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29 septembre 2023 5 29 /09 /septembre /2023 10:30
Rencontre à La Boisserie, de Christophe Gaillard

Deux anciens élèves d'un même collège parisien se rencontrent près de quarante-cinq ans plus tard, auréolés de gloire, mais désespérés de constater que les hommes ne savent que faire de leur liberté retrouvée.

 

Qui sont ces élèves? Georges Bernanos (1888-1948) et Charles de Gaulle (1890-1970).

 

Le collège parisien? Le collège de l'Immaculée Conception, 291 rue de Vaugirard.

 

Où se sont-ils rencontrés? À La Boisserie, gentilhommière champenoise, demeure des de Gaulle, à Colombey-les-Deux-Églises, où ils ont échangé céans, dans le jardin et dans la ménagerie.

 

Quand? Pendant la matinée du 5 décembre 1946, avant de partager un repas avec d'autres invités, dont André Malraux.

 

Que se sont-ils dit? C'est là que Christophe Gaillard fait oeuvre de romancier, mais très documenté, si bien que les tirades, entrecoupées de quelques longues didascalies, que l'un et l'autre s'adressent, sont plausibles, sinon probables.

 

Car, qui connaît les écrits et les actes de ces deux protagonistes, dont la considération de l'un pour l'autre est avérée, reconnaîtra que l'auteur a fait là de la belle ouvrage et ne les a pas trahis.

 

Bernanos et de Gaulle ont tous deux quitté la France en hommes libres, tous deux y sont revenus et n'ont jamais craint aucune férule ni aucun bâton.

 

Tous deux écrivent, de Gaulle au milieu de ses livres, proche de ses documents, Bernanos dans des endroits inconnus, sans se laisser influencer.

 

De Gaulle déplore le climat moral et intellectuel de la  France - sa grandeur est présentement mise à mal, son héroïsme discrédité, sa langue méprisée - et Bernanos que les gens courageux soient rares:

 

Comme de Gaulle, Georges Bernanos devenait un étranger dans ce monde nouveau. Un profond sentiment d'abandon, exacerbé par la honte des compromissions et des vilénies, l'empêchait d'écrire. Jamais la France n'avait connu de régime plus lamentable, jamais une telle corruption n'avait atteint ce degré dans le marchandage des postes et l'étalage des médiocrités assouvies.

 

Que diraient-ils l'un et l'autre aujourd'hui?

 

Peut-être qu'il est urgent, avant d'agir, de retrouver une vie intérieure, à laquelle nous convient les saints, les héros et poètes de France, et de ne pas désespérer, car ce pays s'est toujours redressé quand il semblait perdu, grâce aux mots et aux actions d'hommes tels que tous deux furent.   

 

Francis Richard

 

Rencontre à La Boisserie, Christophe Gaillard, 236 pages Éditions de l'Aire

 

Livres précédents:

Une aurore sans sourire (2015)

Chienne de vie magnifique (2018)

La glorieuse imposture (2021)

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26 septembre 2023 2 26 /09 /septembre /2023 16:45
Vie et oeuvre de Marcel Parnaan, de Joan Suris

S'il se cherchait, il n'a pas mis longtemps à se trouver. Visiblement il se sentait plus à l'aise chez les autres que chez lui-même.

Dit de lui T.S. Gervais, l'un des camarades d'études de Marcel Parnaan.

 

Tout indique qu'il s'intéressait de plus en plus aux peintres en tant que personnages, et non seulement en tant que créateurs.

Dit de lui Aristide Victor, l'historien de Swiss Wave: les artistes suisses à la conquête du monde.

 

On ne peut pas effacer toute trace de Marcel Parnaan de l'histoire de l'art. Son empreinte y est indélébile.

Dit de lui Patricia Sampere, journaliste intéressée par l'avant-garde artistique, et qui a omis de le compter parmi les Cinq artistes contemporains suisses qu'il faut connaître.

 

Pour écrire la Vie et oeuvre de Marcel Parnaan, Joan Suris donne donc la parole à ces trois témoins de cette figure de l'art contemporain, à chaque étape de son existence.

 

Aux yeux de tous, Marcel, qui raille l'arrogance des artistes qui se croient supérieurs au reste en leur lançant son T'es qui, toi ?, imite d'abord Robert Delaunay, puis Paul Klee, Claude Monet, Vassily Kandinsky, Jackson Pollock, Pablo Picasso, enfin des victimes contemporaines: Lionel Desforges, ré°èto, T.S. Gervais.

 

En fait Marcel Parnaan, ce génie des performances, n'imite pas, il incarne tour à tour chacun de ces artistes, suscitant l'incompréhension: un par an, au début, pendant cinq ans, et, après une interruption de dix ans, à la suite de l'incendie de son atelier, à un autre rythme, en s'attaquant aux plus célèbres de son temps.

 

À un moment, T.S. Gervais cite cette phrase tirée de son carnet de notes des Beaux-Arts:

Les bons artistes copient, les grands artistes volent.

