picod, compagnon charpentier de Victor, qui l'a vue s'éloigner bras dessus, bras dessous, avec lui en direction de son domicile.

 

Ramenée en cellule, Clothilde sait que, dans quelques minutes ou quelques heures, on va venir la chercher, l'enfermer dans un sac, la soulever avec une corde attachée à une poulie et la plonger dans l'eau froide du Rhône, jusque ce que mort s'ensuive. Comme souvent ceux qui vont mourir, elle repense à ce qu'a été sa vie.

 

Au soir du 25 août 1572, sa grand-mère, ses parents, Pierre et Alice, son frère, et sa tante Hélène, soeur de Pierre, prennent la route pour Genève, havre des exilés protestants, de l'or cousu dans les ceintures, pensant faire étape à Lyon chez François Pelletier, un ami coreligionnaire de Pierre, à qui, drapier, il achète des tissus.

 

Henri Gautschi raconte les péripéties de ce voyage éprouvant, les routes n'étant pas sûres, protestants et catholiques rivalisant de cruautés et de violences en chemin. Clothilde parvient toutefois à Genève où elle est accueillie par les Gindrat (Benoît étant une vieille connaissance de son père), qui tiennent l'Hôtel de l'Écu.

 

L'auteur restitue si bien ce temps de la Saint-Barthélemy et des années suivantes que le lecteur a l'impression de le revivre et en est remué. Cela lui permet de se voir confirmer que ce temps échappe, comme tous les temps, aux schémas simplificateurs où s'opposeraient d'une part un camp du Bien et de l'autre un camp du Mal.

 

Francis Richard

 

Clothilde: au temps de la Saint-Barthélemy, Henri Gautschi, 280 pages, Éditions Encre Fraîche

 

Livre précédent:

La nuit la plus longue - Au temps de l'Escalade (2018)

 

Publication commune avec lesobservateurs.ch

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26 juin 2021 6 26 /06 /juin /2021 19:25
Je ne suis que ça, de Madeleine Bongard

On aurait pu se rencontrer différemment. Mais voilà, les normes sociales. En nous rencontrant, on portait déjà une étiquette. C'est comme ça, on ne peut pas se rebeller contre ça. Moi la journaliste, lui le comédien.

 

Ève Dambi, journaliste, se rend au 136, le théâtre où l'attend Yann Porsi, telle une sculpture au milieu du hall d'entrée. Le prix d'interprétation masculine au festival FFE vient de lui être décerné.

 

Le roman permet, ce que ne permet pas le théâtre, de se mettre dans la tête des personnages. C'est ainsi que l'auteure révèle au lecteur qu'Ève et Yann sont tout aussi empruntés l'un que l'autre.

 

Elle est stressée parce qu'il lui manque ce petit truc en plus qui rendrait tout plus paisible, lui parce qu'il vient de se rendre compte qu'il n'a plus de cigarettes et que, du coup, il est déjà en manque.

 

L'entretien se déroule pourtant bien. Yann adore ses questions. Ève trouve que l'interview n'était pas si désagréable que ça. Comme d'hab, elle attendra le dernier moment pour l'envoyer au journal.

 

Maria travaille comme femme de ménage, depuis quinze ans, au 136. Elle n'est pas originaire d'un pays de liberté. Elle n'a guère été récompensée pour sa soumission à ses deux maris successifs.

 

Pour être heureuse, Maria se raconte des histoires. Les bouts de papier qu'elle récupère au théâtre, et qui sont autant de bribes de vie, nourrissent son imaginaire, de même que leurs autres traces...

 

Jérôme Tascon est descendu à l'hôtel qui se trouve en face du 136. Il s'était réjoui trop vite d'avoir été embauché par la société L.B., car celle-ci a fait faillite aussitôt et son couple n'a pas résisté.

