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13 mai 2023 6 13 /05 /mai /2023 10:40
Un souffle à l'aube, de Sarah Najjar

Un souffle à l'aube est un roman graphique: sur la page le texte fusionne avec l'image en toute liberté et légèreté.

 

Le texte, poétique, de Sarah Najjar raconte l'histoire d'Alma, insomniaque depuis que son amie s'est donné la mort.

 

L'image est soit encre de Chine, soit aquarelle; le noir et blanc y alterne avec la couleur, la netteté avec la douceur.

 

Alma habite Lausanne et travaille à Berne. Sa vie, depuis son deuil, se résume à métro, boulot, et pas dodo...

 

Pour s'en sortir elle consulte, mais le médecin diagnostique une dépression et lui prescrit des comprimés.

 

Ses autres tentatives pour être soignée ailleurs s'avérant infructueuses, elle se résout à prendre ses cachets.

 

Mais les pilules ne résolvent pas son problème, au contraire. Elle finit aux urgences, puis en arrêt de travail.

 

Son loisir forcé conduit son esprit à des lectures sur la mort et la vie, son corps à des postures de yoga.

Un souffle à l'aube, de Sarah Najjar

Après avoir repris le travail, elle continue dans les bonnes résolutions en s'inscrivant à un cours de méditation.

 

Alma ne renonce pas au yoga, une nouvelle façon de vivre beaucoup plus centrée sur le corps et ses sensations.

 

Si l'insomnie ne disparaît pas, plutôt que de lutter contre, elle l'accepte et, quand elle prend le train, elle médite.

 

Au boulot, elle n'est guère satisfaite. Comme son père lui dit: entre l'être et l'avoir, il faut trouver le bon équilibre.

 

Un jour, le plus beau de sa vie, elle réussit à accueillir tout avec bienveillance et dort enfin, et change de vie:

 

Chaque petite parcelle de mon être

était à la fois détendue et pleine d'énergie.

Un souffle à l'aube, de Sarah Najjar

Quand elle se rend à Genève, dans le cimetière des Rois où son amie est enterrée, elle s'incline sur sa tombe.

 

Alma, après s'être connectée enfin avec le monde qui l'entoure, peut réduire la nuit à ce qu'elle est:

 

Une inspiration au crépuscule,

et un souffle à l'aube.

 

Francis Richard

 

Un souffle à l'aube, Sarah Najjar, 224 pages, Slatkine

 

Rendez-vous avec Sarah Najjar:

 

  • 3 mai - 12 juin: exposition de scènes inédites d'Un souffle à l'aube à la Bibliothèque de Carouge (dessins qui ne figurent pas dans le roman)

  • 13 mai: dédicaces de 14h à 16h à la librairie Sacrées bulles, Yverdon

  • 4 juin: dédicaces de 12h à 14h à la librairie Librerit, Carouge, Genève

  • 17 juin: dédicaces de 16h à 18h à la librairie Payot Morges

  • 18 juin: dédicaces au festival Delémont'BD

  • 24 juin: dédicaces de 10h-12h // 15h-18h chez Cultura, Ville-la-Grand, France

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11 mai 2023 4 11 /05 /mai /2023 11:15
Collectif Plaisir de Lire - Nouvelles inédites

Les éditions Plaisir de Lire fêtent leurs cent ans cette année. C'est un réel plaisir de lire qu'elles connaissent une telle longévité et continuité dans la qualité:

 

Pour l'occasion, la maison d'édition a lancé un concours d'écriture ouvert sur le thème du plaisir de lire.

 

Seize auteurs de Suisse romande ont répondu à cet appel et chacun, à sa manière, a composé, avec bonheur, un texte original sur ce thème de circonstance.

 

Compte tenu de leur nombre, plutôt que de rédiger une note de lecture sur chacun de ces textes, il semble préférable d'en reproduire des extraits, révélateurs.

 

Les éditions Plaisir de Lire ont publié ces Nouvelles inédites dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs. C'est dans cet ordre que les citations sont faites:

 

Le papier, ce côté palpable, matériel du livre, qui apporte un peu de substance à la lecture, on le lui a retiré: il doit revoir l'ensemble des documents à travers cette tablette depuis de longues années et même s'il apprécie son travail, il abhorre cette obligation à utiliser un écran. Et pourtant, aujourd'hui, il découvre une oeuvre qui le dépasse grâce à cette technologie. Pour la première fois, il a même éprouvé du plaisir à lire ce texte sur son écran.

Nicolas Comte, PDL

 

Mon amie est volage, elle va d'aventure en aventure, de bouquin en bouquin. Plusieurs jours durant, elle m'a fait partager son intimité, nous étions devenus inséparables, presque fusionnels. Elle n'était pas loin de penser que cette aventure que je lui faisais vivre avait été inventée pour elle. De mon côté, si tant est qu'un livre puisse s'éprendre de sa lectrice, alors, j'étais amoureux. Qu'elle rie, qu'elle pleure, qu'elle s'émerveille, elle avait tout pour me plaire. Et c'était réciproque.

Patricia Dom-Grillet, Et si les livres pouvaient parler...

 

Je suis avachi, caché sous les ailes de mon biplan qui fait désormais l'autruche. Il gît le bec dans le sable, avec ses deux grandes ailes difformes, lamentablement dépliées à ses côtés. Cet oiseau-là ne volera plus jamais.

[...]

Ce qui me retient encore de sombrer dans une éternelle obscurité, ce sont ces centaines de lettres qui jonchent le sol autour de moi.

[...]

Alors, pour oublier ma solitude et pour garder un lien avec les vivants, je lis les lettres des mères, des frères, des anciens amants...

Maud Hagelberg, Poste restante

 

Lorsque j'appris à lire, mon père me dit un jour que, de toute façon, ce n'était plus de mon âge d'écouter des histoires que je pouvais les lire par moi-même, mais je refusais.

[...]

Pour le petit enfant de huit ans que j'étais, la lecture devint une nécessité, une alliée, un lien transcendant le petit monde de ma vie matérielle, un horizon aux confins illimités, un père, une famille.

Benjamin Jichlinski, Les mots d'une enfance

 

Elle s'arrête. Ses pensées qui l'entraînent à nouveau dans leur ronde infernale doivent cesser. Elle connaît le meilleur moyen, caresse tendrement l'objet qui se trouve dans le creux de ses mains, s'apprêtant à embarquer pour ne plus revenir avant le petit matin. C'est pour cette unique raison qu'elle vient s'isoler chaque nuit dans cet endroit, à la lumière du lampadaire. Seul plaisir qui reste entier: cet ouvrage dont le papier s'effleure, se tourne, livre peu à peu les lettres assemblées, entre en danse, en transe et amène à une évasion dont on ne souhaite plus revenir.