Il omet de dire qu'elle est de Pablo Picasso, mais c'est un hommage indirect à Marcel.

 

En tout cas, l'art a transformé la vie de Marcel: il aura été non seulement sa raison d'être mais le véhicule de son existence, pour reprendre l'expression d'Aristide Victor.

 

Le dernier mot cependant, me semble-t-il, doit être laissé à Patricia Sampere qui ne doit pas trahir la pensée de son créateur romanesque:

Son commentaire tacite de l'élitisme du monde de l'art est formidable...

 

Francis Richard

 

Vie et oeuvre de Marcel Parnaan, Joan Suris, 132 pages, Presses Inverses

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25 septembre 2023 1 25 /09 /septembre /2023 20:15
Dystopique Cahier 1, de Léa Brach

Je m'appelle Mia, j'ai presque quinze ans et si tu lis ces lignes c'est que, comme moi, tu penses que le monde ne tourne plus très rond et que t'essaies de trouver des solutions.

 

Cette première phrase de Dystopique Cahier 1 est un bon début parce que de plus en plus de gens pensent, à raison,  que le monde actuel ne tourne plus très rond. 

 

La suite de ce cahier déçoit en bien le lecteur, comme on dit dans le canton de Vaud, parce qu'il sait que la fiction dont il est question n'est pas si dystopique que ça.

 

Certes nous n'en sommes pas encore là où le récit de Léa Brach  nous mène, mais nous n'en sommes plus très loin et ce bien malgré nous, contraints et forcés.

 

Le monde aseptisé, propre et sécurisé, qu'elle décrit n'est pas sans rappeler celui dans lequel l'Occident en particulier est tombé depuis les trois dernières années.

 

L'histoire se situe deux à quatre ans après, dans un avenir proche. Ce n'est guère rassurant parce que les probabilités sont grandes que le monde devienne tel quel.

 

La mère de Mia, Sophie, pharmacienne est devenue nettoie-tout, maniaque du propre. Son père, Jean, architecte, télétravaille sur un projet qui n'est pas emballant:

 

Je dois pointer les emplacements des nouvelles caméras de surveillance d'un collège.

 

C'est en effet un monde de surveillance dans lequel les gens vivent désormais, où la méfiance détruit les liens sociaux et où l'Autorité dicte les comportements.

 

Sa dernière trouvaille, ce sont les Thalès. Il s'agit de parfaits chiens-robots introduits dans les familles pour veiller à leur sécurité, leur santé et... leur bien-être.

 

En fait ce sont de redoutables mouchards programmés pour remettre les gens dans le droit chemin tracé par l'Autorité et lui dénoncer tous ceux qui s'en écartent.

 

N'en pouvant plus, Mia et son père décident de s'évader de ce monde infernal et liberticide. Pour ne pas être contrôlés par l'Autorité ils passent par les égouts...

 

Contre l'Autorité des rebelles se sont dressés, ils se nomment les Incognitos. Alexis, le voisin du dessus, le seul garçon resté en contact avec elle, les a rejoints...

 

La suite de l'histoire montre que le monde ne tourne plus très rond nulle part, que la société de surveillance mise en place par l'Autorité gangrène tout, partout.

 

L'espoir réside dans de jeunes personnes comme Mia, qui a du caractère et chez qui l'esprit critique et la soif de liberté n'attendent pas le nombre des années.

 

Mia a son franc-parler, proche du langage parlé de ses quinze ans, ses codes à elle pour résumer ses sentiments, qu'elle a la gentillesse d'expliciter au lecteur.

 

Son cahier est comme une bouteille à la mer adressée à celui-ci pour qu'il le transmette à son tour. Qui sait, la rencontrera-t-il peut-être un jour, en dissidence.

 

Francis Richard

 

Dystopique Cahier 1, de Léa Brach, 112 pages, crp'

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24 septembre 2023 7 24 /09 /septembre /2023 08:00
Vie imaginaire de Cornelius G., de Marie Perny

Ce jour-là, à ce moment-là, il est 21 heures, la vie de Cornelius G. bascule. A cet instant, il provoque le courroux des cieux en faisant une déclaration embrouillée relative à l'argent liquide qu'il porte sur lui, une somme pourtant inférieure à ce qu'il est obligatoire de déclarer aux douanes.

 

Cornelius vient de faire l'aller-retour Munich-Zurich dans la même journée. Un collègue du douanier qui l'a interrogé se souvient de lui à l'aller. Il n'en faut pas davantage pour que, l'incident étant signalé à leurs supérieurs, une enquête soit ouverte sur lui.

 

Au terme de cette enquête d'un an, il s'avère que ce vieux monsieur, quatre-vingts ans, a deux domiciles, l'un à Munich, l'autre à Salzbourg, et qu'il est allé chercher de l'argent sur un compte en Suisse pour financer le changement de ses valves cardiaques.