 

Lucie Barillon est descendue pour un rendez-vous médical au même hôtel que celui d'Ève, Jérôme et Yann. Elle y a rencontré ce dernier au bar, mais a surtout repéré un homme au fond de la salle...

 

Pendant la nuit, un malheur change la donne. les cartes sont redistribuées dans ce roman empreint d'une poésie douce, et se confirme le proverbe selon lequel à quelque chose malheur est bon.

 

Le mot de la fin revient cependant à Maria:

 

Être en mouvement.

Ne surtout pas devenir une carcasse.

Et rire. Il n'y a que ça de vrai.

C'est vrai, il est difficile de traverser la vie.

Mais tout ira bien.

 

Francis Richard

 

Je ne suis que ça, Madeleine Bongard (illustré par Claire Finotti), 212 pages, Les Editions Romann

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25 juin 2021 5 25 /06 /juin /2021 21:15
Mousse Boulanger - Femme poésie: une biographie, de Corine Renevey

Au moment d'inscrire son prénom à l'état civil de Boncourt, Otto Neuenschwander, son père, tint à lui donner un nom audacieux, différent des autres, une marque joyeuse qui évoque l'onde de choc d'une bouteille de bière que l'on vient de secouer, une vibration qui traverse de part en part le flacon créant des bulles à la surface, entraînant la formation d'un débordement onctueux.

 

Le prénom Mousse plaisait bien au père, mais pas du tout à la mère qui n'apprécia pas la plaisanterie et fit, dès le lendemain, rectifier le registre pour que sa fille se prénommât Berthe, comme elle.

 

Corine Renevey a pris le parti de la désigner jusqu'à ses douze ans par le prénom de sa mère, puis d'opérer le changement alors qu'elle quitte Boncourt pour se rendre à l'école secondaire de Porrentruy.

 

Avec le recul son père avait raison, Mousse convient bien à celle qui, différente des autres, fait montre, dès l'enfance, d'une personnalité bien affirmée, laquelle s'est confirmée tout au long de son existence.

 

Née en 1926, Mousse Boulanger est toujours de ce monde. Sa vie a été bien remplie et sa biographe la retrace avec beaucoup de bonheur, parce qu'il faut dire que c'est une personne vraiment très attachante.

 

Ses parents lui répétaient qu'ils étaient pauvres mais qu'ils l'aimaient. Elle aimait aussi ses parents, même si elle pouvait leur en faire voir de toutes les couleurs avec son caractère qu'elle avait bien trempé.

 

Toute sa vie montre qu'elle aime les pauvres, les démunis, et qu'elle n'a de cesse de les défendre, ce qui explique ses engagements, que personne n'est obligé d'approuver sinon peut-être dans les intentions.

 

Le sous-titre Femme poésie lui convient à merveille. Mais la poésie ne lui est pas apparue essentielle quand elle est devenue femme; elle en a eu en effet le goût, ainsi que celui des mots, dès l'école enfantine.

 

Après guerre, son engagement et ses fréquentations l'amènent à adhérer au parti communiste; ses goûts pour la poésie et pour les mots, la conduisent à suivre des cours de théâtre à Genève et à en faire.

 

Le 27 mai 1953, elle rencontre Pierre Hofstettler après son récital à Yverdon. Son nom de scène est Pierre Boulanger (comme le métier de son père), son patronyme étant considéré comme imprononçable.

 

À la Pâques 1955, Mousse et Pierre Boulanger se marient. Et sont inséparables jusqu'à la mort de ce dernier en 1976. Ensemble ils font de la radio et de la scène, où la poésie occupe une place de choix.

 

Ses engagements de féministe, de syndicaliste, ses rapports avec Corina Bille, Jacques Chessex (avec lequel elle se fâche puis se réconcilie...), Maurice Chappaz, René Prêtre ou Janine Massard, la dépeignent.

 

Car c'est une femme courageuse (elle a oeuvré pour que la correspondance de Vio Martin et Gustave Roud soit publiée in extenso...) et appréciée, bien qu'elle soit l'emmerdeuse, comme elle se qualifie.