Sylvie Kipfer, Évasion littéraire

 

- Chaque minute, chaque instant, je savais que je pourrais la perdre, qu'elle pourrait me perdre. Chaque enveloppe qui arrivait, je me disais: "C'est peut-être la dernière". Mais ce moment-là, celui où je la tenais dans mes mains, où je la respirais, où je scrutais l'encre, le timbre.., Ah... là, c'était la vie. Le soir, je me couchais sous les couvertures et, à la lueur d'une lampe de poche, je la lisais. Je lisais mon Hortense, enivré de plaisir.

Florence Marville, L'encre du front

 

Je gagnais des amitiés inespérées grâce à l'originalité de mon père. Il était capable de citer sans jamais sourciller des strophes, des extraits, des passages entiers tirés de ses innombrables lectures, de ses intimes dont nous n'égalerions ni les lettres, ni l'esprit. À mes yeux, leurs mots étaient devenus les siens.

Fabienne Morales, Se rire de l'archer

 

Dans sa somnolence, l'ancien poilu songe à ce retour et au futur qui l'attend. Il a bien écrit quelques lettres mais il n'a pas obtenu de réponse. Certaines sont mêmes revenues, non ouvertes, à l'expéditeur. Les postes françaises ne sont sans doute, elles aussi, plus ce qu'elles ont été. Un doute pernicieux s'insinue soudain dans son esprit. Charles le balaie afin de ne pas crever son coeur.

Yves Paudex, Effet miroir

 

Je continuai ma lecture, et je relus le poème plusieurs fois, les yeux rivés sur les mots, fasciné. Mais ce n'étaient pas mes yeux seuls qui étaient fascinés; mon esprit tout entier était pris par le jeu musical des sonorités et du rythme des vers français qu'entendait mon oreille intérieure; à cela s'ajoutait une compréhension merveilleuse du sens , de chaque mot, de chaque phrase, telle que je ne l'avais jamais éprouvée, ni en lisant, ni en parlant ou en écoutant ma langue maternelle.

Michel Pellaton, Heureux qui comme Ulysse...

 

Benjamin avait préparé des cartons de déménagement pour y mettre les livres et les quelques babioles qui se trouvaient dans la chambre. Il n'avait trouvé ni ordinateur, ni téléphone. Pas de téléviseur non plus. [...] Il s'était débarrassé de tout ce qui lui semblait inutile. [...] Il lui avait confié vouloir "apprendre à mourir" dans la sérénité et la sagesse, comme certains philosophes de l'Antiquité.

Sonya Pfister, Entre les pages

 

Il ne comprenait pas les écrivains qui étaient prêts à vendre père et mère pour un peu de lumière. Le succès, la célébrité n'apportaient pas le bonheur, seule comptait la satisfaction de savoir écrire, de dérouler un récit, une histoire, de créer. Et tant mieux si cela procurait du plaisir au lecteur. C'était le bonus. La littérature était pour lui l'art suprême, l'art absolu. Celui qui lui correspondait le plus, celui qui l'éloignait de lui-même, qui le faisait se dépasser, se surpasser.

Cornélia de Preux, Maître liseur

 

C'est le seul endroit où elle aime le jus de raisin, comme s'il fallait remplacer le sang offert par un liquide à teinte similaire. Le thé, c'est pour se réchauffer. Elle a dit oui aux couvertures et au coussin chauffant, il n'empêche, elle frissonne. Elle frissonne en pensant à l'autre fille, là-bas, dans son lit d'hôpital, s'en veut de lui avoir imposé des verbes irréguliers d'anglais, profite de la présence de l'infirmière pour demander qu'on lui passe le livre qui est dans son sac, le livre qu'elle a oublié de sortir, trop occupée qu'elle était de penser à l'autre fille.

Marilou Rytz, À celle qui lit là-bas

 

Les trois rayons inférieurs sont en désordre. Des romans anglophones en mauvais état, des ouvrages d'histoire, des livres de recettes et une vaste collection de guides touristiques qui ont perdu toute leur utilité. Un livre de poche tristounet, La planète mystérieuse, est l'unique livre de science-fiction de ma collection. Il gît seul au bout de la rangée, écrabouillé derrière un Larousse si ancien qu'il ne parle même pas de verlan. L'avenir ne devait pas beaucoup m'intéresser.

Alexandre Sadeghi, L'interligne

 

Avant de partir pour la gare de Cully, Jack jette un coup d'oeil à la proie de la buse. Ce n'est pas un déchet, c'est un livre. Un petit livre beige, moins de deux cents pages. Et dire qu'il a bousillé son vélo et sa story pour un fichu livre... Au fond il ne vaut pas mieux que cette buse idiote qui voulait manger du papier.

Matteo Salvatore, Le passage de la buse

 

Un livre, ça se choisit avec soin, avec amour, avec passion. Il faut que son idée à peine évoquée, déjà fasse saliver notre cerveau. Que notre envie s'éveille. Que notre curiosité soit à l'affût. Que sa couverture charme nos yeux. Que son odeur déclenche à elle seule un besoin animal de se blottir dans un coin avec son trésor et de gronder sur quiconque mettra un pied dans le territoire nouvellement délimité.

Éloïse Vallat, L'art délicat de la lecture

 

Sa bouche, qui semblait encore marquée par le sourire qu'elle avait adressé plus tôt, était habillée d'une barbe cendrée qui étirait son menton jusqu'à son livre:  Le Petit Prince. En découvrant le jeune blond aquarellé, tout de vert vêtu, debout sur une planète violacée, Samuel ne put contenir une exclamation. Discrète, certes, mais pas assez pour que le vieil homme n'ait rien entendu. Déjà, celui-ci avait quitté ses pages pour examiner son nouveau voisin. Et malgré le regard bienveillant de l'aîné, Samuel sentit immédiatement le feu lui monter aux joues.

Bryan Verdesi, Le rêvasseur

 

Puissent ces quelques morceaux, choisis en toute subjectivité, donner envie, et donc plaisir, de lire ces textes écrits pour célébrer un centenaire, gage de pérennité...

 

Francis Richard

 

Collectif Plaisir de Lire -Nouvelles inédites, 146 pages, Plaisir de Lire

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30 avril 2023 7 30 /04 /avril /2023 20:15
Ceux qui rient sont ceux qui savent, de Michel Moret

Méfions-nous de ceux qui croient savoir, mais cela ne constitue pas une raison pour ne plus chercher.

 

Michel Moret en publiant ces quelques textes brefs - neuf en tout et pour tout - a pensé au lecteur pressé d'aujourd'hui. Celui-ci, habitué à passer rapidement d'une chose à l'autre, à zapper, lui en sera certainement reconnaissant.

 

Dans Un lien sacré avec la vie, il raconte comment sa grand-mère, qui eut onze enfants accoucha toute seule de l'un d'entre eux au bord d'un ruisseau et aida sa fille, Berthe, c'est-à-dire sa mère, à accoucher de deux jumeaux:

 

J'avais trois ans et je ne cessais de scruter le ciel pour voir la cigogne qui avait été si généreuse. 