 

En septembre 2011, son appartement munichois est perquisitionné: il détient des tableaux et des dessins que son grand-père et sa tante ont peints ou acquis, des archives cachées par son père dans les tiroirs d'une commode aux tiroirs sans clés. Tout est saisi:

 

Lui, les oeuvres, c'est la même chose. Il en était le gardien. C'était sa mission.

 

Ce sont ses derniers liens avec ses morts, surtout avec son père. Celui-ci a été licencié de son poste de directeur du musée de Zwickau parce qu'il défendait l'art moderne allemand. Métis juif, sous les nazis il est devenu marchand d'art par la force des choses.

 

La collection paternelle, constituée avant et pendant la deuxième guerre, à son issue a été confisquée par les Américains puis lui a été rendue, les soupçons pesant sur lui ayant été levés; il n'avait pas été nazi, ni participé à l'extermination, ni n'en avait tiré profit:

 

Oui, en tant que quart-juif il a lui-même souffert de persécutions, oui il peut reprendre ses biens et le cours de sa vie.

 

En novembre 2013, alors que le vieil homme se bat pour récupérer la collection, un article paru dans un magazine parle de trésor nazi, accuse son père d'avoir travaillé pour Hitler et une tempête souffle sur lui, sur l'Allemagne, sur l'Europe, jusqu'aux États-Unis.

 

De cet homme réel, en lutte jusqu'au bout pour remplir la mission confiée par son père, mort avant de lui dire ce qu'il devait faire de la collection, Marie Perny fait un personnage de roman. Son livre n'est pas sa biographie, mais la Vie imaginaire de Cornelius G.

 

Ce personnage, plutôt spectateur qu'acteur, reposera finalement en paix. Sa fin venue, les oeuvres auront été mises à l'abri, du moins celles qui n'auront pas été restituées à leurs propriétaires et qui avaient été acquises sans savoir qu'elles leur avaient été volées.

 

Lui qui a peint quelques toiles pourra dire d'outre-tombe à propos de toutes ces oeuvres qui étaient sa vie: Vous resterez pour toujours. [...] Vous êtes la trace inoubliable que quelque chose fut pour toujours. Toujours. Ce mot n'a aucun sens à l'échelle humaine... 

 

Francis Richard

 

Vie imaginaire de Cornelius G., Marie Perny, 96 pages, Éditions de l'Aire

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22 septembre 2023 5 22 /09 /septembre /2023 12:30
IMMpact, de Sébastien Devrient

Il y a quelque temps, je suis tombé par hasard sur un document qui depuis ne cesse de me hanter. Il s'agit d'un film réalisé par une femme lors de son expédition dans le Grand Nord sibérien. Son récit m'a bouleversé. J'ai voulu en savoir plus sur son histoire, sur cette femme, sur ce qui lui était arrivé. Alors j'ai mené une enquête.

 

Ainsi commence le préambule du roman de Sébastien Devrient.

 

Le fruit de l'enquête 1 menée par le narrateur sur Liza Andrée, ce sont huit pièces qu'il a rassemblées et qu'il livre au lecteur, pour qu'il juge par lui-même.

 

Au fil du récit, il se contente, en guise de liaison entre ces documents, de faire quelques brèves descriptions (en italique) pour situer les évènements dans le temps et dans l'espace...

 

Et, à la fin du récit, dans une postface, il ébauche une conclusion, analogue à celle que peut faire le lecteur après avoir pris connaissance du dossier.

 

Les pièces sont:

1. Un article paru dans Le Temps.

2. La déposition de Jean-Claude Butonnier, auteur de l'article.

3. Le journal de Liza Andrée.

4. Une description des dernières minutes de son film.

5. La traduction d'une autobiographie en anglais d'un certain Robert Arnaud.

6. La transcription d'un fichier audio enregistré par Liza Andrée.

7. Un mail de Jean-Claude Butonnier à un certain Pieter Van Geschloss.

8. La lettre de Liza Andrée laissée dans son appartement à son ex-mari.

 

Dans l'article du Temps, daté du 3 décembre 2016, Jean-Claude Butonnier donne les éléments essentiels sur l'expédition de Liza Andrée. Le lecteur doit les avoir à l'esprit s'il veut suivre les méandres de IMMpact 2:

 

  • Des géologues découvrent dans le cratère de Chukcha un cercle parfait de vêtements usés partiellement ensevelis et en son centre des bobines de Super 8.
  • Liza Andrée, après voir visionné ces enregistrements, décide de partir à la recherche de l'homme qui s'est filmé et d'en faire à son tour un film.
  • Elle part avec deux hommes, Hector et Tarek, respectivement preneur de son et cameraman.
  • L'équipe parvient au cratère mais Hector disparaît avec la même mise en scène que l'homme dont ils ont suivi les traces:

 

Quelque chose d'autre existait là-bas. Hector a eu le courage d'aller jusqu'au bout. Pour nous, il n'avait pas disparu, mais il était parti, seul, dans une nouvelle réalité, confie Liza Andrée au journaliste suisse.