 

Heureusement la poétesse, aujourd'hui solitaire, et privée d'écho à sa révolte parce que le monde a changé, ne tombera pas dans l'oubli grâce à cette biographie qui rend justice à son talent et à son humanité.

 

Francis Richard

 

Mousse Boulanger - Femme poésie: une biographie, 240 pages, L'Aire (à paraître)

 

Un livre de Mousse Boulanger à L'Âge d'Homme:

 

Les Frontalières (2013)

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21 juin 2021 1 21 /06 /juin /2021 17:15
Courir dans les vagues, de Harry Koumrouyan

Pour Simon, son père était une silhouette évanouie, une ombre qui avait disparu. La transparence d'un fantôme. D'ailleurs avait-il jamais existé? Simon finissait par en douter, comme s'il s'agissait d'un homme dont le temps a effacé les traces.

 

Simon vit en duo avec sa mère Pauline depuis toujours. Ils habitent un appartement modeste et exigu, au troisième étage d'un immeuble, rue Leschot, à Genève. Lui dort dans la chambre, elle, dans le salon.

 

Ce qui déclenche chez Simon une réelle quête du père, ce sont les confidences d'Alicia, la nouvelle élève, qui a pris place à côté de lui en classe et qui est revenue de Montevideo, où naquit Jules Supervielle.

 

Alors il interroge une nouvelle fois sa mère sur son père, mais celle-ci ne sait vraiment pas ce qu'il est devenu. Elle a perdu la trace de Matt Eastland, qui, parti sans crier gare, n'a jamais su qu'il allait avoir un fils.

 

Tout ce que Pauline peut raconter à Simon, ce sont les circonstances dans lesquelles elle a connu Matt, et tout ce qu'elle peut lui conseiller, en désespoir de cause, c'est de s'adresser à une certaine Renée Davel.

 

Cette dame, qui avait embauché Pauline aux Nations Unies, est une amie de la grand-mère de Matt. Laquelle veut bien l'aider mais, après avoir cherché un moment, ne retrouve que les coordonnées d'Hannah.

 

Hannah est la soeur de Matt. Après l'avoir jointe aux États-Unis par téléphone, il n'est guère plus avancé. Elle n'a plus de contact avec son frère. Simon n'a toujours pas d'autre élément qu'une photo du père.

 

Certes il  y a eu une présence masculine dans la vie de Simon enfant. Quand il avait six ans, Lionel, qui sortait avec Pauline, avait occupé un temps la place sinon d'un père, du moins celle d'un grand frère.

 

Mais Lionel s'en était retourné dans son Portugal natal, parce qu'il avait la nostalgie du pays. Aussi n'avait-il jamais été un père de substitution pour Simon et était-il reparti d'où il était venu pour se retrouver.

 

Une fois sa quête commencée, en dépit des faibles indices qu'il a, il la continue aussi bien à Genève qu'aux États-Unis, avec persévérance, ce qui n'exclut pas pour autant qu'il n'ait des moments de découragement.

 

Finalement, parvenu au terme de sa quête, il se rend compte que si l'on ne choisit pas ses parents, il vaut mieux juste savoir ce qu'ils sont réellement. Comme le lui a dit un jour Raffy, rencontré à New-York:

 

La réalité, on est bien obligé de l'accepter. Ensuite, on s'arrange le mieux possible avec elle et si elle nous brutalise vraiment, on essaie de la calmer comme on peut.

 

Francis Richard

 

Courir dans les vagues, Harry Koumrouyan, 316 pages, Éditions de l'Aire

 

Livres précédents:

Un si dangereux silence (2016)

L'impératrice des Indes (2018)

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20 juin 2021 7 20 /06 /juin /2021 12:00
Mais des choses pareilles !, de Joël Cerutti

En Valais, il y a ceux qui ont réalisé des affaires avec Kamerzin et qui sont restés amis avec lui. En Valais, il y a ceux qui ont travaillé avec Kamerzin et qui ne sont plus copains avec lui.