 

Dans Lecture du corps, il passe de celle de corps de vacanciers et d'amants à celles faites par un médecin intéressé par le bon fonctionnement des organes et par un médecin légiste qui déterminera probablement l'identité de l'assassin:

 

Le corps a ses raisons que la raison ne connaît pas.

 

Dans Rencontre inhabituelle, en Ouganda, il raconte sa rencontre avec un gorille qu'il imagine l'entretenir des mystères de l'existence, c'est-à-dire de la vie, de Dieu, du monde, qui a toujours été obsédé par l'idée de la fin:

 

On m'a dit un jour que des étudiants de Mai 68 avaient inscrit sur un mur: "Si Dieu existe, c'est son problème". Ils étaient malins comme des singes.

 

Dans Changement de train, une phrase à propos du photographe Yvan Dalain, juif qui avait défendu la Suisse et sa gestion de certains capitaux pendant la Seconde Guerre mondiale, Michel Moret écrit cette phrase de grande portée:

 

Sous toutes les latitudes, les artistes se heurtent à l'esprit dogmatique de leur milieu.

 

Le fleuve de la vie ne tarit pas est un hymne au bonheur, même si tous les corps ne sont pas égaux dans la résistance au temps et que le destin nous joue des tours parfois scabreux. Ainsi la nuit est-elle propice à la réminiscence et au sens:

 

Toutes les recherches scientifiques et poétiques ont le même socle: l'observation.

 

Le loup et le cerf est une réflexion sur le prédateur et sa proie. Michel Moret établit un parallèle entre ceux qui défendent le développement du loup et ceux qui défendent Poutine, le tueur universel. Il exprime le voeu que sa dame l'humanise:

 

Le mal que l'on fait à autrui, on le fait d'abord à soi-même et à son peuple.

 

Dans Débordements de l'âme, il raconte l'histoire d'une dame inconnue de la famille d'un défunt, venue déposer une rose sur la tombe de celui-ci, tombée en pâmoison, emmenée à l'hôpital. À tort, les commentaires allèrent bon train, en réalité:

 

L'étude des hommes est plus compliquée que l'étude des étoiles.

 

Il est apaisé par Le sourire de Notre-Dame des neiges dans l'aire où des réfugiés juifs passèrent sept décennies plus tôt et où il s'arrête avec son filleul de six ans, qui lui a confié son angoisse d'aimer un jour deux femmes au risque de les blesser toutes deux:

 

Que ce soit en Histoire ou en amour, certaines questions restent sans réponse.

 

Dans Pisser en Suisse, c'est-à-dire en solitaire, il doute parfois que la Suisse existe. Construite autrement, elle a retiré de sa neutralité un bénéfice moral et matériel; n'a pas développé le culte de la personnalité; contrainte, a relevé le défi de la finance.

 

Aujourd'hui le récent métissage franco-suisse est particulièrement fécond:

 

Les Français apportent leur esprit frondeur et aristocratique et les Helvètes, leur pragmatisme et le sens des responsabilités.

 

Si chaque Suisse a sa France, la sienne, c'est sa bibliothèque:

 

Montaigne, Victor Hugo, Flaubert et Balzac pour ne citer que ceux qui renouvellent mon coeur et mon esprit.

 

Francis Richard

 

Ceux qui rient sont ceux qui savent, Michel Moret, 64 pages, Éditions de l'Aire

 

Livre précédent:

Le vieil homme et le livre (2021)

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29 avril 2023 6 29 /04 /avril /2023 22:55
Le bananier de Porcieu, de Robin Des Champs

Copperdick connaît justement un possesseur de tatouage représentant ce fameux Wolfsangel...

Il souhaiterait volontiers qu'on l'aide à le faire disparaître de la surface de la planète...

 

Ces deux phrases se trouvent à la fin du prologue de ce livre. Dans un roman, policier de surcroît, c'est souvent important de prêter attention au prologue...

 

Un groupe de reggae, les Apathic Jams, venus de Colmar, doit se produire le samedi 13 août 2022 dans le petit village de Porcieu-Amblagnieu, 1759 âmes:

 

La salle des Marinières peut accueillir 2000 personnes !

 

Ils sont quatre musiciens, un batteur, Ralph, un trompettiste, Ducksy, un guitariste et un clavier, Jomi, deux chanteuses, Susan la rousse et Betty la brune.

 

Pendant le concert une bagarre se déclenche: pour certains des Blanches ne devraient pas s'approprier la culture rastafari, pour d'autres s'exhiber à moitié nues.

 

Cette altercation fait surtout une victime: dans la mêlée Susan est poignardée et scalpée: deux touffes de ses cheveux, des dreadlocks, ont été découpées.

 

À quelques centaines de mètres du lieu se dresse Le bananier de Porcieu. Le lendemain du concert un des deux amas sanglants de dreadlocks y est retrouvé.

 

La capitaine de gendarmerie Patricia Cerise ne dispose guère d'éléments: les membres du groupe n'ont rien vu; la fouille de la salle, des environs, n'a rien donné. 

 

Reste à étudier les images prises par les caméras de surveillance. Se pose la question de savoir si c'est la même personne qui a scalpé et poignardé la victime.

 

En tout cas les images vidéo permettent de se rendre compte que quatre minutes se sont écoulées entre la première action (le scalp) et le coup de poignard.

 

La capitaine Patricia Cerise, sous la direction du commandant Samuel Belliard du PJGN, Pôle judiciaire de la Gendarmerie nationale, interroge les témoins.

 

Cette affaire d'après-Covid s'avère compliquée. Peut-être que surveiller le bananier serait de quelque utilité pour connaître ou l'agresseur ou les agresseurs.

 

Lequel des mobiles, pouvoir - c'est-à-dire politique -, sexe - c'est-à-dire passion -, ou argent - c'est-à-dire appât du gain-, explique-t-il ces agressions contre Susan?

 

Robin des Champs, qui a habitué ses lecteurs à ses projections dans le futur, colle cette fois à l'actualité de l'été 2022, où une crise a succédé à celle de la Covid.

 

Après rebondissements, on sait à la fin si les deux agressions commises contre Susan ont un lien entre elles et si le prologue donnait un indice prémonitoire...

 

Francis Richard

 

Le bananier de Porcieu, Robin des Champs, 240 pages, Éditions Robin des Champs

 

(robindeschamps69@gmail.com pour la version papier, à la FNAC pour la version numérique)

 

Livres précédents:

 

La trilogie 2148:

2148 - Le Terminal (Requiem Écologie) (2017)

2148 - Liberté (2019)

2148 - Futur antérieur (2022)

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25 avril 2023 2 25 /04 /avril /2023 10:50
Un ami presque parfait, de Patrick Claudet

C'est dans ce contexte  qu'il fit la connaissance de son colocataire.