 

Tous les autres documents du dossier précisent les éléments parus dans Le Temps, mais, quand le lecteur croit avoir compris de quoi il retourne en les parcourant, les doutes l'assaillent sur cette aventure aux frontières de l'imaginable.

 

Le livre pose en somme une question existentielle, c'est-à-dire que tout le monde peu ou prou se pose: existe-t-il un autre monde? Il va même plus loin, sans, bien sûr, apporter de réponse définitive: le passage entre la vie et la mort est-il à sens unique?

 

Francis Richard

 

1 - Sur son site, l'auteur publie douze clichés qui illustrent son récit.

2 - Sur la signification de ce titre, le lecteur ne sera pas plus avancé s'il fait une recherche sur internet qu'après avoir lu le livre, parce qu'il se trouvera face à différents acronymes sans rapport évident avec l'histoire.

 

IMMpact, Sébastien Devrient, 252 pages, Plaisir de Lire

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17 septembre 2023 7 17 /09 /septembre /2023 20:10
Le retour du bourdon, d'Hélène Dormond

J'ai conquis ma hiérarchie en passant pour un visionnaire: le Marcel, vu des hautes sphères, est un as du leadership collaboratif, subtil cocktail de confiance en soi, d'allocentrisme et de modestie.

 

Marcel Tribolet, le bourdon, n'est rien de tout ça. C'est bien sûr un terrible malentendu, mais il lui doit d'avoir été promu chef de la comptabilité et d'être même considéré comme un chef avant-gardiste.

 

Il défend tous les éléments de sa petite team face au DRH. Son animal totem assoit sa survie sur la variété, alors que Bonnard, le Self-fulfillement Chief Officer veut sarcler son carreau professionnel.

 

Il propose, pour souder son équipe, un escape game, animé par Amandine, son amie, la rousse incandescente. Bonnard approuve et obtient de lui in extremis son numéro pour faciliter les contacts...

 

Marcel a le béguin pour la belle Amandine mais n'a pas assez confiance en lui pour le lui dire. Elle est pour lui la reine des abeilles mais il redevient un lourdaud bourdon quand il la voit s'envoler.

 

Marcel est prêt à rendre service à tout le monde, notamment à sa voisine, madame Bally, qui, depuis qu'elle est veuve, a reporté toute sa tendresse sur son chat Félix, mais cela ne lui réussit pas.

 

Finalement, alors que ses initiatives semblent tourner court à chaque fois, le sort ne lui est pas si défavorable que ça, dans l'entreprise, dans ses relations avec sa voisine ou avec la belle Amandine.

 

Dans ces nouvelles tribulations de son bourdon, Hélène Dormond fait rire le lecteur, par les situations dans lesquelles elle le met, par les réflexions qu'elle lui prête, par les quiproquos qu'il génère.

 

Au-delà de son bourdon timide et attachant, son livre est une satire du monde, surtout professionnel, dans lequel nous vivons, qui se déshumanise et se ridiculise avec son vocabulaire anglo-saxon.

 

En tout cas, avec ses allures de pavé, Le retour du bourdon se lit d'une traite et le lecteur regrette, après l'avoir fini, qu'il ne se prolonge pas davantage et se prend à espérer en un autre come-back.

 

Francis Richard

 

Le retour du bourdon, Hélène Dormond, 404 pages, Presses Inverses

 

Livres précédents:

 

Liberté conditionnelle, Plaisir de Lire (2016)

L'envol du bourdon, Hélice Hélas (2017)

L'air de rien, Plaisir de Lire (2018)

Zone de contrôle, Plaisir de Lire (2021)

Sous les pavés, la rage, Plaisir de Lire (2022)

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15 septembre 2023 5 15 /09 /septembre /2023 22:25
La saveur du vent, de Fabienne Bogádi

À l'entresol où mon existence se consume, mon ordinateur est ma seule fenêtre sur le monde.

 

Via cet écran, la narratrice fait ainsi la découverte d'une cathédrale aux dix-huit flèches - si extraordinaire que le chien a cessé de tourner - et de bien d'autres merveilles.

 

Elle, qui est soumise à la Voix (qui s'exprime en italiques dans le texte), décide d'entreprendre sans elle le premier voyage de son existence, une évasion en somme.

 

Comme chaque soir, elle prend ce soir-là son somnifère, qui la fait sombrer et qui est censé lui éviter de faire des cauchemars, pour ne pas tourmenter la paix des couloirs.

 

À la faveur de ce voyage onirique, elle découvre un univers parallèle, qui est à l'opposé de la cage de ciment et de verre [...] où s'emprisonne [son] existence sans fantaisie.

 

Elle y retrouve ce qu'elle a vu sur l'écran de son ordinateur: le musée où un peintre est tout autant obsédé par les couleurs qu'elle l'est par les équations de son cahier noir:

 

Je poursuis avec obstination le cinquante-deuxième nombre parfait 1.

 

Une statue, Céleste, se met en mouvement, un appareil photo autour du cou; elle la perd de vue: c'est elle qui a photographié le musée, la cathédrale, vus sur son ordinateur. 