 

Jean-François Kamerzin, qui se fait appeler JFK2, règne sur le Valais, lequel lui a permis de gagner ses cent premiers millions. Il ne les a pas mis dans une banque, mais dans une armoire transparente, en plexiglas, dans la galerie d'une ancienne mine d'or, bien gardée.

 

Ces cent millions, il ne les montre pas à n'importe qui. Samuel Rinaldi fait partie des happy few, parce que, dans un premier temps, JFK2 l'a à la bonne, après qu'il a sauvé la vie d'un des hockeyeurs du club qu'il préside et sans la présence duquel il n'aurait pas d'avenir.

 

Seulement Samuel a commis un crime de lèse-majesté en s'intéressant à sa fille Betty, qui, ce qu'il ne soupçonne pas et ne peut pas comprendre, a également des sentiments pour lui. Sans l'exclusion musclée de Samuel, opérée par ses sbires, il n'y aurait pas eu de casse.

 

Car Samuel va dès lors monter une opération pour dérober ces cent millions en coupures violette de mille francs. Et, pour ce faire, il va s'entourer d'André Bourban qui connaît bien la montagne, d'Anna Da Silva, la mécanique, et de Jaerg Kalbermatten, les explosifs.

 

C'est l'histoire de ce casse que raconte ce thriller-raclette écrit par Joël Cerutti, où le fromage est représenté par les billets de banque, porté à ébullition par le casse, avant que la raclette ne le répartisse entre les quatre comparses, soit vingt-cinq millions chacun.

 

Évidemment des choses pareilles ne peuvent se produire tout à fait comme prévu. Le lecteur, qui sait par le prologue qu'il y aura un hic final, n'apprend les détails de l'opération rocambolesque qu'au fur et à mesure de son déroulement, lequel connaît bien des avatars.

 

Il faut que le lecteur soit vraiment de mauvaise composition pour ne pas s'amuser en lisant ce polar, où la satire et les invraisemblances ne peuvent que conduire au sourire, et, pourquoi pas, au rire, et où le rôle joué par un lutin asexué auprès de Samuel est déterminant.

 

Francis Richard

 

Mais des choses pareilles !, Joël Cerutti, 320 pages, Éditions du Roc (à paraître)

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19 juin 2021 6 19 /06 /juin /2021 15:00
Vert Samba, de Charles Aubert

Je donnais toujours à mes leurres un nom composé de sa couleur dominante associé à celui d'une danse évoquant sa manière de se mouvoir dans l'eau. Vert Samba portait bien son nom. Vert comme la jungle amazonienne, il évoluait sous l'eau en se dandinant à la manière d'une danseuse de samba au carnaval de Rio.

 

Niels Hogan est ex-directeur commercial. Il s'est retiré du monde et des gens qu'il ne comprenait plus pour s'installer dans une cabane au bord de l'étang de Thau, où il fabrique des leurres pour la pêche. Pour conjurer ses peurs, ses obsessions, il lit notamment Sun Tzu et le Hagakuré.

 

Niels vit avec Lizzie Kieffer, une jeune journaliste, qui s'est associée avec Vincent Massaud, journaliste et photographe, pour créer un journal d'investigation en ligne, le Cormoran Inquirer, canard qui s'est fait un nom par ses révélations sur des scandales politico-financiers. 

 

Lizzie est la fille de Vieux Bob, qui a hérité du restaurant d'Alex. Elle a retrouvé son père des années après que, sans donner d'explications, celui-ci a déserté le foyer familial, laissant derrière lui resto, femme et enfant, pour refaire sa vie au milieu des étangs salins du sud de l'Hérault.