 

Lui, François Monney, est romand, son colocataire Franz Meyer, alémanique. C'est peu de dire qu'il a de la prévention envers ce dernier, surtout après ce vote historique qui a vu, le 6 décembre 1992, le rejet de justesse par le peuple suisse de l'adhésion à l'Espace économique européen.

 

Ils habitent un garden flat à Ealing. François et Franz pensent qu'ils ne seront jamais amis, en raison de la barrière des langues: le peuple a dit non grâce à la partie alémanique du pays. François s'indigne du paternalisme de Franz, qui se veut protecteur, mais ils ont un terrain d'entente:

 

Peu importe finalement si les Welsches et les Bourbines ne se comprenaient pas; leurs réflexes quotidiens se rejoignaient à la caisse du supermarché. Certes, le service militaire et la démocratie directe comptaient, mais c'était du pipi de chat en comparaison de Coop et Migros.

 

Huit ans plus tard Patrick Claudet balade le lecteur entre Genève et Zurich, où François et Franz résident respectivement. François travaille pour un magazine de tourisme, Franz pour une entreprise qui fabrique des brossettes pour les dentistes. L'un est journaliste, l'autre comptable.

 

Au même moment, François est atteint par sa rupture avec la comédienne Carole Berger qui le trompe avec un Alémanique, Franz par le burn-out qu'il connaît au bureau où son chef, Sven Minder, vient de lui imposer une collègue, Manon, une Française qui lui fait du rentre-dedans.

 

Franz et François, en dépit de leurs préjugés, sont devenus des amis qui se disputent comme un vieux couple. Leur histoire racontée par l'auteur est jalonnée de références à des épisodes survenus en Suisse dans les années 1990 mettant aux prises Romands et Alémaniques.

 

Le clou de cette satire sur cet antagonisme se déroule lors d'une soirée organisée dans un palace genevois, comprenant un repas de charité suivi d'une vente aux enchères au bénéfice d'une association, à laquelle participent François et Franz et où ils risquent de ne pas bien se tenir.

 

Leur amitié incompréhensible n'en est pas moins une amitié avec des conséquences pour les deux. François ne saura jamais à quel point Franz est Un ami presque parfait. S'il fallait résumer cette amitié, peut-être faudrait-il citer ce qu'il lui dit un peu plus tard quand ils se revoient:

 

De toute façon, il n'y a pas grand chose à dire au sujet des Romands et des Alémaniques. On n'a rien à voir les uns avec les autres mais on vit très bien ensemble, fin de l'histoire.

 

Francis Richard

 

Un ami presque parfait, Patrick Claudet, 312 pages, Éditions de l'Aire

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18 avril 2023 2 18 /04 /avril /2023 22:55
Le nageur, de Pierre Assouline

S'il y a une leçon à méditer de l'enseignement des Anciens, c'est bien celle-ci: l'éducation d'un homme n'est pas complète s'il ne sait pas nager.

 

Le nageur est l'histoire d'un homme complètement éduqué, Alfred Nakache, originaire de Constantine en Algérie, où il est né en 1915.

 

Un homme, c'est sa ville, écrit Pierre Assouline. Et Constantine n'est pas une ville comme les autres. Alfred y habite le quartier juif:

 

Ce n'est pas vraiment un ghetto puisque le passage y est libre.

 

Alfred n'est pas non plus un nageur comme les autres:

 

Son style, si l'on peut dire, est tout sauf gracieux, élégant, délié. Il compense par la puissance de ses bras et de ses cuisses.

 

Pour réussir, à haut niveau, dans son sport, Alfred doit partir pour Paris, où il intègre le lycée Janson-de Sailly et le Racing Club de France:

 

Deux lieux privilégiés, huppés, sélectifs, où l'entre-soi ne dispense pas de cultiver l'excellence.

 

Pour Alfred l'essentiel, avant la performance, est de prendre du plaisir. Mais l'un n'empêche pas l'autre et les résultats sont là pour Artem1.

 

Lors des compétitions il fait la connaissance de son meilleur ennemi, Jacques Cartonnet, un athlète différent, physiquement et mentalement.

 

Autant Cartonnet  a des facilités et s'en tient au strict minimum, autant pour Nakache tout est dans l'effort afin de donner le strict maximum.

 

Nakache dispute les Maccabiades en 1935 à Tel-Aviv et les Jeux Olympiques en 1936, à Berlin, dans une ambiance tendue, comme on imagine.

 

Nakache l'emporte sur Cartonnet; il sait créer les conditions du surgissement de l'imprévu et de l'étincelle qui lui permet de monter sur le podium.

 

Après la débâcle les rivaux se retrouvent tous deux à Toulouse, Cartonnet au Racing Olympique, Nakache aux Dauphins du TOEC:

 

Le plus titré des nageurs français en activité n'en reste pas moins fidèle à lui-même, toujours aussi joyeux, blagueur, discret.

 

Il ne fait pas bon être juif au cours de ces années sombres où les lois, sous la pression des nazis, restreignent de plus en plus leurs libertés.  

 

Après la rafle du vélodrome d'Hiver à l'été 1942, les événements se précipitent. En 1943, Nakache n'est pas le bienvenu au championnat de France.

 

Par solidarité, d'autres nageurs de haut niveau boycottent les épreuves et sont sanctionnés... De lui-même, d'ailleurs, Nakache renonce.

 

En fait il est en équilibre instable sur une ligne de crête:

 

Le jour, il s'entraîne au vu de tous; le soir, il se produit officiellement; la nuit il résiste clandestinement.

 

Fin 1943, sur dénonciation (de Cartonnet?), Nakache puis sa femme Paule et leur fille Annie sont arrêtés, transférés à Paris, puis à Drancy.

 

Déporté, en janvier 1944, à Auschwitz, où il est séparé de sa femme et de sa fille qu'il ne reverra plus, puis à Buchenwald, il s'en sort.

 

À la Libération, il revient à Paris, puis à Toulouse. S'il a survécu, il le doit à sa constitution physique. Il va à nouveau nager pour ne pas couler:

 

Derrière tout grand nageur, il y a un grand entraîneur.

 

À Toulouse, il retrouve son entraîneur qui lui réapprend à marcher avant de lui réapprendre à nager. Il reconquiert musculature et puissance.

 

Il retrouve sa volonté de nager, de concourir et de gagner et participe au championnat de France en 1946, aux Jeux Olympiques en 1948.

 

À la retraite, en 1976, il s'établit à Cerbère avec sa seconde femme, Marie. Chaque jour il boucle son kilomètre de nage dans le port de la petite ville.

 

Après une alerte cardiaque, lointain héritage des camps, en août 1983, il reprend l'entraînement, fait une dizaine de mètres et de battre son coeur s'arrête:

 

Le récit de son existence pourrait tenir en une phrase: il est né, il a nagé, il est mort.