 

La narratrice perd aussi sa montre, n'a pas de carte pour retourner à son hôtel. Elle se fait agresser comme dans la vraie vie, mais une sauveuse la recueille chez elle la nuit.

 

Vêtue en acrobate, comme la soeur de sa sauveuse, elle s'y identifie, rencontre un musicien, pour lequel elle se dédouble encore, en Charlie, seul nom prononcé par la Voix.

 

Quand elle parvient enfin à la cathédrale, elle est plus belle encore que dans son souvenir, elle est plus présente aussi, elle est de chair, même si ses délires sont de pierre.

 

Dans ce monde surréel, elle a été libre mais elle a appris que la liberté a un coût et que, pour bien chevaucher ses rêves d'évasion, elle devra faire de sérieux préparatifs...

 

Francis Richard

 

1 - Un nombre est considéré comme parfait s'il est égal à la moitié de la somme de ses diviseurs.

 

La saveur du vent, Fabienne Bogádi, 128 pages, La Veilleuse (sortie le 15 septembre 2023)

 

Livres précédents:

 

Le corps déchiré, Olivier Morattel Éditeur (2014)

Les immortelles, L'Âge d'Homme (2019)

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14 septembre 2023 4 14 /09 /septembre /2023 22:25
La fille aux abeilles, de Monique Rebetez

Mon père est mort le 23 novembre 1988. On le trouva au petit matin, au volant de sa voiture, dans un ravin. Le taux d'alcool dans son sang était à presque deux pour mille. L'accident eut lieu le lendemain de la chute de ma mère dans les escaliers. Ils sont morts [le même jour] à quelques heures d'intervalle.

 

Léo, le narrateur, né le 12 avril 1981, devient orphelin ce jour-là. Il est élevé par ses grands-parents maternels, Paul et Annie. Mais c'est son oncle Laurent, qui, à 20 ans, deux ans plus tard, sera son tuteur.

 

Léo s'est toujours interrogé sur la curieuse disparition simultanée de ses deux parents. Or, bien longtemps après le drame, à 36 ans, il va faire opportunément des découvertes sur les lieux où leur destin s'est joué.

 

Avant que ne soit démolie leur maison, sise dans une cité pénitentiaire fermée en 2011, ce 8 juin 2017, il y fait une dernière visite, trouve dans une commode un ruban et dans un cahier une coupure de journal:

 

Cinq lignes en-dessous [d'une photo en noir et blanc] ce titre: "Sixième 8000 sans oxygène pour Matassa".

 

Il y a peu de chance que son père Walter ait eu connaissance de cet article. Il sent qu'il est tombé sur un élément important. Ses recherches le conduisent en Sicile pour y rencontrer l'alpiniste Giovanni Matassa.

 

L'histoire de Léo que raconte Monique Rebetez se passe donc en Sicile, dans l'ombre de la mafia, avec des retours en arrière en Suisse, à Bâle, où la tragédie initiale s'est produite et où il habite une colocation.

 

Léo est divorcé. C'est Nadia qui a rompu, après une pause. Ils se partagent dès lors leur fils Maxime, 7 ans, qui passe avec lui ses vacances et ses week-ends, une situation qui ne favorise pas sa vie amoureuse...

 

La fille aux abeilles? L'auteure ne dévoile son identité qu'à la fin. Par révélations successives et subtiles, les yeux de Léo se dessillent sur les secrets de famille qui lui ont été celés pendant des décennies.

 

Dans un film québécois qu'il a vu avec Nadia, Léo a entendu cette phrase: La mort, c'est jamais la fin d'une histoire. Une fois élucidée celle de ses parents, il peut dire enfin que c'est le début de la sienne.

 

Francis Richard

 

La fille aux abeilles, Monique Rebetez, 192 pages, Favre

 

Livre précédent:

 

Passage de la Déroute (2018)

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13 septembre 2023 3 13 /09 /septembre /2023 22:00
Besoin de lumière, de Michel Moret

Tout le monde, à tout âge, est, ou devrait être, en Besoin de lumière. Après le succès inattendu de Ceux qui rient sont ceux qui savent, Michel Moret remet l'ouvrage sur le métier.

 

À l'aide de douze textes courts, il donne un éclairage sur ce besoin, en ayant recours à la fiction. Dans le préambule du livre, il explique pourquoi il emprunte cette voie d'auteur:

 

[La littérature] est l'une des choses les plus importantes de la vie puisqu'elle permet de se rapprocher du réel absolu.

 

Dans Lumière de l'homme, Armando réalise qu'il a plus de temps libre que ses ancêtres, mais qu'en fait-il? Sait-il ce qui est bon pour lui? Si oui, il fera quelque chose de sa vie.

 

Dans Le Temps des roses, le narrateur se promène avec Samantha. Il est victime de la jalousie de la femme de l'ex de son amoureuse et conclut: Il n'y a pas de roses sans épines...