 

Alex a légué son exploitation ostréicole et sa maison sur pilotis à un ESAT (établissement et service d'aide par le travail), qui accueille une cinquantaine de personnes en situation de handicap et qui est dirigée par Nora Mahé, laquelle marche à l'aide d'une canne depuis une mauvaise chute.

 

Paddy, le père de Niels, revient d'une séance photo en Andalousie. Cet Irish Traveller, plein d'énergie, est en effet bel homme. Il s'exprime toujours dans un mélange détonant de français, d'anglais, de gaélique et de shelta ou plutôt de gammon, la langue secrète des nomades irlandais.

 

Le cadavre d'un homme est découvert sur l'étang en face de l'ESAT. Serge Malkovitch, capitaine de la Section de recherches de la gendarmerie de Montpellier, et Vincent (qui est son amoureux discret) viennent l'annoncer à Lizzie, Niels et Paddy, attablés dans le resto de Vieux Bob.

 

Menée parallèlement par Serge d'une part et par Lizzie et Vincent de l'autre, sans parler de Niels, l'enquête commence à peine qu'un deuxième cadavre est découvert. Comme le premier, il s'agit de celui d'un ostréiculteur, qui a pris une balle dans la tête et porte le même tatouage sur le bras:

 

Une tête de mort avec des marteaux d'armes croisés, le tout encadré de deux lettres en caractères gothiques. Un D et un M.

 

Tous ces protagonistes se retrouvent mêlés à cette histoire de meurtres. Dans ce genre d'histoire, ce sont souvent les détails, tels les tatouages des victimes, et le passé, qui permettent de la démêler. Ce sera pour Niels l'opportunité de faire grandir l'enfant peureux qui était en lui jusque-là.

 

Francis Richard

 

Vert Samba, Charles Aubert, 320 pages, Slatkine & Cie

 

Livre précédent:

 

Rouge Tango (2020)

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17 juin 2021 4 17 /06 /juin /2021 22:55
La mort du hibou, d'Ann-Kathrin Graf

Ma mère, c'était un hibou. Celui des livres, des sorcières, de la nuit, celui qui vous fait peur quand il tourne tout à coup la tête pour vous regarder de dos. Celui dont on entend le cri dans la nuit noire, ce cri qui vous glace le sang et qui sort de la nuit des temps. Celui qui vous rappelle que l'heure de la mort n'est jamais loin.

 

Sarah vient consulter. Elle va être mère, elle angoisse si c'est une fille. En attendant, elle pense à sa mère, qu'elle compare à un hibou: elles ne se comprenaient décidément pas et étaient tellement dissemblables.

 

Dans la salle d'attente du gynécologue, les effluves de l'enfance la prennent à la gorge. Une reproduction de différentes études de Kandinsky sur le mur de droite n'y est pas pour rien: leurs couleurs se mettent à vibrer. 

 

Elle profite de ses longues minutes d'attente pour refaire le voyage de sa vie et de l'emprise qu'avait sa mère sur elle et à laquelle elle n'échappait qu'en s'isolant, ce qu'elle aimait, tout en en souffrant, le prix à payer.

 

Dans cette remontée à la source de ce qu'elle est devenue du fait de l'omniprésence de sa mère dans sa vie, il y a un avant et un après les deux ans que celle-ci aura passés en EMS et qui la transfigurent peu à peu.

 

Car le contraste est grand entre la femme rebondissant en toutes circonstances, se montrant autoritaire ou charmeuse, pratiquant l'autodérision et l'humour, et la femme qui accomplit une lente descente vers la mort.

 

Dans son récit sa fille mêle ses souvenirs d'avant aux visites qu'elle lui rend dans des hôpitaux, dans une clinique psychiatrique ou à l'EMS. À la fin le tri se fait; elle a cette révélation sur elle, aveugle sur le tard:

 

Durant son avancée vers la mort, elle s'était dirigée vers la lumière. 

 

Francis Richard

 

La mort du hibou, Ann-Kathrin Graf, 148 pages, Plaisir de Lire

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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