 

Francis Richard

 

1 - Le surnom qui lui a été donné.

 

Le nageur, Pierre Assouline, 256 pages, Gallimard

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14 avril 2023 5 14 /04 /avril /2023 22:55
Bourama - L'arbre et le sage, de Patrick Lachaussée

Bourama Sanago est un vieux sage. Il est né en 1897. Il avait été mobilisé en 1915 et avait combattu pour la France, au Chemin des Dames, puis il était revenu au pays, au Mali. C'était un survivant.

 

Ce 13 avril 2009, il est assis sous le baobab, un peu à l'écart du village, quand il sent une odeur de gaz. Il regarde vers la place du village où se trouvent les villageois: les corps se tordent de douleur.

 

Ce gaz, il le reconnaît. C'est celui qui était employé par l'ennemi au Chemin des Dames. Il n'y a qu'une issue pour lui: ne pas respirer, se mettre à l'abri, c'est-à-dire se faufiler dans le corps de l'arbre.

 

Tandis que les habitants du village de Bourama ont été exterminés par le gaz, les occupants d'un autocar, employés de Parachimex, ont tous été tués par des armes à feu sur la route de Ségou à Mopti. 

 

Sofiane Barkhani n'avait pas été un bon élève. La lecture lui avait permis de s'en sortir. Il y consacrait tout son temps entre deux petits boulots, quand il ne chaussait pas ses baskets pour aller courir.

 

Un soir son père était rentré pour mourir, intoxiqué par des vapeurs toxiques dans l'usine où il travaillait. Sa mère avait reçu une somme et renoncé, en signant un document, à poursuivre Parachimex.

 

Devenu informaticien, Sofiane était bien décidé à s'attaquer à l'employeur de son défunt père et avait rejoint un jour les Green Angels qui combattaient les entreprises mettant en péril la mère Nature.

 

Bernard Millet, ancien ambassadeur de France au Mali, dirige le Centre de crise du Ministère des Affaires étrangères. Il a de l'expérience. En 2004 il avait dû résoudre une grave crise à Kinshasa.

 

Au même moment sa femme était morte suite à un accident de voiture. Le chauffeur du véhicule qui avait percuté le sien avait pris la fuite et n'avait pas été retrouvé. Bernard avait très vite repris son poste. 

 

En janvier 2009, Sofiane Barkhani avait répondu à une annonce du Centre de crise du ministère des Affaires étrangères qui recherchait un ancien ou actuel hacker. C'est ainsi que Bernard l'avait recruté.

 

Quand Bourama se rend à Ségou pour informer les autorités du massacre de son village, elles ne le croient pas. Il arrive non sans mal à contacter Bernard Millet qui lui a jadis remis la légion d'honneur.

 

Bourama avec sa connaissance des arbres, des hommes et de Dieu, Sofiane, avec celle de la sécurité informatique, Bernard, avec celle des crises, enquêtent ensemble sur la menace qui plane sur le monde.

 

Ce faisant, ils tissent en quelque sorte des liens de parenté entre eux. Ainsi Bourama devient-il le père de Sofiane - à qui il transmettra l'initiation qu'il a lui-même reçue - et le frère aîné de Bernard.

 

Au-delà de leur course pour éviter un événement planétaire, dont les morts au Mali et ailleurs sont les prémices, ce récit est celui de la lutte du Bien contre le Mal, où L'arbre et le sage apportent la victoire.

 

La guerre contre le Mal n'est jamais achevée. La paix est instable et fragile. L'homme peut se laisser corrompre par des passions exacerbées ou par des tentations brûlantes de puissance et de domination...

 

Francis Richard

 

Bourama - L'arbre et le sage, Patrick Lachaussée, 460 pages, Plaisir de Lire

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11 avril 2023 2 11 /04 /avril /2023 20:30
Où la chanson va, de Sébastien Ménestrier

Sébastien Ménestrier est musicien et écrivain. Dans ce livre, la musique inspire l'écriture et cela donne neuf histoires où le lecteur se fait également auditeur, d'autant que, courtoisement, l'auteur indique en fin d'ouvrage la liste des chansons qui l'ont inspiré. 

 

Dans le prologue il écrit:

La musique n'est pas l'écriture, elle ne fait pas mal. Si elle disparaît des semaines elle ne me tuera pas. J'ai commencé ces histoires où elle serait là, je l'ai suivie, et ces histoires m'ont ramené au danger. C'est lui que mes personnages affrontaient. On ne sait jamais avec le danger si on va s'en tirer. On ne peut que marcher et prier.

 

Chaque histoire est précédée d'une introduction dans laquelle l'auteur indique la chanson et le chanteur qui l'ont inspirée. Parfois le titre de l'histoire est celui de la chanson, parfois non. Lier le titre à l'interprète est donc encore la solution la plus simple.

 

Toujours sur la ligne blanche - Alain Bashung

 

Le narrateur prend en stop ledit Alain, fatigué. Il l'emmène chez lui dans sa maison à l'orée des bois: Alain pourra se reposer et lui pourra prendre enfin soin de quelqu'un. Mais c'est un mauvais garçon et il entraîne Alain dans un de ses mauvais coups.

 

Après avoir mis en danger Alain, puis l'avoir empêché de s'en aller, il cherche comment se sortir de cette situation dans laquelle il les a mis tous les deux, sans qu'ils cessent pour autant de se parler. Il trouve enfin la sortie qui permet aux deux de s'en tirer.

 

Le vaisseau - Thom Yorke (Radiohead)

 

Le narrateur, cette fois, n'est pas partie prenante dans l'histoire. Il raconte Thom, qui a une fille, Ana, qui a une voisine Helen et qui travaille dans un café. Mais un soir, quand Ana est endormie, il prend sa voiture, sort de la ville, les champs dans ses phares.

 

Il part à la rencontre de ceux qui viendront le chercher et qui ont un vaisseau blanc, très solide, auquel on monte par un escalier. Pour être au rendez-vous, il faut qu'il aille vite, de plus en vite. Alors ils viendront le chercher tout en prenant leur temps.

 

The man I love - Ira Gershwin (le petit frère de George)

 

Un vieux savant se souvient. Mettre au point sa grande idée a mis du temps: J'ai su comment naissent les vents solaires, comme ils arrivent à nous. C'est sans doute ce qui lui a évité de mal tourner, de déshonorer Maddy, de ne pas revenir vers les garçons.

 

Car, quand il était jeune, il a suivi un garçon, dont il voulait un baiser, rien qu'un baiser, parce qu'il aime les garçons. Mais, au lieu de cela, après avoir éprouvé un frisson, le vrai danger, il a été frappé, est tombé en arrière, allongé: il avait eu son baiser.

 

L'étranger - Béla Bartók

 

L'étranger, Béla Bartók, cheveux blancs, compositeur, seigneur, est venu, le mors de son cheval à la main, dans la maison où habitent la narratrice, sa mère et ses soeurs. Il venait de Hongrie après trois mois de voyage, de village en village, de maison en maison.