 

Dans Femmes lumière, le narrateur évoque avec son ami Adrien, les femmes qui ont embelli leur vie et les ruptures qui, au fond d'eux, leur ont infligé une blessure secrète:

 

Une blessure qui nous humanise et qui nous rappelle que nous aussi, nous avons infligé des blessures à autrui.

 

Dans Fleurs de lupanar, Julien devenu veuf y fait son deuil par des échanges répétés avec Carla. Un jour, il lui offre des fleurs, mais, du coup, leur affaire se termine sans mot dire. 

 

Dans Liaison délicate, la narratrice écrit à son amant, qui est son Cher abbé, pour lui dire qu'elle a transgressé tous les codes de la morale pour l'aimer avec ardeur et le confesser...

 

Dans Tous feux éteints, le narrateur parle de ruptures où les histoires d'amour sont comparées à des incendies qu'il est bien difficile d'éteindre sans succomber alors à la culpabilité.

 

Dans La Maison du hasard, Jean n'a pas d'héritier direct: il fait son testament pour qu'après sa mort ses biens soient répartis entre les personnes qui ont jalonné et embelli sa vie.

 

Dans Insupportable liberté, Yves, divorcé, la cinquantaine, souffre de solitude. Il est libre, mais ne le supporte plus, cherche l'âme soeur après avoir fait son examen de conscience:

 

Tout est possible dans l'existence, y compris le meilleur.

 

Dans Les escargots de Pauline, qui s'ébattent dans son jardin, le narrateur compare leur art de vivre et d'aimer à celui de sa maîtresse, lascive et dont la science fait durer le plaisir.

 

Dans J'irai méditer sur vos tombes, les utilisations de tombe laisse le narrateur rêveur. Il ne s'illusionne pas sur l'au-delà. Avant de prendre congé, il tombe dans les bras de sa Belle:

 

Quelqu'un a dit que l'amour était plus fort que la mort. Profitons-en.

 

Dans Pensées crépusculaires, l'auteur ne se montre guère optimiste. Il y fustige ses bêtes noires, mais il dit aussi, en véritable humaniste, que la plus belle chose du monde c'est:

 

Le rayonnement d'un visage humain.

 

Tous ces articulets - l'auteur emploie le mot pour désigner l'un des douze - mettent les personnes dans des situations humaines, trop humaines, où l'absence de spirituel leur nuit...

 

Le Besoin de lumière qu'elles ressentent ne peut être satisfait que grâce à la spiritualité, qu'ils la trouvent ou pas dans une religion de leur choix, ce que l'auteur laisse entrevoir.

 

Francis Richard

 

Besoin de lumière, Michel Moret, 80 pages, Editions de l'Aire

 

Livres précédents:

 

Le vieil homme et le livre (2021)

Ceux qui rient sont ceux qui savent (2022)

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12 septembre 2023 2 12 /09 /septembre /2023 21:50
L'échiquier, de Jean-Philippe Toussaint

J'attendais la vieillesse, j'ai eu le confinement.

 

Telle est la première case de L'Échiquier. Car ce livre de Jean-Philippe Toussaint comprend soixante-quatre textes comme autant de cases d'un échiquier. Il n'aurait pas été écrit sans le confinement. Ce n'est pourtant pas un énième livre sur la pandémie de Covid-19, pendant laquelle l'auteur se sera tissé un cocon d'écriture:

 

Ce que la crise nous apporte, qu'on le veuille ou non, qu'on s'en réjouisse ou pas, c'est une occasion unique.

 

Comment qualifier un tel livre? Il y a l'embarras du choix et Jean-Philippe Toussaint lui-même ne choisit pas. C'est en même temps un journal intime, une autobiographie, une introspection, un livre de réflexions sur la vieillesse qui vient, avec pour fil d'Ariane le jeu d'échecs qui aura occupé une grande place dans sa vie:

 

Je voulais que ce livre traite autant des ouvertures que des fins de partie.

 

Comme dans le jeu d'échecs, les cases où ce livre se joue n'ont pas la même importance, ni en dimension ni en signification. Les angoisses du présent y font remonter à la mémoire celles du passé. Le confinement qui aurait dû lui faire entrevoir les grandes mutations à venir le ramène toujours à son enfance et son adolescence.

 

Installé dans le confinement, il avance dans son autre projet d'écriture, une traduction de Zweig, parce qu'il a du temps disponible. Qu'il met également à profit pour s'interroger sur sa vocation d'écrivain, accomplie avec la bénédiction de son père qui aurait sans doute moins accepté que son fils un jour le batte aux échecs...

 

Pour lui, les échecs, qui sont le sujet de son premier roman, et la littérature ont partie liée. La nouvelle de Zweig qu'il traduit parallèlement est aussi sur les échecs. Selon ce perfectionniste, la vocation de la littérature n'est pas de raconter des histoires; l'écrivain n'a pas non plus à délivrer de message; la littérature est un art:

 

Dans le meilleur des cas, il peut se dégager d'un livre une vision du monde, un rythme, une énergie, et un échange d'intelligence et de sensibilité peut s'opérer entre l'auteur et le lecteur.