 

Il a demandé aux femmes du village de chanter pour lui, l'une après l'autre. Mais c'est le chant de la narratrice qu'il a écrit en dessinant des portées fines comme ses mains. Finalement il l'a suivie dans la forêt où elle l'a mis en danger avant de l'en sortir.

 

Approcher Sarah Vaughan - Amy Winehouse

 

La narratrice s'appelle Amy. Elle ne peut plus chanter. Adolescente, elle écoutait Sarah Vaughan. C'est elle qui lui avait  appris à chanter, puis elle avait été initiée par d'autres chanteuses. Elle a joué beaucoup: on a reconnu [son] nom, [sa] voix.

 

Elle a engagé Malcolm parce qu'il tiendrait même si tout autour prenait feu. Le dernier soir d'une tournée, elle n'a pas pu chanter: ils avaient payé et ne l'avaient pas eue. Le lendemain Malcolm est là. Ils partent ensemble au bord d'une rivière où elle renaît.

 

Donne ce que tu dois - Babx

 

Il avait été retenu après l'audition. Il avait été connu. Il avait signé des autographes. Pendant deux cent quatre-vingt-deux nuits, il avait été leur marionnette. Ils lui avaient choisi une fille, avant de lui annoncer qu'il avait rompu avec elle et l'avaient anéanti.

 

Les chansons qu'il avait écrites ne les intéressaient pas. Pourtant elles étaient bonnes. Un jour, il revoit la fille qu'ils lui avaient choisie et qui, comme lui, était allée jusqu'au bout avec eux. Après un nouvel échec, il la retrouve chez elle et chante pour elle.

 

Le poison - Nina Simone

 

Elle est vieille maintenant. Son fils vient lui rendre visite au pavillon des lauriers. Jadis son mari partait travailler la semaine, elle s'ennuyait et au fond ne faisait rien de ses journées, même pas lire, sinon fumer, se dénuder devant un riche étranger.

 

Pendant soixante ans, son homme et elle ont vécu ensemble, ni séparés, ni en paix. Il est parti le premier. Maintenant c'est son tour. Pour cela, elle vole des billets à son fils. Elle les donnera à la passeuse qui lui permettra de se rendre où elle veut aller.

 

La dernière fille sur Terre - Brahms

 

La narratrice refuse les boulots qu'on lui propose à l'agence. Elle vit chez une amie, qui paie tout, qui a l'argent, qui joue dans un grand orchestre. Elle lui ment quand elle lui dit qu'elle dessine toute la journée alors qu'elle marche ou couche avec des garçons.

 

Son amie n'est pas dupe. Les choses se gâtent entre elles. La narratrice fait même tout pour qu'elles ne se réconcilient pas. Il ne lui reste plus qu'à trouver un emploi minable, à remplir ses murs de dessins sombres. Le dernier inspiré de son amie lui sauvera la peau.

 

Alice - Nick Cave

 

Le narrateur, fan de Nick Cave, a la même coiffure que lui. Il écoute très fort sa chanson noire, The Mercy seat, puis sa chanson lente, Alice, dans laquelle il voit depuis chez lui une fille nue s'habiller: il l'identifie à sa nouvelle voisine de l'immeuble d'en face.

 

Il suit celle-ci jusqu'au gymnase où elle pratique la boxe. Il apprend qu'elle s'appelle Alice et jubile. Avec son père au chômage, il se rend à un combat d'Alice. Après la défaite de celle-ci, son père s'en va, lui l'attend. Elle sait qui il est, ils repartent ensemble. 

 

Francis Richard

 

Où la chanson va, Sébastien Ménestrier, 144 pages, Zoé

 

N.B. Le prologue et les neuf histoires de ce livre ont été inspirées à l'auteur par des chansons qui ont été réunies dans une playlist sur YouTube, à laquelle il est également possible d'accéder via un code QR en fin d'ouvrage.

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8 avril 2023 6 08 /04 /avril /2023 21:45
La Fabrique du corps humain, de Jérémie André

En 1543, à seulement 28 ans, [André Vésale] publia "La Fabrique du corps humain", à la fois ouvrage d'anatomie, livre d'art et manifeste pour la pratique de la dissection.

 

Dominique Mercier est médecin, ex-anatomiste, d'une lignée de tanneurs de Millau, exilés à Lausanne, où ils ont fait fortune dans le quartier du Flon après la révocation de l'Édit de Nantes. 

 

Anna Oliveira travaille depuis deux ans dans un Brother Burger, la chaîne de restauration rapide (où les corps s'épuisent), là où se situait le Cancrelat, un café autogéré de ce quartier du Flon.

 

Cinq ans plus tôt, Dominique avait suivi Anna depuis le Cancrelat, après qu'une altercation s'y était produite, jusqu'à un garage, puis jusqu'à un autre, où une trentaine de jeunes dansaient.

 

Cette rencontre n'était pas prévue dans l'équation de sa vie: c'était l'occasion d'en explorer [les] continents. Son corps l'avait devancé: son coeur s'était accéléré, sa pression artérielle élevée:

 

Il connaissait le corps froid imbibé de formol, ou le corps adolescent de l'autre, que l'on découvre avec plus de crainte et de maladresse que d'envie. Mais il ne connaissait pas le corps nimbé de désir.

 

D'abord apprenti chez Mercier, puis livreur de légumes, Jean-Pierre Salvatore est gérant du Brother Burger où travaille Anna. Il est l'archétype du self-made man, du manager optimiste.

 

Que puis-je faire pour me rendre meilleur? pourrait être, sur sa tombe, une épitaphe parfaite, une question aux multiples réponses possibles, se dit-il, en se moquant volontiers de lui-même.

 
Inopinément Dominique se rend avec Michael, un collègue et ami médecin, au Brother Burger. Il aperçoit Anna qui feint de l'ignorer. Jean-Pierre prépare un discours destiné à ses employés.

 

Anna et Dominique s'étaient séparés sur des incompréhensions, l'éloignement géographique - il était parti suivre un programme Erasmus - n'arrangeant rien. Ils n'avaient plus su communiquer...

 

L'actuelle incommunicabilité des êtres, d'où les occasions manquées, sont la trame de cette satire, où Jean-Pierre se fait mieux comprendre en discourant qu'en dialoguant avec Anna ou Dominique.  

 

Pas sûr qu'Anna et Dominique renouent: pourtant c'est si agréable de penser que les bonheurs du passé peuvent surgir à nouveau et nous transporter comme si le temps ne nous avait pas changés...

 

Francis Richard

 

La Fabrique du corps humain, Jérémie André, 144 pages, Olivier Morattel Editeur (France)

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4 avril 2023 2 04 /04 /avril /2023 20:20
Comment je suis devenu écrivain, de Raymond Delley

Raymond Delley a écrit trois romans, dans l'ordre de parution:

- Les Clairières (2017)

- Quelques jours en automne (2019)

- Comédie humaine (2022)

qui constituent ce qu'il appelle une Trilogie de la mémoire.

 

Dans Comment je suis devenu écrivain, à un moment du récit, il raconte comment lui sont venues ces histoires à partir de choses vues et d'êtres réels qu'il a réussi à métamorphoser...

 

Son éditeur, Michel Moret, lui a demandé d'écrire son autobiographie littéraire. Le résultat est une introspection qui permet d'avoir un bel aperçu de l'homme comme de l'oeuvre.

 

Celui qui lit et parle des livres pour eux-mêmes et, proustien, distingue l'oeuvre de leur auteur, ne se désintéresse pas de ce dernier. Mais son intérêt pour lui ne peut être le même.

 

Que Raymond Delley ait été professeur n'a pas fait de lui un écrivain: il a mué. À la fin, il donne malicieusement la parole au professeur pour savoir ce qu'il a à dire de l'écrivain...

 

Comme chez tout homme, il faut revenir à l'enfance, c'est-à-dire à la genèse, pour comprendre l'écrivain qu'il est devenu et qu'il est, ce qui, en lui, est changeant et permanent.

 

Pour mieux parler de l'enfant qu'il a été, il le met à distance en employant la troisième personne du singulier et ne revient à la première, naturellement, que lorsqu'il est fait homme.

 

Il ne s'agit donc pas de sa part d'une quelconque fatuité mais d'une commodité. Et cet enfant qu'il a été préfigure et porte déjà en lui l'homme, le professeur et l'écrivain qu'il sera.

 

Cet enfant, en s'éveillant à la langue, fait l'apprentissage des mots dont il a le pressentiment qu'ils sont toujours plus que les choses, qu'en eux [brille] une lumière qui [vient] de loin.

 

Dans les livres que lisent les jeunes de son époque, les mots, d'une inépuisable beauté, lui laissent apercevoir d'autres temps, d'autres espaces, le monde entier, entrevoir l'Invisible.

 

Au pensionnat, grâce à un grand, il s'aventure dans la lecture sérieuse, puis, dans la poésie, grâce à un professeur, Louis Page, qui, précédemment, lui avait fait aimer les dictées.

 

Au collège, où ils étaient une matière scolaire, puis à l'université, où ils sont devenus un domaine de savoir, les livres n'ont pas cessé d'occuper une place essentielle dans [sa] vie. 

 

Ceux qui, comme lui, lecteurs insatiables, remettent souvent sous leurs yeux des passages d'ouvrages lus et aimés ou qui récitent des vers jadis appris, conviendront avec lui:

 

Une oeuvre littéraire ne vaut que par le style, c'est-à-dire par la manière dont l'auteur imprime à la langue une marque nouvelle, une inflexion originale, une empreinte singulière.

 

Francis Richard

 

Comment je suis devenu écrivain, Raymond Delley, 136 pages, Éditions de l'Aire

 

Livre précédent:

 

Quelques jours en automne (2019)

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26 mars 2023 7 26 /03 /mars /2023 19:15
L'examen, de Bastien Fournier

Certains Français s'exilent en Suisse. Certains Suisses, en France. Bastien Fournier fait partie de ces derniers. Il faut le souligner parce que c'est tout de même plus rare de nos jours.

 

Comment est-il arrivé là, à Irancy, dans l'Yonne? C'est toute une histoire qu'il raconte dans L'examen, qui est en fait le concours français d'agrégation de lettres classiques où il a été reçu.

 

Comme le récit est chaotique, qu'il effectue des allers et retours plus ou moins lointains dans son passé, c'est au lecteur, s'il aime la chronologie rassurante, de la reconstituer de lui-même.

 

Né à Sion en 1981, Bastien Fournier exerce le métier de libraire, faisant des remplacements dans un collège, avant que d'enseigner, un provisoire qui va durer, dans le lycée d'un bourg:

 

Je demeure treize années sous la falaise de Saint-Escarpe.

 

Comment a-t-il connu la mère de ses trois enfants? En l'accueillant à la descente du train, comme on le lui a demandé, pour la conduire au théâtre, et en allant plus loin avec elle, par affinités.

 

Leurs affinités électives, ce sont les arts et lettres, les spectacles - il écrit pour le théâtre, elle met en scène - et les voyages - ils entreprennent de parcourir l'Europe ensemble en automobile.

 

À Besançon, il passe en février l'épreuve de dissertation de littérature française qui dure sept heures et où il remplit dix-neuf pages interlignées, crampes douloureuses dans la main.

 

Quand c'est fini, il fume enfin: oh la fumée de tabac sous le ciel froid et la cime nue des arbres, oh son trajet dans la gorge et les bronches, jusqu'au ventre, oh son âpre et chaude caresse...

 

Pour être admissible, ce mois de février, il passe encore les épreuves écrites de grec et latin; pour être admis, en juin, les épreuves orales: leçon, français, grec, latin, ancien français.

 

Les consignes données par la présidente du jury et rapportées avec humour par le futur lauréat sont on ne peut plus claires et désuètes et ne pourront que ravir les lecteurs d'un autre temps:

 

On choisit son vocabulaire, y compris avant et après la prestation orale; on est prié de saluer à l'entrée et à la sortie; on veut une cordialité sans familiarité, du sérieux, de la rigueur et de la  ponctualité. On maîtrise son émotion. La veste on ne la tombe qu'à l'invitation du jury.

 

Qui peut encore s'intéresser aux lettres classiques? Celui qui, comme l'auteur, chérit la littérature, a le prurit d'écrire, paru à l'adolescence, cleptomane du temps gagné sur celui d'autrui:

 

Qu'y puis-je si toujours, à moins d'intrigues policières codées d'avance par l'histoire du genre, qu'y puis-je si ce sont à chaque fois des histoires de voyages, de périples, de fugues, de déménagements qui me viennent à l'esprit? Partir et écrire procéderaient-ils du même mouvement?

 

Francis Richard

 

L'examen, Bastien Fournier, 138 pages, Éditions infimes

 

Livres précédents:

 

L'assassinat de Rudolf Schumacher, L'Aire (2014)

La suppliante et autres textes, Lansman (2015)

La cagoule, L'Aire (2018)

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21 mars 2023 2 21 /03 /mars /2023 19:25
Souvenirs d'un enfant de Genève, Jacques-André Reymond

Pourquoi et pour qui ai-je écrit les pages qui suivent? Je n'en sais trop rien. D'abord pour moi-même, ou pour ce double qui partage ma vie et s'immisce dans mes pensées, et que j'aime appeler "mon Maître", par dérision, mais dérision feinte, car il est rare que je parvienne à le séduire ou le vaincre.