 

Dans ce livre inclassable, l'auteur essaie de mettre au jour quelque chose d'enfoui, pour délier en [lui] quelque chose de noué. Il s'y emploie avec une autre méthode de connaissance de soi que l'écriture romanesque et joue une partie subtile où le lecteur touche du doigt pourquoi il n'est pas devenu joueur d'échecs, mais écrivain.

 

Francis Richard

 

L'échiquier, Jean-Philippe Toussaint, 256 pages, Les Éditions de Minuit

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Nue  (2013) 

Football (2015)

La clé USB (2019)

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9 septembre 2023 6 09 /09 /septembre /2023 19:25
Trois âmes soeurs, de Martina Clavadetscher

Notre plus grand pouvoir est celui d'inventer.

 

Cette vérité n'est pas réservée à l'invention littéraire, elle est comme une loi de la nature humaine. C'est elle qui permet au genre humain d'échapper aux contraintes de son environnement.

 

Dans ce roman, Trois âmes soeurs ont fait cette découverte. Il se trouve que ce sont des femmes qui, au cours des deux derniers siècles, sont en quête d'une liberté qui leur a été ôtée.

 

Iris vit à notre époque. Dans un penthouse new-yorkais, lors de rendez-vous à six heures et demie, elle raconte des histoires, à deux dames, Godwin et Wollstone, qui lui sont tout ouïe.

 

Avant de revenir à celle d'Ada Augusta Lovelace, qu'elle évoque seulement et qui, à l'époque victorienne, eut une folle vision qu'elle décida de suivre, elle commence par celle de Ling.

 

Ling travaille dans une usine qui fabrique des poupées, mais des poupées dont les corps immaculés ont des formes féminines et qui sont envoyées aux clients après avoir été conditionnées.

 

La pose de leurs têtes est la dernière étape. À ces machines anthropomorphes, il ne manque plus que la parole. Ling participe, sous la supervision de Nian, au développement d'un prototype.

 

À cette poupée de nouvelle génération, que Nian a baptisée Harmony, il s'agit en fait d'inculquer des combinaisons langagières pour qu'elle apprenne, jusqu'à ce qu'elle devienne autonome.

 

Ada, fille de Lord Byron, a fait la connaissance d'un inventeur d'une machine grandeur nature: il en étudiait une autre, une machine à penser, et lui avait proposé d'y apporter contribution.

 

Ada avait travaillé pour la postérité, car elle ne devait pas bénéficier, à son époque, de reconnaissance. Ling prendra le relais et donnera son prénom à son humanoïde intime et personnel. 

 

Pour Éric, le compagnon d'Iris, ces histoires sont terribles: il est possible de ne pas subir d'emprise en inventant, le meilleur chemin pour se réveiller dans un espace autre et totalement libre:

 

Les choses sont en mouvement. Toutes les choses.

Hommes et bêtes, plantes et champignons, planètes et étoiles.

Parce que tout vit.

 

Francis Richard

 

Trois âmes soeurs, Martina Clavadetscher, 272 pages, Zoé (traduit de l'allemand par Raphaëlle Lacord)

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7 septembre 2023 4 07 /09 /septembre /2023 19:50
Frères, d'Alexandre Jardin

Redécouvrir Emmanuel, le tirer de l'effacement, c'est donner son vrai nom à la liberté. Trois décennies après son exécution, je suis endeuillé de sa joie, veuf de notre tendresse.

 

Emmanuel Jardin, le grand frère d'Alexandre, s'est donné la mort le 11 octobre 1993, il y aura bientôt trente ans. L'approche de cet anniversaire lui a donné le courage de faire un livre sur leur fraternité.

 

Emmanuel est plus âgé qu'Alexandre de quelque trois ans. Parler publiquement de lui après tout ce temps est une manière d'exorciser sa disparition, qu'il aurait dû et pu empêcher, il en est encore persuadé:

 

Seule l'écriture rend le dernier mot face au réel glaçant et dégrippe l'âme. Mais j'écris moins pour révéler la connaissance fragile que j'ai d'Emmanuel que pour approfondir son mystère.

 

Le portrait qu'Alexandre Jardin trace de son frère depuis leur enfance jusqu'à sa mort tragique est contrasté, parce qu'Emmanuel est à la fois son opposé et son semblable, son anti-moi et tellement lui.

 

Il reste ambivalent face à ce frère tant estimé, tant oublié, tant critiqué, tant nié crétinement et condamné pour cette scène poisseuse d'abus sexuel, mais par ailleurs tant admiré pour sa poésie subtile.

 

Frères est le récit de leurs différences, Alexandre étant d'accord avec la vie et Emmanuel avec la mort, et de leurs similitudes, étant tous deux, comme tous les membres de la tribu Jardin, des extravagants:

 

Nés de cinglés, nous nous croyons du sang des héros, de celui des dieux voués à trottiner sous les étendards de la gloire.