 

Jacques-André Reymond se demande ensuite s'il écrit pour sa famille, pour un chroniqueur social à venir, dans un siècle, ou pour laisser sur terre une empreinte...

 

Le lecteur, qui n'est pas si éloigné de lui que cela dans le temps, y trouvera matière à se souvenir du monde que l'auteur a aimé à raison et qui a disparu pour toujours.

 

Jacques-André Reymond, pour le situer, a huit ans en mai 1945, quand la guerre prend fin, et c'est elle qu'il évoque d'abord dans ses Souvenirs d'un enfant de Genève.

 

Ses souvenirs de la guerre ne lui reviennent pas dans un ordre chronologique. Mais il les replace dans le contexte du milieu petit bourgeois auquel il appartient alors:

 

Me remémorant, à la fois, notre existence, sans fanfaronnade ni tripotage, et les horreurs commises par vaincus et vainqueurs, le Goulag, la Shoah, Nagasaki..., je reste fier de nos pères, de leur volonté farouche d'indépendance, dans un pays encerclé, menacé d'invasion par un dément et son peuple ensorcelé.

 

La guerre n'est pas terminée quand il va à l'école. Il ne s'intéresse pas aux filles: elles ne jouaient pas au football. C'est le bon vieux temps, sans vandalisme ni violence:

 

Je suis seulement témoin que nous laissions nos portes ouvertes, nos vélos sans cadenas, que les gens payaient leur journal, que les vieilles dames n'avaient pas de chaînes à leur sac à main, et que les jeunes filles, si elles étaient sorties seules le soir, auraient pu traverser les Bastions sans danger.

 

À sept huit ans, il se met à des lectures d'adulte quand il est puni et enfermé dans un  grenier où sont rangés des livres, de Simenon p.ex. qu'il n'a jamais cessé d'aimer: 

 

Ainsi, dans ma mansarde, je perdais mon innocence et découvrais la vie, et quand ma mère venait m'ouvrir, un peu inquiète de ne plus entendre le bruit rassurant de mes coups de pied et de mes pleurs, je lui dissimulais mon livre.

 

À l'automne 1949 il entre au Collège Calvin. La cruauté des élèves, sans être complètement inconsciente, y est juvénile et moins vicieuse qu'instinctive. Lâches et sans pitié:

 

Nous ne chahutions pas ceux que nous n'aimions pas, mais ceux qui étaient vulnérables, sans nous rendre compte de leurs souffrances, sans comprendre que nos petites morsures, nos coups de griffe, répétés jour après jour, finissaient par ouvrir et faire saigner chez nos victimes des plaies inguérissables. Mais pourquoi nous laissait-on faire, et comment...

 

Un des livres, La Mascogne, de Jean-Claude Fontanet, qui est la chronique de la triche dans une classe de matu, ressemble à ce que l'auteur a connu au Collège de Genève:

 

Certains trichaient en secret, d'autres partageaient leurs recettes, personne, même celui qui restait à l'écart du système, ne le jugeait immoral ou injuste. Seuls étaient blâmés les tricheurs qui se faisaient prendre, parce qu'ils réveillaient les soupçons des maîtres.

 

Dans ce livre, ce témoin d'un autre temps ressuscite sa famille, ses maîtres, ses camarades, des livres dont l'univers merveilleux lui a été ouvert lors de ses séjours au grenier.

 

Dans son panthéon français figurent Racine, Chateaubriand, Baudelaire, Hugo, Proust et dans son panthéon anglo-saxon Shakespeare, Stevenson, Conrad, Kipling:

 

Comment ne pas mentionner parmi ceux que j'aime encore, Borges et Tchekhov ?

 

Francis Richard

 

Souvenirs d'un enfant de Genève, Jacques-André Reymond, 192 pages, Éditions de l'Aire

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18 mars 2023 6 18 /03 /mars /2023 22:20
Volodia, d'André Ourednik

Volodia est l'ex-président de la Fédération. Ceux qui se sont emparés de ce dictateur décident de le mettre à mort et se demandent comment procéder.

 

Aussi ces scientifiques imaginent-ils quatre variantes. Pour se rendre compte de l'effet que chacune pourrait avoir sur Volodia, ils les testent une à une.

 

Pour ce faire, ils observent les réactions que Volodia pourrait avoir sur les cerveaux de clones, qu'ils ont fabriqués, en les confrontant aux 4 éléments.

 

La Terre est représenté par un labyrinthe, l'Air par une tour d'ivoire, l'Eau par un aquarium, le Feu par une rôtissoire, transformés en instruments de torture.

 

Car, ce qui frappe, quand André Ourednik détaille les quatre variantes, c'est le raffinement dans la cruauté des moyens utilisés pour cette mise à mort.

 

Pour se laver les mains, ces pilates demanderont à d'autres de choisir entre les 4 variantes, aux visées sacrificielles, et qui le disputent en barbarie technique:

 

- Nous tirerons au sort cent mille personnes à l'aide d'un processus d'échantillonnage pondéré. Elles visionneront les quatre alternatives et voteront pour la meilleure. Cela vous va?

Cela leur sembla équitable.

 

Pour permettre à l'échantillon sélectionné de choisir, ils se sont branchés sur les quatre cerveaux cobayes pour en tirer les images des souffrances éprouvées.

 

Quelle que soit la variante retenue et pourquoi, l'exécution n'en  sera pas moins inhumaine et les juges désignés ne vaudront pas mieux que leur supplicié...   

 

Francis Richard

 

Volodia, André Ourednik, 80 pages, La Baconnière

 

N.B.

 

André Ourednik participe, au Salon du Livre de Genève, le 23 mars 2023, à 15h, sur la scène du Cercle, à une rencontre avec Eugène, auteur de Lettre à mon dictateur, sur le thème: De l'enquête au tribunal. Que faire des dictateurs?

 

Livres précédents:

 

Contes suisses, 184 pages, Éditions Encre Fraîche (2013)

Les cartes du boyard Karienski, 280 pages, La Baconnière (2015)

Omniscience, 276 pages, La Baconnière (2017)

Atomik submarine, 216 pages, Art & Fiction (2018)

Hypertopie, 78 pages, La Baconnière (2019)

Robopoïèses, 216 pages, La Baconnière (2021)

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Présentation

  • : Le blog de Francis Richard
  • : Ce blog se veut catholique, national et libéral. Catholique, il ne s'attaque pas aux autres religions, mais défend la mienne. National, il défend les singularités bienfaisantes de mon pays d'origine, la France, et celles de mon pays d'adoption, la Suisse, et celles des autres pays. Libéral, il souligne qu'il n'est pas possible d'être un homme (ou une femme) digne de ce nom en dehors de l'exercice de libertés.
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  • Francis Richard
  • De formation scientifique (EPFL), économique et financière (Paris IX Dauphine), j'ai travaillé dans l'industrie, le conseil aux entreprises et les ressources humaines, et m'intéresse aux arts et lettres.
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