 

Ce qui permet de surmonter la fripouillerie du destin qu'est la mort, de même que les sombres secrets que ce récit révèle sur le clan Jardin, c'est l'amour que les deux frères tiennent en haute estime.

 

Emmanuel est le frère mort, Frédéric, le vivant, dont Alexandre fait l'éloge funèbre anticipé: il laissera une empreinte alors que lui laissera des traces. S'il le veut, il dînera avec lui le 11 octobre prochain:

 

À table, nous ferons dresser trois couverts, dont un pour toi. Tu auras ta place, Emmanuel.

[...]

Ce soir-là, on sera des frères.

 

Francis Richard

 

Frères, Alexandre Jardin, 170 pages, Albin Michel

 

Livres précédemment chroniqués:

 

Laissez-nous faire!, Robert Laffont (2015)

Le roman vrai d'Alexandre, Éditions de l'Observatoire (2019)

Française, Albin Michel (2020)

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6 septembre 2023 3 06 /09 /septembre /2023 18:45
Un vélo pour Noël, de Pierre-Yves Maillard

Ce ne sont pas des mémoires, juste des histoires. Elles sont vraies, autant qu'un souvenir peut l'être. Je les ai vécues ou entendues de proches, qui m'ont aidé à les préciser. Elles m'ont marqué, instruit, alors j'ai eu envie de les raconter.

 

Dans l'avant-propos, dès la première phrase, Pierre-Yves Maillard annonce ce qu'est Un vélo pour Noël. Même si le lecteur n'a pas la même philosophie de la vie que lui, il ne peut qu'être intéressé, s'il est humaniste, par ce qui l'a marqué et instruit pour qu'il devienne le syndicaliste et l'homme politique socialiste qu'il connaît.

 

Car, au fond, on ne connaît que très peu de choses d'un homme tel que lui. On ne connaît que ce qu'en disent les médias et ce qu'on a pu retenir de manière bien imprécise de ses déclarations publiques. Raconter d'où il vient, les études et les rencontres qu'il a faites, est on ne peut plus révélateur de ce qui le fonde et de ce qu'il est.

 

Son grand-père maternel, Yves, est parti de chez lui à quatorze ans après avoir frappé le régent de son école. Xavier, dont le père a le plus gros domaine de la région, lui donne un jour sa chance alors qu'il est domestique chez de vieux paysans du village de son frère. Il devient le neuvième enfant de la famille, puis le gendre.

 

Si sa mère a des origines paysannes, celles de son père sont ouvrières. Son grand-père paternel, Alfred, qu'il n'a pas connu, maçon devenu contremaître, était un syndicaliste, mais chrétien. Aussi Pierre-Yves Maillard a-t-il eu une enfance entre ouvriers et paysans, dont la rivalité était réelle, mais qui s'est peu à peu estompée:

 

Je suis de ce monde du travail.

 

Pierre-Yves Maillard a habité le canton de Vaud, dans les quartiers populaires et immigrés, mais il a continué à fréquenter la campagne et son village d'origine dans le canton de Fribourg, pendant les vacances et les week-ends. Il était en quelque sorte étranger dans les deux lieux et a appris à ne pas juger trop vite les autres:

 

C'est la connaissance concrète des gens entre eux qui affaiblit les préjugés, pas les discours moralisateurs.

 

Ayant fait des études universitaires, il en retire des savoirs et de fortes amitiés, qui aident à passer les phases de doutes et emplissent l'année de moments heureux. Et continue son voyage enrichissant dans la société, acquérant un tour d'esprit sceptique, dans lequel il ne se laisse pas enfermer: il faut des convictions pour agir.

 

Comme son père, il respecte ceux qui reçoivent peu de la société et lui donnent beaucoup, constate que le travail rassemble et que les identités ont un pouvoir de division, en conclut que la seule force des perdantes et des perdants de toujours au casino truqué de notre système économique est l'union, se lance dans les combats.

 

Un tiers du livre est consacré à des récits de combats: ma cause, ce sera le service de ma classe sociale, se dit-il à la fin de ses études. Il n'est pas étonnant qu'il ne voie dans celle des entrepreneurs que poursuite de plus-values et de profits ou mauvaise gestion: il faut donc maintenir des emplois ou obtenir des plans sociaux.

 

Dans ces Petites histoires de la classe ouvrière, il serait injuste de ne pas reconnaître dans ses héros, hommes et femmes, du courage, de la détermination et de l'organisation. Ils ne font grève qu'en dernier ressort et font de réelles propositions d'amélioration et de développement quand ils sont possibles: on est bien en Suisse...

 

Mais le casino truqué dont l'auteur parle est une caricature du capitalisme qui est surtout prises de risques et qui, quand il n'est pas entravé par l'État et ses réglementations, ou quand il n'est pas de connivence avec les politiques, génère progrès et libertés comme l'histoire des deux derniers siècles le montre abondamment.

 

Francis Richard

 

Un vélo pour Noël, Pierre-Yves Maillard, 212 pages, Éditions de l'Aire

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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